Affichage des articles dont le libellé est [EDITEUR] GALLIERA. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est [EDITEUR] GALLIERA. Afficher tous les articles

LA ZIGOUNETTE TRANSCONTINENTALE

L'ALIBI DU LIBYEN, NORMAN ADAMS
GALLIERA / ADAMS # 8, 1974

Voici une lecture aussi effarante qu'atterrante : la huitième aventure de Norman Adams, docteur, espion, baiseur, loser. Hétéro-héros pathétique, adepte des pratiques sodomites sur la gent féminine et justicier international turbinant pour le compte d'une organisation de super Black Panthers Panafricanisés, le Wakanda version agit-prop du Tier Monde - soucoupes volantes, base secrète et technologies haut de gamme - enfin, ça, c'est ce que l'éditeur te promet dans le résumé des premières pages mais ne bave pas trop, de cette joncaille, tu n'en verra jamais la couleur.
Norman Adams, c'est plutôt du SAS d'extrême-gauche - une extrême gauche à prendre avec de fichues pincettes, je te préviens, puisqu'elle aurait plus tendance, cette extreme de la gauche, à définir la position du pénis au repos dans le bénouze de l'auteur que les possibles postures idéologiques arborées par le héros en titre.
Mais reprenons.

Ainsi, dans cet épisode, notre pauvre hère est contacté par Aldo Melone, un multi-miliardaire italien.
L'auteur, qui avance masqué sous le pseudonyme de son protagoniste principal tout en rédigeant ses exploits à la troisième personne du singulier (vas-y donc trouver une logique dans tout ça), l'auteur, donc, semble très en forme niveau blagounettes vaseuses et, page 29, ouvre les hostilités en nous informant des activités du richissime rital en ces termes (je cite car ça le mérite :)

"La MACA et la RONI constituaient [...] les deux mamelles de l'empire d'Aldo Melone."
On se marre doucement mais rassures-toi, il ne s'agit là qu'un d'un tout petit échauffement. Les choses sérieuses débutent quelques pages plus loin avec l'arrivée d'une pute Romaine (et pas Roumaine, s'il-te-plait), fervente adepte de sodome (normal) et grande dispensatrice en reparties comiques façon mantras obscurs.
"Au lit, coït qui mal y baise [...] mais au nid, coït qui mâle y bande," lance-t-elle finement en clôture du premier chapitre.
Clôture des préliminaires itou.
Car, page 35, on a parfaitement comprit que cet Alibi du Libyen, ça allait être la fête au n'importe quoi d'un bout à l'autre du bouquin. Une avalanche de conneries, un déchaînement d'humour qui tombe à plat, je te l'a fait courte : le second degré du trente-sixième dessous à prix discount, 15 centimes la palette (et encore, je suis pas sûr de tout vendre...)
Chapitre deux et avanti ! Adams et son italienne à gros cul discutent vaguement politique ("Oh ! moi, les partis ! À part celles des hommes !" déclare la charmante enfant) puis partent mollement baiser. Prennent enfin un avion qui se retrouve détourné par des terroristes palestiniens.
Ne t'attends pas à de l'action, il n'y en a pas.
Ne t'attends pas à du cul, il n'y en a pas non plus.
Attends toi uniquement à rencontrer un auteur en roue libre, un scribouillard qui s'emmerde en fignolant sa triste tambouille et choisi donc de prendre son fade en assenant de-ci de-là quelques paragraphes au mauvais goût plus vasouillard que distrayant.
Cf. les exemples donnés plus haut. Cf. aussi (et surtout) toute la kyrielle d'aberrations que tu découvrira si, un jour, par mégarde, tu te décides à chiner cet ouvrage.
Pour les autres, ceux qui n'ont pas que ça à foutre de leur temps, ceux qui s'en foutent dans les grandes largeurs (et les longitudes qui vont avec), ceux qui ont d'autres pains à fouetter sur leurs manches, notons tout de même, page 102, ce magnifique trait d'esprit de l'auteur, juste après que la Romaine sodomite ait traitée les terroristes Palestiniens d'enculés :
"Curieux que ce mot définisse les lâches ! Il faut au contraire, du moins me semble-t-il, un certain courage pour se faire défoncer la rondelle. Combien en ai-je vu pleurer sur leur oignon ravagé !"
Notons aussi, toujours pour les même zigues, page 155, cette profonde cogitation de notre héros au sujet des femmes - cogitation qui, peu à peu, semble se transformer en un explosif délire cosmico-lubrique :
"Que croyait-elle donc ? Qu'elle n'était pas une bonne femme comme les autres ? Bourrée de rêves et de pensées troubles ? Gonflée de désirs ? Ruisselante de plaisir, inondée de jouissance ? ... Rien ne déplaisait davantage à Norman Adams que ces pisseuses qui prétendent garder la tête froide en toutes circonstances. La tête, chez elles, ça veut dire le cul ; cette confusion anatomique suffisait à exaspérer le docteur.
' Quand donc les gens sauront-ils de quoi ils parlent ? ' pensa-t-il en se représentant simultanément les seins d'Antonella comme deux énormes grenades gonflées de suc, deux grenades entre lesquelles il eût bandé à planter comme dans des fesses rebondies le pain de dynamite de sa queue exigeante..."
Notons enfin, histoire de conclure, page 177, l'à-peu-près seule scène de cul du bouquin. Norman Adams fourrageant une terroriste Palestinienne, et cette dernière nous faisant l'honneur de partager une brève mais intense éclaircie réflexive :
"Dire que cette queue a traversé des océans et des continents pour venir se ficher là, dans mon cul !"
Et dire que je me suis tapé 220 pages de cette connerie pour en finir là...

