UNE BELLE GONZESSE, REGIS LARY
ODEPI / EROS, 1976
Il n'y a pas trente-six manière d'écrire du porno-populo. À froid, comme ça, direct, je distinguerais trois schémas possibles et existants. D'abord, le plus rependu, le récit de genre. Polar, espionnage, fantastique ou guerre, avec de bons gros morceaux copulatoires jetés en vrac dans la mêlée. Ça baise et ça flingue. La mixture fonctionne en balancier. Plus il y a de cul, moins il y a d'histoire et vice-versa. Bref, c'est proportionnel.
Ensuite, il y a les romans de confessions. Le pain d'Eroscope puis de Média 1000. En 1976, on pouvait lire Je suis une Barmaid ou Je Suis Une Cover Girl. En 2000, ça donne On M'avait Envoyée Dans Une Banlieue Chaude, J'étais La Secrétaire D'un Obsédé ou encore Je Suis La Mascotte D'un Club De Foot (!!!). On se bidonne un super-max avec les titres et on s'endort à l'intérieur. Chiant et banal, le roman confession est un genre à éviter ou à survoler aux toilettes, mais uniquement si t'en as assez du Reader's Digest ou de FHM. Pas d'histoire, juste des scènes de cul à la queue-leu-leu, trois positions et une perversion par chapitre, etc. Seul point positif : les dialogues sont souvent fendarts vu que, niveau cochonnerie, ça donne dans le boudin supra-gonflé. Mettons nous dans l'ambiance et, hop, un petit échantillon pour la route : "Oui, nique moi... jusqu'à l'os... explose-moi, putain ! Tu as une bonne bite ! Je m'éclate ! Putain, je jouis ! Je prends mon pied ! Vide-toi les couilles au fond ! Vas-y! Oui, gicle-moi bien tout ! Je jouis encore ! Fais-moi crever !" Là, je n'invente rien, c'est une suite de replique, page 103 de J'Aime Les Bimbos Bien Dodues (Média 1000, 2001).
J'aime beaucoup.
Mais je commence à m'égarer.
Reprenons.
Entre ces deux genres, il y a le gros carton des années 70. Le bouquin de cul en voyage. Forcement. à l'époque, le tourisme sexuel avait le vent en poupe. L'été indien et tout le tralala. La transhumance version world-baisodrome faisait recette et, surtout, se rendait littérairement populaire avec Emmanuelle Arsan.Le genre prend donc une ampleur assez hallucinante et multiplie d'improbables produits dérivés. Faut dire qu'il est assez facile de monter en quelques minutes un bouquin de porno-voyage. Les sentiers sont balisés, pas vraiment de hors piste possible. C'est de la littérature en kit, avec une double destination : les iles ensoleillées du pacifique et le cul doré des autochtones. Et que ça saute, constamment et sans temps mort, exactement comme chez son petit-frere, le roman confession. Un coup par chapitre minimum. Ainsi, histoire de pas y couper, les protagonistes baisent dès les premières lignes. Une manière pour l'auteur de bien les présenter à son lectorat baveux sous toutes les coutures, en long, en large et en traversin. Ensuite, comme c'est les vacances, nos héros décident de prendre l'avion. Ils baisent à l'aéroport, ils baisent dans l'avion, ils font diverses escales et à chaque fois, ils y baisent, toujours avec des gens du coins, des bourrus, des bourrants, des bourrés. Super trip. Enfin ils débarquent à destination. Et ils y baisent. Mais là, par contre, vraiment, pour le coup, vraiment quelque chose de dingue. Un truc incroyable, une merguez party priapique et dantesque pour justifier le trajet de 160 pages que les gonzes viennent de se taper les valseuses en mode arrosage automatique. Et puis, paf, rideaux, repos, ils ont tous bien baisés. Il ne s'est rien passé d'autre, à par peut être une sombre intrigue policière en clôture de roman, trafic de drogue ou traite de blanche, mais ça n'ira pas plus loin. Faut aimer le tourisme par procuration et avoir le palpitant en berne.
Du coup, Une Belle Gonzesse (vous voyez, j'y arrive), de Regis Lary, édité par un succursale de Promodifa/Bel-Air/Baudelaire, je m'en méfiais pas mal. ça sentait l'ennui, la routine typique des romans porno ou même pire : des romans de voyage-porno. Mais il n'en fut rien. Ce fut bon.
Ce fut même assez délirant.
