TERMINUS ELDORADO, MICHAËL BORGIA
LE GRAND CHAPERON NOIR, MICHAËL BORGIA
ROBERT LAFFONT / TNT # 6 & # 7, 1979
Série française produite dans les années 70 par Pierre Rey et Loup Durand sous le pseudonyme collectif de Michaël Borgia, TNT m'avait surpris avec Le Septième Cercle, un premier roman aussi délirant qu'halluciné - deux qualificatifs à prendre bien évidement avec les pincettes de cette litterature de genre qu'est le roman viril.
Délirant, halluciné,... mais viril.
Car TNT, ce n'est pas Le Lombilic des Limbes ou Les Chants de Maldoror. Ce n'est pas non plus Vice Versa ou Les Quatriemes Demeures.
C'est du roman de grande-surface, du roman d'homme frustre, du roman d'homme frustre qui laboure et qui calcine, qui débourre et atomise. Du roman d'homme frustre qui rentre de la mine mais goute néanmoins aux fins plaisirs de la chose littéraire. L'homme frustre qui veut de l'action, de la pénétration, de mystification mais sans non plus négliger la beauté de l'écriture et son échafaudage d'intrigues subtiles.
L'homme frustre éduqué, instruit et briqué, en quelque sorte.
Bref. Vient le week-end et le gars s'en va débourser sa menue monnaie. Il sait ce qu'il veut et ce qu'il veut, ce n'est pas du SAS ou du Brigade Mondaine. Ce qu'il veut, c'est du foie gras discount - celui qu'avec l'alcool aidant, tu ne distingues pas vraiment du foie gras de luxe.
Il veut de la qualité.
Et donc, du TNT.
TNT, c'est l'acronyme de Tony Nicholas Twin. Le héros en titre de cette série, c'est à dire notre héros du jour.
TNT, c'est un type super grand, ultra-balèze et très très déterminé. Un journaliste casse-cou transformé via explosion atomique sur un atoll perdu du pacifique en un individu aux capacités physiques exceptionnelles. Les 5 sens décuplés, façon personnage à la Stan Lee, et la proue raide comme le glaive d'un templier. je veux dire que, sexuellement parlant, notre homme est une force de la nature.
Il peut baiser des heures et des heures sans baisser le pavillon ni même verser la plus petite goute de sueur.
Mais surtout c'est un type doté d'un comportement aussi imprévisible qu'inquiétant.
Du genre qui s'exprime avec autant de verve qu'une borne kilométrique tout en t'observant de ses yeux d'un bleu banquise à l'éclat implacable.
Du genre que, juste en l'apercevant au loin, t'as déjà les grelots aux niveaux des genoux et la pomme d'adam qui imite l'ascenseur de la tour Montparnasse.
Du genre qu'à son approche, tu préfères passer ton chemin tandis que les balourds du coin se voient réduire leur couenne de plusieurs portions en une bidoche sanguinolente à faire la fortune d'un grossiste spécialisé en charcutaille malmenée.
Tu piges le topo.
Et donc TNT effectue des missions. Le plus souvent contre son grès. Lâché sur une piste internationale par Arnold Benedict, mécène mégalomaniaque, magnat despotique, bonne poire comique à la sublime pas très éloignée des protagonistes allumés tapissant les œuvres proto-auto-fictionnelles que Pierre Rey publiait dans la collection grand format Robert Laffont.
Ainsi, dans Terminus Eldorado, sixième volume de la série, TNT est envoyé en Amérique Latine pour y démanteler une mystérieuse Armée Noire, regroupement de mercenaires sanguinaires combattant les intérêts du marxisme-léninisme sous les ordres d'un certain Pizarre, "le Napoléon de la guerre subversive", et financée par un certain Torquemada, illuminé grande classe au passé nébuleux.
Chemin faisant, TNT sera confronté a une machine à enseigner la mort (décalque sans grand intérêt du jeu de l'oie constituant le final du Septième Cercle, sa première aventure) avant de découvrir l'Éldorado, cette contrée secrète aux habitants désinhibés comme de grands enfants hyper-sexués et aux fondations rocheuses faites d'or.
Et c'est bien cette dernière partie du roman qui retient toute l'attention, entre exactions virile et poésie bon marché, militaires qui mitraillent et sauvages qui copulent.
Quant au volume suivant, Le Grand Chaperon Noir, il voit TNT affronter le Cancer, un ennemi aussi impalpable que dangereux (disons : Baader-Meinoff sous transfusion de Docteur No), pour assurer la survie d'un enfant hémophile et dont les veines charrient le très rare sang de Bombay.
C'est aussi haut en couleur que distrayant. Il y a le royaume des morts et son Staline zombie, il y a le plus grand cirque du monde et sa parade viennoise, il y a enfin des dizaines d'agents secrets se dézinguant à qui mieux mieux dans leurs berlines pendant que TNT course des infirmiers homicidaires maniant le scalpel comme d'autres le surin.
On ne lésine pas sur les moyens.
C'est du grand spectacle avec comme personnage principal un super-héros sex-machine, un baroudeur commando au piston sur-actif.
