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DU BÉBÉ NOIR SANS PLAISIR

JULIE LA ROUSTE, JUDITH GRAY
LA MOTARDE DE DIJON, NUMOS
ÉDITIONS DU BÉBÉ NOIR / PLAISIR, 1980

On trouve de tout dans les bouquins porno des éditions du Bébé Noir et de la Brigandine. Du recit fantastique au roman feuilleton, de la science-fiction débridée à la farce situationniste hilarante, le lecteur curieux s'y dégotera largement de quoi alimenter sa petite cervelle détraquée. Mais si il y a bien un genre qui truste la masse des 120 (et des poussières) bouquins publiés par cette double maison d'édition, c'est sans aucun doute possible celui du néo-polar léger, ou plutôt du detective novel parodique adapté au climat des années fin septante début quatre-vingt.
Feutre gris, imper' mastic, loulou de banlieues et combines de bourgeois en temps de crise.
Raymond Chandler dans Ciel Lourd, Béton Froid.
C'est l'imagerie d'Épinal du flic privé
, mec minable mais sympa, biberonnant du bourbon en attendant dans son bureau miteux, les pieds sur un bureau branlant, une hypothétique clientèle.
Et sa secrétaire sexy qui renaude contre son manque d'activité.
Et enfin le clille tant attendu qui débarque, avec sous le bras une tortueuse affaire de mœurs propre à remplir les 190 pages du bouquin en question.

Ce type d'ouvrage, aux éditions de la Brigandine et du Bébé Noir, on peut le dénicher dans les textes de Frank Dopkine, Luc Vaugier, Florent Massada ou encore Sebastien Gargallo.
Intrigue prémâchée, style réchauffé, ambiance rigolarde. Du Série Noire sans étincelles, même si suffisamment distrayant pour susciter une certaine sympathie.


Du coup, en ouvrant Julie La Rouste, signé par une certaine Judith Gray, pseudonyme masquant fort probablement un auteur bien masculin, j'espérai tomber sur autre chose que du sexy polar parodique.
D'abord, la couverture, et sa nana bardée d'accessoires improbables, Barbarella post-apocalyptique dans une prod' porno fauchée.
Ensuite, le premier chapitre et sa sacro-sainte scène de viol dans laquelle la victime, d'abord récalcitrante, humiliée, flagellée et troussée par un papy pervers sadique, prend son fade. "Elle comprit à l'humidité qui la gagnait que la jouissance était imminente."
Enfin, le chapitre suivant. La présentation au lectorat de son héroïne du jour, Julie Santiago, dit Julie La Rouste.

"Depuis deux ans, [elle] faisait partie du petit nombre d'agents triés sur le volet auxquels Lomax confiait les missions difficiles ou dangereuses."
L'air de rien, je jubile. Je m'imagine être tombé sur un roman de sexpionnage. Une combinaison de Gilles Derais et de Dick Wood. Le panard absolu, en quelque sorte.
Malheureusement, chapitre 3, tous mes espoirs s'effondrent. Julie La Rouste n'est ni plus ni moins qu'un porno polar Brigandinesque de plus. Rien à signaler. Julie enquête, Julie piétine, Julie baise, Julie flingue et enfin Julie triomphe.
En une heure trente ça passe très bien mais faut pas s'arrêter en cours de route sous peine de ne plus avoir suffisamment de motivation pour reprendre sa lecture.

Même topo pour La Motarde de Dijon et sa sauvage Platinette en couverture. C'est du bouquin de detective de cul, un peu plus formaté que le précèdent mais un peu plus énergique aussi dans son déroulement.
Le héros se nomme Francis Norton. Privé de son état, il est chargé par un mafieux à la retraite d'apprendre qui à tué le colonel Moutarde dans la chambre à coucher avec la corde à piano. Est-ce Mona, Ken, Liliane, Claudia ou Chris ?
Page 40, t'es fixé mais ça n'empêche pas l'auteur de poursuivre sa narration et ainsi, tel Julie Santiago dans Julie La Rouste, voila Francis Norton qui enquête, qui piétine, qui baise, qui flingue et qui, enfin, triomphe.

Entre les deux bouquins, c'est un peu le jeu des sept erreurs. Notons, pour l'exemple, qu'en page 50 de ce Motarde de Dijon, nous retrouvons l'exacte même scène de rançon qu'en page 172 de Julie La Rouste.
L'équation s'impose. Numos = Judith Gray ? Va savoir.
Dans tous les cas, Numos = Frank Reichert.

