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LA NULLITÉ TOUTE NULLE

LE MYSTÉRIEUX RADAR, COMMANDANT RENÉ
SOGEDIDE / ENQUÊTES # 2, 1954

On ne pourra pas dire que je n'étais pas prévenu. Au contraire. Je savais très bien ce qui m'attendait. Les bouquins du commandant René, j'y avais déjà touché, j'en étais même plusieurs fois récidiviste, parfaitement au courant de leur potentiel néga-jouissifs, de cet anti-plaisir qu'ils te distillent à longueur de ligne.
Car il faut bien l'avouer, l'affreux gradé, question roman de gare d'espionnage années 50, question roman de gare tout court, c'est la nazerie ultime.
Et ne va pas lui chercher de concurrents.
Ce mec était imbattable, ce mec radioactivait la nullité à t'en faire péter un plein régiment de compteurs geiger et ce n'était pas de cette nullité amusante, trépidante, renversante, façon Roger Maury ou Frankie Bellinda, qu'il irradiait, le gonze, mais bien de cette nullité nulle, de cette nullité qui n'a rien à donner, de cette nullité sur laquelle rien n'est à sauver.

La nullité toute nue.
Je le savais, et pourtant ça ne m'a pas empêché d'y replonger. C'est ainsi, c'est comme ça et je ne me referais pas, j'ai passé l'age. J'ai la volupté du vieux papier. À peine je touche un 200 pages qui tombe en mietes et me voila parti, plus possible de me contenir, faut que je le lise le bidule, que je ligote la chose.
Et c'est encore pire lorsque la couverture est enjolivée d'une belle pépée bien pulmonée et bien croquée - ce qui est ici le cas.
Elle s'appelle Glady, la belle pépée bien pulmonée, Glady Kennedy, et l'auteur, tout en se pignolant la matière molle, nous la décrit par le menu en page 11 :

"C'était l'aimable silhouette d'une femme mince, svelte, aux jambes fines, magnifiquement galbées, au bassin étroit, à la poitrine ferme, bien en place, que l'on devinait dure sous la canadienne grise au col de fourrure relevé... Des cheveux d'un blond artificiel, agressif, s'étalaient et tranchaient sur la fourrure. Nez au vent, cigarette aux lèvres, mains dans les poches de la canadienne, la femme allait d'un pas décidé, garçonnier, sans rien de disgracieux, de saccadé, qui en rompit l'harmonie. La fumée de la cigarette s'élevait en bouffées capricieuses, selon un rythme qui scandait la chanson sifflotée par la jeune femme. Une chanson qu'elle fredonnait malgré elle, machinalement, une chanson dont elle ne pouvait se libérer et qui traduisait peut-être un état d'esprit : je l'ai tellement dans la peau..."
Et Gladys Kennedy, lorsqu'elle ne chantonne pas de vieilles rengaines idiotes en fumant son clope, Gladys Kennedy officie comme secrétaire pour le compte de Billy Johnston.
Billy Jonhston qui, lorsqu'il ne se pinte pas la gueule dans des boites à entraineuses de Berlin ouest, veille sur une usine ricaine installée en Allemagne.
Usine ricaine installée en Allemagne qui, lorsqu'elle ne produit pas des grilles pains et autres sèche-cheveux, sert de paravent aux expériences top secrètes du professeur Erzeber.
Professeur Erzeber qui... eh bien, qui ne fait rien d'autre que de mener à bien ses recherches sur un mystérieux radar sans antenne.
Mystérieux radar sans antenne que le professeur Erzeber décrit à Billy Johnston en ces termes (et ce, pendant que Glady Kennedy tape des lettres à la machine et que l'activité de l'usine ricaine installée en Allemagne bat tranquillement son plein) :

