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LA FAMILLE, C'EST SACRÉ !

BLOODY MAMA, ROBERT THOM
SÉRIE NOIRE # 1373, 1970

Roger Corman chez Marcel Duhamel, série B en Série Noire, novélisation du film éponyme par son scénariste Robert Thom - pas encore signataire de Death Race 2000 mais déjà bien barré - ce n'est pas l'Histoire avec un grand H, respectueuse, véridique, et tout le toutim, à laquelle nous sommes conviés mais bien à une fantasmagorie exploitative pourvue de grosses burnes et d'une écriture joliment volage.
Coup de semonce en page 8 - " Votre auteur est Dieu " - et Dieu l'auteur, dans un style très new thing californienne, de nous raconter alors la vie grandeur nature et bigger than life de Kate 'bloody mama' Barker et de ses quatre fils, loustics fort peu recommandables, rustres sanguinaires, criminels du middle-west, monstres plus qu'humains.
En pleine ère des ennemis publics et autres gangsters vedettes made in U.S. of A., les Barkers mère et fils dévalisent des banques, kidnappent des gens, tuent des flics et prient le seigneur avant d'aller au lit.

"À ton avis, Maman, fit Herman, est-ce que Dillinger est plus célèbre que nous, ou est-ce qu'on est plus célèbre que lui ?"
Il y a des entêtes de chapitres qui se veulent futées et qui bien souvent y arrivent. Il y a de la baise incestueuse entre membres de la famille Barker. Il y a la drogue qui abruti Lloyd. Il y a la violence des uns et le sexe des autres. (" comme si les bêtes fauves de la jungle..." prélude un protagoniste dans son pauvre petit crâne.) Il y a Freddie qui ressemble à une fille et qui se fait enfiler par ses ainés. Il y a Mona la morue qui écrème les plus lubriques, rêve des stars du grand-écran et se peinturlure les lèvres à longueur de temps.

"Tu vois ?... D'être gangster, ça a ses avantages. On s' soucie pas des règles qu'observent les gens bien."
La chronique familiale ressemble à un long cauchemar, avec ses flous et ses blancs, ses instants de vides et ses moments de contemplation. C'est du Nouvel Hollywood à la machine à écrire, du vrai, du pur.
Une jeune sirène se fait enlever. Séquestrée, noyée dans la salle d'eau, elle ne dure que le temps d'un chapitre et ressemble à une parenthèse enchantée.

D'autres bribes, en vrac : un noir se fait lyncher puis sert de balançoire aux frangins, un tenancier de speakeasy devient marmelade sanguinolente à grands coups de bottes dans la nuque. L'ultra-violence se banalise et le cinéma muet trépasse.
Dans Bloody Mama, il n'y a ni prise de conscience ni crise d'hystérie, c'est un panoramique sur une folie douce en groupe, une famille de toquée qui vit constamment entre deux braquages, deux séjours en cage, deux veillées de camp et les chansonnettes populaire qui vont avec - " Va chercher ton cal'bar, j'vais chercher mon falzar " - " Trempe ta brosse dans la lumière du soleil et n'arrêtes pas de peindre " - " T'as les mirettes à fleur de tête " - " Appelez ça de la folie, moi j'appelle ça de l'amour."
Le bouquin peut sembler anecdotique et les faits qu'il relate sont presque toujours factices mais cela fait tout le sel de la chose.
D'ailleurs, puisqu'on cause anecdote, en voici une récente : en 2011, un exemplaire original de ce livre a été saisi dans une bouquinerie néo-zélandaise par le Departement of Internal Affair du coin. Car là-bas, ça fait plus de 40 ans que Bloody Mama est interdit à la vente.
Il y est jugé indécent.

De quoi s'établir fermement une situation sulfureuse.

Alors lisez-le, c'est banni !
Et puis, comme l'affirme Ma Baker en page 153 :

" Les gangsters, on les adore ! Tu sais pas qui on est, mais crois-moi, on nous adore. Tu crois que j' l'ai pas vu dans les journaux ? Au ciné ? Paul Muni. Et ce gars-là, Cagney ? À la radio ! [...] Moi... Moi et mes associés... on nous admire universellement ! Tout l' monde lit nos aventures ! Si on donnait notre adresse, je recevrais plus de lettre d'admirateurs que Mme Eleanor Roosevelt ! "
Parole de M'man.