On découvre la chose au tout début du roman. Chapitre 2, page 17.

"Francis Norton se balançait nonchalamment sur sa chaise, les pieds sur son bureau. Il lisait une excellente bande dessinée, Ballades pour un voyou, en sirotant un verre de Jack Daniels."
Je te la fait courte : Ballades pour un voyou, c'est une bande qui paraissait dans Charlie Mensuel à la fin des années soixante-dix. Dessinée par Golo et scénarisée par Frank Reichert (alias, entre autres, Luc Azria, Luc Vaugier et Gilles Soledad), elle connut un album en 79 aux éditions du Square avant d'être reprise en 81 par Dargaud dans leur collec' BD Roman.
Un plus un égale deux, c'est toujours ça de pris : une nouvelle identité d'auteur apprise. Sur un doublet de 190 pages, ça fait pas bezef' comme rendement mais que veux-tu, la pioche ne peut pas être constamment excellente.
Et puis, soyons raisonnable : question litterature de délassement, celle qui n'a pour seule et unique prétention l'équarrissage temporel sans moulinage à outrance des méninges, j'ai ligoté bien plus tartignolle que ces deux bouquins-là.
Alors, deux Bébé Noir sans plaisir ?
Faudrait p'tet pas abuser, Robo !

PAS BOUYXOU : BARBOURA BAJOIE !

ATTENTION : CE MESSAGE CONTIENT 80 % DE CONNERIE AUTHENTIQUE. BARBOURA BAJOIE N'EST PAS JEAN-PIERRE BOUYXOU MAIS UN CERTAIN JACQUES BOIVIN ALIAS BENJAMIN RUPPERT. DONC : JE ME TROMPE SUR TOUTE LA LIGNE ! DONC : JE RACONTE (ENCORE) N'IMPORTE QUOI ! BRAVO MOI-MÊME ! ( ET RENDEZ VOUS DANS LES COMMENTAIRES POUR LE JET DE TOMATES SUR MA PERSONNE )

L'ÉTROIT PETIT COCHON, BARBOURA BAJOIE

ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1981

On compte généralement 14 romans porno de Jean Pierre Bouyxou aux éditions de la Brigandine / Bébé Noir ET LAISSE MOI TE DIRE MON PETIT QUE JE NE SUIS PAS DU TOUT D'ACCORD !
Ben oui.
Moi, j'en compte 15, de bouquins à Bouyxou. Et non, je n'écris pas cela dans le seul but de me faire remarquer. Et non, bis repetita, je ne pense pas avoir trop picolé.

(De toute façon, si j'avais trop picolé, j'aurai calculé double et mon total aurait atteint les 30...)
(...et je ne compte pas non plus les divers problèmes de compatibilité entre mon clavier azerty et ma cervelle noyée dans l'alcool, cette recalibration constante de mes pupilles peinant à faire la mise au point, cet accident perpétuel de mes doigts sur les touches, et vas-y que je vise le G en tirant la langue et que... non, encore raté, ça, c'est le U, rah putain je vais jamais la -hips- la terminer cette phrase !)
Bref, je (me) reprends et donc, oui, quasiment frais comme un gardon et tout juste grippé aux entournures (c'est normal, c'est l'hiver), je compte toujours 15 bouquins de Jean Pierre Bouyxou aux éditions de la Brigandine et du Bébé Noir.
Noël Godin en recense 14 dans son Anthologie De La Subversion Carabinée et Tubbytoast en résume autant dans son récent billet Foutraquement Bandulatoire. Je te donne pas la liste : soit tu la connais déjà, soit tu t'en fous, soit tu moteur-de-recherchise tout seul comme un grand
ET SURTOUT NE M'INTEROMPT PAS !
Donc, il en reste un. De bouquin. Et ce n'est pas le très bon (et très rare) Philarete de Bois-Madame aux éditions Baston, celui avec les très belles illustrations de Georges Maurevert (AH TU BAVES MON SALAUD HEIN ?) Non, c'est L'Étroit Petit Cochon, signé Barboura Bajoie.
L'ÉTROIT PETIT COCHON.
Je l'écris tout de suite, comme ça, c'est réglé d'entré :
PUTAIN, QUEL TITRE !
Voila, c'est dit.Maintenant, reprenons. Surtout que j'en vois certains se gratter brutalement la coupole, imprimant ainsi sur leurs tronches des mimiques évocatrices d'une perplexité plus qu'évidente. Car des conneries, j'en raconte souvent. Ici et ailleurs. Celle-ci, pourtant, n'en est pas une. L'Étroit Petit Cochon, ça a le goût, l'odeur, la couleur, le style d'un roman Bouyxou.
PRENDS TA LOUPE SHERLOCK ET ANALYSES LES INDICES.
Tu y trouvera la gouaille propre à l'auteur. Tu y trouvera aussi ses jeux de mots stupides, ses parenthèses idiotes, son argot rigolard, ses petites pointes politiques, ses références culturelles. Tu y trouvera surtout des liens renvoyant à d'autres bouquins de son cru.

