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1987, LES GUERRIERS DU FUTUR

LA GUERRE DE LA ROUTE, DB DRUMM
PRESSES DE LA CITE / RANGER # 5, 1987

Toujours la grande catastrophe et ses conséquences (cf. le message précèdent, je ne vais pas me répéter pour tes beaux yeux) mais cette fois, pas de bon roman au programme, non non, place à 3 colombins imprimés en 1987 - du dangereusement radioactif et fichtrement post-apocalyptique qu'a de bonnes intentions mais qui n'arrive jamais à les concrétiser...

...Par exemple, le tome 5 de la série Ranger, succédané du Survivant en plus fantaisiste et décadent, genre western-spag' atomique.
Fourgué de cette manière, on a envie d'y croire.
Déjà, Mad Max II, passé les références aux classiques de Ford et Hanks, était un peu Leonien par endroits. Et puis les Ritals nous ont eux aussi bien fait gondoler avec leurs réappropriations du genre - une petite pensée émue pour Joe D'Amato et son ultra-jouissif 2020 Texas Gladiators, dans lequel des cow-boys du futur (et un ninja super-cool) combattaient de vils barbares et de méchants militaires fachoïdes.

Dans Ranger, le topo est assez identique (militaires, barbares et bagarre dans le saloon incluse) : c'est con, c'est cool, c'est abrutissant et c'est douloureux.
Je te résume la chose, tu vas voir :
Donc, le héros, Ranger de son petit nom, c'est une espèce d'ahuri avec un bandeau rouge sur le front
et qui pilote sur les freeways défoncées des USA un camion blindé super-équipé, véritable délire de gamin gavé aux micromachines et à supercopter. Il est accompagné dans ses aventures par un buddy black qui commence toutes ses phrases par un invariable "hey man" et ensemble, unis comme les doigts de la main, ils dézinguent du punk mutant dégénéré en pagaille, sans se bouger le cul de leur siège de bagnole, juste en appuyant sur un bouton qui fait TACA-TACA-TAC, BADABOUM-FROUCHHH, SPLACH-BADABANG-ZIOOUM, et voila les méchants déchiquetés en mille morceaux qui hurlent tous AAARGHH! à l'unisson tandis que nos héros, stoïques et imperturbables, continuent à tracer leur voie sur l'autoroute du futur post-nucléaire, le lecteur cassette à fond les ballons sur un bon vieux tube de Judas Priest, genre Painkiller ou Turbo Lover.

Bref, c'est la grande classe - surtout si tu as 5 ans et que tu entrechoques toujours tes hotwheels avec ton action-man deuxième génération, en faisant de gros bruits de boite à vitesses et d'explosions avec la bouche.
Ouais, Ranger, c'est du certifié 100 % régression. Le super-méchant ressemble à Skeletor dans Les Maîtres de L'Univers. Il s'appelle le Cavalier Noir, "un mutant inhumain, doué d'une force et de pouvoirs inhumains." Je ne te le fais pas dire.
Ses acolytes sont coulés dans le même moule. Il y a Manta, la Brigitte Nielsen à ultra-gros tits et qui se trimbale constamment la devanture à l'air libre. Il y a ensuite les vilains Krabs, des punks dégénérés du futur qui s'habillent fashion (clous, chaînes, insigles SS, doigts humains en pendentifs) et fument de l'épinard, "une marijuana mutante aux effets démoniaques." Des gars défoncés de la tête aux pieds et qui ne servent qu'à se faire ravager la couenne par Ranger et son pote black.

Pour le reste, dans La Guerre De La Route, il y a aussi un semblant d'intrigue, une affaire de course au trésor pour récupérer le mythique magot d'Howard Hughes. Le récit oscille entre novelisation de Donjon et Dragon et scénario type des comics franchisés de la Marvel période Jim Shooter, genre Larry Hama sur GI Joe... mais en encore plus crétin. C'est dire.
Rajoutons à l'ensemble quelques débordements émotionnels, du gore qui tache, un érotisme de pacotille ("ses seins étaient deux collines rondes au sommet desquelles se dressaient de petits mamelons tendres, son ventre une mer d'huile aux couleurs de soleil couchant et ses jambes deux fuseaux d'ambre qui se rencontraient à l'endroit où avait poussé un doux buisson noir aux senteurs de sauvagine.") et le tableau est complet.
Ranger, c'est du tenace, du littérairement dégueulasse, du fortement conseillé aux amateurs de saloperies infantilisantes qui n'ont pas froid aux yeux et aux synapses.