Il y a plusieurs raison à cela. Primo, Une Belle Gonzesse est bien mal écrit, juste comme il faut, à la première personne, dans un style comico-porno-popu qui ne se refuse rien, surtout si c'est con et vulgaire. Un peu comme Jo Barrack, par exemple, mais en bien plus relâché. L'introduction donne le ton, page 17, "je piochai dur, je clouai ferme." Les descriptions sexuelles ne dépasseront pas ce niveau. Nickel !
Secondo, les réflexions du narrateur sont pour le moins jouissives. Énormes même. Un petit exemple (parmi de nombreux autres) : "Voyez-vous, cher lecteur,il y a des filles qui se rasent le pubis. Elles ont tort. Rien de plus agréable qu'un pubis bien broussailleux. Pour un sédentaire, un citadin, un fonctionnaire qui n'est jamais parti en brousse, c'est là l'aventure la plus virile et la plus prodigieuse de sa vie terne. Il prospecte la femme et sa foret vierge comme (si) il prospectait les jungles d'Afrique, d'Amérique ou de Bornéo (...)" Bouyxou approved !
Tertio... il n'y a pas de tertio. Faisons plutôt les présentations.
Ainsi, notre narrateur, notre héros, notre super-baiseur du jour se nomme Johnny Fagg. Il est copieusement pourvu par la nature (comme le déclare si bien une certaine Pamela, page 27 : "Ah! Johnny, Johnny, qu'est-ce que tu as là ? C'est un concombre, c'est un alligator, c'est... oh!") et gagne sa croute avec plaisir et concupiscence en officiant comme homme à tout faire au service d'une nymphomane milliardaire de quarante berges. Pas besoin de trop résumer l'intrigue. Nos deux zozios partent en croisière, direction une ile du pacifique, blablablabla. J'ai déjà tout dit plus haut, rien ne change sauf qu'ici, on rigole bien. Une Belle Gonzesse ressemble à un roman gras des éditions de la tarente revu et corrigé en mode sauciflard chorizo alcoolique années 70. C'est du porno paillard et stupide, sans une once de finesse, parfois répétitif mais, oh oui, totalement débridé, surtout dans sa seconde partie. Car, après avoir joyeusement copulé un peu partout pendant leur voyage d'une centaine de pages, notre joyeux duo, renforcée par une hôtesse de l'air, deux bonnes à tout faire et un équipage de matelots malpropres, débarquent enfin sur l'ile en question. Et qu'est-ce qu'ils y trouvent sur cette fameuse ile, hormis une tripotée de poulettes à tripoter ? Un gang de gros barbichus rouquins pédérastes. Pas méchants, les zigues zigounoeuds, mais très très portés sur la chose. C'est le moins que l'on puisse dire. Du coup, vu la taille de son mandrin et bien qu'hétéro pur sang, Johnny s'en récolte quelques uns sur le coin du poireau. Des voraces, des acharnés, des féroces qui tiennent à lui imposer quelques papouilles buccales sur l'intégralité de son manche phénoménal. Et là, c'est le drame !
Recueillons les propos du principal intéressé, page 134 :
Bref, concluons et soyons simple : si la subtilité lettrée vous rebute, si les graffitis de chiottes vous passionnent, si vous n'êtes pas sérieux (et c'est tant mieux !) alors Regis Lary est votre ami.
(ps : Magda, Hôtesse Du Septième Ciel, rien à voir, à part qu'il s'agit d'un roman de voyage porno et que la couverture est fort jolie...)
ODEPI / EROS, 1976
Il n'y a pas trente-six manière d'écrire du porno-populo. À froid, comme ça, direct, je distinguerais trois schémas possibles et existants. D'abord, le plus rependu, le récit de genre. Polar, espionnage, fantastique ou guerre, avec de bons gros morceaux copulatoires jetés en vrac dans la mêlée. Ça baise et ça flingue. La mixture fonctionne en balancier. Plus il y a de cul, moins il y a d'histoire et vice-versa. Bref, c'est proportionnel.