Car Bouyxou aime à se répéter. Ce n'est pas un mal. Effusions Démentes n'était que le brouillon de Sévices Après Vamps. Et SOS Mes Deux Seins ne faisait que reproduire (en moins bien) le schéma de Ciné A Mateurs.
Dans L'Étroit Petit Cochon, c'est (heureusement) bien moins flagrant mais tu y trouvera tout de même quelques pincées de Ton Corps Est Tatoué (les bikers amateurs d'orgies gore), de L'Épiée Nue (le voyeur aux mansardes parisiennes), de Les Accidents De L'Amer (le couple pervers rencontré par hasard), de SOS Mes Deux Seins (ça fume des joints et c'est féministe) - entre autres choses et le tout en mieux.

LE PROBLÈME, PAR CONTRE, C'EST QUE JUSQU'À PRÉSENT, JE N'AI PAS CAUSÉ DU BOUQUIN EN LUI MÊME ET QU'IL COMMENCE À SE FAIRE TARD ET QUE J'AIMERAI BIEN EN TERMINER RAPIDEMENT MERCI / LE PROBLÈME AUSSI C'EST QUE LE BOUQUIN EST VRAIMENT BON ET QU'IL AURAIT MÉRITÉ UN BILLET À LUI TOUT SEUL AU LIEU DE MES ÉLUCUBRATIONS FOIREUSES ( tu l'as dit bouffi ) MAIS IL N'EST JAMAIS TROP TARD POUR BIEN FAIRE.
(DOUBLE SAUT À LA LIGNE)

L'Étroit Petit Cochon, c'est donc un roman confession, un roman confidence, ce genre extrêmement populaire de la littérature porno, vaguement abordé sur le Muller-Fokker, et qui consiste, grosso-modo, à te raconter, chapitre après chapitre, les très banales aventures sexuelles du personnage principal, à la première personne du singulier s'il te plait.

Ici, l'exercice est parfaitement respecté. Première page de texte, Barboura Bajoie, à la fois auteur et protagoniste, se présente à son lectorat.
"Je vais bientôt avoir... ah! un âge que beaucoup trouvent excitant sans être pour autant pédophiles de stricte obédiences..."
On salive. On a raison. Barboura ne nous trompe pas quant à l'origine de sa camelotte litteraire. C'est de la pure, c'est de la bonne.
Elle nous raconte donc sa vie au bahut, ses papouilles aux chiottes avec sa meilleure copine (Gillian, une "silhouette inimitable façon caricature à la Pichard "), ses petits plaisirs personnels en solitaire, sa dernière séance dans une salle de cinoche classé X (soit dit en passant : une véritable chevauché sauvage à faire calancher ce bon vieux John Ford), ses nombreux autres petits plaisirs personnels en duo (avec un peigne, un tiroir, une photo), sa rencontre avec un aimable couple scatophile, etc, etc.
Le lecteur bave, le lecteur est heureux. Barboura Bajoie est grande. Elle cite Eric Stanton et les haricots sauteurs du Mexique, ce grand classique du journal de Pif le Chien (COMMUNISTE !!!).
Surtout, elle arrête pas de baiser.
N'IMPORTE QUI, N'IMPORTE OÙ, N'IMPORTE COMMENT - MAIS ATTENTION ! avec classe et distinction !

Avance rapide : 120 pages dans le bouquin et le genre du porno confession est littéralement retourné.
30 de plus et le voila qui se fait défoncer gaillardement les fondements. Il y a de la drogue (par contre, Jean Pierre, juste une question : C'EST QUAND QUE TES PERSONNAGES ARRÊTENT DE FUMER DE L'HERBE POUR ENFIN PRENDRE DES PUTAINS D'ACIDES, HEIN ?) et surtout, il y a de la libido sauvage.