LE MAITRE DES ORAGES, ZEB CHILLICOTHE
PLON / JAG # 11, 1987

Tout aussi con mais avec plus de prétentions (mauvaise idée, ça), voici le onzième volume de la série JAG - série signée Christian Mantey, un ex-auteur Fleuve Noir assez décevant, ici en association avec Joël Houssin – 1987, c'était sa période plumitif mercenaire.
Bon, JAG, je dois l'avouer, je n'ai jamais vraiment compris ni accroché. La catastrophe initiale, toujours résumée dans les premières pages de chaque épisode, ne m'a jamais convaincue. Trop baroque, trop alambiquée. L'univers qui se rétracte, no comprendo. Moi, il me faut du simple, du frustre, du classique. Apocalypse nucléaire ou rien.
Bref, JAG, niveau littérature virile d'après la bombe, c'est un peu le pompon de la fantaisie. Cela permet tout de même quelques beaux passages étranges ("Le temps joue contre nous. Toutes ces saloperies qui tombent du ciel gangrènent insensiblement les mers, les continents. Le paradis d'hier n'existe plus. C'est l'enfer tous azimuts. Y'a plus rien de sacré; que tu sois nanti ou pas, l'étau se resserre ! ") mais sur la longueur, c'est plus ennuyeux qu'autre chose.
Chaque épisode est structuré comme un scénario de jeu de rôle. L'influence fut largement reconnue par Houssin. Malheureusement, le résultât est peu glorieux. Les missions se suivent et se ressemblent. Errance dans une contrée hostile, découverte d'une (micro) civilisation autarcique, exploration, confrontation, résolution.

Le Maître Des Orages n'échappe pas à ce formatage. Inutile donc de le résumer, c'est déjà fait.
Reste alors le style propre à la série. Houssin et Mantey tissent en effet des images digne d'un Brussolo à ses débuts au Fleuve. Monstres de cauchemars, anatomies grotesques, technologies mutantes, biologies hybrides, architectures vivantes. Il y a de l'idée, assurément, mais ces visions peinent à s'affirmer autrement qu'en une succession routinière de tableaux dans un jeu d'arcade. Sans réalité propre ni prise sur le lecteur, le monde du Maître des Orages, sa prétendue logique interne, son imagerie, tout cela semble artificiel. C'est de la poudre aux yeux, qui pique et qui dérange. C'est surtout une esthétique dépassée, celle des corps démembrés fixés sur des mécaniques inhumaines. On dirait du Jim Ballard de fête foraine, mal pensé, mal structuré. C'est quasiment Crash videoclipé par un gogo à la gaga - si tu ne vois pas ce que je veux dire, t'as bien de la chance.
Bref, Le Maître Des Orages (et plus globalement tout ce que j'ai déjà pu lire de Christian Mantey) en fait à la fois trop et pas assez. Seules les 4 dernières pages (pour la apport à la continuité de la série) valent tripette. Pour le reste, rendez-nous nos punk warriors, nos héros commandos, nos débiles sous testostérone et leurs habituels déserts radioactifs.
La littérature post-nuke taillée au kilomètre est un genre qui digère mal les débordements d'originalité.



