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LES AVENTURES DE DRACULA # 3

LE CHAT NOIR, MAX DAVE
BEL-AIR / AVENTURES DE DRACULA # 7, 1966

Les Aventures de Dracula se suivent et le schéma se confirme. À l'exception du troisième volume (Les Loups de la Violence, épisode très satisfaisant), il est inutile de chercher quelque qualité que ce soit aux textes hantant cette collection Bel-Air. On nage ici dans du fantastique italien avarié et indigent, exactement comme si Bruno Mattei remplaçait Bava et Freda sur leurs réalisations gothiques de la mid-sixties.
Quant aux marabouts de ficelles employés pour noircir du papier, à défaut d'être originaux, on leur accordera (soyons sympa) un constant renouvellement dans leur usage d'une imagerie bisseuse à forte tendance série Z.
Ainsi, et après un spectre de marquise revanchard, une horde de clones zombifiants, une femme-vampire Barbara Steelesque (ça, c'était le volume 3, et c'était bien !), un cheval sataniste dingo-fou et une bande d'extraterrestres azteques frits, c'est au tour d'un sérial-killer officiant à la hache, de sa vieille mère malade et de son chat maléfique prénommé Gep de nous distraire en accumulant comme il se doit les poncifs idiotiques, l’écriture laborieuse et la publicité pernicieuse pour diverses marques d'alcools qui font tout le sel des publications André Guerber.

Suite mécanique d'exactions sanguinolentes, Le Chat Noir se résume rapido-presto en une petite liste de course chez le boucher du coin, la ribambelle de cadavres faisait office de fil d'intrigue.
On débute donc gentiment, avec une petite vieille, mémé Haydin pour les intimes, qui se fait proprement zigouiller par le bucheron fou, puis on passe aux choses sérieuses. Notre homme charcute deux pauvres strip-teaseuses innocentes, Polly et Jane - "[Elles] étaient le dernier échelon de la société, elles le savaient mais gardaient quand même un peu de dignité." Ça ne les empêchera pas de salinguement se faire massacrer des pages 53 à 55.
Après ça, l'histoire vire au surnaturel foireux typique de cette collection. Le maniaque de la hache et sa vieille mère gâteuse se font épingler par la maison poulaga. Exécution publique et tout le tralala, jusqu'à ce que l'esprit ivre de vengeance du bucheron timbré revienne hanter le chat de la famille. Ce dernier prend alors les choses en main, coussinets inclus. C'est la revanche des pattes griffues de l'enfer. Gep le chat ne fait pas dans la dentelle mais étant donné l'ingratitude du style et la navrance des enjeux, le lecteur n'a pas trop de mal à se sentir consterné.
Poursuivons néanmoins le listing...
...Et, dans l'ordre d'apparition et d’exécution, ça donne :
- Un juge qui boit du OLD CROW BOURBON avant de gouter à la caresse des pattes velues du chat vengeur, se retrouvant ainsi le visage "complétement en lambeaux ; les yeux avaient été arrachés des orbites."
- Sa fille Margaret, fleur bleue, probablement encore vierge à 35 piges mais qui en pince secrètement pour Humphrey, le cousin aventurier "...il était resté très vide sans le sou, mais par contre, il avait tourné le monde." Vive les phrases Bel-Air !
- Une nouvelle marque de boisson alcoolisée, jusqu'à présent jamais apparue dans la série, le CHAMPAGNE BESSERAT DE BELLEFON. La classe !
- Un triste schnock, bourreau de son état, qui se fait découper en petites rondelles - "La tête du malheureux était presque détachée du corps et le visage, martyrisé, couvert de sang, était méconnaissable." Il aura tout de même eu le temps d’apprécier son ultime CINZANO BIANCO.
- La femme d'un officier de police, subissant un sort similaire dix pages plus tard, mais cette fois sans un verre de CINZANO. La pauvre.
Et enfin :
- Un officier de police (pas celui dont la femme vient de clamcer, l'autre) qui, voyant poindre la fin de l'ouvrage, s'improvise héros de circonstance et traque le chat assassin, tel un Dirty Harry des bas fonds de Baskerville.
"Il était sûrement lui aussi [...] sur la liste du chat assassin."
Heureusement pour céziguepate, à la fin, tout se termine bien. Le chat se fait trouer la pelure à coup de gros calibre .38 et le flic rentre fêter sa victoire chez bobonne, en s'envoyant un verre d'AMERICANO CINZANO.
Garçon, la même chose !

TOUT DANS LA BARBE !

LE BARBU MÈNE L'ENQUÊTE, M. VARDAR
LE BARBU CHEZ GAGARINE, M. WARDAR
PRESSES INTERNATIONALES / ESPIONNAGE # 2, 1962
LIBRAIRIE DE LA CITÉ / LE CARIBOU # 55, 1963

Il est breton et poilu, se nomme Paul Kerbatten, surnommé "Le Barbu," immatriculé "2.002," ex-agent du renseignement pour la résistance française lors de la seconde guerre mondiale. Son physique est vaguement adipeux ; son comportement pour le moins étonnant.
"Sous des dehors blagueur, vous êtes un agent consciencieux, bien que porté sur la boisson ! " le tance le Commandant Radiguet, son chef de service.
Blagueur, c'est certain. Porté sur la boisson, c'est peu dire. Passionné de Pernod et pilier de nombreux comptoirs parisiens, Kerbatten collectionne les adresses de rades comme d'autres les numéros téléphoniques de petites poulettes.
Les deux syllabes de son surnom, d'ailleurs, ne mentent pas : le Barbu boit dans des bars et c'est ainsi que débute l'action de son premier forfait, le Barbu Mène L'Enquête.
Chapitre premier. Kerbatten, alors retiré du métier d'espion et versant dans un journalisme aux piges de dilettante, s'enfile peinardement des glass d'anisettes dans un bistroquet de la rue Vieille-du-Temple lorsque l'on manque de l'y dessouder à la manière du Chicago des années 30. Staccato d'arme à feu sur la vitrine. En individu avisé, notre héros chanstique donc d'établissement mais rebelote ! à peine installé au zinc et c'est une nouvelle séance de tir aux pigeons qui démarre !


"Si on mitraille dans tous les endroits où je vais boire un verre, ils vont avoir du travail, les gars..."
Les gars en question, ce sont les agents du C.I.E., Centre International d'Espionnage, un organisme indépendant dirigé par d'anciens nazis de l'Abwher et qui court après un mystérieux carnet répertoriant les noms et adresses des principaux agents secrets occidentaux.
Du grand n'importe quoi, comme prémices, mais du grand n'importe quoi fonctionnel, du grand n'importe quoi qui carbure... et qui carbure d'autant plus que, si le Barbu connait la cachette du dit carnet, c'est surtout abwher, abwher, abwher, c'est abwher qu'il lui faut !

Ainsi, et afin de ne plus être dérangé dans ces activités d'ivresses quotidiennes par les pétarades intempestives des automatiques ennemis, Kerbatten reprend du service à la S.D.E.C.E. et se lance dans le dézingage en série de ses ennemis.
La suite est assez épatante, tant le roman réussi à concilier le ton froid des récits d'après guerre avec la personnalité cocasse, atypique, un brin grotesque de son barbu de héros.