Et c'est un peu cela TNT.
Une série bigger-than-life - je dirais même plus : bigger-than-gare. Car le roman de gare, dans toute cette infernale tambouille, le roman de gare se voit méchamment tourneboulé.
TNT, ce n'est pas du SAS, c'est de la dynamite !
C'est Paul Loup Sulitzer sodomisé par Serge Brussolo, c'est L'Implacable de Murphy et Sapir revu et corrigé à la française, c'est Doc Savage délirant en pleine crise pétrolière, entre background financier et défonce musclée, surréalisme bien digéré et frissons populaires largement assurés.
Et je m'en vais conclure là dessus.
Car j'imagine que si Joël Houssin avait ghost-writé un pseudo-Exécuteur fantastique pour le compte de Gérard de Villiers, nous ne serions sûrement pas tombé très loin de TNT.
Alléchant, n'est-il pas ?
LE GRAND CHAPERON NOIR, MICHAËL BORGIA
ROBERT LAFFONT / TNT # 6 & # 7, 1979
Série française produite dans les années 70 par Pierre Rey et Loup Durand sous le pseudonyme collectif de Michaël Borgia, TNT m'avait surpris avec Le Septième Cercle, un premier roman aussi délirant qu'halluciné - deux qualificatifs à prendre bien évidement avec les pincettes de cette litterature de genre qu'est le roman viril.
Délirant, halluciné,... mais viril.
Car TNT, ce n'est pas Le Lombilic des Limbes ou Les Chants de Maldoror. Ce n'est pas non plus Vice Versa ou Les Quatriemes Demeures.
C'est du roman de grande-surface, du roman d'homme frustre, du roman d'homme frustre qui laboure et qui calcine, qui débourre et atomise. Du roman d'homme frustre qui rentre de la mine mais goute néanmoins aux fins plaisirs de la chose littéraire. L'homme frustre qui veut de l'action, de la pénétration, de mystification mais sans non plus négliger la beauté de l'écriture et son échafaudage d'intrigues subtiles.
L'homme frustre éduqué, instruit et briqué, en quelque sorte.
Bref. Vient le week-end et le gars s'en va débourser sa menue monnaie. Il sait ce qu'il veut et ce qu'il veut, ce n'est pas du SAS ou du Brigade Mondaine. Ce qu'il veut, c'est du foie gras discount - celui qu'avec l'alcool aidant, tu ne distingues pas vraiment du foie gras de luxe.
Il veut de la qualité.
Et donc, du TNT.
TNT, c'est l'acronyme de Tony Nicholas Twin. Le héros en titre de cette série, c'est à dire notre héros du jour.
TNT, c'est un type super grand, ultra-balèze et très très déterminé. Un journaliste casse-cou transformé via explosion atomique sur un atoll perdu du pacifique en un individu aux capacités physiques exceptionnelles. Les 5 sens décuplés, façon personnage à la Stan Lee, et la proue raide comme le glaive d'un templier. je veux dire que, sexuellement parlant, notre homme est une force de la nature.
Il peut baiser des heures et des heures sans baisser le pavillon ni même verser la plus petite goute de sueur.
Mais surtout c'est un type doté d'un comportement aussi imprévisible qu'inquiétant.
Du genre qui s'exprime avec autant de verve qu'une borne kilométrique tout en t'observant de ses yeux d'un bleu banquise à l'éclat implacable.
Du genre que, juste en l'apercevant au loin, t'as déjà les grelots aux niveaux des genoux et la pomme d'adam qui imite l'ascenseur de la tour Montparnasse.
Du genre qu'à son approche, tu préfères passer ton chemin tandis que les balourds du coin se voient réduire leur couenne de plusieurs portions en une bidoche sanguinolente à faire la fortune d'un grossiste spécialisé en charcutaille malmenée.
Tu piges le topo.
Et donc TNT effectue des missions. Le plus souvent contre son grès. Lâché sur une piste internationale par Arnold Benedict, mécène mégalomaniaque, magnat despotique, bonne poire comique à la sublime pas très éloignée des protagonistes allumés tapissant les œuvres proto-auto-fictionnelles que Pierre Rey publiait dans la collection grand format Robert Laffont.
Ainsi, dans Terminus Eldorado, sixième volume de la série, TNT est envoyé en Amérique Latine pour y démanteler une mystérieuse Armée Noire, regroupement de mercenaires sanguinaires combattant les intérêts du marxisme-léninisme sous les ordres d'un certain Pizarre, "le Napoléon de la guerre subversive", et financée par un certain Torquemada, illuminé grande classe au passé nébuleux.
Chemin faisant, TNT sera confronté a une machine à enseigner la mort (décalque sans grand intérêt du jeu de l'oie constituant le final du Septième Cercle, sa première aventure) avant de découvrir l'Éldorado, cette contrée secrète aux habitants désinhibés comme de grands enfants hyper-sexués et aux fondations rocheuses faites d'or.
Et c'est bien cette dernière partie du roman qui retient toute l'attention, entre exactions virile et poésie bon marché, militaires qui mitraillent et sauvages qui copulent.