" C'est devenu la dinguerie complète ! Faut le voir pour y croire... C'est plus du fantasme, ça dépasse l'imagination et mes circuits vont sauter ! "
Je ne gâcherais pas le suspense. Je ne révèlerai rien de plus.
Soit dit en passant : Pichard n'était certainement pas cité par hasard. Barboura Bajoie, c'est Paulette revue et corrigée aux éditions de la Brigandine. Et L'Étroit Petit Cochon, c'est (à mes yeux) l'un des 3 meilleurs romans porno de Jean-Pierre Bouyxou.
La dinguerie complète.
Je répète :
LA DINGUERIE COMPLÈTE !
(et c'est vrai : j'étais certain qu'il s'agissait d'un bouquin de JPB !)

BRIGANDINE EN SÉRIE

LES SEPT MERVEILLES DU MONSTRE, GILLES DERAIS
ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1981

En dépit d'un jeu de mot titre pas franchement monstrueux (nous sommes bien loin des magnifiques Sorcellerie Rémoulade, L'Etroit Petit Cochon ou Ton Corps Est Tatoué, pour ne citer qu'eux), Les Sept Merveilles Du Monstre est, toutes proportions gardées, un Brigandine assez exceptionnel et je dirais même plus un roman d'aventures fantastico-porno-pop totalement recommandable des deux mains dix doigts et trente-six phalanges puisque tranchant (et de façon tout aussi jouissive que stupide) avec l'ordinaire porno-polar post-neo-rigolard ou classico-parodique qui fit les beaux jours de la collection favorite de ces messieurs (aucun nom ne sera cité).
En effet, ici, pas de dealers héroïnomanes, d'HLM délabrés, de politicards véreux, de prostituées romantiques, de chômeurs révolutionnaires et de banlieuzards ravacholés, bref, de tout ce qui faisait la routine d'un bon nombre de ces petits romans, escapades fantastiques morbides, historico-destroy ou science-fictives azimutées exceptées.
Inutile de dire, en guise de digression, que cette pauvreté dans le registre thématique, couplée à quelques rengaines libertaires parfois ultra-naïves, peut avoir comme défaut la provocation d'une légère lassitude ou d'un lourd agacement chez le lectorat blasé que je suis sensé représenter - tout dépend de l'auteur brigandiné que le dit lectorat a eu le malheur de s'enfiler dans la soirée en sachant que, par exemple, et surtout par expérience, le Gargallo est bien moins digeste que le Bouyxou ou le Soledad. Et encore ! Et encore ! Ne nous y fions pas trop, l'abus de Brigandine, sous n'importe quelle forme, peut provoquer une envie malsaine d'agressivité envers d'inoffensifs militants anarcho-syndicalistes amateurs de chanteurs moustachus engagés à guitare. Exemple moyennement contractuel.
Bref. Je me recentre.
Ici, donc, ce n'est pas du Fajardie remixé cul, non, non. Gilles Derais fait dans le sérial débridé, dingo-débile et désaxé. Les Sept merveilles Du Monstre, deuxième volume d'une série entamée au Bébé Noir (La Peau Lisse Des Nurses) et rapidement clôturée, probablement faute d'éditeur, du coté de chez Dominique Leroy en 83 (Tout Feu Tout Femme, nous y reviendrons prochainement), place une fois de plus Benoit Lange, journaliste casse-cou, sorte de Jérôme Fandor moderne, face au redoutable Docteur Minski, savant (forcement) fou, mégalo-toqué et sexuellement pas très net. Ah, ça ! Vraiment pas net du tout même. Il faut le voir, ou plutôt le lire, notre bon vieux docteur lubrique, se reconvertir en gynéco gestapiste et infliger à ses captives, dans les tréfonds de sa base-volcan-ile-secrète (forcement), des sévices peu ragoutants et totalement ridicules - certainement les meilleurs chapitres du roman, les 6, 8 et 10, soit respectivement Tentative de description des zones dites infernales, De l'enfer, suite, et De la gymnastique, bienfaits et désagrements - de très belles entêtes et des passages où Derais s'en donne à cœur joie, versant dans l'outrance sadique en carton et cartoon X de bande elvifrance et n'usurpant pas, pour le coup, son sacré bon dieu de pseudonyme.
Quand à l'histoire, je n'en ai pas imprimé tous les détails, les plans du docteur étant assez nébuleux mais, bon, grosso-modo, Minski compte déclencher la troisième guerre mondiale pour ensuite devenir maitre du monde. Classique. Normal même. Le héros l'en empêche. Forcement. Et après, c'est bagarre, fusillade, explosion, deus ex machina et compagnie, le tout empaqueté avec quelques passages de cul furieusement balancés par dessus la jambe. Lange baise n'importe où n'importe comment histoire de justifier d'une simili-vie sexuelle de tombeur professionnel.
Néanmoins, si Derais officie dans le pastiche, il le fait avec un sérieux qui est tout en son honneur. Son roman ressemble à un Madame Atomos porno, quelques grosses touches de mauvais gout en plus - ce qui n'est pas pour nous déplaire. On regrettera par contre un final un peu trop timoré et une chute particulièrement vaseuse. Derais avait les moyens de nous sortir le grand jeu mais, probablement par manque d'espace paginé (ou de temps ? ou d'inspiration ?) préféra la jouer sobre sur les 50 dernières pages.

