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LA TRUFFE DU COMICO

HAINE COMME NEIGE, GÉRALD MOREAU
EPP / PDG # 1, 1974

Le gars PDG, j'avais déjà causé de son pathétique cas en septembre 2009 et j'avais conclu mon blabla par un "PDG, PLUS JAMAIS" péremptoire.
Mais c'était fort mal me connaitre.
Car il a fallu que je rempile, con que je suis.

Comme si Le Dragon Blanc ne m'avait pas vacciné, je me suis donc tartiné le numéro 1 de la série, Haine Comme Neige. Titre qui claque et introduction sur fond de rituel mansonnien.
Je salive légèrement.
Nous sommes en 1968. Une bande de hippies drogués tuent la femme et la fille du commissaire de police Pierre David Gall, dit PDG. L'ouverture est faite dans les règles du genre. On imagine que PDG, à la manière d'un allumé de l'auto-défense (exécuteur, exterminateur, pénétrateur) va traquer les responsables sur 180 pages avant de s'en payer une bonne tranche et de jeter ce qui restera de leurs corps dans une décharge quelconque.

Formule éprouvée : les ordures terminent toujours à la poubelle.
Hélas, j'avais tord d'y croire. Et c'est bien là une des nombreuses preuves du constant ratage qui semble caractériser cette série. Car PDG ne va pas se venger. Il s'écrase, demande sa mutation, passe l'éponge. Le truc incompréhensible. Coïtus Interrompus sur un sentier largement balisé. Ça augure mal quant à la suite du programme. Moreau se tire une balle dans le pied d'entrée.

Bouquin boiteux, donc. Et soutenu par un héros ridicule. Le commissaire PDG, ainsi surnommé "non seulement à cause de ses initiales, mais également du fait de sa position sociale."
Car monsieur est milliardaire.
Je te la fais simple : c'est l'inspecteur Harry, minus la niaque réac' et la brutalité gestapiste... mais avec par contre la fortune des Hiltons dans le larfeuille.

Le tout rehaussé par des attitudes gravure de mode guimauve.

"Avec sa chevelure châtain clair ondulée, longue dans le cou et coiffée à la diable, ses ensembles Lapidus et ses chemises en soie, il ne ressemblait guère à ce qu'il était."
Tu parles ! Pierre David, c'est une rubrique élégance dans Cosmopolitan ou Marie-Claire, revival seventies à l'appui. Autant dire que, comparé à ses collègues barbouzards de la littérature virile années septantes - les Mack Bolan, les John Bolt, les Mark Hardin et compagnie - notre bonhomme fait pâle figure, semble même bien falot. Un minable doublé d'un morveux m'as-tu-vu.
En bref, il se met au diapason de l'œuvre que son auteur usine. Il traine en longueur et essaye de faire briller sa verroterie. Du pas grand chose battu en mayonnaise.

Ainsi, Dans Haine Comme Neige, notre héros enquête sur une fusillade liée à un gigantesque réseau de drogue Toulonais. C'est French Connection, épisode 638, mais sans poursuites motorisées.
Accessoirement, Pierre David cherche aussi une certaine Luce Cardi, une hippie qui en sait trop, mais les méchants vendeurs de chnouf, menés par un vil pédéraste, la trouvent avant lui. Ils l'enlèvent, la séquestrent, lui torturent les poils pubiens puis la violent.

Heureusement, PDG est là ! Il laisse faire un petit moment (histoire que son lectorat s'en rince bien l'œil) puis la sauve et la saute - le coup classique. Le courageux chevalier, armure rutilante et piston durci, dument récompensé de ses preux efforts par les parties intimes de la gueuze outragée.
Faut dire aussi que Gérald Moreau s'est enfin rendu compte de l'absence quasi-totale de sexe dans son bouquin. 130 pages d'abstinence. L'éditeur grogne, l'auteur procède donc à la louche.
PDG et Luce baisent des pages 136 à 138 et 139 à 142 avant d'en remettre une couche rapido-presto en pages 164 et 165.

A part ça, rien de très intéressant à signaler.
Le méchant homo meurt mais sans le gouteux panache de Costa dans Brigade des Mœurs de Max Pecas. Pierre David ne se pisse pas dessus comme dans Le Dragon Blanc (véritable morceau d'anthologie) mais continue par contre à parader façon mannequin de la redoute.