Ensuite, il y a les romans de confessions. Le pain d'Eroscope puis de Média 1000. En 1976, on pouvait lire Je suis une Barmaid ou Je Suis Une Cover Girl. En 2000, ça donne On M'avait Envoyée Dans Une Banlieue Chaude, J'étais La Secrétaire D'un Obsédé ou encore Je Suis La Mascotte D'un Club De Foot (!!!). On se bidonne un super-max avec les titres et on s'endort à l'intérieur. Chiant et banal, le roman confession est un genre à éviter ou à survoler aux toilettes, mais uniquement si t'en as assez du Reader's Digest ou de FHM. Pas d'histoire, juste des scènes de cul à la queue-leu-leu, trois positions et une perversion par chapitre, etc. Seul point positif : les dialogues sont souvent fendarts vu que, niveau cochonnerie, ça donne dans le boudin supra-gonflé. Mettons nous dans l'ambiance et, hop, un petit échantillon pour la route : "Oui, nique moi... jusqu'à l'os... explose-moi, putain ! Tu as une bonne bite ! Je m'éclate ! Putain, je jouis ! Je prends mon pied ! Vide-toi les couilles au fond ! Vas-y! Oui, gicle-moi bien tout ! Je jouis encore ! Fais-moi crever !" Là, je n'invente rien, c'est une suite de replique, page 103 de J'Aime Les Bimbos Bien Dodues (Média 1000, 2001).
J'aime beaucoup.
Mais je commence à m'égarer.
Reprenons.
Entre ces deux genres, il y a le gros carton des années 70. Le bouquin de cul en voyage. Forcement. à l'époque, le tourisme sexuel avait le vent en poupe. L'été indien et tout le tralala. La transhumance version world-baisodrome faisait recette et, surtout, se rendait littérairement populaire avec Emmanuelle Arsan.Le genre prend donc une ampleur assez hallucinante et multiplie d'improbables produits dérivés. Faut dire qu'il est assez facile de monter en quelques minutes un bouquin de porno-voyage. Les sentiers sont balisés, pas vraiment de hors piste possible. C'est de la littérature en kit, avec une double destination : les iles ensoleillées du pacifique et le cul doré des autochtones. Et que ça saute, constamment et sans temps mort, exactement comme chez son petit-frere, le roman confession. Un coup par chapitre minimum. Ainsi, histoire de pas y couper, les protagonistes baisent dès les premières lignes. Une manière pour l'auteur de bien les présenter à son lectorat baveux sous toutes les coutures, en long, en large et en traversin. Ensuite, comme c'est les vacances, nos héros décident de prendre l'avion. Ils baisent à l'aéroport, ils baisent dans l'avion, ils font diverses escales et à chaque fois, ils y baisent, toujours avec des gens du coins, des bourrus, des bourrants, des bourrés. Super trip. Enfin ils débarquent à destination. Et ils y baisent. Mais là, par contre, vraiment, pour le coup, vraiment quelque chose de dingue. Un truc incroyable, une merguez party priapique et dantesque pour justifier le trajet de 160 pages que les gonzes viennent de se taper les valseuses en mode arrosage automatique. Et puis, paf, rideaux, repos, ils ont tous bien baisés. Il ne s'est rien passé d'autre, à par peut être une sombre intrigue policière en clôture de roman, trafic de drogue ou traite de blanche, mais ça n'ira pas plus loin. Faut aimer le tourisme par procuration et avoir le palpitant en berne.
Du coup, Une Belle Gonzesse (vous voyez, j'y arrive), de Regis Lary, édité par un succursale de Promodifa/Bel-Air/Baudelaire, je m'en méfiais pas mal. ça sentait l'ennui, la routine typique des romans porno ou même pire : des romans de voyage-porno. Mais il n'en fut rien. Ce fut bon.
Ce fut même assez délirant.
Il y a plusieurs raison à cela. Primo, Une Belle Gonzesse est bien mal écrit, juste comme il faut, à la première personne, dans un style comico-porno-popu qui ne se refuse rien, surtout si c'est con et vulgaire. Un peu comme Jo Barrack, par exemple, mais en bien plus relâché. L'introduction donne le ton, page 17, "je piochai dur, je clouai ferme." Les descriptions sexuelles ne dépasseront pas ce niveau. Nickel !
Secondo, les réflexions du narrateur sont pour le moins jouissives. Énormes même. Un petit exemple (parmi de nombreux autres) : "Voyez-vous, cher lecteur,il y a des filles qui se rasent le pubis. Elles ont tort. Rien de plus agréable qu'un pubis bien broussailleux. Pour un sédentaire, un citadin, un fonctionnaire qui n'est jamais parti en brousse, c'est là l'aventure la plus virile et la plus prodigieuse de sa vie terne. Il prospecte la femme et sa foret vierge comme (si) il prospectait les jungles d'Afrique, d'Amérique ou de Bornéo (...)" Bouyxou approved !