"Quand on fait de l'espionnage, il ne faut pas être gros comme un poussah, ni se laisser pousser la barbe..." déclare une mata-hari aussi soviétique que péremptoire à un Paul Kerbatten déjà bien imbibé et qui n'a que faire de l'avis d'une gonzesse.
Car, comme il l'affirme lui-même,
"un breton, tu ne sais pas ce que c'est. Ça boit, mais ça a le crâne solide... Alors, bas les pattes ! "Et de se lancer, après avoir correctement dérouillé la morue, dans un périple fort chaotique sur fond de terroir et de routes nationales, en compagnie d'un maquereau de seconde zone et armé d'un soufflant d'occasion.
On oscille constamment entre l'humour un tantinet grassouillet des polars d'alcooliques (notre homme adoptant parfois la fausse identité de Bébert le Tatoué, c'est dire !) et le sérieux gris et dur des récits d'agents secrets en imper' mastic.
Dans l'ensemble, on est jamais bien loin de l'atmosphère paranoïde, nostalgique et douçâtre dans laquelle baignait L'Espion Va À Dame d'Alain Moury, dans laquelle baignait aussi certains romans de Frédéric Charles au Fleuve Noir.
Des références de grand standing.

L'année suivante, Kerbatten connaitra une seconde (et ultime) aventure, Le Barbu Chez Gagarine, à la qualité diantrement inférieure. Sur la couverture, l'auteur doublait le "V" de son pseudo - passant ainsi de M. Vardar à M. Wardar - et à l'intérieur du bouquin, le héros, dans le seul but d'infiltrer incognito les principaux centres de recherches et de renseignements soviétiques, perdait ce primordial attribut facial qu'était sa barbe.
Le résultat, comme presque tous les romans d'espionnage se déroulant derrière le rideau de fer, est assez ennuyeux. La faute à ce respect d'une schématique de voie ferrée, entre aller et retour, entre intrigues moscovites à rallonge et trahisons d'honorables correspondant, entre alliances de circonstances et fuite dramatique vers l'ouest.
Un programme que l'auteur résume en une courte ligne, page 135 :

"En somme, le Barbu faisait son petit Michel Strogoff à rebours..."
Mieux vaut en rester là.

LES AVENTURES DE DRACULA # 2

LE PIÈGE DU DIABLE, MAX DAVE
L'HOMME DE L'AU-DELÀ, MAX DAVE
BEL-AIR / DRACULA POCKET # 5 & 6, 1966

Je continue sur ma lancée : les aventures de Dracula, volumes 5 et 6. Le résumé des épisodes précédents peut se dégauchir (beaucoup) plus bas, même blog même heure.
Dans tous les cas, j'ai eu du mal. J'ai mis du temps. Ça ne s'avale pas tout seul, les bouquins de cette petite série fantastique. Parole ! Les mecs qui torchaient ces récits devaient en tenir une sévère. DUBONNET, CINZANNO, jusqu'au ras de la glotte, la binette imbibée comme ce n'est pas permis.
AU SECOURS !

Et pourtant, le traducteur nous l'assure en page 12 du Piège du Diable :
"Je suis sûr que vos craintes résulteront sans fondement."
Mais il se trompe.
Lourdement.
Car le fondement repointe son vilain nez poilu quelques feuillets plus tard.
"Je m'approcherai de la maison du côté postérieur..." déclare un protagoniste amateur de marche à pied inversée : le cul en avant, et à reculons. Bravo !
Au registre des exploits physiques, applaudissons aussi, en page 122 du même roman, cette mort particulièrement renversante :
"Son corps fit une chute suffoquée par le tapis."
Mais cessons les galéjades. Reprenons notre sérieux. restons efficaces. Bref : résumons cette paire bouquins. Ou plutôt : inventorions-la. C'est plus simple et plus gouteux.

Ainsi, Le Piège Du Diable, tu pourra trouver : un pianiste aveugle, un garde-chasse obsédé sexuel (" je suis un animal ! " lance-t-il page 56 après un " baiser luxurieux "), un patelin paumé, un pré smaragdin, une nénette nudiste, une étrange malédiction (" le diable a joué avec nous pendant longtemps... maintenant il veut terminer la comédie...") et un canasson nommé Diablo, totalement dingo.
Rapportons aussi, pour les lecteurs pervers, une ébauche d'esquisse de rapports zoophiles entre la nénette nudiste et le canasson nommé Diablo (totalement dingo) et une tête coupée qui balance sa petite giclée de sang, page 151.
Suivant !

Le suivant, c'est L'Homme de l'Au-Delà. Nous y retrouvons Bob et Corinne, le couple héroïque du Sosie Infernal, deuxième volume des aventures de Dracula. Nous y retrouvons aussi la sphère lumineuse extraterrestre qui avait précédemment aidé Bob et Corinne à vaincre le méchant fantôme revanchard qui fabriquait des clones zombies lubrico-anarchistes au fin fond de l'écosse afin de dominer le monde.
Cette fois, Bob et Corinne font un voyage au Mexique et s'opposent à des extraterrestres " très méchants " qui vivent à l'intérieur du cratère Popocatepetl. Comme l'indique, en page 82, un gugusse amateur de CHAMPAGNE CREMANT :
" Ce furent eux qui guidèrent la cruelle civilisation Mayas jusqu'à sa destruction. Ils étaient assoiffés de sang ils voulaient des morts et des ravages."
Hélas, tout ce qu'ils ont récoltés, ce fut mon assoupissement.
Radical et bien baveux.
Je soulignerai néanmoins, pages 112 et 113, l'apparition d'un apéritif médicamenteux catalan, le BYRRH - apéritif qui tombe à pic car de tous les récits publiés dans cette collection, L'Homme de l'Au-Delà en est assurément le byrrh.
Ah ah ah ah.
Quant à savoir pourquoi je lis encore ces romans... eh bien... je ne saurais te le dire exactement... Mais pour citer je ne sais plus quel personnage secondaire du Piège du Diable :
"Il y a des mystères qui ne sont pas fait pour mon cerveau ; je les accepte et c'est tout."

INTERLUDE : SPÉCIAL RIRE !

Un peu d'humour pas drôle pour terminer le dimanche en fanfare ? Voici une sélection extraite de la revue petit format (11x17) Spécial Rire # 3, 10 balles, 130 pages, dépôt légal troisième trimestre 1979, une publication des éditions de la Détente, dirigées par Armand Isnard.
Alors prépares ta couche-culotte, bébé, je sens que tu vas lâcher les amarres !
(et pour parfaire l'expérience, j'ai embauché - non, non, inutile de me remercier, je suis un perfectionniste - j'ai embauché, disais-je, un musicien d'orchestre azerty qui ponctuera chaque chute par un petit roulement de batterie - à vot' bon coeur m'dame, m'ssieur - piécettes et paiement pay-pal acceptés...)

Une dame dit à un oculiste :
- Docteur, ma vue baisse !
- Ah ? fait l'oculiste, et que faites vous dans la vie ?
- Ben, justement, répond la dame, sinistre, je suis voyante !
ba - da - boum - - - tssschh !

Un Yorkshire voit passer une chienne teckel :
- Beau spectacle ! fait-il, mais, il y a des longueurs !
ba - da - boum - - - tssschh !

Madame Dubois a emmené son perroquet au vétérinaire qui l'a ausculté. Lorsque la consultation est terminée, le vétérinaire désigne un petit tas de plumes, par terre, près du bureau et lance à madame Dubois :

- Parfait ! Vous pouvez le rhabiller !
ba - da - boum - - - tssschh !

Deux messieurs se font des confidences :

- Je n'ai jamais eu de relations sexuelles avec ma femme avant notre mariage ! dit l'un, et vous ?
- Je ne sais pas ! répond l'autre, voulez-vous me rappeler son nom de jeune fille ?
ba - da - boum - - - tssschh !

Une dame dit à une autre :

- Figurez-vous que mon mari a reçu une lettre anonyme.
- Non ? fait l'autre dame, et de qui ?
ba - da - boum - - - tssschh !

