L'HOMME AU CRÂNE D'ARGENT, PAUL EDWARDS
PRESSES DE LA CITÉ / LE MERCENAIRE # 14, 1977
L'essence du style Lyle Kenyon Engel, sous quelque franchise ou pseudonyme que ce soit, est dans l'absence totale de retenue.
Les Killmaster de Nick Carter, les Penny S. de Paul Kenyon, les Mercenaire de Paul Edwards et les premiers Blade de Jeffrey Lord ont tous en commun qu'ils sont crus et vulgaires, bêtes et jouissifs, jamais élégants et pourtant parfaitement mémorables.
Ainsi, à propos d'une secrétaire qui passe innocemment dans les parages du chapitre 3, l'auteur écrit de but en blanc :
BAISER ! BAISER ! BAISER ! comme le hurlait si bien le sexe qui parle dans le film du même nom. Et comme le clame la fille du super-méchant mégalo à qui s'oppose John Eagle, alias le Mercenaire, dans ce roman : "Je n'en ai jamais assez [...] il n'y en a pas assez pour moi dans le monde entier."
Le super-méchant mégalo, justement, parlons-en. C'est (quasiment comme d'habitude chez Kenyon) le plus grand criminel en col blanc de son époque et il ne fait pas dans la dentelle.
Penny S. est une espionne qui pose mensuellement en couverture de revues de mode, Nick Carter fume des cigarettes portant ses initiales en lettres dorées sur le bout filtre et John Eagle répond aux ordres d'un certain monsieur Merlin, milliardaire infirme écrivant des best-sellers d'action dans "une pièce aux murs de verre qui pouvait tourner sur elle même, grâce à un système hydraulique."
Ici, tout est prétexte à la sur-enchère et le commissaire-priseur est dingue comme un shadok à la cervelle anabolisée par la lecture de Playboy.
Pourquoi faire simple lorsque l'on peut alambiquer, complexifier, gadgétiser à foison. Un univers tout en surbrillance, enjolivé comme un bijou toc et qui en ferait trop, beaucoup beaucoup trop, pour se faire remarquer.
L'ensemble possède un charme indéniable, bien souvent loué sur ce blog. Revers de la médaille, l'ensemble génère aussi, de temps à autres, des promesses qu'il ne peut tenir sur la longueur.
C'est le cas de L'Homme Au Crâne D'Argent, pénultième volume de la série aux USA, dernier en France (ne cherches pas à comprendre : les Presses de la Cité se mélangeait souvent les pinceaux sur la numérotation originale de ses diverses importation).
Le sous-marin, les perversions, la coupole en metal précieux, c'était trop beau pour durer. Manning Lee Stokes, qui ghost-write pour l'occasion sous le pseudo de Paul Edwards, tire rapidement la langue. Ce jour-là, il ne devait certainement pas tenir la grande forme.
Ainsi, après une enquête sans grand intérêt concernant une histoire de kidnapping et de concessions pétrolières, le bouquin bifurque sur une morne escapade dans la jungle sud-américaine.
Exactement comme pour un bus de touristes dans une réserve naturelle.
À votre droite, les piranhas voraces. À votre gauche, les indiens réducteurs de tête. Et si vous regardez bien sous les fourrés, vous pourrez apercevoir quelques révolutionnaires castristes.
Merci pour votre attention et n'oubliez pas le guide.
Le guide, lui, s'était clairement oublié. Il en néglige même de conclure son ouvrage décemment, c'est à dire par une confrontation musclée entre le gentil et le vilain. Le vilain meurt par hasard, le gentil retrouve son corps un peu plus tard, affaire classée.
Ce sont des choses qui arrivent, faut pas se leurrer. La came est parfois mal coupée et, contrairement aux héros dont nous dévorons les exploits, nous autres lecteurs, nous ne gagnons pas à tous les coups.
Ce qui ne m'empêchera tout de même pas de t'avouer que je n'en aurai jamais assez. Non, vraiment, de la fiction populaire outrancière et débridée,
PRESSES DE LA CITÉ / LE MERCENAIRE # 14, 1977
L'essence du style Lyle Kenyon Engel, sous quelque franchise ou pseudonyme que ce soit, est dans l'absence totale de retenue.
Les Killmaster de Nick Carter, les Penny S. de Paul Kenyon, les Mercenaire de Paul Edwards et les premiers Blade de Jeffrey Lord ont tous en commun qu'ils sont crus et vulgaires, bêtes et jouissifs, jamais élégants et pourtant parfaitement mémorables.