MÉDIOCREMENT PAS ORDINAIRE

L'ANGOLA BROIE DU NOIR, NORMAN ADAMS
ÉDITIONS GALLIERA / ADAMS # 3, 1974

Après avoir lu / adoré / recommandé ici-même les aventures de Max Von Grub, diptyque fantastico-fou-furieux mêlant pour la plus grande joie d'un lectorat en mal de sensations fortes action érotique et frénétisme satanique, j'attendais beaucoup des récits de Norman Adams, l'autre série de gare petit format des éditions Galliera et qui troquaient ici leur habituel ésotérisme farfelu au profit d'un espionnage sexy-sanguinolent bien dans l'air de son temps.

Le titre donne d'ailleurs le ton, traçant sa propre lignée imaginaire sur le fil tenu des romances modernes d'aventuriers populaires. L'Angola broie du noir tout comme, avant lui, Face D'Ange (Face D'Ange Broie Du Noir, par Adam St Moore, en Fleuve Noir Espionnage), Luc Ferran (Luc Ferran Broie Du Noir, par Gil Darcy, en Arabesque Espionnage) et bien entendu le Prince Malko (SAS Broie Du Noir, par Gerard De Villier, chez Plon).
Mais ici, l'Angola n'est qu'une partie du décor. Le héros, lui, se nomme Norman Adams. Crédité comme auteur d'un texte rédigé à la troisième personne du singulier, il fait aussi office de mystère éditorial en papier mâché.
La traduction (de l'Américain) étant signée d'un certain Pierre Dimoni et les notes de bas de pages, rigolardes, inutiles, référentielles, abondant, on en tirera les conclusions qui s'imposent. Mais une petite mention de copyright interpelle tout de même : "1972 Adams and Sady Hjüsteen. Traduction française : éditions Galliéra, 1974. Titre original : ANGOLA."

On se questionne. Pour une farce, c'est pousser un peu loin le détail. Mais qu'importe l'imbroglio. Concentrons nous sur le roman - troisième aventure de Norman Adams, ici envoyé par ses employeurs les Onakandri de Mavao, une organisation secrète de super-blacks révolutionnaires, en Angola pour pouvoir témoigner des actes de barbarie dont les colons portugais font preuve envers les habitants noirs du pays.
La première partie - celle qui, justement, ne se déroule pas en Angola - est la plus interessante. Il s'agit principalement de Norman Adams trainant ses guêtres entre l'Angleterre et la France, rencontrant une prostituée très ouverte puis devenant membre d'un club de nudiste.
"Cette histoire atteignait à des sommets de baroque qui le laissaient pantois et sans souffle."
Je n'irai pas jusque là, mais l'ensemble confirme bel et bien que les productions populaires Galliéra aimaient à verser dans le farfelu et le n'importe-quoi, saupoudrant le tout de discussions gauchisantes surréalistes.