En page 61, nous le trouvons revêtant "un pantalon d'alpaga crème et une chemise ton sur ton, cintrée à la taille. Une fine ceinture de serpent marquait la solution de continuité entre les deux vêtements, assortie aux chaussures, au point que l'on aurait pu croire fabriqués à partir du cuir du même animal."
ainsi accoutré (élégance incarnée ou tenue digne d'un maquereau demi-sel, à toi de choisir) Pierre David s'en va se taper la cloche dans un resto de fruits de mer. Le repas dure 5 pages. A un moment donné, l'auteur se permet alors cette phrase audacieuse :
"David goba une grosse moule charnue."
Confronté au marasme généralisé de ces 190 pages à la virilité aussi affectée qu'inefficace, cette combinaison de 6 mots marque durablement. C'est une bouffée d'air frais dans cet insatisfaisant ensemble étriqué, c'est la quintessence absolue de la distinction littéraire - n'en faisons pas trop non plus... mais je l'avoue, je reste un éternel optimiste et ces 6 mots m'ont rentabilisés mes 2 heures de lecture.

PDG KUNG-FU !

LE DRAGON BLANC, GERALD MOREAU
EPP / PDG KUNG-FU # 6, 1975

Prononcer - ou même ne serait-ce qu'écrire - cet intitulé de collection est une expérience jouissive. PDG KUNG-FU ! c'est aussi choucard que WARSEX. Mieux, même : c'est propice à l'imagination. C'est vrai. En lisant PDG Kung Fu sur la couverture, je pense automatiquement à un type guindé, attaché case, costume trois pièces, cravate rayée et clips en toc aux manches qui balance de furieux coups de tatanes pulvérisants à la tronche d'employés renaclants à la tache, probablement des responsables syndicaux d'obédience marxouilliste-leniniste, avant de les terminer, ces crouillats contestataires, en suite d'atemis foudroyants ponctués de petits cris stridents et de pauses acrobatiques. Et voila les prolos qui se retrouvent la face en marmelade, les os brisés et des traces de semelles clarks en gland sur tout leur bleu de travail.
Mais je m'égare.
PDG Kung-Fu, ce n'est pas ça. Pas ça du tout.
Desolé.
Primo, PDG Kung-Fu ne fut PDG Kung-Fu que pour un seul et unique numéro. Le dernier. Auparavant, il était sobrement intitulé PDG (tout court) et ne s'adonnait qu'avec parcimonie aux joies du Kung-Fu fighting en collectif.
Triste pour nous et tragique pour son éditeur qui, croyant réiterer le succés de ses Cherry O et OSSEX à adaptations trafiquées, avait lancé une nouvelle salve d'espionnage porno pop à titres jeux de mots pour finalement la voir se casser la gueule en une année top chrono (estimation personnelle) - Et ce n'était pas un malheureux KUNG-FU noir plastroné à 45° sur un gros PDG rouge qui allait sauver l'affaire... surtout au vue de la qualité du texte que la couvrante était censée emballer.
Car leur PDG Kung-Fu, les p'tits gars d'EPP (l'éditeur, donc), ils auraient tout aussi bien pu l'appeler PDG Disco, PDG Glandouille ou PDG Mademoiselle qu'on y aurait vu que du feu.
Autant t'en informer d'entrée, ami lecteur : le kung-fu, là dedans, tu n'en verra qu'à peine la couleur. Et en plus, ce ne sera même pas la bonne. Belle arnaque. Il n'y a rien qui concorde et pour enfoncer le clou, ce Dragon Blanc (titre de l'ouvrage, dois-je te le rappeler ?) ne se déroule même pas en chine... mais en Inde ! Un sacré bordel qui me rappelle vaguement le marasme géographique du Jigaï de Tibor Tibbs (même éditeur, même calvaire), dans lequel de fourbes petits chinois vicieux réalisaient des pinku-eigas japonais pour blanchir de la coke anglaise.
Mais je m'égare.
J'en vois qui s'impatientent, passons donc au resumé.
Ainsi, dans PDG Kung Fu, épisode numéro 6, Patrick Jourdan, jeune journaliste ambitieux et fils de ministre, est kidnappé en inde par une secte de bridés spécialisés dans le trafic international et sexuel d'héroïne. Je pourrai t'en dire vachement plus (et des biens bonnes) mais ça compliquerait foutrement ma tache, résumer ce bouquin n'étant pas du nanan. Bref, tout ça dure bien bon 40 pages avant que notre héros, PDG, se retrouve chargé par le papa ministre de récupérer le fiston.
Je te préviens, ne te fais pas de fausses idées, PDG, il n'est pas du tout directeur d'entreprise. L'auteur l'appelle PDG en reference à son nom. Pierre David Gall. P-D-G, t'as compris ? Heureusement qu'il a le "Gall" à la fin...