Pas grave, le reste est d'enfer.

FAUX MAGE OU DESSERT ?, BENJAMIN RUPERT
ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1981

Continuons avec une autre série feuilletonesque des éditions de la Brigandine, soit les exploits politique-fiction acide de Deimos, mécréant international et adepte du subterfuge fantomesque.
Je n'ai pas lu le premier volume, Loin Des Yeux, Loin Du Tueur et, en dépit d'une note en bas de la page 173 ("*voir les prochains titres de l'auteur"), je ne sais si Rupert donna suite aux aventures de son anti-héros.
Mais fit de toutes ces considérations, passons au bouquin et, si le jeu de mot est de qualité, le roman ne convainc pas. Sans vouloir paraitre trop dur, il s'agirait presque de 190 pages vides de toute substance - hors éjaculations,
of course. D'ailleurs, puisqu'on en parle, les scènes pornos semblent forcées, se payant en prime le luxe d'être trop nombreuses et constamment (ou peu s'en faut) inutiles. Tout juste retiendra-t-on une longue orgie semi-lesbos de deux ultra-vixens obèses mais c'est peu et puis, bon, on s'en serait bien passé. Tout cela sent le remplissage à plein nez, le manque flagrant d'inspiration. Rupert ne s'intéresse que très rarement à ses personnages et jamais à leurs actions. Impossible à partir de là d'accrocher sereinement le lecteur - personne n'étant concerné, non, vraiment, alors moi non plus.
Bref, c'est catastrophique, ça me rappelle un Francis Lotka, très politique aussi, Le Popotin De La Commère, et pourtant, contrairement à ce roman de Lotka, il y a dans Faux Mage Ou Dessert un certain potentiel, des idées qui mériteraient d'être creusées. Deimos, ce personnage principal que l'on aperçoit à peine, est visiblement inspiré par Diabolik. Sa petite copine est blonde et se prénomme Eva - certains signes ne trompent pas. Mais au lieu de jouer au scénariste de fumetti déchainé et vaguement dissident, Rupert préfère développer, via les longs dialogues de ses personnages sans personnalités, une réflexion vaine et factice sur le terrorisme et la place de la criminalité dans le monde moderne. Petit traité de la terreur corporatiste à l'usage des masses. Voila qui n'arrange pas les choses. Si le texte avait été plus long, peut être, ou si les divers éléments qui le constituent, cul, action, agit-prop, avaient été mieux dosés, mieux traités, mieux amenés, Faux Mage Ou Dessert aurait certainement eu une jolie gueule. Quelque chose dans la veine du splendide (bien que bancal) texte que Jean-Pierre Bastid signa à la fin des années 90 pour la collection @lias du Fleuve Noir, L'Usage Criminel Et Délicieux Du Monde, bel hommage ultra-violent, cynique et désenchanté à Fantomas (encore !).
Malheureusement, ce Brigandine ne dépassera jamais l'ineptie grasse des porno-populo les plus bas de gamme - pipe, sodomie, viol, lesbianisme en pagaille, tout ça assené sans humour ni excès. Bref, rien pour plaire. Et puis que dire d'un paragraphe pareil, page 152/153, risible et incroyable, "[...]
elle voulait voir, maintenant, cette chose incroyable qui faisait qu'un homme était un homme, cette quéquette arrogante qui permettait de pisser debout, ce soc de chair qui allait labourer la terre de ses plaisirs..." - Rupert devait en tenir une belle à ce moment-là pour écrire une si jolie niaiserie. Sacrement éméché, oui. Ou alors tout simplement sacrement emmerdé par son œuvre.
Ça tombe bien, moi aussi, et il ne me restait plus alors qu'à imaginer la gueule du client lambda, ce petit bonhomme à moustache et gabardine beige, col relevé et portant durement à droite, qui, entre deux scènes de pistonnage actif et de jus de roupettes, devait se farcir des chapitres entiers de réflexionnisme situ-spontex cryptique. Il devait tirer une sacrée tronche, le client lambda... Mais c'est peut être ça, l'humour.