LES PARASITES DE L'HORREUR, SEABURY / CORMAN
MEDIA 1000 / APOCALYPSE # 1, 1987

Cette fois, trêve d'excentricité et place au schéma classique, bien lourd et bien gras, prévisible et balisé comme du Survivant ou du Ranger. Tu connais le topo : Les bombes sont tombées, blablabla, le monde est en ruine, blabla... vaste désert radioactif... îlots de civilisation... faire face aux attaques constantes des méchants mutants... bref, c'est le bordel nucléaire habituel avec, pour seule particularité, une grosse touche d'horreur cradingue, façon film gore des années 80, et tartinée avec l'ardeur d'une bétonneuse rustaude.
Ainsi, dans Les Parasites De L'Horreur, notre héros Russ Norton, ancien militaire tendance commando, super-baroudeur inflexible, Mack Bolan croisé avec Bruce Willis, ("le meilleur d'entre tous" nous dit la quatrième de couverture), Russ Norton donc, doit protéger une ville d'une attaque de zombies fou-furieux.
Ça sonne 100% bonnard mais malheureusement, le roman se révèle tout juste lisible, Don Seabury et Terence Corman (en réalité, Richard D. Nolane et Michel Pagel) n'arrivant pas à rendre leur histoire intéressante. La faute à un rythme mollasson, à une écriture merdique, à un personnage principal vraiment trop con et à un méchant, le Terminateur, totalement pathétique.
La faute surtout à une accumulation sans inventivité de scénettes sanguinolentes, toutes aussi longuettes que monotones.
Corps mutilés, sphincters déchirés, tripaille débraillée, vessies relâchées, membres explosés, recoins intimes défoncés, n'est pas L'Echo Des Suppliciés qui veut. Les Parasites De L'Horreur pourrait d'ailleurs se résumer en une simple liste d'atrocités un peu ternes, un peu glauques.
On débute ainsi avec :
- un charcutage en règle, directement suivi par :
- une séance de torture pas très féministe incluant viol collectif, mutilation vaginale et incubation contre-nature.
On passe ensuite à :
- un arrachage de gorge permettant une nouvelle incubation,
- une double compote-party (étripage, fractures multiples et vomissures en tout genre) dans les rangs du personnel d'un hôpital,
- une nouvelle incubation, cette fois par voie vaginale,
- une colonne vertébrale de zombi éclatée,
- deux nouvelles gorges ouvertes et bouillonnantes,
- une minorité raciale frontalement hachée, la cervelle rondement déchiquetée,
- un bref aplanissage humain à coup d'armoire métallique,
- une décapitation suivie d'un déroulement d'intestin,
- une autre décapitation avec puissant jet d'hémoglobine et tronche volante... j'arrête là. Page 73 du roman, soit la moitié du catalogue. L'entassement peut sembler zélé mais cela ne le rend pas pour autant distrayant. C'est quelconque, routinier, sans éclat ni fulgurance. Nolane, qui s'était montré bien dur avec les Gore du Fleuve Noir, est loin d'en égaler le plus mauvais. Les Parasites De L'Horreur manque de substance, de vie, d'inventivité, de folie. Le roman est en quelque sorte à l'image des exactions qu'il présente : plat, froid, ennuyeux, répétitif.
C'est d'autant plus décevant que, de par son mélange d'horreur sanglante et de post-nuke bourrin, la série générait tout de même certaines attentes... qui ne se trouveront jamais concrétisées.
Et ça, c'est impardonnable.

MACHO D'APOCALYPSE

LE CRI DE L'EPERVIER, JERRY AHERN
PLON / LE SURVIVANT # 4, 1985

L'apocalypse, la chute des bombes, la fin du monde et tout le tremblement, c'est, tu me l'accordera, pas un truc de mauviette. Faut se la défoncer niveau musculature pour survivre. Les luneteux, les nabots, les féministes, paf, rayés de la carte. Place à l'homme, le vrai, celui qui non seulement assure comme une bête avec ses flingots et ses explosifs mais qui est aussi capable de résister sans verser une goute de sueur aux radiations super-mortelles de la nature en mutation et aux assauts répétées des bandes organisés d'anciens chômeurs et de repris de justice hantant les autostrades en friches et les cités en ruine du monde de demain.
Les punk-warriors, comme on dit dans le Survivant. Ça sonne mieux, ça donne le ton. On imagine les gros piercing et les iroquoises rougeoyantes, peut être de la brillantine à gogo pour les plus retro, frusques en cuir, tronches difformes, chaines et picots pour faire bonne mesure. On imagine de bons vieux clichés. Ce n'est pas une critique.
Figures éculées et schémas stéréotypés représentent l'essence même des divertissements post-apocalyptiques. Sans eux, ce ne serait plus pareil. Ce serait chiant.