"Depuis mai 68 et la grande peur des bourgeois français" explique la prostituée à Adams, "la police est sans cesse mobilisée contre tout ce qui, dans le domaine de la réflexion politique ou philosophique, peut ébranler les assises fragiles du pouvoir actuel ou mettre en cause ses principes contestables. La liberté, même s'il s'agit de celle de lointaines peuplades noires, inquiète les autorités. Ça peut faire tache d'huile, tu comprends..."
Et de conclure par :
"On commence par les Noirs de l'Angola et on en arrive aux arabes de chez Renault !"
Ce qui, en soit, est censé nous éclairer sur les raisons de la fondation d'un club de nudiste révolutionnaire : "à quoi veux-tu reconnaitre un révolutionnaire d'un mec de droite quant ils sont tous les deux à poil ?"
Décidément, cette prostitué est impayable. Et doublement même, puisque, en sus de ses conversations politiques, elle assure aussi comme une grande la quasi-totalité des scènes pornos de ce roman - scènes partagées entre l'obligation contractuelle envers les règles du genre et les ambitions anti-conformistes de l'auteur.
"J'aime que les hommes bandent à ma vue [...]. Le désir des hommes, c'est la plus belle preuve de mon existence ! Ils bandent, donc je suis !"

Faites graver cette perle dans du marbre. Merci.

Malheureusement, arrivé aux deux-tiers du roman, la prostituée quitte la scène. Adams débarque en Angola. L'auteur, qui se rend compte de l'espace-page perdu avec ses conneries, accélère la cadence. La forme, adoptant celle du journal intime, devient brouillonne. La lecture se fait pénible. Le potentiel est gâché.
Il n'y a pas d'action, pas d'intrigue, pas d'enjeux
. On dirait un mélange non-abouti entre l'Affaire N'Gustro et un épisode lambda de SAS. Si les 100 premières pages n'avaient pas été aussi prometteuses, je n'aurai d'ailleurs même pas pris la peine de vous en causer.

C'est triste. Mais il faudra tout de même vérifier si les autres volumes de la série sont aussi décevants que cet Angola Broie Du Noir...


JEU BLANC POUR SLADEK, ALAIN LACOMBE
JEAN DULLIS EDITEUR / SANG D'ENCRE # 3, 1974

Autre série officiant dans le viril détourné et elle-aussi publiée en 1974 (décidément une année charnière en matière de post-espionnage porno gauchiste et/ou machiste), Sladek n'est probablement pas une référence (ou alors extrêmement vague) à l'auteur de l'Effet Müller-Fokker - roman par ailleurs sorti aux éditions Opta en décembre 1974.
Le Sladek du titre, David de son prénom, n'est pas un écrivain génialissime mais plutôt un tennisman professionnel qui, lorsqu'il ne fréquente pas les grands tournois, travaille en loucedé pour le compte d'une organisation secrète fondée par des scientifiques soucieux quant à l'avenir de notre planète et pratiquant donc un terrorisme écologique à grande échelle.

"Les hommes que nous avons recruté" nous explique l'un des scientifiques, "ne sont pas spécialement motivé par le problème de la pollution ; nous avons choisi des hommes qui avaient le besoin d'une seconde vie, entièrement vouée à l'action. Ils sont amenés à tuer des industriels, à voler des plans, à faire sauter des usines et que sais-je encore."