Dans une librairie :

- Auriez-vous quelque chose sur le rugby ?
Le nouveau vendeur :
- Certainement, monsieur, j'ai vu un livre intitulé : "les essais" d'un nommé Montaigne...
ba - da - boum - - - tssschh !

Sur la plage, monsieur et madame se promènent en évoquant des souvenirs :

- C'est là que nous nous sommes rencontrés ! dit madame.
- Je m'en souviens ! approuve monsieur, je cherchais des moules !
ba - da - boum - - - tssschh !

Dans un wagon de chemin de fer, un voyageur est assis en face d'une jolie jeune fille dont la jupe est un peu courte. Pudiquement, elle s'obstine à la baisser. Alors, le monsieur pour la rassurer :

- Ne vous donnez pas cette peine : moi, mon vice, c'est l'alcool...
ba - da - boum - - - tssschh !

Deux chasseurs, au cours d'une partie de chasse, se rencontrent au coin du bois :

- Votre chien a-t-il levé quelque chose ?
- Oui, répond l'autre, la patte...
ba - da - boum - - - tssschh !

Un ver de terre s'échappe d'un plat de spaghettis, hilare :
- Vingt dieux ! fait-il, quelle partouze !
(roulements interminables, explosion, fondu au noir)

LES AVENTURES DE DRACULA # 1

La journée s'annonçait merdique comme à son habitude lorsqu'au fin fond d'une bouquinerie snob des hauts de Ixelles, dans un recoin sombre et mal-entretenu comme le cul d'une rombière aux soixante-dix berges bien tassées, je me dénichais l'intégrale des Aventures de Dracula.
Quasi-intégrale plutôt, puisque le numéro # 9 pointait aux abonnés absents mais qu'importe, cette dérobade n'allait pas ternir mon embellie. Je me retrouvais enfin avec la quasi-intégrale des Aventures de Dracula dans les pognes !

Ce qui savent de quoi je cause en ont surement déjà quelques bouffées de chaleur. Pour les autres, les cavedus de la bibliophilie perverse, les attardés du roman populaire dégénéré, je vais m'empresser de développer.

Vers le milieu des années soixante, mon éditeur filou favori, André Guerber, alors exilé en Italie, lançait sur le marché français sa toute nouvelle maison d'édition : Bel-Air. L'aventure durera 5 ans, de 1963 à 1968. On y trouvait du polar (Detective Pocket), du western (Western Pocket), du photo-roman à la Satanik (Lord X) et une collection de récits d'horreur, Les Aventures de Dracula, alias Dracula Pocket, adaptations françaises des Racconti di Dracula, série soi-disant culte chez nos amis ritaux.
Comme l'écrit Sergio Bissoli : "I Racconti di Dracula, Prima Serie sono diventati rari, introvabili e i collezionisti pagano milioni per averli."
Traduzionne : c'est rare, introuvable et les collectionneurs sont prêts à débourser leurs millions pour s'en alpaguer un.
Les cons.
D'autant plus cons que ma pomme, elle s'est dégauchi la quasi-intégrale à un blot qui fait passer la conserve de cassoulpif carrouf' discount pour une tambouille de luxe servie en queue de pie chez les trois gros.
25 centimes la pièce, 2 euros 75 le pacsif.
Sur le coup, y'avait pas à dire, les misères de l'existence, je les relativisais sévère. Mais trêve d'auto-fiction. T'es pas venu pour ça et je n'ai pas que toi à foutre.
Reprenons.
Car il y a quelque chose de primordial à bien s'imprimer dans la binette au sujet de cette collection, c'est que ça a beau s'appeler Les Aventures de Dracula, du célèbre suceur de sang, Bram Stokesque, Bela Lugosesque ou encore Christopher Leesque, tu n'en apercevra pas la moindre proéminence dentaire.
Dracula ? C'est bien simple, l'est pas là, repassez plus tard.
En fait, c'est un peu comme les faits divers au père Bellemare, ceux là même qui sont compilés en bouquins pour mémés chez Albin Michel. Le Pierrot, il apparait peut être en couverture mais dans le texte, ce sont d'autres gonzes qui se font écraser par des voitures, mastiquer par des clébards ou voler par des loubards.
Mais tout le charme des Aventures de Dracula ne saurait être réduit à cet amusant subterfuge éditorial. Il se trouve ailleurs : dans le format des romans (tout fins, en 17,5 par 10,5), dans leurs couvertures clinquantes (les 4 premières sont signées James Hodges, la suite est assurée par des Italiens) et surtout dans ce style d'écriture propre aux éditions Bel-Air, cette prose si particulière qui fait qu'entre six fautes d'orthographe, trois problèmes typographiques et douze inversions grammaticales, les personnages déroulent leurs activités, demandent de l'aide à l'externe, donnent des élucidations ou encore se disent affectionnés à un endroit.

Une légende voudrait d'ailleurs que nombreux soient les professeurs de français ayant succombé à la lecture d'un roman Bel-Air - certains se sont suicidés, d'autres peuvent encore être approchés dans des asiles aux couloirs tortueux... pauvres bougres lobotomisés, victimes bavotantes d'une sous-litterature radioactive, on les reconnait à leur manie de recopier sans cesse les même passages sur les murs de leur cellule tout en essayant vainement d'en corriger les erreurs, les membres agités des tremblements spasmodiques caractéristiques d'un sevrage trop intense.


Car Les Aventures de Dracula, en plus d'être de courts bouquins mal torchés et mal traduits, sont aussi des textes qui (comme bien d'autres productions André Guerber) s'essayaient à une forme sournoise de marketing pour lecteurs alcooliques.
C'est bien simple : toutes les marques de bibine consommées par les protagonistes s'y voient inscrites en grosses lettres capitales.

CINZANO ! DUBONNET ! ZIZI COIN-COIN !
(Pardon, je m'emporte... le zizi coin-coin n'existait pas encore à l'époque...)
Enfin, bref, t'as compris le truc. Et moi j'ai soif. Pour citer Roger Duchesne dans son grand classique Faut Les Avoir Accrochées, ce billet, c'est "un véritable chemin de croix avec la différence que c'est ma soif que je traine, moi."
Mais reprenons. Bis répétita.
Et attaquons nous méthodiquement aux quatre premiers romans parus dans cette collection.


TERREUR AU CHATEAU, MAX DAVE
ÉDITIONS BEL-AIR / DRACULA POCKET # 1, 1966

Une marquise recluse, Alba d'Aragon, invite dans sa demeure, un château perdu au fin fond de la campagne anglaise, ses héritiers afin de leur faire part de ses décisions testamentaires.
Mais la nuit venue, le château est en proie à une série d'événements étranges. Les pleurs d'une mystérieuse petite fille raisonnent en écho dans ses couloirs et certains héritiers en viennent à décéder violemment. Il y a ceux qui meurent de peur et ceux qui chutent d'une corniche après leur promenade digestive.
Chouette ambiance !
D'autant plus que Gustave, le majordome, semble connaitre la vérité mais préfère ne rien dire. Albert, un héritier malpoli, le soupçonne d'ailleurs de vouloir faire main basse sur le magot.
Et pendant ce temps, Grant joue aux échecs, Georges et Betty s'aiment tendrement et Charles, le seul non jean-foutre du coin, mène l'enquête à la vitesse d'un escargot de course.