Heureusement, La série Le Survivant - ou plutôt Le Cri De L'Épervier, tout premier épisode que je lis - répond en tout point à la banalité inhérente du genre et affiche fièrement ses couleurs dès la première page.
"Les states n'étaient plus qu'un vaste désert nucléaire. L'Arizona était une ile entourée d'eaux rugissante. La Californie avait sombré dans le Pacifique, provoquant des tremblements de terre jusqu'en Alaska. L'invasion soviétique progressait malgré une résistance organisée par le nouveau président Samuel Chambers. Ce qui restait de terre épargnée par les radiations et les cataclysmes était en majeure partie contrôlé par les hordes de punk warriors et autres motards de l'enfer. Les réfugiés qui fuyaient les cités détruites étaient impitoyablement pillés et massacrés."
Et dans ce vaste désert nucléaire, John Rourke, ancien de la CIA et one-man-army surarmé, John Rourke, contretype parfait du héros viril, défenseur des opprimés et Zorro post-catostrophiste, John Rourke, donc, se farci à tour de bras du méchant Russkoff, du punk warrior débile et de la poulette sympa (car peu frileuse) tout en recherchant vaguement sa femme et ses deux gosses (probablement perdus dans les Rocheuses) et en assistant de temps à autre le gouvernement américain dans son effort de reconstruction.
Bref, rien de nouveau sous le soleil. Le territoire est ultra-balisé.
Le Survivant, c'est de la romance bien burnée
et calibré au millimètre par un vieux routard du genre, Jerry Ahern, aussi connu sous le pseudo d'Alex Kilgore, dinguo-fou d'armes à feu, fanatique des techniques survivalistes et désormais président de la fabrique de flingues américains Detonics USA - ce qui tombe sous le sens vu que son héros, John Rourke, ne se dépare jamais de ses deux .45 Detonics Combat Master.
Rajoutons un FM SG 543, un Python Magnum 357, divers explosifs, une moto, un couteau et plein de cigarillos et l'on se fait une relativement bonne idée de la série.
C'est du gun-porn post-apocalyptique agréablement troussé, qui ménage son suspense et ses effets sans rechercher les fioritures. Page 131, l'auteur fait même striduler mon compteur Geiger-Müller avec une phrase imparable : "Le signal rouge action clignota dans son crâne en même temps qu'un flot d'adrénaline se ruait dans ses veines."

Néanmoins, si le héros, ce baroudeur implacable typique de la littérature pour mecs, est sans surprise, les personnages secondaires sont bien campés, évitent un certain manichéisme (non, les russes ne sont pas tous des salauds !) et permettent un renouvellement constant des péripéties.
Mention spéciale aussi pour la traduction/adaptation de Frédéric Lasaygues qui argotise comme un grand (ça donne du punch au texte) et n'oublie jamais que clope, au même titre que chiotte et baston, est à l'origine un mot masculin. Ce sont des détails mais dans Le Cri De L'Épervier, les détails sont nombreux. Mis bout à bout, ils assurent à l'ensemble un bon niveau de qualité.
Dans le genre littérature virile bas du front, c'est donc du totalement recommandable. Simple et efficace.

Reste à espérer que la suite soit d'aussi bonne facture...

JOËL HOUSSIN APOCALYPSE


BLUE, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1144, 1982

Je reprends mes soliloques sur Joël Houssin. Et dans la droite ligne de Locomotive Rictus, voila une triplette de Houssin en mode post-apocalyptique, post-roadwarrior, post-punk : Du Houssin qui déboîte, pour parler franc.

1981. Après ses débuts spéculatifs délirants (évoqués il n'y a pas si longtemps) et un petit interlude campagnard, Joël débarque au Fleuve Noir. Primo, Spécial-Police avec le lancement du célébrissime Dobermann, puis, quelques mois plus tard, Anticipation.
La cadence est soutenue, du 200 pages par mois, et le résultât nickel. En l'espace de trois romans, Houssin marque son territoire. Coup sur coup. Ça donne un prototype parfait de ce qu'Ango
isse aurait pu être si la collection avait survécut aux années 70 (Angel Felina), un polar fantastique un peu mou mais sympa (Le Pronostiqueur) et un space opéra glauque et cyberpunk avant la lettre (Le Champion des Mondes). Un tour de piste brillant qui atteint son premier point culminant l'année suivante avec Blue, certainement le titre le plus emblématique du Fleuve des années 80.