COCHONNERIES EN VRAC

POUR TOUT L'ÉGOUT, SÉBASTIEN GARGALLO
ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1980

Chose promise, chose due : la farouche poitrine de Brigitte Lahaie, accompagnée de son ensemble cuir rouge flashy
so eighties qui ne couvre pas grand chose. Bon, voila, ça, c'est fait. Ensuite, le bouquin - et c'est une autre paire de miches ... pardon, de manches.
Pas que Pour Tout L'Égout soit exécrable, ou juste très mauvais. C'est un Brigandine. ça se lit donc plutôt bien et c'est parfois même marrant.
(En fait, celui-ci fonctionne comme une comédie porno vaguement maquillé en parodie de polar avec tout le tralala habituel : Le détective privé alcoolique, les flics tocards, la secrétaire amoureuse, la veuve éplorée et nymphomane, bref, vous pigez le topo.)
Le problème, c'est que l'ensemble manque cruellement de piquant. L'intrigue est aussi touffue et originale qu'un Nestor Burma - et je ne parle pas des chef-d'œuvres de Leo Malet (hola !!!), je parle de l'adaptation télévisuelle années 90. D'ailleurs, on ne navigue pas très loin de la pitoyable interprétation de Guy Marchand. C'est du stéréotype de stéréotype - la voix-off, l'attitude branleur-dragueur, les rapports taquins avec la maison poulaga, et compagnie.
J'imagine qu'il y a derrière tout cela une volonté de second degré mais elle ne fonctionne pas. C'est donc doublement lourd.
Surtout, Pour Tout L'Égout fait dans la facilité. Gargallo semble se contenter d'une routine plan-plan faite de filatures tranquilles et de petits règlements de comptes pépères. Aucune menace, aucun risque, aucune tension, aucun retournement de situation, tout juste des parties de jambes en l'air en guise de climax de fin de chapitre.
(Ce qui peut constituer un "retournement", mais d'un tout autre genre... sigh...)
Bref, l'ensemble ne décolle jamais. Le lecteur ne s'emmerde pas vraiment mais, dans le genre bouquin de gare, on a connu bien plus palpitant que ce Pour Tout L'Égout en forme de minimum syndical du polar-porno.


SAINTE N'Y TOUCHE, DAN CURTISS
PROMODIFA / MYSTEROTIC # 28, 1977

Mais il y a aussi bien pire. Tiens, par exemple, Sainte N'Y Touche. Un roman signé Dan Curtiss, le grand Dan Curtiss, habitué notoire (pour ceux qui fouinent dans les rébus Emmaüs) des petites collections pas très nettes années 70.
Curtiss, on le trouve coup sur coup chez les rigolos de Transworld (maison établie en Andorre), du Jaguar Rouge (à Nice) et de Promodifa (Marguerittes). Une belle brochette de fortiches de la publication bâtarde. je dirais même plus : les héritiers spirituels des éditions de la Seine, Baudelaire, Bel-Air et compagnie. Ça vous place le bonhomme, ce curriculum-là.
Car Curtiss est à l'image de ses patrons : Ce n'est pas un écrivain, c'est une photocopieuse.

Ainsi, dans ce superbe Sainte N'Y Touche, notre Xerox 9700 en chef nous fait grâce de son imitation raté favorite : le Mickey Spillane à petite définition, cartouche d'encre vide et bourrage papier à la sortie (coté lecteur, donc).
Mais cette fois, Dan Curtiss fait aussi un truc inouï. Il écrit sur les exploits de... Dan Curtiss ! Oui, Dan Curtiss est Dan Curtiss, le détective privé super-dur, super-baiseur, super-efficace. Le mec ultime. Mike Hammer Redux.

"Regardez-moi, je suis Dan Curtiss. Je n'ai jamais fait d'entourloupes de ma vie, sauf pour la bonne cause. On me reproche d'avoir le doigt trop facile sur la détente mais je n'ai jamais descendu que des salopards. [...] J'ai le droit pour moi, et un code d'honneur. On m'a donné un permis port d'arme pour assurer ma protection. Je l'assurerai, ne vous en faites pas. Ce n'est pas moi qui tirerai le premier. Mais je vous jure bien que le gars d'en face me ratera et je ne le louperai pas."
Ouais ouais ouais. Il parle beaucoup, Dan, mais il ne fait pas grand chose. Il saute quelques nanas par-ci par-là, il descend quelques gus dans les mêmes parages et il pompe des verres de whisky avec son pote le flic incompétent. Comme n'importe qui d'autre, quoi.
Sinon, les riches sont corrompus, les pauvres sont bêtes et le coupable est une femme. Vous l'avez compris : c'est à éviter.