Comme entrée en matière dans la collection, voila une Terreur au Château fort peu folichonne. Toutes les tares du roman Bel-Air s'y trouvent concentrées (récit idiot, remplissage de paragraphe éhonté, personnages sans saveur, confusions en tout genre et tournures de phrases aussi confuses que l'esprit d'un dyslexique saoul...) et pourtant, on ne s'y amuse pas un seul instant.
La faute à cette histoire à dormir debout, mollement raconté, souffrant d'un rythme apathique et d'une absence totale d'excès. Du sang, de la folie, des monstres et du sexe ? Non, juste deux pauvres fantômes au désir de vengeance pas très clair...
Reste, heureusement pour nous, cette marque de fabrique Bel-Air : les publicités pour boissons alcoolisées intégrées au récit. Ici, c'est DUBONNET qui est chouchouté - même si, page 11, le CHAMPAGNE CREMANT est brièvement évoqué et qu'en page 95, un petit CINZANO se fait déguster.
SANTÉ !


LE SOSIE INFERNAL, MAX DAVE
ÉDITIONS BEL-AIR / DRACULA POCKET # 2, 1966

Cette fois-ci, par contre, c'est la bonne. Le moteur à conneries est lancé.
"Peut-il un homme faire la copie exacte de lui-même ? " demande une quatrième de couv' aussi - hips - noire que son fond est rouge.
"Peut-il un roman faire mieux que le précédent ? " ai-je envie de rajouter, en ouvrant - prost ! - une nouvelle KAISER PREMIUM BEER. Et la réponse ne se fait pas attendre. Elle est affirmative. On le sent dès la première page : Le Sosie Infernal sera aussi atterrant qu'enthousiasmant.
Un régal faisandé. Une pâtée pour fin gourmet.


Le héros de cette histoire, narrateur première personne du singulier, se nomme Robert. Bob pour les intimes. Alors qu'il se remet difficilement d'une douloureuse rupture sentimentale ("c'était une petite putain, pourtant j'étais amoureux d'elle..."), le voila qui est contacté par son vieil ami Martin Hogarth, un scientifique qui procède à d'étranges expériences dans son château des Highlands écossaises.
Bob s'empresse donc de rejoindre Martin, visite son labo ("mais c'est un laboratoire atomique - dis-je abasourdi."), y retrouve d'anciennes connaissances, se verse une petite rasade de ZINZANO (sic) BLANCO et, surtout, y apprend avec effarement les recherches auxquelles s'adonne désormais son vieux pote : le clonage !
Ou plutôt, comme cela est écrit dans ce roman : la copie d'êtres humains.
Copies d'êtres humains qui, comme de bien entendu, vont dévier et devenir mauvais. Mais si l'on s'imagine la suite prévisible, c'est sans compter ce gros plaisantin de Max Dave qui, passé le premier tiers de son œuvre, fait apparaitre un esprit maléfique, le fantôme revanchard d'un ancien châtelain, une saleté d'ectoplasme qui souhaite dominer le monde et compte y parvenir en dirigeant une armée de clones.
"Je me sentis suffoquer; le programme de cet être diabolique, invisible, était trop clair; créer une quantité de sosie à en faire un bataillon d'assassins."
Retournement aussi ahurissant que crétin. Et la suite tient le rythme. Max Dave en oublie même d'exécuter le traditionnel numéro des histoires de clone (lorsqu'une copie en arrive à remplacer l'original sans que l'entourage de ce dernier ne s'en rende compte), préférant agiter ses sosies comme de vulgaires zombies.
Pas de finesse, pas de subtilité. Que du bonheur pour les esprits mongoloïdés à la sous-contre-culture que nous sommes.

Notons, en guise de conclusion que le personnage principal et sa compagne réapparaitront dans le numéro # 6 des Aventures de Dracula, L'Homme de l'Au-Dela, pour y éclaircir un mystère resté en suspend à la fin de ce roman, celui du feu follet qui aide le héros à combattre le vilain fantôme...


LES LOUPS DE LA VIOLENCE, MICHAEL SHIOLY
ÉDITIONS BEL-AIR / DRACULA POCKET # 3, 1966

Volume le plus atypique de toute la série puisque bien écrit et mené en main de maitre, Les Loups de la Violence n'aurait certainement pas dépareillé dans la collection Angoisse des éditions du Fleuve Noir.
Rien à voir avec votre Bel-Air habituel. Même le DUBONNET et le CINZANO n'y jouent qu'un tout petit rôle - certainement casés à la va-vite et après redaction par l'éditeur.
Aurait-on, du coup, non pas affaire à une traduction empressée d'un roman italien mais bien à un texte fourni par un auteur français ? C'est ce que semble affirmer Claude Herbulot sur le forum À Propos De Littérature Populaire, donnant par là même le nom de Guy de Wargny comme signataire de ce Loups de la Violence.
Difficile d'ailleurs d'en douter en lisant, chapitre deux, cette description saisissante d'un château (encore et toujours) écossais :
"Nous avons devant nous les éléments les plus contrastant de la vie même, sans le secours d'une figure... sans fiction, ni la présence d'un être vivant ! De la misère qui couve dans l'obscurité méphitique de la Vallée Noire, à la splendeur d'une aspiration atteinte, comme les tours du château qui font un déluge de lumière..."
Nous sommes loin, très loin, du scribouillage malhabile auquel les éditions Bel-Air nous ont habituées. Et il en est de même pour l'intrigue, prenante et adroitement menée, opposant dans une région en proie aux superstitions deux couples d'amis un tantinet bohème à une femme vampire à la beauté fascinante.
La première partie est excellente, la suite manque vaguement d'entrain et le final recourt à la figure fatiguée du rêve prémonitoire mais le tout s'affirme néanmoins comme un fort beau roman de fantastique populaire.
Avis aux amateurs : ces loups de la violence sont véritablement à redécouvrir !


LE MONSTRE DE PRESTON, MAX DAVE
ÉDITIONS BEL-AIR / DRACULA POCKET # 4, 1966

Le grand retour de Max Dave après l'interlude de Wargny et c'est encore une fois l'écosse, sa campagne, ses châteaux et ses affaires d'héritages qui sont à l'honneur.
Maintenant, soyons clair et faisons vite.
De cette première fournée de quatre titres, Le Monstre de Preston constitue la lecture la plus éprouvante. L'auteur semble même s'en rendre compte - c'est dire ! - puisqu'il fait prononcer par le narrateur ce terrible aveu :

"Je dois vous confesser n'être pas très capable de raconter des histoires, même si cette nuit, j'ai décidé de le faire !"
Du fait, cette histoire, nous ne la comprendrons jamais vraiment. Inutile que je résume. Le Monstre de Preston, c'est 160 pages d'une confusion totale, sans enjeux, sans tension, sans aucun rebondissement et que l'auteur tentera en vain d'éclaircir en faisant appel à cette fameuse substance illicite qu'est le haschich.
"Un terrible stupéfiant qui, s'il est fumé, peut provoquer des cauchemars terribles à ceux qui ne sont pas habitués à son usage !"
Bref, rien à voir avec la joyeuse crétinerie du Sosie Infernal. Rien à voir non plus avec cette agréable surprise qu'était Les Loups de la Violence. On en vient même à regretter l'ennui poli du Château de la terreur. C'est dire si ce Monstre de Preston est à éviter...

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La suite des Aventures de Dracula le mois prochain avec les numéros # 5, 6 et 7 de la série : Le Piege du Diable, L'Homme de l'Au-Dela et... Le Chat Noir (!!!)

Ah, c'était vraiment des p'tits rigolos, les mecs de chez Bel-Air !