Ainsi, à propos d'une secrétaire qui passe innocemment dans les parages du chapitre 3, l'auteur écrit de but en blanc :
"[elle était] aussi bonne dans ce travail que dans ce qu'elle faisait avec sa bouche et son vagin."Ce n'est qu'une considération graveleuse parmi d'autres. Dans les productions Kenyon Engel, ces phrases-là sont comme les feuilles mortes, elles se ramassent au tractopelle. La nymphomanie n'y est pas un trouble passager de la libido, c'est un état perpétuel et normatif régissant à la seconde les actes de la gente féminine.
BAISER ! BAISER ! BAISER ! comme le hurlait si bien le sexe qui parle dans le film du même nom. Et comme le clame la fille du super-méchant mégalo à qui s'oppose John Eagle, alias le Mercenaire, dans ce roman : "Je n'en ai jamais assez [...] il n'y en a pas assez pour moi dans le monde entier."
Le super-méchant mégalo, justement, parlons-en. C'est (quasiment comme d'habitude chez Kenyon) le plus grand criminel en col blanc de son époque et il ne fait pas dans la dentelle.
"La plus part des milliardaires ont des yachts, Sir Rodney Hamilton, lui, avait un sous-marin privé."Et si la plus part des méchants de littérature pour mecs ont une petite fantaisie qui sort de l'ordinaire, Sir Rodney Hamilton, lui, a un crâne en argent (séquelle d'un accident automobile) et des désirs incestueux qu'il n'arrive pas à satisfaire sur la personne de sa fille de vingt-et-quelques balais.
"Sir Rodney se regarda dans le miroir de la salle de bain et passa sa grosse main sur la calotte d'argent. Il se demanda, comme il le faisait souvent, s'il n'était pas un peu dérangé dans sa tête. Est-ce que tout le monde ne l'était pas, d'une façon ou d'une autre ? Ce n'était pas un monde sain."Oui, ce n'était pas un monde sain. En fait, il n'y a même rien de sain - c'est à dire de sensé, de logique, de raisonnable - dans le joli petit univers fictif de Lyle Kenyon Engel et de son pool d'auteurs mercenaires.
Penny S. est une espionne qui pose mensuellement en couverture de revues de mode, Nick Carter fume des cigarettes portant ses initiales en lettres dorées sur le bout filtre et John Eagle répond aux ordres d'un certain monsieur Merlin, milliardaire infirme écrivant des best-sellers d'action dans "une pièce aux murs de verre qui pouvait tourner sur elle même, grâce à un système hydraulique."
Ici, tout est prétexte à la sur-enchère et le commissaire-priseur est dingue comme un shadok à la cervelle anabolisée par la lecture de Playboy.
Pourquoi faire simple lorsque l'on peut alambiquer, complexifier, gadgétiser à foison. Un univers tout en surbrillance, enjolivé comme un bijou toc et qui en ferait trop, beaucoup beaucoup trop, pour se faire remarquer.
L'ensemble possède un charme indéniable, bien souvent loué sur ce blog. Revers de la médaille, l'ensemble génère aussi, de temps à autres, des promesses qu'il ne peut tenir sur la longueur.
C'est le cas de L'Homme Au Crâne D'Argent, pénultième volume de la série aux USA, dernier en France (ne cherches pas à comprendre : les Presses de la Cité se mélangeait souvent les pinceaux sur la numérotation originale de ses diverses importation).
Le sous-marin, les perversions, la coupole en metal précieux, c'était trop beau pour durer. Manning Lee Stokes, qui ghost-write pour l'occasion sous le pseudo de Paul Edwards, tire rapidement la langue. Ce jour-là, il ne devait certainement pas tenir la grande forme.
Ainsi, après une enquête sans grand intérêt concernant une histoire de kidnapping et de concessions pétrolières, le bouquin bifurque sur une morne escapade dans la jungle sud-américaine.
Exactement comme pour un bus de touristes dans une réserve naturelle.
À votre droite, les piranhas voraces. À votre gauche, les indiens réducteurs de tête. Et si vous regardez bien sous les fourrés, vous pourrez apercevoir quelques révolutionnaires castristes.
Merci pour votre attention et n'oubliez pas le guide.
Le guide, lui, s'était clairement oublié. Il en néglige même de conclure son ouvrage décemment, c'est à dire par une confrontation musclée entre le gentil et le vilain. Le vilain meurt par hasard, le gentil retrouve son corps un peu plus tard, affaire classée.
Ce sont des choses qui arrivent, faut pas se leurrer. La came est parfois mal coupée et, contrairement aux héros dont nous dévorons les exploits, nous autres lecteurs, nous ne gagnons pas à tous les coups.
Ce qui ne m'empêchera tout de même pas de t'avouer que je n'en aurai jamais assez. Non, vraiment, de la fiction populaire outrancière et débridée,
il n'y en aura jamais assez pour moi dans le monde entier !
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