LA PERMISSION DE MINUIT, MICHEL BRICE
PLON / BRIGADE MONDAINE # 16, 1978

Je poursuis dans la même catégorie (la catégorie : "à éviter" - qu'est-ce que vous êtes tête-en-l'air, parfois !) avec un Brigade Mondaine, numéro 16, La Permission de Minuit.
Le principe de cette série se pige rapido : il y a du cul (un paragraphe timidement explicite tout les deux ou trois chapitres) et, en toile de fond, une enquête décalquée sur un mauvais San-Antonio. Mais sans l'humour. Tout juste retrouvera-t-on une figure berrurienne en Aimé Brichot, le gros sidekick bien franchouillard et obsédé qui trempe parfois son biscuit pour susciter des effets comiques bien finauds genre "
Ah! Ah! Aimé, il a attrapé la chaude-pisse avec la petite anglaise !"
Donc, si vous êtes clients de ce type de farces hautement distinguées, n'hésitez plus. Lancez-vous. La Brigade Mondaine, c'est pour vous. C'est même du sur-mesure.
Les autres pourront éventuellement se consoler avec les fortes doses de sexualité
barely-legal qui saupoudrent l'ensemble (quand il ne s'agit tout bonnement pas du not legal at all !) tout en étudiant minutieusement les implacables méthodes policières de Boris et Aimé, notre duo de choc.
Ainsi, dans La Permission de Minuit, les deux lascars sont défrayés à La Baule pour démêler l'écheveau d'une sombre affaire de viol. Ils se posent à l'hôtel, boivent du pinard, draguent des touristes, vont en boite et décuvent sec le lendemain. Ils n'enquêtent pas, ils ne foutent rien : ils attendent que ça leur tombe bien chaud dans le bec. Et c'est d'ailleurs ce qui arrive à la fin grâce à un petit futé du Club Mickey régional qui explique à Boris les rouages extrêmement complexe du leetspeak d'époque (cette technique qui consistait à écrire SOLEIL avec une calculatrice).
Après, ils coffrent le méchant (un industriel vicelard) et repartent à Paris recevoir félicitation et primes.
A titre indicatif, je me permettrais de vous rappeler que ces deux corniauds sont financés par le contribuable français.


PAIRE DE FEMMES, RICARDO VANGUARDIA
ÉDITIONS & PUBLICATIONS PREMIÈRES / EROSCOPE 1978

Le meilleur pour la fin - ce qui, je l'avoue, ne veut plus dire grand chose après du Dan Curtiss et du Brigade Mondaine.
Et pourtant, malgré de fortes tendances à la médiocrité irrécupérable, Paire De Femmes (quel titre !) sort indéniablement de notre lot quotidien d'érotisme au rabais.
Contrairement aux trois romans précédents, Ricardo Vanguardia (que je soupçonne de n'être qu'une façade de Richard Matas, traducteur en Série Noire) n'y est pas allé de main morte. Il a écrit son bouquin de cul comme d'autres ont pu tourner des films pornographiques à l'usage de la
42nd street. Ambiance glauque, style nerveux, sexualité brutale. Et une histoire hardboiled ultra-simplifié, avec un ex-avocat qui boit de l'alcool dans des bouges mal famés, passe la nuit avec des putes mexicaines et règle ses comptes avec un pédé camé et sa bande de flics corrompus.
Ça pourrait ressembler à du Charles Necrorian mais ça s'essouffle au bout de 80 pages, devient illogique puis part dans tout les sens. On a un peu l'impression que Ricardo/Richard ne sait pas très bien comment remplir les 140 pages restantes. Ce n'est pas très grave car, parfois, l'espace de quelques paragraphes, l'auteur abandonne son histoire poussive et sort toute une artillerie lourde de vulgarité ampoulée. Nous entrons alors, et de plein pied, dans la vraie (et grande) littérature de baise pour chauffeurs-routiers, celle qui fit la gloire d'Eroscope et qui est à l'image même du fier organe masculin. Puissante. Dévastatrice. Et sans aucune retenue.
Les amateurs de poésie, d'amour et des productions Gerard De Villiers sauront apprécier à sa juste valeur toute la subtilité de ce passage foutrement emblématique du style Paire De Femmes :
"Elle éprouva la pleine sensation d'un phallus géant qui ouvrait avec puissance un chemin de plaisir immense dans les muqueuses palpitantes de son vagin.
Alors il éjacula.
Elle voulut être reprise.
Elle le suça de longs instants, cessa, se retourna; elle voulait être enculée. Il la sodomisa, à la limite de la douleur, il y eut la jouissance."
Tout est dit, je crois...