ELSA MARTINELLI COW-GIRL !

Star Ciné Aventures, numéro 208, 1969. La couverture annonce "Cet homme qui va mourir" mais à l'intérieur, c'est surtout 49 pages d'Elsa Martinelli en cow-girl.
Elsa Martinelli. En cow-girl.
Je bave, je bave, je bave.

Titre original de l'œuvre cinématographique : Il mio corpo per un poker. Je ne te ferais pas l'affront de te traduire la chose.
Bref. Elsa Martinelli, alias Belle Starr, joue ses fesses au poker, face à ce grand auto-anthropophage dégingandé de Georges Eastman. Elle perd mais le bon vieux pote à d'Amato est un gentleman, un vrai. Il touche pas à la marchandise, parole de scout. À part ça, il se passe plein de trucs et de bidules. Ils fument des faux havanes et discutent de la pluie et du beau temps qu'il doit faire de l'autre côté de la frontière. C'est chouette mais ça dure. Quelques coups de flinguots par-ci par-là, un peu de trahison, un mariage forcé avec un vieux grigou, un casse de diam's pour pimenter l'ensemble, des canassons qui font cata-clop cata-clop (ou tagada tagada, si t'es un peu fraise sur les bords) et Robert Wood qui meurt comme un malpropre. Je n'ai jamais vu le film (et j'aimerai, oh oui, j'aimerai !) mais la version photoroman semble passablement charcutée. Donc, passablement illisible.
Mais je m'en fous.
Car y'a Elsa Martinelli en cow-girl.

Et aussi, dans l'ordre des vignettes gracieusement présentées ci-dessous par mézigue : Elsa Martinelli en cow-girl existentielle, Elsa Martinelli en cow-girl triste, Elsa Martinelli qui se dessape pour aller se baigner, Elsa Martinelli qui fume des cigarillos avec une bague à l'auriculaire, Elsa Martinelli bâillonnée, Elsa Martinelli énervée, Elsa Martinelli menaçante et Elsa Martinelli fatiguée par une longue chevauchée. Fiou !








Sacré festival, hein ?

MALÉFICES PORNOS (1976)

Maléfices Pornos est l'histoire d'un rêve et du lien plus ou moins ténu qu'il entretient avec la réalité. Ça s'ouvre dans la banalité la plus confondante qui soit, ça se termine dans la noirceur extreme du fait divers.
Un homme (excellent Gilbert Servien) et une femme, dans un appartement minable. Lui ne peut pas bander. On l'a bien vu s'y essayer, quelques minutes plus tôt - partie fine entre amis dans le salon, mise en bouche ordinaire pour film X fauché - mais peine perdue. Sa tuyauterie ne répond qu'en courant aléatoire.
" Tu sais bien qu'tu peux pas " dit sa femme, hors champ, tandis que la camera se focalise sur un zizi rabougri que son propriétaire tente vainement de ragaillardir.
Le morne quotidien de l'impuissant.



Alors, le soir venu, privé de sa petite partie de jambes en l'air, il se plonge dans un roman de gare - Meurtres Vaudous de l'Anglais Roger Hutchings, publié dans une des multiples collections André Martel animées par ce fichu (faux) barbichu de Martin Meroy - avant de sombrer dans un songe caverneux.
Étant donné la suite du métrage, je l'aurait plutôt imaginé, notre homme, lisant Max Le Roi du Monde d'Hubert Burger. Car le rêve qui articule Maléfices Pornos est une implacable descente aux enfers et, si l'on n'y atteint pas le centre de la terre, l'Agarttha sacré et ses contrées secrètes, on se rapproche dangereusement du cœur d'une démence aussi saugrenue que sanglante.


Tombé dans les bras de Morphée, voila notre homme torturant des jeunes filles dans une grotte obscure. Remaquillé pour l'occasion, fardé de blanc, visage exsangue, il évoque un monsieur Loyal vulgaire et grotesque tandis que sa femme, transmutée en tigresse cruelle, assène en cadence d'énergiques coups de fouets.
Elle est vampire souterraine, wobina en cape et cuissardes noires, une complice de choix : rabatteuse de gisquettes, pourvoyeuse en chair fraiche, Zara de retour d'une virée à Pigalle.