Dans Jeu Blanc Pour Sladek, notre héros proto-action directe est donc chargé de mettre fin aux activités d'un riche américain spécialisé dans le nucléaire et ayant entièrement pourri une partie du pôle nord avec ses déchets.
Le premier chapitre, froid, dur, sans fioriture, est excellent. La suite, par contre, se révèle bien moins efficace. Jeu Blanc Pour Sladek ressemble à ces bouquins des années 70 qui, tout en se conformant aux règles du genre populaire, cherchaient à les détourner à des fins stylistiques et qui, de fait, sombraient dans une certaine confusion, négligeant l'action, la logique, le sensible - en bref, négligeant tout ce qui pouvait avoir prise sur le lecteur pour mieux (?) pratiquer une autopsie un peu pataude des mécanismes de cette littérature étrange, commerciale, délirante, extrêmement libre dans ses formes et pourtant régie par des principes narratifs très stricts qu'est la littérature des super-marchés, la littérature des poubelles, la littérature des pauvres types frustres qui désirent tuer le temps en imaginant des choses hors du commun et ce, de façon extra-vulgaire.
"Cette affaire était bizarre ; pas d'enquêtes à proprement parler ; une succession de faits où l'on est toujours perdant, une chance invraisemblable qui a permis de se trouver au bon endroit, des femmes fascinantes, et des personnages brumeux. Le tout largement baigné dans une violence implacable."
Jeu Blanc Pour Sladek est donc un roman intelligent, qui s'auto-analyse constamment.
On ne lui en demandait pas tant.
On aurait même préféré le contraire. L'énergie brute, primitive, fantasmatique propre à la littérature populaire est ici absente. Le roman se déroule de façon monotone, trahit par ses ambitions, ralenti par ses réflexions.
"Au fond de lui-même, il se félicitait de l'évolution de ses aventures. Il n'était en rien l'acteur principal et pourtant, on se dirigeait lentement vers une issue."
Lentement est le mot. On espère néanmoins, de temps à autres, un sursaut, une contraction, un regain de vitalité.
Page 134, "une partouze baroque avec la mort se préparait." L'excitation est de courte durée. Un paragraphe plus loin, les mots retombent dans leur apathie naturelle. Cette fois, c'en est bien fini. Il n'y a plus rien à quoi se raccrocher.
Jeu Blanc Pour Sladek est en quelque sorte le miroir négatif des Sept Cercles de TNT. Tout ce que ce dernier réussissait avec brio, Sladek le foire tristement, s'enlisant dans un cynisme facile et des considérations fumeuses.

On est très loin de la cible fixée - cette littérature musclée de bas étage, aux aspirations peu ordinaires et aux résultantes extra-ordinaires.
On est déçu. On a raison.
On recommandera tout de même l'ouvrage aux Mitterrandiens (si il en reste encore...) : c'est en effet Élisabeth Tessier qui nous régale de ses charmes sur la couverture.

Toujours ça de pris !

EN ROUE LIBRE !

COPULA CUM DAEMONE, HUBERT BURGER
LE ROI DU MONDE, HUBERT BURGER
ÉDITIONS GALLIERA / MAX # 1 & 2, 1974

Certains romans font l'effet de bombes. Dans le cas des Aventures de Max Von Grub, signées Hubert Burger, l'analogie ne sera pas suffisante.
Et de loin.
Car les effets que ces deux volumes produisent sur leur lectorat incrédule ne peuvent se comparer qu'à une centaine d'explosions atomiques simultanées.
Et toutes sur un seul et même point d'impact.
Votre crâne.
Je ne blague pas.
440 pages de Max Von Grub équivalent à une exposition intégrale aux brumes terrigènes. Ce n'est pas du tout-venant. Plutôt du tous azimuts bien siphonné.

Bref : nous sommes pas là pour tricoter.
Les demi-portions à l'esprit fragile feraient mieux d'aller lire ailleurs leurs Anticipation. Hubert Burger, c'est une affaire d'hommes, de vrais. Compris ?


Bon. Maintenant que nous sommes entre nous, permettez que je fasse les présentations.
A ma gauche, Copula Cum Daemone, le premier volume de la série. La jeunesse de Max Von Grub, l'enfant aux yeux de chat, né la nuit de la sainte Walpurgis. Fils illégitime de Lucifer et de la sculpturale Madame Von Grub, victime bien malgré elle d'un incubat.
Le premier chapitre annonce la couleur. Possession démoniaque et masturbation féminine.
"L'orgasme la secoua comme une secousse électrique ; un jet glacé l'inonda, un jet d'acide et non de sperme qui paralysa son ventre tout en accentuant sa folle jouissance."
Tu peux le constater, Hubert Burger n'y va pas avec le dos de la cuillère mais cet accouplement surnaturel n'est qu'une aimable mise en bouche. Trente pages plus loin, Max naît et voila notre auteur qui mêle à ses inconvenances cochonnes des complaisances perverses propre à la littérature poubelle d'après guerre.
Nazis sadiques, tortures raffinées, humiliations en tout genre. Madame Von Grub en prend pour son matricule, le lecteur en a pour sa galette et Hubert Burger fait peu à peu monter la mise.
Inceste, nécrophilie, supplice du pal dans les régions rectales. Amusez-vous, la sauce est joyeuse et, déployé sur une trame bassement picaresque, Copula Cum Daemone s'affiche comme un ardent roman populaire rejouant les grands airs du gothico-frénétique à une cadence toute seventies.
Max visite un camps de concentration et croit avoir vu le jardin de Dieu. Max entre au service d'un baron dépravé et étudie les sciences occultes. Max s'initie à l'anarchisme via les écrits de Paul Lafargue.
Pornographie ésotérique, satanisme pop politisé, fantastique beau et biscornu comme une série Z largement dénudée - on croirait Mario Mercier, dépouillé de son style outrancier et s'adressant aux béotiens lecteurs de romans de gare. JE VOUS AI COMPRIS ! Soyons tout à la fois rustres et raffinés. Du cul de haut vol et de la philosophie de bas étage. Une écriture alimentaire et maîtrisée.
Voila le programme. Votez pour lui.
C'est Jean-Louis Bouquet enchaîné par André Guerber dans une chambre de passe minable du quartier Pigalle et forcé à lire des publications Elvifrance
. C'est Charles Nodier transporté 150 ans dans le futur, battu à mort, libidineux et scénarisant pour Jean Rollin un improbable sortilège cinématographique aux dialogues excessifs.