"...il s'agit d'une découverte capitale. La puissance qui possédera ce radar sans antenne aura une supériorité incontestable sur des adversaires qui, eux, utiliseront toujours les radars du modèle courant, fussent-ils même les plus perfectionnés... Cet appareil, à peine plus volumineux qu'une machine à écrire et qui tient dans une valise, compose l'unique matériel nécessaire à capter toute interférence..."
Ainsi conté, ça peut sonner choucard mais faut pas se berlurer. C'est nul. C'est d'autant plus nul que passé le chapitre 3 - et la disparition mystérieuse du non moins mystérieux radar - le roman s'enlise dans une enquête au rythme aussi apathique que le système nerveux d'un moribond avalant son aller simple pour la grande maison de repos, là-haut, dans les nuages, à la droite de Saint Pierre.
Et c'est d'ailleurs tellement minable que le commandant René se voit obligé, à la fin du roman, de payer de sa personne et d'apparaitre as himself pour tout expliquer à ce ramassis d'abrutis et d'incompétents que sont ses personnages.
Car c'était le professeur Erzeber, ce gros malin, qui avait caché le mystérieux radar au fin fond d'une des armoires de son labo.
Pourquoi ? Parce que !
Et personne n'avait pensé à fouiller dans le labo.
Pourquoi ? Parce que !
Quand au commandant René, il en profite pour se rembourser ses frais de déplacement en s'offrant une petite séance de bête à deux dos avec cette belle pépée bien pulmonée de Gladys Kennedy.
Pourquoi ? Parce que ! Parce que...
"...je ne me fais pas prier pour peloter la brune après la blonde et m'attarder à trousser la rousse..."
Quel coquin, ce René !

SEMAINE NOIRE # 5 : COUP DOUBLE & ONE-SHOT

COUP DOUBLE, COMMANDANT RENE
SOGEDIDE / ENQUETES, 1955

En 1954, après la défection pour cause de censure des éditions du Trotteur, apparaît la Sogedide et ses superbes couvertures-serrures, un drole d'éditeur aux publications mensuelles uniquement portées par deux auteurs antinomiques : George Maxwell, rescapé du pilonnage de ses môme double-shot trop hardcore pour l'époque, et Commandant René, un huluberlu sévissant dans le faux témoignage politico-romancé.
J'ai, pendant un petit moment (quelques minutes), observé une théorie comme quoi René et Maxwell auraient pu être le même homme. Mais c'était juste avant l'ouverture de Coup Double, mon tout premier Commandant René (et, de par mon dévouement masochiste au roman poubelle pour quai de gare, certainement pas mon dernier).

Pour faire vite : Coup Double est un mauvais roman d'espionnage aux enjeux moralistes ponctués de scènes érotiques en faisant le digne ancêtre des SAS et autres Brigade Mondaine de grand-père. Ça débute avec un prologue "naturaliste" sur la drogue et la prostitution. Comme tout le monde le sait, toutes les activités répréhensibles sont interdépendantes. Bref, Commandant René nous explique en détail le trafic de coco dans le paris chaud. En un mot : édifiant.
"Le mécanisme de la drogue est assez particulier. Il y a d'abord le drogué, ensuite, le premier revendeur puis le demi-grossiste et finalement le grossiste. Ce dernier se ravitaille à l'étranger généralement."
Et là, on passe aux choses sérieuses ! Jacques Millard, jeune assistant du Commandant très porté sur la bagatelle et narrateur suppléant pour ce volume, découvre que le marché de la drogue cache un plus gros poisson : le terrorisme international. Aucun pays ne sera cité par le Commandant mais mon petit doigt me conseille de regarder vers l'est - à moins que ce soit encore un coup des arabes, nos méchants habituels.
Millard prend alors le premier train pour Marseille, le pays de la pègre, des espions et des petites pépés pas farouches capables de faire l'amour plusieurs fois par chapitre, n'importe où, n'importe quand. Pour lui, c'est le pied.
Il s'infiltre alors dans l'entourage d'un caïd local et remonte lentement l'organisation, jusqu'à atteindre le niveau drogue et terrorisme. Entre temps, conscience professionnelle oblige, il s'offre aussi pas mal de bon temps avec ces petites garces de Murielle et Sonia.
"En une minute elle fut aussi nue qu'un ver et cette fois (il) ne put résister au désir de prendre cette femme. il se pencha et tomba littéralement sur elle (!!!).
Son corps fut accueilli par un autre corps affolé qui se mit à se lover sur le lit comme une pieuvre aux milles tentacules.
Dans un océan de félicité, les deux êtres montèrent ensembles vers les hauteurs suprêmes de l'étreinte.
Il la regardait maintenant se rhabiller, Si Murielle était une maîtresse femme, Sonia pouvait sans conteste
se vanter d'être dix fois supérieure."
Notez que notre homme est un rapide. Il remettra tout de même le couvert quelques paragraphes plus tard. Ça, c'est du zob. Quant à l'enquête, elle se conclura par un K.O. du lecteur et la mise en échec des méchants par la D.S.T., une organisation bien de chez nous.