"C'est du nanan," affirme-t-elle au sujet de la première cuvée du métrage, pas encore consommée. Le nanan, deux greluches geignardes, est enchainé à un rocher, flagellé, marqué au fer, violé, massacré.
Dans un fantasme évoquant ces photographies du théâtre du Grand-Guignol - par exemple, Denise Dax souffrant en noir et blanc, la pointe des seins coupés aux ciseaux - l'homme érecte enfin.


Film performance, en quelque sorte. Comme si une bande de spéléologues partouzards avaient pliés en quatre leurs facéties les plus délirantes pour mieux s'intégrer à la trame en deux cases par page de ces photo-romans sado-masochistes qu'André Guerber éditait à la fin des années 70.
Impression d'assister alors à la version cinéma d'un Satanika, Cinelove, Cinerotika ou autre Malissia - mais en plus furibard, en plus frénétique - en témoigne le clou du spectacle : Manu Pluton, hercule d'ébène, bavant et éructant, engloutissant une pâtisserie crémeuse avant de subir les outrages habituels puis de se rebeller.

Maléfices Pornos plonge alors dans la dinguerie la plus totale, pantalonnade morbide se concluant par un saccage de bagouse, retournement aussi brutal que burlesque avant un brusque retour à la réalité, point final logique et cafardeux, caustique comme les remugles de cet humour noir dont les ricanements semblent rebondir en échos infinis tout au long de cette fascinante bizarrerie filmique.
Le dvd de Maléfices Pornos fut offert aux 300 (et des poussières) souscripteurs du Dictionnaire des Films Français Pornographiques et Érotiques en 16 et 35 mm.
Outre une bande annonce fabriquée pour l'occasion, on y trouve une longue et savoureuse présentation du film par un Christophe Bier pince-sans-rire et farceur. Ensemble parfait que j'applaudis de tous mes membres (clavier inclu), tout en rêvassant moitement à d'autres sucreries de ce genre.
Oui, à quand un dvd du Draguse de Patrice Rhomm, de Spermula, de La Goulve, de la Main Noire, de Massacre Pour Une Orgie ou encore (entre autres choses) de Entrez Vite... Vite, Je Mouille ?

Messieurs les éditeurs sérieux, nous comptons sur vous !

STAR-CINÉ BRAVOURE # 131 (1967)

AMI LECTEUR, saura-tu retrouver la case qui, extraite d'une des pages antérieures de ce photo-roman, n'a strictement rien à voir avec le magnifique déroulement dramatique de cette scène finale ?
Le gagnant aura droit, dans un prochain billet, à d'autres scans de ce numéro de Star-Ciné Bravoure qu'il pourra ainsi partager avec ses amis les perdants, cette bande de nazes qu'ont rien que de la chiasse dans les mirettes.
(Quant aux références de la bobine photo-romancé, il s'agit de Degueyo, un film de Giuseppe Vari sur un scénar' de Sergio Garrone)

JEAN ROLLIN ET LA LITT' POP'

Jean Rollin n'est plus. Coïncidence étrange (?), hier au soir, le Blog of Terror lui consacrait un très bel article. "Jean Rollin voit un monde triste qu'il tente de réenchanter, de rendre à nouveau désirable."
Aujourd'hui, les hommages pleuvent. L'exercice est bien souvent creux. Pour citer monsieur Medusa, "c'est comme ça ici bas, on se rend compte de la valeur des gens une fois qu'ils sont partis !"
Je préfèrerai ne donc pas m'attarder sur le territoire des afflictions patrimoniales. Malheureusement, il existe une facette de Jean Rollin que l'on évoque très rarement alors qu'elle constitue une composante essentielle de son œuvre. C'est celle du Jean Rollin amateur de littérature populaire, toqué de Fantômas, fondu de romans à quat'sous.
Je ne parle pas du Jean Rollin écrivain (une poignée de romans au Fleuve Noir et chez Florent-Massot) mais bien du Jean Rollin lecteur, éponge à mots et à images, formé à la "marginalité anarchisante " par les publications dénigrées du roman de gare.
Exploitation sur papier. Explosion imprimée de fantasmes, de poésie, de folie.
"C'est vrai que cette littérature bon marché à influencé les adolescents que nous étions."
On le savait amoureux des sulfureuses héroïnes de George Maxwell, du style désespéré de Claude Ferny, du Salauds ! de Anta Grey.
De cette éducation en dehors des sentiers battus, Jean Rollin tirera une très belle postface. Elle accompagne la réédition des Anges De La Mort d'André Helena (Fanval Noir, 1988) et si l'écrivain narbonnais occupe dans cette évocation une place centrale, Rollin aborde tout de même une très large portion de sa fascination pour les feuillets poussiéreux des mauvais genres.