(et un précédent billet concernant le consternant numéro # 11 peut être ligoté ici :
http://muller-fokker.blogspot.com/2008/09/la-maldiction-de-nostrablairus.html)

LES BELLES HISTOIRES À ONCLE ROBO

OPÉRATION SOUCOUPE !, ALLAN BRIGHTMILL
LA FLAMME D'OR / VISIONS FUTURES # 2, 1953

Une soucoupe survole la terre. Ce n'est pas la première (ni la dernière) mais celle-ci semble enfin vouloir entrer en contact avec nos pommes. "Nous vivons des moments historiques " clame le commandant Nelly avant de lancer son escadrille d'avions de guerre au cul du véhicule extraterrestre non identifié.
Pourquoi ? Parce que !
(Parce que c'est comme ça qu'on fait d'habitude, parce que j'ai lu ça dans pleins d'autres bouquins, parce que merde, un peu de logique bordel.)

Mais Morton et Clark, nos héros (?) à nous, ne l'entendent pas de cette oreille. Ni de l'autre. Ils piquent donc une jeep et partent là où la soucoupe doit atterrir.
"Les kilomètres étaient dévorés comme des hot-dogs un jour de fringale, le compteur était bloqué sur le maximum et Clark serrait visiblement la mâchoire pour maintenir son allure. "
(...mâchoire, boite à vitesse, même combat...)
Pendant ce temps, la soucoupe est devenue invisible et les avions de chasse l'ont dans le baba. Les arbres-radars qui bougent dans la foret aussi. (Ne me demande pas ce que sont ces "arbres-radars qui bougent dans la foret", je n'en sais strictement rien... dans tous les cas, ils l'ont dans le baba, les arbres-radars qui bougent dans la foret...) Morton et Clark, par contre, sont bien plus vernis. En quelques lignes, ils découvrent le subterfuge... puis se font kidnapper par les E.T. !
"Nous voila bien avancé " grogne Clark.
Et il ne croit pas si bien dire. Car, enfin ! ENFIN ! La voila, cette tant attendue rencontre du troisième type. Un troisième type tendance demi-portion, faut l'avouer : lui et ses compères du type correspondant ne mesurent en effet que 60 centimètres.

60 centimètres. Ce sont les nains de l'espace ! LES NAINS DE L'ESPACE !!!
" Morton n'aimait pas les nains, il aurait préféré avoir affaire à des êtres filiformes. "
Quel con, ce Morton. Il ne se rend pas compte du potentiel comique développé par ces nains, invisibles (sauf lorsque l'on enfile une combinaison intégrale elle-même cousue dans du tissu invisible) et doués de cette fameuse "force synthétique" qui les rend aussi balèzes que les mythiques culbutos catcheurs de Los Campeones Justicieros (je fais bien l'accent mexicain, tu trouves pas ?)
"- Dis donc, Morton ?
- Oui.
- Les nains ?...
- Alors ?
- Ils ressemblent drôlement aux nôtres.
- J'y pensais justement.
- Rien ne serait plus facile pour eux de nous en expédier une bonne cargaison.
- C'est juste, mais encore faudrait leur apprendre pas mal de choses avant, afin qu'ils puissent passer inaperçus. "
Une invasion de la terre par des nains de l'espace ? Nous n'en saurons pas plus car, après un petit voyage en soucoupe volante, mode ultra-vitesse du cosmos qu'on ne saurait mesurer avec nos connaissances scientifiques à nous, les nains de l'espace débarquent Morton et Clark sur leur planète à eux. Elle se nomme "Tefe", sa capitale "To", son centre cosmique (?) "Spa" et son soleil "Tra"... ou "Ta." L'auteur n'est pas totalement fixé quant à cette dernière donnée mais force est d'avouer que dans sa binette, ça carbure sévère. Ouais. Brightmill, il n'a pas l'imagination qui se roule les pouces. Il turbine sec.
Morton et Clark visitent donc la planète des nains de l'espace, façon guide touristique fourni par une office du même nom. Usines de chocolat, hôpitaux, lieux publics, centre commerciaux et tout le tralala. Ça dure bien bon 70 à 80 pages puis comme la fin du roman approche, que nos deux zozos ont un peu le mal du pays, que les nains de l'espace n'ont strictement rien à proposer comme base d'intrigue et que, bon, faut être honnête mais ça fait tout de même un peu plus d'une heure un quart qu'on s'emmerde en puissance maximum à lire cette connerie, l'auteur se décide à faire détourner par ses héros une soucoupe volante et voila Morton et Clark qui regagnent enfin la planète terre.
Fanfare et flonflon ! Ils reçoivent alors une chouette décoration militaire, l'histoire est classé top secret par le gouvernement américain et l'auteur, raide bourré au Berger Blanc, s'effondre enfin dans un grand bruit d'underwood maltraitée sur le "N" du mot "FIN."
Il remettra malheureusement le couvert quelques mois plus tard avec un roman encore plus incompréhensible, pareillement palpitant et tout aussi mal écrit : Stop À L'Invasion...
Mais ça, c'est une autre histoire !

L'ENQUÊTEUR DES CANIVEAUX

FAITES DONNER LE CANNON, CURT CANNON
GALLIMARD / SÉRIE NOIRE # 524, 1959

Dans le billet du samedi 26 mars, j'évoquais la figure du detective privé clochardisé à travers le retour de Mike Hammer en 1962.
Résumé succin : "Plus de revolver. Plus de bonhomme. Plus rien qu'une épave, un clochard, une éponge à whisky."

Le detective privé clochardisé, voila qui, pour nos enqueteurs dur de chez dur, semble s'apparenter à une destinée extrêmement logique. Logique car dans son interprétation la plus classique, la plus clichée, la plus populaire aux yeux du public, le detective privé boit trop, traine ses guêtres dans les bas-fond de sa ville, y fréquente ainsi la lie de la société et revêt pour se fondre dans cette masse fangeuse une apparence peu ragoutante à l'aune des conventions petite-bourgeoises. Tronche mal-rasée et mastic trempé, regard voilé par des boissons fortement fermentées et nez en plusieurs endroits largement fracturé.
Rien de plus normal à ce qu'un jour ou l'autre donc, notre bonhomme en vienne à sombrer pour de vrai dans la misère.
La clochardisation revêt en cela l'allure d'un des deux terminus possibles à la carrière du privé - le second terminus étant celui du cimetière, veston en sapin massif enfoui sous six pieds de terre, et en attente d'une floraison de pissenlits.

Étrangement (mais est-ce si étrange que cela ?), la figure du detective privé devenu cloche imbibée n'a connue que très peu d'incarnations dans la littérature policière. En fait, passé Baroud Solo de Mickey Spillane, je n'en connais qu'une seule autre - plus belle, plus savoureuse, plus touchante. Il s'agit de celle qu'Evan Hunter (alias Ed McBain) donna à lire le temps d'une poignée de nouvelles et d'un court roman.
"J'ai les yeux bruns, mais ils sont tellement injectés de sang qu'on devine aussitôt le buveur de whisky. Et si je peux parfois passer pour un homme, c'est seulement parce que j'ai appartenu jadis à l'espèce humaine."
Les nouvelles parurent entre 1953 et 1954 dans le magazine Manhunt. Elles étaient signée Evan Hunter et mettaient en scène Matt Cordell, detective déchu vivant désormais dans les rues du Bowery, misérable quartier New Yorkais. Probable qu'on trouve quelques unes de ces nouvelles dans Suspense, la version française de Manhunt. Faudrait vérifier mais les exemplaires de cette revue Opta ne sont pas monnaie courante. On en trouvera en tout cas une poignée dans le récent recueil Le Goût de la Mort, compilations des premières nouvelles de Hunter / McBain.
Le roman connu par contre plusieurs traductions - ce qui le rend plus aisé à dégotter.
La première fut sortie en 1958 à la Série Noire. Titre : Faites Donner Du Cannon. Pseudonyme de l'auteur : Curt Cannon. Héros : Curt Cannon. Mais il ne faut pas se laisser abuser par cet artifice. Il ne s'agit là que de Matt Cordell camouflé sous une autre identité. Même quartier (le Bowery), mêmes habitudes (l'alcool sur un banc), même mode de vie (la cloche).
La seconde version suivie quelques années plus tard, aux Presses Internationales d'André Martel. C'est le numéro 26 de la collection Interpolice Jet. Le titre y est transformé en "Un Clochard Trop Curieux" mais Curt Cannon reste auteur-narrateur sur la couverture et dans les pages du roman.

