COCHONNERIES EN VRAC

POUR TOUT L'ÉGOUT, SÉBASTIEN GARGALLO
ÉDITIONS DE LA BRIGANDINE, 1980

Chose promise, chose due : la farouche poitrine de Brigitte Lahaie, accompagnée de son ensemble cuir rouge flashy
so eighties qui ne couvre pas grand chose. Bon, voila, ça, c'est fait. Ensuite, le bouquin - et c'est une autre paire de miches ... pardon, de manches.
Pas que Pour Tout L'Égout soit exécrable, ou juste très mauvais. C'est un Brigandine. ça se lit donc plutôt bien et c'est parfois même marrant.
(En fait, celui-ci fonctionne comme une comédie porno vaguement maquillé en parodie de polar avec tout le tralala habituel : Le détective privé alcoolique, les flics tocards, la secrétaire amoureuse, la veuve éplorée et nymphomane, bref, vous pigez le topo.)
Le problème, c'est que l'ensemble manque cruellement de piquant. L'intrigue est aussi touffue et originale qu'un Nestor Burma - et je ne parle pas des chef-d'œuvres de Leo Malet (hola !!!), je parle de l'adaptation télévisuelle années 90. D'ailleurs, on ne navigue pas très loin de la pitoyable interprétation de Guy Marchand. C'est du stéréotype de stéréotype - la voix-off, l'attitude branleur-dragueur, les rapports taquins avec la maison poulaga, et compagnie.
J'imagine qu'il y a derrière tout cela une volonté de second degré mais elle ne fonctionne pas. C'est donc doublement lourd.
Surtout, Pour Tout L'Égout fait dans la facilité. Gargallo semble se contenter d'une routine plan-plan faite de filatures tranquilles et de petits règlements de comptes pépères. Aucune menace, aucun risque, aucune tension, aucun retournement de situation, tout juste des parties de jambes en l'air en guise de climax de fin de chapitre.
(Ce qui peut constituer un "retournement", mais d'un tout autre genre... sigh...)
Bref, l'ensemble ne décolle jamais. Le lecteur ne s'emmerde pas vraiment mais, dans le genre bouquin de gare, on a connu bien plus palpitant que ce Pour Tout L'Égout en forme de minimum syndical du polar-porno.


SAINTE N'Y TOUCHE, DAN CURTISS
PROMODIFA / MYSTEROTIC # 28, 1977

Mais il y a aussi bien pire. Tiens, par exemple, Sainte N'Y Touche. Un roman signé Dan Curtiss, le grand Dan Curtiss, habitué notoire (pour ceux qui fouinent dans les rébus Emmaüs) des petites collections pas très nettes années 70.
Curtiss, on le trouve coup sur coup chez les rigolos de Transworld (maison établie en Andorre), du Jaguar Rouge (à Nice) et de Promodifa (Marguerittes). Une belle brochette de fortiches de la publication bâtarde. je dirais même plus : les héritiers spirituels des éditions de la Seine, Baudelaire, Bel-Air et compagnie. Ça vous place le bonhomme, ce curriculum-là.
Car Curtiss est à l'image de ses patrons : Ce n'est pas un écrivain, c'est une photocopieuse.

Ainsi, dans ce superbe Sainte N'Y Touche, notre Xerox 9700 en chef nous fait grâce de son imitation raté favorite : le Mickey Spillane à petite définition, cartouche d'encre vide et bourrage papier à la sortie (coté lecteur, donc).
Mais cette fois, Dan Curtiss fait aussi un truc inouï. Il écrit sur les exploits de... Dan Curtiss ! Oui, Dan Curtiss est Dan Curtiss, le détective privé super-dur, super-baiseur, super-efficace. Le mec ultime. Mike Hammer Redux.

"Regardez-moi, je suis Dan Curtiss. Je n'ai jamais fait d'entourloupes de ma vie, sauf pour la bonne cause. On me reproche d'avoir le doigt trop facile sur la détente mais je n'ai jamais descendu que des salopards. [...] J'ai le droit pour moi, et un code d'honneur. On m'a donné un permis port d'arme pour assurer ma protection. Je l'assurerai, ne vous en faites pas. Ce n'est pas moi qui tirerai le premier. Mais je vous jure bien que le gars d'en face me ratera et je ne le louperai pas."
Ouais ouais ouais. Il parle beaucoup, Dan, mais il ne fait pas grand chose. Il saute quelques nanas par-ci par-là, il descend quelques gus dans les mêmes parages et il pompe des verres de whisky avec son pote le flic incompétent. Comme n'importe qui d'autre, quoi.
Sinon, les riches sont corrompus, les pauvres sont bêtes et le coupable est une femme. Vous l'avez compris : c'est à éviter.