"Il ne nous serait jamais venu à l'idée d'acheter un livre neuf."
En quelques phrases, en quelques pages, il donne littéralement corps à cette passion bizarre que la bibliophilie normale récuse, à cette errance/recherche de trésors oubliés, à cette obsession étrange pour des textes qui, aux yeux de tous, ne suggèrent "rien qui vaille."









Et si Jean Rollin n'est plus, rien ne m'empêche cependant d'imaginer que, dans une dimension parallèle à la notre, il réalisa pour le grand écran une adaptation cinématographique des aventures de la Môme Double-Shot avec Brigitte Lahaie dans le rôle-titre.
Chacun son truc, non ?...

L'ART DU DÉSORDRE IDÉOLOGIQUE

SANS SOMMATION, PIERRE VIAL-LESOU
FLEUVE NOIR SPÉCIAL POLICE # 1038, 1973

Avant-dernier roman de Pierre Vial-Lesou (l'auteur ne ressurgira qu'une dizaine d'années plus tard pour un ultime titre, Viva Zapatouille), Sans Sommation poursuit la veine politique amorcée par La Mort D'un Condé et, de fait, se retrouve placé une nouvelle fois sous le signe de cette citation de Napoléon : " L'art de la police est de ne pas voir ce qu'il est inutile qu'elle voit."

Roman d'action sous-tendant une réflexion sociale, Sans Sommation semble néanmoins, à l'aune des convenances (encore balbutiantes) du polar contestataire des années 70, relever de l'anomalie voulue et consommée.
Ici, le discours est indistinct, la pensée chaotique. Le propos n'est pas engagé comme il se devrait de l'être mais bien "dégagé" de toute appartenance, donc aussi ambigu que problématique.
De cette conduite étrangement floue, le texte s'érige à la fois comme le pendant négatif du Nada de Jean-Patrick Manchette et comme une suite informelle aux thématiques que La Mort D'Un Condé cherchait à renouveler dans un bain de modernité - Toute cette imagerie du flic et du truand, de l'autorité et des codes, de l'amitié et de la trahison, en bref : toute cette somme d'antagonismes classiques que l'auteur applique à une trame politique-fictionnelle contemporaine et pertinente.
En résulte un roman détonnant mais pas toujours défendable. Un peu comme si la bande à Baader était dirigée par Pierre Loutrel et qu'Action Directe obéissait à la logique virile d'un nouveau Rififi chez les hommes.


Ainsi, dans Sans Sommation, un groupe de terroristes est traqué par la police d'état (" une gentille armada de truands-sadiques et d'espions-grillés, tous promus exécuteurs au nom de l'intérêt public ") tout en essayant de monter un (dernier) gros coup.
Les prémices font penser à Nada. Concomitance créative, les deux romans furent écrit la même année. Celui de Lesou sorti plus tardivement, pour accompagner le film que Bruno Gantillon en tirait.
Mais contrairement à Nada, les révoltés de Sans Sommation ne sont pas des anarchistes armés ou des idéalistes exaltés. Ce sont d'anciens militaires, lâchés par leur patrie, lâchés par leur époque, et continuant à se battre pour leurs idéaux - ou bien même : leur absence d'idéaux - se battant ainsi parce que c'est tout ce qu'il leur reste et aussi parce que c'est tout ce qu'ils savent faire.
Ce ne sont pas des gauchistes, ce sont des réactionnaires. Ils combattent le progrès, concept à l'origine de la trahison dont ils furent victimes. Le spectre d'OAS n'est pas très loin, c'est le troupeau des morts s'en prenant à celui des vivants pour répondre à un code de l'honneur désormais obsolète.
Fantômes contre fantoches, âmes perdues contre sans âmes - il n'y a rien ni personne à sauver ici, juste des salauds et des fous, pour reprendre l'expression d'Alphonse Bourdard.