Il existe enfin une dernière traduction, en poche J'ai Lu. Elle est bon marché, toute récente (2007) et reprend la version Hard Case Crime du roman - c'est à dire la dernière en date, celle revue et corrigée par Hunter himself sous le pseudonyme (désormais unique) de Ed McBain.
Dans les pages, Curt Cannon redevient Matt Cordell. Et le titre (I'm Cannon For Hire) se voit changé en un plus poétique The Gutter And The Grave. En France : Le Caniveau Pour Tombe. Pourquoi ce "pour" ? Le Caniveau et La Tombe sonnait-il moins vendeur ?
Vas-y comprendre quelque chose.
En tout cas, question vente, il ne vaudrait mieux pas qu'ils fassent trop les fiers, les mecs de chez J'ai Lu. Car les voila qui nous importaient la meilleure collection policière US du moment... pour tout bonnement la planter en 4 numéros top chrono.
Conséquence logique d'une présentation désastreuse. Aux États Unis, Hard Case Crime a droit à de sublimes couvertures, toutes signées par de grands noms de l'illustration à l'huile de pulp. Comme s'exclamait Mickey Spillane sur le site internet de l'éditeur : "one hell of a concept. Those covers brought me right back to the good old day."
En France, par contre, on est très con. Ou iconoclaste, au choix. On remplace Robert McGinnis et ses émules par du gros design ultra-minimaliste à couleur flashy et petit dessin étriqué en fond, façon éditions Fremok. Applaudissez bien fort : Il faut un certain talent pour se vautrer aussi majestueusement.
Et une gold-medal pour J'ai Lu, une !


Reste le bouquin. Dont je n'ai pas causé mais qu'importe. Il s'agit là d'un petit bijou et c'est tout ce qu'il est nécessaire d'écrire.
Ça frappe sec, c'est méchamment émouvant et on peut y voir rayonner cet art du dialogue dont Evan Hunter a toujours fait preuve, cette façon de faire converser ses personnages avec un naturel confondant, de rendre réel - presque palpable - le plus futile des échanges.

Et puis, avec 3 éditions disponibles sur le marché de la bouquinerie, vous n'avez plus aucune espèce d'excuse pour passer à coté de ce roman noir essentiel, simple comme un poche de gare et beau comme un canon.

ESPIONNAGE AU RABAIS POUR LECTEURS EN DÉTRESSE [REPRISE]

D'UNE BLONDE DEUX COUPS, RENE SALVESTRINI
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 28, 1968

Le héros se nomme Billy Ball. Il est agent de la CIA, aime à passer pour un boute-en-train vaguement lourdingue et s'affirme pages après pages comme un grand consommateur de rouge-limé - "une boisson prolétarienne" nous assure l'auteur, un mélange de vin rouge et de limonade. D'où le nom.
Bref, Billy Ball, notre héros du jour, ressemble un peu à une version chochotte d'Eddie Constantine - ce qui, pour un bouquin d'espionnage sixties, augure plutôt mal.
Et en effet, ça ne loupe pas. On se croirait clairement revenu dix ou quinze années en arrière, dans les pages des tout premiers Arabesque, Grand-Damier ou Le Trotteur : cet espionnage mal-fagoté, entre roman d'aventure et roman pour payer le loyer - mais attention, faut faire vite, monsieur Salvestrini. L'échéance, c'est pour demain.
Donc, restons clair : D'une Blonde Deux Coups est ennuyeux et mal écrit. Les dialogues tirent à la ligne, l'action molasse comme une limace un jour de sècheresse et les quelques traits d'humour (histoire d'assurer la décontraction) se révèlent consternants. Sans compter l'intrigue qui, par je ne sais quelle fantaisie de l'auteur, se dédouble inutilement au beau milieu du bouquin.
On ne retiendra donc que deux choses dans cette bouillie.
Petit un : les misérables méchants qui agissent comme des vilains de récits à quat'sous, façon HJ Magog. Ça, c'est toujours appreciable.
Et petit deux : dans D'Une Blonde Deux Coups, on ingurgite pas mal d'alcool - principalement du Rouge-Limé (dix centilitres de rouge pour 5 de limonade) - l'amateur d'éthylisme imprimé en sera donc pour ses frais. Et voici les passages susceptibles de l'intéresser : page 28, page 46, page 54, page 61, page 69, page 70 (cul sec !), page 73 ("mais avec un glaçon"), page 91 (un Côte de Provence nature), page 95, page 119 (et là, notre héros part en randonné dans la nature donc il ne peut plus se fournir en rouge limé)
(et après cette randonnée de 50 pages, eh bien, il a possiblement plus soif, donc il ne boit plus.
C'est triste mais dans ce bouquin, on n'est plus à une déception près...)



"OPÉRATION JÉRICHO", JEAN-FRANÇOIS TORRES
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 29, 1968

Cette fois, par contre, je pensais tenir le bon bout. En effet : Les 40 premières pages d'Opération Jéricho aiguisent assez magistralement leur style dans le chaos ambiant de l'espionnage d'époque : cette confusion d'affaires menées par de mystérieuses personnes, surveillées par des agents secrets, eux même surveillés par d'autres hommes de l'ombre - et tout cela exposé au lecteur comme un puzzle abstrait ou une spirale sans fin.
Il est aussi amusant d'y trouver, en page 30, "une peinture électronique d'Edmond Couchot."
Ce ne sont pas là les références habituelles des récits populaires.
Malheureusement, passé le chapitre 5, l'ensemble se gate. Noël Foray, le héros, espion à mi-temps, n'est pas spécialement excitant et sa mission, qui consiste, grosso modo, à rester dans l'ombre pour observer les agissements d'hypothétiques adversaires, manque sérieusement de punch.
Opération Jéricho, c'est le parcours pédestre de l'espionnage troisième age et l'auteur, si il écrit bien, ne fait rien pour nous réveiller.
Ainsi, le héros passe des chapitres entiers à suivre des gugusses, à écouter des gugusses, à observer des gugusses et, lorsque les gugusses ne sont plus dans son champ d'action, à réfléchir aux actions possibles de ces mêmes gugusses.
On est pas loin de la névrose.
A la fin, il en tue deux, de gugusses, mais c'est presque par erreur et ce sera là sa seule et unique contribution au body-count d'Opération Jéricho.
Belle efficacité. Ça palpite à fond.
Quant à l'histoire, véritable soporifique à 50 centimes (ou 1 euro) la dose, elle concerne une bande de chinois qui comptent aider les pays arabes à faire sauter Israël. C'est assez terne.
Par contre, ce qui est fendard, c'est que le chef des chinois se fait passer pour mort dès le début du roman puis continue à parader sous le nez des services secrets occidentaux sans se faire reconnaitre. Il change même de blaze, passant de Chou Po Ta à Chen Po Lai.

Normal qu'avec de pareilles chinetoqueries, on y voie que du feu !
Mais moi, je dois te l'avouer, je me sentais plutôt d'humeur Chou Po Lai, because Opération Jéricho, c'est une sacrée perte de temps !