LA PERMISSION DE MINUIT, MICHEL BRICE
PLON / BRIGADE MONDAINE # 16, 1978

Je poursuis dans la même catégorie (la catégorie : "à éviter" - qu'est-ce que vous êtes tête-en-l'air, parfois !) avec un Brigade Mondaine, numéro 16, La Permission de Minuit.
Le principe de cette série se pige rapido : il y a du cul (un paragraphe timidement explicite tout les deux ou trois chapitres) et, en toile de fond, une enquête décalquée sur un mauvais San-Antonio. Mais sans l'humour. Tout juste retrouvera-t-on une figure berrurienne en Aimé Brichot, le gros sidekick bien franchouillard et obsédé qui trempe parfois son biscuit pour susciter des effets comiques bien finauds genre "
Ah! Ah! Aimé, il a attrapé la chaude-pisse avec la petite anglaise !"
Donc, si vous êtes clients de ce type de farces hautement distinguées, n'hésitez plus. Lancez-vous. La Brigade Mondaine, c'est pour vous. C'est même du sur-mesure.
Les autres pourront éventuellement se consoler avec les fortes doses de sexualité
barely-legal qui saupoudrent l'ensemble (quand il ne s'agit tout bonnement pas du not legal at all !) tout en étudiant minutieusement les implacables méthodes policières de Boris et Aimé, notre duo de choc.
Ainsi, dans La Permission de Minuit, les deux lascars sont défrayés à La Baule pour démêler l'écheveau d'une sombre affaire de viol. Ils se posent à l'hôtel, boivent du pinard, draguent des touristes, vont en boite et décuvent sec le lendemain. Ils n'enquêtent pas, ils ne foutent rien : ils attendent que ça leur tombe bien chaud dans le bec. Et c'est d'ailleurs ce qui arrive à la fin grâce à un petit futé du Club Mickey régional qui explique à Boris les rouages extrêmement complexe du leetspeak d'époque (cette technique qui consistait à écrire SOLEIL avec une calculatrice).
Après, ils coffrent le méchant (un industriel vicelard) et repartent à Paris recevoir félicitation et primes.
A titre indicatif, je me permettrais de vous rappeler que ces deux corniauds sont financés par le contribuable français.


PAIRE DE FEMMES, RICARDO VANGUARDIA
ÉDITIONS & PUBLICATIONS PREMIÈRES / EROSCOPE 1978

Le meilleur pour la fin - ce qui, je l'avoue, ne veut plus dire grand chose après du Dan Curtiss et du Brigade Mondaine.
Et pourtant, malgré de fortes tendances à la médiocrité irrécupérable, Paire De Femmes (quel titre !) sort indéniablement de notre lot quotidien d'érotisme au rabais.
Contrairement aux trois romans précédents, Ricardo Vanguardia (que je soupçonne de n'être qu'une façade de Richard Matas, traducteur en Série Noire) n'y est pas allé de main morte. Il a écrit son bouquin de cul comme d'autres ont pu tourner des films pornographiques à l'usage de la
42nd street. Ambiance glauque, style nerveux, sexualité brutale. Et une histoire hardboiled ultra-simplifié, avec un ex-avocat qui boit de l'alcool dans des bouges mal famés, passe la nuit avec des putes mexicaines et règle ses comptes avec un pédé camé et sa bande de flics corrompus.
Ça pourrait ressembler à du Charles Necrorian mais ça s'essouffle au bout de 80 pages, devient illogique puis part dans tout les sens. On a un peu l'impression que Ricardo/Richard ne sait pas très bien comment remplir les 140 pages restantes. Ce n'est pas très grave car, parfois, l'espace de quelques paragraphes, l'auteur abandonne son histoire poussive et sort toute une artillerie lourde de vulgarité ampoulée. Nous entrons alors, et de plein pied, dans la vraie (et grande) littérature de baise pour chauffeurs-routiers, celle qui fit la gloire d'Eroscope et qui est à l'image même du fier organe masculin. Puissante. Dévastatrice. Et sans aucune retenue.
Les amateurs de poésie, d'amour et des productions Gerard De Villiers sauront apprécier à sa juste valeur toute la subtilité de ce passage foutrement emblématique du style Paire De Femmes :
"Elle éprouva la pleine sensation d'un phallus géant qui ouvrait avec puissance un chemin de plaisir immense dans les muqueuses palpitantes de son vagin.
Alors il éjacula.
Elle voulut être reprise.
Elle le suça de longs instants, cessa, se retourna; elle voulait être enculée. Il la sodomisa, à la limite de la douleur, il y eut la jouissance."
Tout est dit, je crois...

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