DU CUL, DU CUL, DU CUL !


ATTOUCHEMENTS SANS DOULEUR, GILLES SOLEDAD
LE POPOTIN DE LA COMMÈRE, FRANCIS LOTKA
ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1981 / 1980

Cher Monsieur Losfeld,C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu vos divers billets (celui-là, celui-ci, un autre et le petit dernier)concernant les petits ouvrages affriolants des éditions de la Brigandine. Et forcement, après un article aussi vigoureux que celui que vous consacrasse au Pompe Le Mousse d'un certain Hurl Barbe, je ne pu que prestement lever mes fesses de devant mon écran et me mettre hardiment en quête de ces satanés bouquins de cul.Malheureusement, cette longue et difficile traque ne donna lieu qu'à une moisson fort peu fructueuse. La récolte s'éleva en effet à deux pauvres romans, et je ne compte pas celui entrevu lors des puces du dimanche mais vite abandonné en raison de son état calamiteux. Considérez moi vieux jeu si vous le souhaitez, mais j'ai quelques réticences à m'étendre dans mon lit avec un livre sauvagement défoncé et usité jusqu'à la tranche par ses précédents propriétaires...Je me retrouvais tout de même en tête à tête avec deux superbes Brigandine. A ma droite, Le Popotin de la Commère. A ma gauche, Attouchements Sans Douleur. J'étais heureux, ils étaient beaux, doux au touché, pulpeux, leurs gros caractères fièrement affichés en taille 12 tout le long des 6 feuillets réglementaires de 32 pages. (Plus, c'est trop.)
Au pif, je commence par le second. La pioche est bonne, Attouchements Sans Douleur est génial. Très bien écrit, avec esprit, humour (Verger une fille dans un verger, par exemple, une expression magnifique, à retenir !) et surtout avec un sens du rythme exemplaire. Un peu comme du bon Fleuve Noir, du Spécial Police des années 80 : de l'aventure, du suspens, de la violence et des reparties cinglantes. Le héros est un loser attachant dépassé par les événements, sa petite copine est super-délurée et les méchants sont ultra-sadiques. Tout parfait, 20 sur 20. En sus, c'est branché cul - enfin, bien plus cul qu'un Spécial Police des années 80 - et c'est dénué de tout effet glauque - ce qui, considérant le sujet, n'était pas forcement donné.Car Attouchements Sans Douleur fait figure de remake club-med (ou plutôt club échangiste) des Chasses du Comte Zarrof, l'intrigue se résumant à un groupe de bourgeois décadents kidnappant des couples sur une ile du pacifique pour les traquer, les violer et les tuer de manière ludique.J'en dis pas plus, ça se lit en moins de deux heures, il est donc inutile de se tartiner un résumé de 20 minutes.
Après un tel panard, je continue sur ma lancée. J'attaque Le Popotin De La Commère. Mais passé le premier chapitre, une partouze pas très enjouée se terminant en massacre terroriste, je dois me rendre à l'évidence : je vais en chier.Et ce fut 192 pages véritablement douloureuses aux yeux et au crane. Permettez-moi donc de faire dans le lapidaire :
Le Popotin De La Commère est un roman de politique fiction satirique mal fichu, mal écrit et pas passionnant. pour un sou. L'intrigue est (approximativement) incompréhensible et l'action totalement plate. Si ça n'atteint tout de même pas les abîmes de crétinisme d'un Poulpe de base, sa vision uni-latérale des choses (tout le monde il est de droite, tout le monde il est méchant) et l'absence d'un style tranchant, de saveur, de folie, rendent ce Popotin assez catastrophique. Quant aux rares scènes de cul qui parsèment l'ouvrage, elles semblent forcées (certainement pour justifier une triste présence en Brigandine) et achèvent de plomber l'ambiance.
Mais c'est pas grave, ce sera mieux la prochaine fois, je le sais ! D'ailleurs, je viens tout juste d'en dégotter un à Emmaüs et la farouche poitrine de Brigitte Lahaie orne la couverture avec classe et distinction. Si ça, ce n'est pas un gage de qualité...Amicalement,Mr Robo