Sans Sommation se tire donc une balle dans les deux pieds. Un flic manipulateur dit : " vos raisonnements démagogiques me déçoivent. " Un commandant rebelle lance : " je n'aime pas l'hypocrisie, surtout quand elle gouverne. " Le personnage principal lui répond alors : " dans la bouche d'un militaire, c'est plutôt marrant à entendre. "
Sans attaches, le bouquin chancelle. Pour certains, il semblera absurde. Pour d'autres, "fasciste" sera le gros mot à employer. Dans Mystère Magazine, Alain Garsault écrivit qu'il s'agissait d'une "démonstration politique du plus mauvais aloi." C'est passer à coté de l'essentiel. Voire même tomber dans le panneau.
Ou comme le déclare une pute en page 67 : " Z'etes cons, les hommes, avec votre politique [...] Z'avez tous la prétention de détenir la vérité dans vos petites cervelles d'insectes."

Car au delà des curieuses intentions (aberrantes ou néfastes) que l'on pourrait lui prêter, Sans Sommation s'affirme avant tout comme un roman sur les diverses gammes du mensonges. Et comment se regarder ensuite dans une glace.
" L'amitié, tu vois, ça fait partie de la panoplie des illusions, comme toutes les idéologies. "
Argumentation intellectuellement insaisissable mais émotionnellement probante, le roman est beau comme un ratage spontané qui hurlerait phrase après phrase sa franchise maladroite mais nécessaire.
Le suspense initial (qui est le lieutenant Kieffer ?) est adroitement mené, la fin (marquée d'une résignation en faux semblant) se fait amère et l'écriture de Pierre Vial-Lesou se découvre aussi enragée qu'efficace.
Il est juste regrettable qu'une lourdeur dans l'exécution de certaines scènes et qu'un manque d'ambition dans le développement final de l'action (deux travers sans doute imputables aux considérations budgétaires imposées par le format cinématographique - le roman ayant été à l'origine conçu comme un scenario) empêchent Sans Sommation d'atteindre à la perfection du bouquin de gare en 240 pages.

Quant au film de Bruno Gantillon (réalisateur du très beau long-métrage fantastique Morgane et Ses Nymphes), il accentue toutes les faiblesses du roman original et se paye aussi le luxe de rater les scènes d'action. Je pense à l'attaque (brouillonne et trop vite expédiée) du fourgon carcéral et à l'embuscade héliportée dans un champ, censée être le clou du spectacle et pourtant manquant cruellement de tension.
Tout aussi déplorable : la conclusion au tête à tête final entre Maury et Capra, dans la Ford, sur la route, en fumant un clope et qui passe à coté de toute la tranquille poésie du mécanisme de mort dans l'œuvre de Pierre Lesou.
Néanmoins, cette légère absence de souffle ne gâche pas entièrement le spectacle. Bien au contraire. Les dialogues de Lesou sont solides, Gantillon capte à merveille les instants mélancoliques et les acteurs sont excellents.
Mention spéciale à Maurice Ronet et ses airs d'alcoolique suicidaire. Il porte littéralement le film sur ses épaules de pauvre type désabusé, uniquement préoccupé par l'accomplissement d'une soulographie très active - un délice !
Pour le reste, Mario Adorf est toujours aussi fort, Bruno Cremer est ultra-cool et Annie Duperey super belle pour qui aime les filles plates et élancées.
J'aurai du mal à en dire plus de bien mais, en dépit de ses (énormes ?) defauts, Sans Sommation reste un polar seventies de facture très honnête.
En tout cas, prenez-moi pour un dingo si vous les souhaitez mais je ne l'échangerai jamais contre un Costa-Gavras de la grande époque.
Et j'y peux rien, je suis comme ça... mais je m'assume !

SAN-ANTONIO NE PENSE QU'A ÇA



San-Antonio Ne Pense Qu'à Ça est un film probablement né d'une mésentente.
Joël Séria aimait filmer les beaufs mais ne voulait rien avoir à faire avec eux. Frédéric Dard, lui, leur offrait, de par sa prose sous pseudonyme, une certaine poésie héritée des revues d'humour et des romans à quat'sous.

