UN POING TROP LONG

LE REPAS DU GUERRIER, FREDDY MILLIGAN
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 7, 1967
REBROCHAGE : ESPION CLUB POLICE # 1, 1969

La coupure se chope dès l'avertissement au lecteur. Mon vieux, tu n'as pas affaire à un tendre... ni à un procrastinateur de la prose en quatre. Freddy Milligan est cuit à point, rond comme un polak, noir comme un trou et il a le plaisir de te bonnir sa petite histoire depuis le bistroquet d'en bas de chez lui, une pogne agrippée au zinc du rade, l'autre tambourinant sa machine à écrire modèle batterie de campagne, un paille ventousée à la bouche et distillant à l'enviable puissance d'aspiration d'un centilitre/seconde tout un régiment de boissons hautement (douteusement ?) fermentées dans l'œsophage de notre homme.
"Avis aux intellectuels non-violents, lavedus et autres demi-portions qui croiraient se retrouver dans les pages de ce chef-d'oeuvre. Je préférerais écrire ma prose avec une balayette de gogue plutôt que de m'inspirer de leur trombine mal équarrie."
Et ça ne s'améliore pas les pages suivantes. Car Le Repas Du Guerrier, c'est une aventure d'Harry Fontana et "quand on s'appelle Harry Fontana the as of the as des services spéciaux-Français, on n'est pas une lavette."
Harry Fontana, ouais. Une Renault Alpine en guise de tire et un vieux qui fume les habituels "infects petits cigares dont l'odeur vous rend malade en moins de temps qu'il n'en faut à un clochard pour vider un litron de postillon clairet" en guise de grand chef du service barbouzeur.
Harry Fontana, ouais bis. Sourire ultra-bright, physique aux petits oignons et biscottos où's'qu'il faut bien comme il faut. Rajoutons : forte tendance à Eddy Constantiniser à outrance et grand spécialiste es bons mots vaseux.
Ne prenons pas de gants : avec lui, c'est le bidet aux gags constant. Toutes les eaux usées du comique troupier y passent. Des entêtes de chapitre ("Amène ta mère que je te refasse") aux notes de bas de pages ("j'essaierai de faire meuh! la prochaine fois..."), c'est le siphon (font, font) à tous les étages.
"J'ai l'impression de mettre les bouchées doubles..."
Et ce n'est pas qu'une impression. L'homme est déchainé, autant physiquement (page 41, il se casse par deux fois la figure en coursant des agents ennemis) que mentalement. Fontana / Milligan ont les méninges qui déménagent, pire qu'une horde de fils de pub cocaïnés en plein brainstorming pour réclame de lessive.
Échantillon gratuit : lorsqu'un bruit déchire la nuit, le narrateur nous informe qu'on "apprend de sources généralement bien informées qu'elle fut très rapidement recousue."
Notons aussi (c'est ma tournée) ce nœud qui lie les pognes du héros, page 111, et qui se révèle indéfaisable because il (le nœud) "devait avoir lu trop de bouquins policiers."
Notons encore (je me sens d'humeur généreuse) cet aéroport Berlinois, où les avions "atterrissent entre deux rangées d'immeubles, ce qui faisait toujours son petit effet maison."
Bref, on se marre, on se marre. On navigue, tel des canards sauvages, entre San-Antonio (en moins bon et plus court) et le colonel Céruse (en plus cool et moins naze.)
Certes, passé les 120 premières pages, l'auteur voit parfois l'aiguille de son inspiration tourner à rebours, l'ensemble est un poil trop long, ça se répète et ça vasouille mais tous comptes faits, et déductions de frais incluses, on s'y retrouve largement : 50 centimes pour le bouquin, 180 minutes dans un fauteuil club et 3 litres de bière discount à portée de main - à 84 centimes le litre à la supérette du coin, ça nous fait l'ensemble à 3 euros et 2 centimes, soit la minute de bon temps à tout juste 0,0107857 centime et des poussières.
Comparé aux tarifs en vigueurs chez les respectueuses
- 40 euros pour une demi-heure, toilette intime incluse - c'est franchement avantageux.
Et je pèse mes mots.

Reste qu'il faut avoir, pour pleinement apprécier l'expérience con et ignitive qu'est Le Repas du Guerrier, les muscles zygomatiques peu exigeants. Fred atterre, c'est le problème avec les claquettes : on a la chute facile.
D'autant plus facile que l'auteur a tendance à noyer le poisson avec des astuces n'ayant pas la fraicheur de ta petite sœur et que, puisqu'on en cause (du poisson, pas de ta sœur), je vais conclure en queue d'icelui, e
xactement comme ceci :
Plouf.
Glou, glou.
Hop.
Et si t'es pas content, va te faire une raison en Grèce, mon pote.

2 commentaires:

Zaïtchick a dit…

Toujours bien chroniqué pour l'hiver ! ^^

Anonyme a dit…

tu as un fauteuil club toi?
fais gaffe que ça soit pas un fauteuil chippendale...