D'ailleurs, évoquons-les, ces dialogues à la prose folle furieuse.
Page 65, un dément expliquant au jeune Max, 6 ans, le mécanisme d'une chambre à gaz.
Page 91, Max violant sa mère dans un songe fiévreux.
"Regarde, mère impie ! Je vais t'enduire de cette bave ! Regarde ! Mon sexe est une vipère !"
Page 149. Un nécrophile en rut faisant l'article de sa passion:
"J'aime les petites filles mortes et pas encore fanées, j'aime quand leur chair, en se décomposant, devient molle et maniable comme de la pâte à modeler ! Je veux jouer avec les cadavres et ne m'occuper de personne d'autre, ha ha ! Ejaculer dans un vagin inerte, introduire la vie dans la mort, remplir le ventre d'un cadavre de ma semence brûlante, oui, par-derrière, par-devant, et quand ce ventre est gonflé de mon foutre, alors il se met à parler et il se vide comme une mégère qui a bu trois litres de bière..."
L'amateur de bizarreries imprimées sera aux anges. Il y a chez Hubert Burger quelque chose de Ernst Rato, de Max Roussel, mais sans le ton outré ni le style flamboyant de ce dernier. Les artifices du sublime sont tronqués au profit d'une narration formaté roman de gare, orienté vers la concision et l'efficacité mais pas dénuée de charme ni de qualités. C'est de la littérature populaire fantastique de belle facture, produite à une époque où l'on mélangeait sans vergogne sexualité et morbidité, où l'on se gorgeait de parapsychologie douteuse et où les sorcières habitaient dans des HLM tandis que les sectateurs satanistes se baladaient dans les campagnes industrialisées habillés en hommes d'affaire respectables, à la recherche de jeunes hippies à violer.

Malheureusement, une grande partie de cet aspect, qualifions-le de fantastique contemporain, de folklorisme post-moderne, disparaît dans les prémices du second volume de la série.
Le Roi Du Monde.
Un roman bancal, raté, mais loin d'être dépourvu d'intérêt puisque Burger, poussant le délire au-delà de 9000 et des brouettes pourcents, y grille ses derniers fusibles.

Disons-le clairement, Le Roi Du Monde est un roman profondément débile. Je pèse mes mots.
Au niveau de la littérature poubelle cochonne et dégénérée, ce bouquin n'a rien à envier à, exemple de choix, Une Belle Gonzesse de Regis Lary. Bien au contraire. Il aurait même certaines choses à lui apprendre.
On croit rêver et pourtant, dès le départ, on se rend bien compte qu'un truc cloche, comme si Burger ne savait pas trop où aller après son premier roman initiatique.
60 pages désorientées, qui voient l'auteur transformer son personnage d'anarchiste démoniaque en un agent secret à la solde d'une société occulte de pornophiles anonymes amateurs de massages thaïlandais.
60 pages de cul à la Gérard De Villiers surtout.
J'imagine l'éditeur faire pression sur l'auteur. "Coco, le lectorat se plaint. Force la dose. Mais attention, pas de tes saloperies contre-natures. Du classique, du solide, ok ? Fellation, p'tite branlette et pénétration. Fais reluire. Dans le sens du poil."