Ça ne pouvait pas fonctionner, entre eux deux. Quelque chose, forcement, allait craquer.
Et pourtant, derrière le ratage avéré apparait un chef-d'oeuvre aussi navrant que jouissif.
Un chef d'oeuvre insaisissable, pourrait-on dire, nourri à l'incompréhension du mauvais goût populaire et aux ambitions qui s'avortent mais ne se résignent pas pour autant à la médiocrité.
Car San-Antonio Ne Pense Qu'à Ça est un film qui, par la somme de toutes ses folies (inconsidérées, voulues, accidentelles) dépasse en tout point le matériau original. Il se montre extrêmement fidèle tout en n'hésitant jamais à faire des enfants dans le dos de Fredo.
En fait, c'est un film paradoxe, un film qui brille par ses pires excès et qui atteint par là même les cimes d'une liberté totale.
Un film anar l'air de rien et déglingué aux yeux de tous
.

Que dire de cette fille qui se fait recoudre à la super-glue ? Que dire de ces représentants de l'ordre qui se reçoivent de la choucroute sur les fesses ? Que dire de cette maison de rebectance pour mutilés du casier judiciaire ? Que dire de ce montage, merde !


Oui, San-Antonio Ne Pense Qu'à Ça est un film dingue, un film comme j'aimerai pouvoir en mater chaque jour. Son rythme est ramolo mais ses fulgurances sont démentes. Ce n'est pas une adaptation, c'est une pénétration. San-Antonio passe à l'as. Joël Séria se meurt. Le choc sur l'écran.
Philippe Gasté est magnifique, tout en fausses dents. Pierre Doris incarne à la perfection le gars Beru. Enfoncé, Jean Richard !
Et Jeanne Goupil... oh, mec, vraiment, elle est sublime ! Elle joue du violon entre ses cuisses, elle se déguise en sirène, elle parade le prozinard à l'air en compagnie de nains domestiques surnommés les zombimodos.

Le bonheur.




Mais le bonheur ne s'arrête pas là. Ce serait trop triste, bordel de p... de pompe à m...!
Un théâtre est baptisé Musidora, des décors sont projetés lorsque les protagonistes s'automobilisent et les gags gras s'empilent comme les étages d'un HLM.

Le petit marlou qui baise la grosse et essaye l'haltère du père Pinuche ?
Impayable.

Jacques François dans sa jag' qui insulte le prolétariat ?
Impayable.
Merde en Branche qui écrase des insectes et défonce les vitres ?
Impayable.

Pierre Doris qui... non, mec, non, arrêtes, tu me tues, ma carte de crédit est à sec ! Et puis, tu sais, si ça continue, ce ne sera plus un article, ton bidule, ce sera juste une liste de conneries cryptiques.

OK. Alors voila les 6 premières minutes du film. Sur youtube. Ma VHS sur youtube. Elle a vécue, je ne te le cache pas. Je ne sais pas non plus combien d'heures, de jours, de semaines cette mise en ligne durera. Il y a des nichons à 2:20. C'est mauvais ça, de nos jours. Des enfants pourraient se beurrer le python sur cette salade.
En tout cas, il est brun et il est beau.
Son sourire assassin montre bien que c'est un héros.
Il est fort, parfois brutal, mais son film n'existe pas en dvd.
Faudrait peut être faire quelque chose à ce sujet, monsieur Davy, non ?

PS : si t'as vu la vidéo, t'as probablement noté que Béru et Pinuche font une partie de dames en suivant la recette du "Bérurier", un non-cocktail débile inventé par Frédéric Dard et qui se joue avec des "pions" de vin blanc et de vin rouge. Tu gagnes = tu bois.

PHOTO-ROMANS : BRIO # 2 / PIEGES # 2

Brio (nouvelle série) # 2, éditions Janvier, 1968
(vous vous souvenez peut être des quatre cases humoristique de la semaine dernière...)
... et Pièges (nouvelle série) # 2, éditions Brandt, 1968 aussi.
C'est le jeu des 7 erreurs. Même duo d'acteur, même décors, seul les costumes varient. Par contre, les couvertures n'entretiennent aucun rapports avec leurs intérieurs respectifs.
D'ailleurs, puisque j'en parle (et tant que nous y sommes), voici quatre pages interieures scannées dans Pieges # 2 : une photo de Corinne Prentiss et trois autres d'Elsa Martinelli...




... sans oublier la quatrième de couverture en guise de cerise sur le gâteau...