COLT LÜGER ET BERETTA, GEORGE MAXWELL
C'EST VOUS LE TUEUR ?, GEORGE MAXWELL
SOGEDIDE / MISS ONE-SHOT, 1956

Pendant ce temps, dans la même collection et après un petit détour dans le registre de l'espionnage en folie (le Jaguar), ce vieux filou de George Maxwell reprend le chemin du hard-boiled sexy pur et dur avec une toute nouvelle héroïne, Miss One-Shot, la fille de la légendaire Môme Double-Shot, accompagnée de l'ancien acolyte de maman, le Gorille Charly.
Niveau continuité, j'ai un peu du mal à y croire. La dernière fois que j'ai lu du Môme, Hope Travers avait bien moins de trente ans et pas de gamine à charge. Mais c'est pas grave, c'est du Maxwell et la logique ne peut avoir aucune prise sur le génie de cet auteur.
A moins qu'il ne s'agisse d'une ruse un peu pataude pour faire revivre le succès de la Môme Double-Shot sans pour autant passer par la case interdiction de publication. Allez savoir. les années 50, c'est un peu le far-west de la littérature de gare...

Mais reprenons. Colt, Lüger et Beretta, 4eme volume des aventures de Miss One-Shot, débute de manière assez abrupte, avec une série de courses poursuites dont on ne comprend pas vraiment l'enjeu et surtout, la forte impression de débarquer en plein milieu d'une histoire dont les circonvolutions précédentes nous sont totalement inconnues. Et pourtant, aucun souci - c'est bien une nouvelle aventure chaotique de Hope, pardon, Pearl Travers, au prises, dans ce volume, avec ce gigantesque nid de vipères juridico-sentimental qu'est le monde du cinéma hollywoodien.
Au menu donc, des actrices qui se font chanter, des secrétaires qui tentent de percer via la promotion canapé, des producteurs qui magouillent, des scénaristes à la ramasse et du truand pour faire payer l'addition. Le tout sous la forme d'un mystère à l'ancienne avec explication et résolution en chapitre final. Car contrairement aux autres séries de George Maxwell, Miss One-Shot a des allures de whodunit bancal.

C'est cet aspect qui prévaut largement dans C'est Vous Le Tueur ? - un titre qui, pour une fois, ne trompe pas sur la marchandise puisqu'il est question d'assassinats dans un petit cirque miteux. Tombés par hasard sur ce spectacle, alors qu'il roulaient vers une autre aventure possiblement plus palpitante, Pearl et Charly décident de se la couler douce et d'élucider cette sombre affaire à la manière de Sherlock Holmes, les bastons et la bad-ass attitude en plus.
"Pas d'histoires maintenant. Le Beretta gicle tout seul dans ma griffe, et je croche tout de suite la détente pour soulager mon copain.
Un pruneau chacun dans les quilles des plus proches. Deux cris de douleur. Charly se défait du troisième. Un autre est à terre depuis un moment, écorniflé par la première bastos du Gorille. Un suivant s'est pris un marron sur le blair et gît également à plat ventre un peu plus loin, la frime en meringue.
- Arrière tous ! je tonne en tirant un coup en l'air, cette fois, ou parole d'One-Shot, je vous dequille l'un après l'autre."
Comme souvent chez Maxwell, le roman se déroule en une seule nuit. Un procédé qui d'habitude donne énormément de punch à sa narration. Et pourtant, ce C'est Vous le Tueur reste très calme dans ses largeurs, sans effusion de testostérone, avec juste une petite accélération à 30 pages de la fin avec l'habituelle course poursuite à 200 K/M suivie de sa fusillade dans le désert. Avant ça, c'est juste Pearl et Charly rodant autour du cirque avec le shérif local qui compte les macchabés et quelques individus douteux qui manigancent des sales coups dans leur coin.

Bref, le moins bon des Maxwell que j'ai pu lire - ce qui n'en fait pas pour autant un mauvais roman. C'est suffisamment pittoresque, envolé et rétro pour en faire une lecture extrêmement agréable. La description des numéros de cirque, bien qu'un petit peu longuette, est très amusante. Le reste, par contre, joue beaucoup plus la retenue. C'est du George Maxwell expurgé de ses délires transgressifs, des explosions gore et sexuelles, sans gros mots (juste une lettre suivie de trois petits point) ni ultra-violence. Du George Maxwell pour gosses.
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