Quant au volume suivant, Le Grand Chaperon Noir, il voit TNT affronter le Cancer, un ennemi aussi impalpable que dangereux (disons : Baader-Meinoff sous transfusion de Docteur No), pour assurer la survie d'un enfant hémophile et dont les veines charrient le très rare sang de Bombay.
"De toutes les missions où il s'est jamais jeté, celle-ci est assurement la plus folle..."C'est un peu survendre l'ouvrage - il faut bien avouer que, pour notre héros et ses auteurs, surpasser les enjeux dantesques de sa première aventure relève de la gageure - mais l'ensemble tient bien la route.
C'est aussi haut en couleur que distrayant. Il y a le royaume des morts et son Staline zombie, il y a le plus grand cirque du monde et sa parade viennoise, il y a enfin des dizaines d'agents secrets se dézinguant à qui mieux mieux dans leurs berlines pendant que TNT course des infirmiers homicidaires maniant le scalpel comme d'autres le surin.
On ne lésine pas sur les moyens.
C'est du grand spectacle avec comme personnage principal un super-héros sex-machine, un baroudeur commando au piston sur-actif.
Et c'est un peu cela TNT.
Une série bigger-than-life - je dirais même plus : bigger-than-gare. Car le roman de gare, dans toute cette infernale tambouille, le roman de gare se voit méchamment tourneboulé.
TNT, ce n'est pas du SAS, c'est de la dynamite !
C'est Paul Loup Sulitzer sodomisé par Serge Brussolo, c'est L'Implacable de Murphy et Sapir revu et corrigé à la française, c'est Doc Savage délirant en pleine crise pétrolière, entre background financier et défonce musclée, surréalisme bien digéré et frissons populaires largement assurés.
Et je m'en vais conclure là dessus.
Car j'imagine que si Joël Houssin avait ghost-writé un pseudo-Exécuteur fantastique pour le compte de Gérard de Villiers, nous ne serions sûrement pas tombé très loin de TNT.
Alléchant, n'est-il pas ?
8 commentaires:
Paul Loup Sulitzer sodomisé par Serge Brussolo, je suis en effet TRES alléché !
J'ai vu Sulitzer au dernier salon de Brive-la-gaillarde, en train de s'enquiquiner derrière ses bouquins pendant que personne ne s'arrêtait. Et je me suis dit : c'est la fin d'une époque… (Même si je ne vais pas pleurer sur son sort, cela dit)
Pauv' P.L.S.
Mais faut bien dire que, dans son cas, les années 90/2000 ont été meurtrières...
Et "Paul Loup Sulitzer sodomisé par Serge Brussolo" ce ne sont pas des paroles en l'air, mon p'tit Lolo !
TNT préfigure vraiment les jeux de l'oie baroques que Brussolo écrira quelques années plus tard en Anticipation et Loup Durand, l'un des deux auteurs se cachant derrière le pseudo de Michaël Borgia, était le "fameux" nègre de Paul Loup Sulitzer...
Il y a eu une adaptation BD du 7e cercle. Sans doute l'éditeur espérait-il un succès comparable à Largo Winch.
Caramba. Encore raté.
Oui, on dit que justement, en perdant Loup Durand (parti devenir besteuh-selleur tout seul comme un grand), Sulitzer a tout perdu…
Quant on voit la littérature industrielle des James Patterson (sur qui il y eut un article édifiant dans le NY Times, comme quoi il devenait une "marque" comme une autre, Patteron et Tampax même combat), on se dit que ce vieux Sul' avait de l'avance… Malheureusement !
Zaït' : c'est vrai qu'il y a aussi une filiation 'Largo Winch' chez TNT...
Kerys : je ne connaissais pas ce monsieur Patterson... et ça fait un peu peur...
mais bon, tous ces types-là n'ont fait (ou ne font) que creuser le sillon de ce sacré Mickey Spillane qui aimait à déclarer ne pas avoir de 'lecteurs' mais juste des 'consommateurs'... en tout cas, des 'clients' - un peu comme un vendeur de chnouf... ou de lessive ;)
Le "système" Patterson consiste à arroser, occuper les étals avec jusqu'à sept romans par an portant sa marque : jeunesse, polar… Et se tenir au courant : s'il entend parler d'un auteur prometteur d'un pays où il vend, il l'embauche pour produire sous sa marque avec sa moulinette. Avec des résultats douteux, voire la nullité crasse de son dernier ("Lettres du tueur" ou kek'chose comme ça). Et ça passe, conformisme moutonnier aidant, le public consomme, transi de terreur à l'idée de ne pas faire comme tout le monde.
Ce qui oblige les éditeurs à se concentrer sur leurs "marques". Du coup, selon le système imposé par un certain Patterson, James, un certain James, Patterson, dont les premiers romans n'ont pas cassé la baraque, n'aurait eu le droit d'exister…
Accessoirement, celui que Stephen King a qualifié d'auteur médiocre va en plus chouiner de ne pas avoir la reconnaissance de ses pairs !
ah oui... dit comme ça, ça fait vraiment peur...
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