UNE CHÈVRE ENRAGÉE, PIERRE-JACK TOLLET
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 30, 1969

Un petit dernier pour la route. Mais après ce que je viens d'ingurgiter, ça passe avec difficulté.
D'autant plus que ce der des ders donne dans le pot pourri en mélangeant certains éléments des deux bouquins précédents.
Ainsi, dans Une Chèvre Enragée, on trouve des Chinois (exactement comme dans Opération Jéricho) et des peintres montmartrois (exactement comme dans D'Une Blonde Deux Coups) - mais faut pas s'étonner de cette réciprocité, ce sont là les deux tendances de l'époque pour ce type de récit : les bridés maoïstes et les gauchistes parisiens.
Normal que l'espionnage populaire soit mort à la fin des sixties si il n'avait que ça à livrer à son lectorat.
Des espions étudiants bridés qui fomentent leurs sales coups à la Sorbonne. Le péril jaune soixante-huitards ! Bonjour le danger.
Comme adversaires de papier, ça ne fait pas très flambant !

"Tous ces chinois commencent à me courir sur le chapeau melon," déclare d'ailleurs un personnage en page 141.
On le comprend. L'auteur aurait bien fait de l'écouter.
Pour le reste, dans Une Chèvre Enragée, il y a trop de protagonistes, pas assez d'action, aucune conclusion satisfaisante et surtout pleins de bons sentiments fort mal venus.
Reste que, comparé aux deux forfaits précédents, il y a une amélioration. Oui, c'est surprenant mais Une Chèvre Enragée est parfois distrayant. Ça ressemble presque à du Maurice Vernon fatigué, un lendemain de cuite (au rouge-limé, s'entend...)
Néanmoins, sur l'échelle (pourtant pas toujours très élevée, qualitativement parlant) de l'espionnage populaire, ça ne vaut tout de même pas tripette.
Et du coup, je n'en démords pas, je reste Chou Po Lai et je m'en vais bouder dans un coin.
Voila.

BAS LES PATTES, ROBO !

BAS LES PATTES, CHARLIE !, JIM FERGUSON
BEL-AIR / WESTERN POCKET, 1965

Avant toute chose, un aveu : je comptais écrire un billet intelligent sur un bon bouquin mais je n'en ai pas eu la force.
A la place, je préfère donc me rabattre sur un western des éditions Bel-Air, le meilleur du pire de l'édition populaire en France, la sucrerie des amateurs de littérature-bis détraquée, le label qualité de la non-qualité qui revigore et ravigote.


Ainsi, dans Bas Les Pattes Charlie !, le méchant se nomme Charlie.
Oui, j'en suis conscient, je frappe fort dès le départ. Je hisse haut lapalissade mais je n'ai peur de rien, écartes toi donc de ma drunken-stylistique !
Bref, Charlie, pour en revenir à lui, c'est une sorte de two-gun jean foutre qui ne fait rien que des crasses aux gens.

Quant à Bas Les Pattes (tu vois, je te fais le titre à la carte pour le prix du menu), c'est ce qu'on lui dit au charlie en page 15 alors qu'il se saisit de la bouteille de GILBEY du héros pour se rincer la pente gratos, l'animal !

Le héros (j'y viens, j'y viens !) se nomme Sam. Il vit dans l'Arkansas, pas très loin de Little Rock, un coinstos blindé d'outlaws et de convicts.
Comme tu le vois, le bouquin n'a pas peur des mots anglais. Logique : c'est un western. Du coup, tout en débitant de la bribe d'anglo-saxon dans sa barbe mal taillée, on y boxe du guignolo, on y boit du remonte-pente, on y chique du tabac et on y bouffe du gigot d'opossum.
Il faut ce qu'il faut.
Mais il y a aussi l'amour. Ah ! l'amour... pur comme la rosée du petit matin qui brille aux premières lueurs du jour... gouttelette miroitante sur l'herbe grasse des vertes prairies de l'ouest sauvage...
Car Sam, qui est un héros, un vrai, un pur, tombe amoureux de la belle Daisy, la fille de son patron. Malheureusement, cette dernière est déjà promise au vil Charlie (on se demande bien pourquoi...) et qui, en véritable sagouin patenté, combine alors quelques sales coups pour se débarrasser à jamais de cette encombrante concurrence.
(L'encombrante concurrence, c'est Sam. Faut suivre, mec, faut suivre...)
Bref, le shérif étant, comme il se doit, un incapable, les saloperies de Charlie fonctionnent au poil et Sam manque bien de se retrouver avec une corde de chanvre autours du cou.
"A présent, les hommes du shérif me traquent et tant que je n'aurai pas réussi à me disculper et à confondre les coupables, ma vie sera en danger."
Voila pour l'intrigue. S'en suivent alors fusillades, trahisons et galopades. Bang, bang, arrgh !
Tout un programme, passons à l'essentiel.

Ainsi, aidé par une bande de commanches super sympas, Sam dézingue la horde des mécréants puis s'en va traquer Charlie en solo. Hue dada !
Pendant ce temps, ses potes à plumes font une pause au village et en profitent pour se balancer quelques verres dans le cornet.

"L'eau-de-feu, c'est la récompense des vainqueurs," déclare sentencieusement leur chef.
Bien parlé, Grand Sachem ! Surtout que ces indiens-là, ce sont de véritables champions es bibine. Ils éclusent du litron en pagaille mais ça ne les empêche pas pour autant, une fois leur ration prise, de s'éclipser silencieusement dans la nuit.
(...alors que moi, bien cuité tout bouffi, je suis plutôt du genre à culbuter sur mes piles de vieux bouquins en poussant des jurons de sioux mal dégrossi avant de m'affaler lourdement sur la première couche venue...)

Bref, tout ça pour dire que je ne sais pas qui est exactement Jim Ferguson mais que Bas Les Pattes Charlie ressemble à un western 'ricain (type Le Grand Convoi) réécrit et charcuté en une nuit par un scribouillard vaguement noir aux entournures.
Le résultat n'est malheureusement pas aussi délirant que certains Bel-Air des grands jours mais, du haut de ses 160 pages et avec ses TRÈS GROS CARACTÈRES (surtout lorsque l'on y imprime des marques de boissons), cela reste une lecture fort recommandable pour les jours de cerveau mou.
Et puis soyons clairs : c'est du western résolument foireux, doté d'une écriture fade au possible. C'est du western canada dry. Il y a de l'alcool, de l'action, des morts et ça se termine en banquet de noces.
On ne peut décemment pas cracher sur ce genre de came.

RIEN À RAZZIER !

RAZZIA SUR LA DROGUE, HANK JANSON
BEL AIR / DETECTIVE POCKET, 1964

En dehors de son titre plagiat (coucou Lebreton !) et de sa couverture mi-moche mi jolie, il n'y a rien à sauver dans cette triste production Guerber. Ça me peine de dire ça... vous savez combien j'affectionne ce type de romans... d'autant plus que'ici, tous les ingrédients clefs d'un grand Bel Air étaient bel et bien réunis.
Langue française allègrement massacrée par un scribouillard alcoolique, placement produit en lettres capitales dès qu'un personnage se sert un drink (CINZANO, OLD CROW, PAM PAM), érotisme frileux, empilement précaire de poncifs et intrigue anémique. Que demander de plus ?