Dans un Paris en ruine et isolé du reste du monde par un mur infranchissable, une demi-dizaine de clans guerriers se foutent sur la tronche pour des histoires de suprématie territoriale. Outre les Patineurs de Blue qui usent leurs rollers à pointes métalliques sur l'esplanade du Trocad s'y trouvent les Bouleurs et leurs plaques d'acier frontale, les Saignants et leurs bananes gominées, les Skins et leur mentalité dévoluée, les Youves et leur arsenal militaire et, au fin fond du tableau des scores, les Errants, franc tireurs partisans du chaos total, suivis de près par les Musuls en pleine décadence byzantine dans leur cité souterraine. Un joyeux panel de barbares dégénérés, reflet à peine masqué de la faune loubarde Parisienne des années 80 qui fascinait tant Houssin.
En gros, c'est plus ou moins certains aspects du Dobermann revus et corrigés en S-F d'après le désastre.
Bref, après s'être gentiment massacrés sur un bon tiers du bouquin (ça s'appelle planter le décor), nos ultra-violents du futur, unifiés tant bien que mal par Blue, se décident à passer le Mur qui encercle la cité. Histoire de voir un peu ce qui se cache derrière. Logique mais pas si facile à accomplir. D'ailleurs, une bonne partie de nos barbares resterons sur le carreau.
Mais n'en dévoilons pas trop : Blue est à lire absolument. C'est l'un des 10 romans essentiels de la
collection Anticipation. Pas forcement le meilleur Houssin mais l'un des plus marquant, tant par l'imagerie retro-destroy que par son rythme effréné 100% roller-coaster. La marque de fabrique Houssin, massivement approuvée par les insomniaques lettrés.
Quant au final, il est d'une beauté et d'un pessimisme à faire pleurer en choeur Brussolo et Suragne... Une perle.


CITY, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1235, 1983

Une autre perle, un peu moins emblématique mais tout aussi géniale, de la période Fleuve de Joël Houssin, c'est City. Le tout premier Houssin que j'ai ouvert. Et lu.
De très nombreuses fois.
D'ailleurs, mon unique exemplaire, circa-98, a plutôt mauvaise mine. Ça se voit un peu au scan.

Mais trêve de ces considérations égotiques... City, c'est la super zone post-atomique. Du néon clignotant, des consoles première génération, des murs de moisissures et des auto-strates à profusion. Le futur des années 80. La capitale des Etats Unis aux habitants zombies dopés aux jeux vidéos. La ville décharge aux mutants marginaux qui envahissent les rues une fois le couvre-feu tombé. Un no-man's land à peine civilisé par ses immeubles corporatistes et sa politique de sports de combat. Un président champion du ring, un maire sumotori et, perdu dans une conspiration qu'il ne peut comprendre, notre héros, Patrick Stanton, le nettoyeur, le super-vigile à la Vista-Cruiser blindée dernier cri, exterminant par plaisir et par profession les rejets sociaux dans d'interminables rodéos urbains.
La classe.
Car City, c'est Norman Spinrad chez Marvel Comics. Les intercepteurs de Mad-Max refaits à grand coup de Roller-Ball. Watchmen chez les italiens. Ou les bandes de Métal Hurlant moulinées en block-buster de ciné bis.
Je complique un peu l'affaire. C'est du Houssin des grands jours : un foisonnement de personnages larger-than-life, un super-vilain à moto totalement inspiré par le Ghost Rider, une certaine roublardise dans les situations et une écriture froide, tendue, nerveuse. Expéditive, à l'image du final, abrupt. Un coup de poing. Probablement l'apex du Joël Houssin période Anticipation - mieux que du roman d'action : de la SF intelligente derrière une façade d'exploitation en relais de gare. Du 190 pages qui ne s'oublie pas, jamais. Un Anticipation de chevet.
J'ai déjà dis ça pour Blue ? OK, rajoutez City à la liste.