60 pages de ce traitement de choc donc, qui nombre de fois autorise le sourire (échauffement des muscles zygomatiques pour éviter le claquage, merci Hubert) et paf, chapitre 3, le roman débute.
Accrochez-vous.
Tintin au Tibet. Pardon. Max Von Grub au Tibet.
Vous inquiétez pas, le Yeti est bel et bien dans les parages. Un sacré coquin, çui-là d'ailleurs, mais ce ne sont pas nos affaires et je vous sens tout interrogateurs, tout perdus.
Que va-t-il donc y foutre au Tibet, Lucifer Junior ? Eh bien, tout naturellement, il va y faire un petit stage intensif d'introspection Bouddhiste avant de partir à la recherche de l'entrée de l'Agarttha, grosso-modo, l'entrée de la Terre Creuse, y descendre jusqu'à la cité de Shamballah et là, convaincre le Roi du Monde de ramener la paix à la surface de la planète.
Vous suivez toujours ?
Moi non mais on s'en fout. Entré dans l'Agarmachin, ça devient vraiment passionnant.

Nous sommes page 127. La valve de la chambre à conneries sous pression d'Hubert Burger semble montrer quelques signes de faiblesses et Max rencontre un premier peuple souterrain, Les Dzong, qui ont des perceuses en guise de zigouigoui, ne vivent que pour copuler, pondent un million et demi de chiars par an et, pour combattre la surpopulation, emploient une méthode fichtrement radicale, prenez note, ils foutent leurs mioches tout frais pondus dans une fosse commune, agrémentent le cocktails d'explosifs (magiques, dixit l'auteur) et, paf, ils font tout péter !
Ça produit un gigantesque geyser de sang sous lequel nos Dzong organisent une partouse grandeur nature, se perçant la couenne sous toutes les coutures avec leurs multiples organes sexuels contondants et provoquant, par agitation psychique ou un truc dans le genre, une décharge électrique qui leur assure de la lumière pour l'année à venir.
Dantesque, n'est-il-point ?
Et ça ne va pas aller en s'améliorant car déjà la dernière durite de monsieur Burger est en train de rendre l'âme.
Nous pénétrons dans les enivrantes contrées du chapitre 6. Prisonnier Des Wobina. Un titre qui promet... et qui tient ! Les trente pages les plus dingues que tu lira jamais dans ta vie, une histoire de femmes vampires se nourrissant du sperme d'homme.
"Dans le fond, je préfère qu'elles me prennent ma semence que mon sang..."

...déclare Max, inconscient de ce qu'il l'attend : une vidange meurtrière !

Je te laisse la surprise du comment mais attends-toi à une démentielle orgie de papier, à un sommet de folie dans les tréfonds de ce roman poubelle et qui, en plus, se paye le luxe de se clôturer par la vision la plus improbable et farfelue qui soit, pages 188 et 189.

Max Von Grub, vidé par les Wobina d'une bonne centaine d'hecto-litres de sperme et enfin tiré de leurs griffes par les chevaliers de la table ronde, Max Von Grub, égaré, à des milliers de kilomètres en dessous de la surface de la terre et qui rencontre... James Dean. Souffle coupé, fou rire, incrédulité, bonheur infini. Ces deux feuillets sont comme un saint Graal de la littérature qui débloque un maxi-grand max.
"Il faut le sauver, s'écria-t-il d'une voix soudainement raffermie, nous ne pouvons le laisser à la merci de ces tigresses ! Il faut sauver James Dean !"
Et Hubert Burger, enfin, lâche les amarres, s'envole, la boite à idée définitivement cramée après toutes ces fulgurances inespérées. Le dernier chapitre se déroule alors comme en apesanteur, calme, reposant, son auteur résolument retiré de la course à la connerie ultime rémunérée.
Reste qu'au détour d'un dialogue, une question surgit, insidieuse, essentielle.
Qui était Hubert Burger ?
S'agissait-il du pseudonyme d'un auteur devenu fou furieux ? D'un dangereux illuminé ? D'un gourou new age pornographe à ses heures perdues ?
Et surtout, surtout... Était-il sérieux ? Vraiment sérieux ?

"Bien sur. Mais personne ne te croira. Je peux même te dire ce qui arrivera : tes aventures feront l'objet de livres qu'un auteur ambitieux écrira grâce à ta complicité. Et ces livres ne seront pas pris au sérieux..."
...On se demande bien pourquoi...