Ainsi, dans Razzia Sur la Chn... excusez-moi, Sur La Drogue, Hank Janson, à la fois auteur attitré et héros attristant, journaliste casse cou et agent du FBI (tant qu'à faire, hein !), Hank Janson donc, démantèle avec l'aide de sa superbe compagne asiatique Fleur De Lotus (mais où vont-ils en chercher des pareils ?) le réseau de drogue super-international d'un ponte de la maffia, Batiste Bastori dit Le Requin.
"Il détenait un tel pouvoir, que pour en mesurer la puissance et la portée, il faut noter que malgré toute son existence criminelle et en marge de la loi, Bastori n'avait jamais passé, même pas quelques heures, dans une prison."
Ça, ce n'est pas moi qui ai trop bu et m'embrouille sur mon clavier couvert de vomissures, non, c'est juste Hank Janson (ou apparenté) appliquant à la lettre le style Bel Air d'écriture mongoloïde.
Sur 150 pages, je l'avoue, c'est de temps à autre légèrement difficile à suivre - surtout qu'il n'y a pas grand chose dans Razzia Sur La aaa-aa-atchoum, pardon, Drogue, pas grand chose disais-je à se mettre sous la dent : Action poussive, personnages inexistants, situations grotesques et une documentation sur le sujet-titre assez édifiante.
J'imagine que
Janson n'avait pas dû pousser ses recherches plus loin qu'un article du Reader Digest mais ça ne l'empêche pas de se donner des airs de grand connaisseur... un petit peu comme si j'écrivais un wikipedia sur la mafia en me basant uniquement sur ma collec' de romans L'Executeur.
Dans l'ensemble, Razzia sur Le Trucmuche ressemble donc au scénario d'un de ses faux fumetti débiles, bâclés et consternants (mais si appréciables) que Guerber publiait dans les années 70. Du gros n'importe-quoi produit à l'économie. Et si le charme graphique n'y est pas (à moins de se trouver une âme vaguement lettriste), on écope par contre d'un beau malus de perte de temps.
Car contrairement aux bandes de gare cochonnes qui se lisent en un petit quart d'heure montre en main, ce Detective Pocket prendra 1 heure 30 de temps de vie au lecteur courageux (inconscient ?) et ne lui laissera à l'arrivée qu'une légère sensation de lassitude, imposée par ce dur constat maintes fois démontré : tous les mauvais romans ne peuvent pas être drôles.
Et encore moins distrayants.
Et encore moins lisibles.
C'est triste mais restons positifs. Je dégotterai mieux la prochaine fois.

MISE AU POING !

Le téléphone sonna alors que j'assommais le mec d'un swing carabiné. Il était sorti de derrière le rideau de ma buanderie portative et, exhibant un surin largement cradé par du raisiné de bicot, souriant de toutes ses ratiches chanstiquées meuringue jaune fluo par un abus de pipes faisandées, avait menacé par des gestes promptement énergiques de me dégorger la tranchée.
Ça sentait, je peux te le dire, le malfaisant pur jus, mais j'étais pas né de la dernière pluie. Le gars, je le voyais bien venir avec ses mouvements de tantouze en rut. Je le calculais même très bien, l'ahurit. Il poussait des petits cris de chinetoque énervé et agitait en tout sens son surin en vue de m'assaisonner à la sauce barbare.
Le père Trenteudeu, faut pas lui faire comprendre deux fois le sens de l'affaire. J'avais ma prise. Un coup de rein soutenu par la gambette droite et illico, je lui choppe le poignet droit, à l'autre enflé, je lui cambute un genou gauche dans les valseuses puis, d'une torsion savamment ajustée, je lui fait crier sa mère... et le reste de la famille qui va avec, s'entend.
Ça fait pas un pli.
Un petit bel-canto de castrat.
Sûr et certain que le meilleur de lui-même s'est perdu dans les méandres de la culotte de sa daronne le jour de l'entiflage. J'en refous tout de même une petite châtaigne sur la rotule pour la route, histoire de marquer le coup. Ça fait un vilain crac, l'os se déboîte et perce la peau en un slack sanguinolent. Le gustave commence alors à bonnir sévère, la greffe en mode haute définition, balançant des trucs que je me permettrais pas de te faire lire, même sur un blaugue, sous peine d'inculpation judiciaire. De toute façon, le gonze, je le rétame direct, le poing en allé sec vers le menton. Il me dit goodbye et, la trogne en marmelade, s'affale comme une carpette sur le plancher.
Et ce fut justement cet instant que le téléphone choisi pour me balancer sa désagréable stridence dans les cavités auditives.
Ce coup là, ça me rappellera toujours un mauvais bon polar, du genre Ed Lacy ou Harry Whittington. Faut toujours que ça débute par des télécommunications payantes. Saloperie d'abonnement ! Enfin... si c'est ça, mes affaires... et vu que Selma n'est pas dans le coin (Selma, c'est ma secrétaire - une belle brune, un ancien mannequin avec des bosses et des creux là où il faut, et même plus qu'il en faut là où il faut, bref, une pineupe coulée dans un moule désormais cassé, pas de chance pour toi mec - mais le mardi, pour Selma, c'est congé...) alors autant répondre.
Je décroche... t'attendais que ça, saligaud, hein ?... et à mon avis, t'as bien fait.
Je pressens du bien
choucard. Le mec à l'autre bout du fil a l'air sacrement remué.


- Monsieur Trenteudeu ? qu'il gargouille, le loquedu, de sa voix de gagne-rouston. Robert Trenteudeu ? qu'il insiste.
- C'est moi.
(tu m'excuse, mais je fais dans le solennel. Faut soigner le personnage sinon, yaurait plus d'estime. Et sans estime, devine quoi : pas de galette ! Tout est dans la "publique relation", comme ils disent, les branchés d'outre-manche.)
- J'ai des informations importantes à vous transmettre, qu'il reprend, le hotu, de sa petite voix nasillarde. Il semblerait que votre mois thématique sur le Muller-Fokker ne remporte pas les suffrages espérés.
- Comment ça, moitié d'homme ? je lui lance, à l'autre enflé.
- Eh bien... (il semble tout penaud d'un coup, l'ordure) eh bien... eh bien... aux dernières nouvelles, personne n'aurait laissé de commentaire sur vos sujets. En réalité, monsieur Trenteudeu, il semblerait même que...
- Que quoi, que quoi ? Il te semblerait que quoi, espèce d'emmanché de la rondelle ? Vas-y, crache, nabot impuissant, crache la, ta saloperie !
- Eh bien... eh bien je crois... je crois qu'ils s'en foutent un peu, meussieur Trenteudeu.
- ... Ah... ah...

Sur le coup, je peux te le dire, ça m'a laissé légèrement vaseux. J'ai raccroché. L'autre gars, le premier, le revendicatif physique que j'avais bien mandalé au tout début de notre histoire, il était toujours étendu parterre, bras et gambettes en croix. Un sacré tableau. J'ai rapproché un fauteuil de l'oeuvre improvisée puis, après m'être lourdement affalé sur le coussin troué d'un ressort pas forcement désagréable, je me suis ouvert une petite carapils cinquante centilitres des familles. Eh oui, tu sais le Whisky, c'est devenu onéreux. 50 cents pour 5 degrés, désormais, ça fait mon affaire. Faut évoluer, mec. C'est Darwin qui l'a dit.
Bref, passée la première gorgée, je gamberge sec. Va falloir que j'assure.
Si je veux truster technorati...
Si je veux que google me verse mes 50 000 d'avances.... Va falloir assurer.

Et puis... qu'est-ce qu'il fout, sur mon sol, l'autre abruti ? Avec son masque de catch débile sur la gueule, pas de doute, il doit faire parti du gang de Filoute Loucoute.
Ah ! La race d'enflure ! Ceux la, je les note !

Mais j'ai d'autres moutons à tondre.
Muller
Fokker. Mois de Novembre.
Voyons voir...

...
Ah mais oui ! Mais bien sur !

( à suivre )