GAME OVER, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1252, 1983

Mais pendant longtemps, Game Over fut un de mes Houssin favori. Peut être plus que Blue et City. Avec son long crescendo hallucinatif, ses évocations barbares, ses quelques expérimentations narratives entre Ballard et Dick et son argot dégénéré maxi-cave, Game Over était un Anticipation plus atomique, plus étrange et plus fiévreux que les 8 autres Houssin qui le précédaient.
Les dix premières pages - la chute des bombes, observées par différentes personnes, quelques secondes avant impact - sont magistrales. Le final, avec son Nazi fantasmatique, ses nains, ses cancrelats et ses vaisseaux spatiaux perçant un ciel uniformément rouge, totalement délirant. Et entre les deux, une histoire de camionneur à iroquoise qui traverse des zones désolées par une guerre nucléaire avec pour tout chargement un mutant précognitif maintenu en état de stase. Un canevas basique qui se mute lentement en mauvais trip, et un joli message d'adieu promotionnel en dernière page.
Car Game Over, c'est quasiment le chant du cygne de Joël Houssin en Anticipation. Encore deux excellents romans (Voyeur et Les Vautours) et il quittait définitivement le Fleuve pour une hasardeuse aventure éditoriale aux cotés de son ex-éditeur Patrick Siry.
Donc, en quelque sorte, c'est le bout de la piste. Le dépôt-bilan. La rétrospective énervée. Locomotive Rictus reformaté Fleuve Noir après une série de visionnages des trente dernières minutes de Mad Max 2. Soit l'équivalent littéraire (tout aussi clinquant et racoleur, mais bien plus imaginatif) des post-nuke ritals qui polluaient avec bonheur les salles de cinémas de quartier aux début des années 80.
Malheureusement, le gros défaut de Game Over, c'est de susciter des attentes qui ne seront jamais vraiment comblées. De ne rien développer jusqu'à terme. Ou de mettre trop de temps à y arriver.
Surtout, et c'est un comble pour du Houssin, Game Over peine à trouver son rythme. Toute la partie centrale du bouquin, la route, les flics, la drogue, l'orgasme, la folie, est bien trop lâche, presque trop sage, à mille lieu de la perfection narrative de ses précédents tours de force. A mille lieux des visions déferlantes de Locomotive Rictus, auxquelles on ne peut pour autant s'empêcher de penser.
...Mais au niveau Anticipation, ça reste tout de même le haut du panier.
Je sais, j'écris cette phrase presqu'à chaque fois que je parle d'un Anticipation. Mais j'adore Houssin et j'aime beaucoup Game Over. Ça ne vaut pas Blue, ou les Vautours, ou City, mais c'est un très bon roman d'après spéculative française. Et c'est un excellent Fleuve Noir.
Il se peut juste que certains lecteurs blasés par un trop plein de Houssin lui demandent désormais l'impossible.

SCI-FI ((( Z ))) POP # 5 : JOËL HOUSSIN !

LOCOMOTIVE RICTUS, JOËL HOUSSIN
OPTA COLLECTION NEBULA, 1975

Enfin ! Du Joël Houssin ! J'aurais dû aborder cet auteur depuis belle lurette déjà. Car, voyez-vous, sans Joël Houssin, je ne passerais probablement pas mes dimanches à mettre à jour ce blog. J'ai découvert Anticipation, la Spéculative-Fiction et les bouquinistes grâce à ses romans - fin 90, juste avant mon bac, pleins de boutons purulents sous le soleil ... Quelle nostalgie, bordel !
Mais trêve d'auto-fiction. Joël Houssin, au milieu des années 70, c'était la relève francophone, les banlieues rouges, la génération électrocutée - en référence à la hung-up generation de Harlan Ellison, grand manitou des Dangereuses Visions, le double missel de la Spéculative.
Houssin débutait alors dans les colonnes de la revue Fiction, encouragé par un Alain Doremieux en pleine montée New Thing. C'était l'époque d'Espaces Inhabitables et de Nouvelles Frontières, d'Anti-Mondes et de Nebula. La période la plus dingue de la S-F, où tout s'écrivait sous substances avec une petite dose additionnelle de cut-up Burroughsien et quelques mesures d'incartade politique en mode ultra-gauche abstraite.