(...quoi que... PD Kung Fu, je suis sur que ça peut trouver preneur...)
Enfin bref (...) pour bien situer le gustave, PDG est une sorte de super-flic super-français, super-multimilliardaire et super-celibataire. Imaginons un peu Pat Magnum, sans sa super-pilosité faciale mais avec une encore plus grosse emphase sur le SUPER. Car on ne s'appelle pas Pierre David Gall pour rien. Épaulé d'un pareil blaze, forcé que notre mastard dégouline le super par tout les pores. Et voila l'auteur bien décidé à super nous l'affirmer en décrivant à longueur de pages et par le menu les multiples variations vestimentaires de son personnage.
Ainsi, page 46, Pierrot est "impeccable dans son complet de flanelle tabac sur un roulé beige en cashmere et chaussé de boots en chevreau de chez Céline." Page 57, on le retrouve en "complet d'alpaga tabac blond sur une chemise de soie marron." Page 80, ce sera "pantalon d'alpaga crème et [...] blazer de soie tête de nègre."
Je m'arrête là mais sachez qu'il y a largement de quoi ouvrir une rubrique rétro dans Vogue ou Harper's Bazaar. Ça ne rigole pas : Pierre David ressemble à ces publicités pour cigarettes kool, matériel hi-fi, alcools russes ou vêtements de sport qui grossissaient le contenu des Playboy dans les années 70.
Du coup, forcement, maxi-looké, Pierre David se farci de la poulette à tour de bras. C'est logique. C'est pas fringué comme une cloche que tu vas tirer ton coup, coco. Quoi que... page 61, "vêtu d'un jean effroyablement usé [...] et d'une chemise rapiécée," Pierre David se fait une hippie. Jane, qu'elle s'appelle.
Mais pendant que notre héros joue à la gravure de mode, s'essaye à l'opium dans des bouges sordides, fait quelques démonstrations de kung-fu pas trop convaincantes, rencontre son auteur dans un deus ex machina à faire palir le Kurt Vonnegut du Breakfast Du Champion (véridique), baise une asiatique karatéka, partouse dans des hôtels de luxe, boit des cocktails et allume des cigarillos, bref, pendant que PDG ne fout strictement rien, Patrick Jourdan (vous vous rappelez ? le mec qui s'est fait kidnapper et justifie toute cette intrigue ?) Patrick Jourdan donc, s'emmerde un maximum dans sa cellule.
C'est compréhensible. Moi même, je dois te l'avouer, j'étais au bord de l'assoupissement. PDG Kung-Fu, c'est tout de même 160 pages où rien, absolument rien ne se passe. Le pire, c'est que, dès la page 40 du roman, PDG sait très exactement où Patrick Jourdan est retenu en captivité (et accessoirement, violenté, torturé et traumatisé à vie) mais il préfère patienter 140 pages avant de passer à l'action.
Et là, tout bascule.
Capturé par les méchants, Pierre David et sa compagne karatéka se retrouvent bizarrement enchainés l'un à l'autre. Un piège vachement complexe au mécanisme duquel je n'ai rien compris. Faut dire qu'à ce moment là, j'étais particulièrement raide mais - si vous me permettez - je pense qu'avec ou sans alcool, l'effet est approximativement identique.
Tenez, jugez sur pièces :
"Il regarda entre ses cuisses écartées. La tête échevelée d'Ajra s'y encadraient. On aurait dit la vision d'un monstrueux accouchement. Pierre David Gall accouchant d'une femme."
(Et pour compléter le tableau, sachez bien qu'il a des pics dans le dos qui menacent de perforer nos deux tourtereaux.)
Bref, le suspense est à son comble ! Pierre David et sa copine vont-ils mourir dans une position grotesque, victime d'un piège débile ? Vais-je m'assoupir, noir comme un bucheron roumain, avant la fin de ce roman stupide ?
Non ! Car ce n'était sans compter l'ingéniosité de l'auteur (Gérald Moreau, quel homme !) qui permet à notre héros de se dégager de l'étreinte meurtrière en... se pissant dessus !
Je ne blague pas. Les difficiles de la crédulité peuvent se référer aux pages 179 et 180. Passage édifiant. Que dis-je ? Un grand moment même, bref, avis aux amateurs !
Après, par contre, une fois nos deux zozios urophiles libérés, le roman retombe dans sa morne routine de pornospionnage peu inspiré. Les méchants dealers de drogue se font contrer, les héros leur foutent une fichue branlée et l'auteur, bien pressé d'en terminer, conclut sur une note machiste du plus bel effet. Quant à moi, le roman refermé, j'étais foutrement appaisé.
Et je peux désormais te l'affirmer : PDG Kung Fu, PLUS JAMAIS !