Tertio... il n'y a pas de tertio. Faisons plutôt les présentations.
Ainsi, notre narrateur, notre héros, notre super-baiseur du jour se nomme Johnny Fagg. Il est copieusement pourvu par la nature (comme le déclare si bien une certaine Pamela, page 27 : "Ah! Johnny, Johnny, qu'est-ce que tu as là ? C'est un concombre, c'est un alligator, c'est... oh!") et gagne sa croute avec plaisir et concupiscence en officiant comme homme à tout faire au service d'une nymphomane milliardaire de quarante berges. Pas besoin de trop résumer l'intrigue. Nos deux zozios partent en croisière, direction une ile du pacifique, blablablabla. J'ai déjà tout dit plus haut, rien ne change sauf qu'ici, on rigole bien. Une Belle Gonzesse ressemble à un roman gras des éditions de la tarente revu et corrigé en mode sauciflard chorizo alcoolique années 70. C'est du porno paillard et stupide, sans une once de finesse, parfois répétitif mais, oh oui, totalement débridé, surtout dans sa seconde partie. Car, après avoir joyeusement copulé un peu partout pendant leur voyage d'une centaine de pages, notre joyeux duo, renforcée par une hôtesse de l'air, deux bonnes à tout faire et un équipage de matelots malpropres, débarquent enfin sur l'ile en question. Et qu'est-ce qu'ils y trouvent sur cette fameuse ile, hormis une tripotée de poulettes à tripoter ? Un gang de gros barbichus rouquins pédérastes. Pas méchants, les zigues zigounoeuds, mais très très portés sur la chose. C'est le moins que l'on puisse dire. Du coup, vu la taille de son mandrin et bien qu'hétéro pur sang, Johnny s'en récolte quelques uns sur le coin du poireau. Des voraces, des acharnés, des féroces qui tiennent à lui imposer quelques papouilles buccales sur l'intégralité de son manche phénoménal. Et là, c'est le drame !
Recueillons les propos du principal intéressé, page 134 :
"Je dus m'avouer à moi même que le gros s'y prenait bien. Comme au fond je ne suis pas obstiné, et que les préjugés ne m'encombrent pas, je lui laissai ma fierté. Il me maniait de la langue avec tant de bonheur que je me trouvais au bord de la jouissance."La suite n'arrange pas les choses. Johnny, toujours sur l'ile des débauchés, rencontre un vieux baron pervers - pervers because le petit plaisir de l'aristo consiste à se faire flageller le prozinard en tenue d'écolier avant de partir se réfugier en couinant dans la robe d'une nonne dépoitraillée ou un truc du genre. Je me rappelle plus trop des détails et je ne vais pas vous dévoiler tout les tenants et aboutissants du bouzin mais vous avez compris l'essentiel. Une Belle Gonzesse, c'est un sacré n'importe quoi. Lary entrecoupe les succions barbichues (mais sans copulation ! non mais oh ! ce n'est pas un roman pour tapettes, ici, bande de sauvageons !) de défleuraisons de poupées peu farouches, mélange le tout, termine par un meurtre qui coupe la chique, ou plutôt le manche, et hop, c'est pesé et emballé en un habituel 190 page chrono. Plus, ç'aurait été trop mais là, tel quel, c'était super. Véritablement super. Le super panard. Vous ne lirez pas ça ailleurs. Pour atteindre un tel degré de folie tranquille, l'auteur devait être raide saoul. Ou bien séquestré dans un sex-shop par de vieux homosexuels crypto-situs sous crack. Ou tout simplement dans son état normal, ce qui est encore plus grave mais très probable. N'oublions pas que nous avons ici affaire à une publication du grand Guerber, l'homme derrière ces chef-d'œuvres du roman-photo pas net que sont Cinérotika, Satanika, Cinelove et que sais-je encore...
Bref, concluons et soyons simple : si la subtilité lettrée vous rebute, si les graffitis de chiottes vous passionnent, si vous n'êtes pas sérieux (et c'est tant mieux !) alors Regis Lary est votre ami.
(ps : Magda, Hôtesse Du Septième Ciel, rien à voir, à part qu'il s'agit d'un roman de voyage porno et que la couverture est fort jolie...)
2 commentaires:
Merci pour ce topo si riche, si bien argumenté et agrémenté d'exemples fort éclairants, ma foi. T'as raté une carrière dans l'éducation nationale.
Waouh, superbe post, merci !!
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