Dans les anthologies fleurissantes et les revues spécialisées, ça se traduisait par la présence répété au sommaire des habituels Daniel Walther, Bernard Blanc, Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay et tous leurs amis du parti. Il n'y avait pas foule mais ça constituait une donne de départ plutôt acceptable. Et quant ils ne passaient pas leur temps à se tirer dessus à boulets rouges via des pamphlets abscons sur la place de la politique dans la S-F, nos auteurs écrivaient des nouvelles. Elles était parfois ennuyeuses, parfois illisibles et parfois décapantes. Certains auteurs n'atteignirent pas le cap du premier roman, ni même celui de la troisième nouvelle. Il semblerait que Doremieux ou Fremion recevait de temps à autres des courriers hostiles d'un lectorat pas forcement conquis par ces avant-gardes.
Mais je commence à déraper hors sujet.
Dans cet ensemble hétéroclite de scribouillards à la cervelle en fusion et au poing en l'air, se trouvait Joël Houssin, le jeune loup aux dents longues.
Joël Houssin sortait du lot de la nouvelle Science-Fiction Française pour deux raisons :
l'influence anglo-saxonne en trinité Dick/Spinrad/Ellison totalement assumée et digérée, et un style coup de poing à la puissance de frappe inégalable.
Houssin, c'était de la Spéculative explosé à l'atome, brutale, déchainée, entre Le Grand Flash de Spinrad et Klimax de Daniel Walther.
Comme comparaison, je ne pense pas que ça vous éclaire beaucoup...

Bref, 1975, une année après sa toute première nouvelle (fiction # 249, septembre 74), Opta sort le premier bouquin de Houssin, Locomotive Rictus. Le format est bâtard, façon Galaxie-Bis avec un long récit et deux nouvelles en clôture.
Concentré en 180 pages, Locomotive Rictus, le récit, a déjà la forme d'un Anticipation du Fleuve, revu et corrigé par un camé à l'imagination débordante et malsaine.
Situant son bordel narratif dans une société déglinguée par l'inévitable holocauste nucléaire des années 60-70, Houssin met en scène l'affrontement sans merci des deux classes survivantes : les Laminés, représentants de la norme vivants à leurs aises dans des forteresses de béton, et les Contaminées, hordes de punks mutants à la dialectique marxiste totalement dégénérée.
Le roman se concentre principalement sur la personne de Joe Apocalyps, un nanti laminé, présentateur télé imbu de lui-même et über-exubérant, un peu comme le Jack Baron de Norman Spinrad, minus l'éthique.
Notre gars a mis au point le Mega-Hallucid, une machine incompréhensible destiné à extraire des prophéties d'un fœtus démoniaque enfermé dans le ventre d'une folle. Tout cela pour faire un max d'audimat et, accessoirement, sauver le monde du soulèvement massif des Contaminés désormais en seconde phase évolutive, tendance loup-garou sanguinaire.
La suite, c'est un bombardement de visions infernales et de situations dérangeantes. Bien qu'Houssin cite le Blue Oyster Cult, Locomotive Rictus est aussi jouissif qu'une intégrale live de Throbbing Gristle. Torture corporelle, dimensions de sperme, torrents de violence graphique. Un roman en perpétuelle descente d'acide, de plus en plus sombre, de plus en plus fou. Un soleil noir sur lequel Houssin nourrira ses succès à venir. Un roman jamais réédité depuis la première mort des éditions Opta (circa 79) et pourtant aussi essentiel que, disons, le Gambit des Étoiles.

Quant aux fill-in de luxe qui comblent les 50 dernières pages, il s'agit de Avez Vous Peur du Noir ? suivi par Errat-Homme.
Je passe là dessus rapido : le premier fait dans l'apocalypse raciale, le second dans l'apocalypse politique. C'est court, sans fioriture et radical. Deux belles cerises radioactives sur un gâteau degoulinant d'humeurs cervicale.