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BAROUND GAGNANT !

BAROU(N)D AU FBI, DAVID BERNETT
ÉDITIONS BAUDELAIRE / CHAT NOIR ESPIONNAGE, 1959

Encore une arnaque éditoriale signée André Guerber, et une belle. Baround au FBI. Oui, je sais, le titre se lit Baroud Au FBI sur la couverture mais à l'intérieur, page après page, un "N" solitaire s'incruste entre monsieur "U" et monsieur "D" et l'œuvre devient un véritable barouf du tonnerre.
D'ailleurs, comme nous l'affirme le résumé de quatrième de couverture (après nous avoir gracieusement révélé le nom de l'assassin mystérieux qui sévira entre ses pages) :
" BAROUND AU FBI : MIEUX QUE DE LA DYNAMITE, C'EST DE LA DYNAMITE A LA PUISSANCE MILLE QUE VOUS LIREZ ! "
Une accroche qui déchire et donne envie. Mais puisqu'il s'agit, je me répète, d'une arnaque Guerber, on n'est pas dupe.
Avant même d'ouvrir le roman, on lui sent déjà une fâcheuse tendance à pétarder humide. On se l'imagine tout autre, la soit disant dynamite puissance mille. Et on a pas tout à fait tord.
Mettons donc les choses au clair : dans Baround Au FBI, il n'y a ni baroud, ni baround, ni ba-quoi-que-ce-soit, ni FBI.
Mais alors, il y a quoi, demande le lecteur incrédule ?
Eh bien, il y a Laura, une fille dont le corps " fait ressembler celui de Rita Hayworth à un bloc de ciment mal équarri ! " Contactez Orson Welles, ça devrait l'intéresser !
En fait, Laura est la sœur jumelle de Marion, qui se fait tuer par Fred alors qu'elle comptait se marier avec Mike, un ami de Bob, journaliste qui travaille au New News, équivalent américain du Journal Journal. Laura prend donc l'identité de la défunte Marion, se marie avec Mike, mais Fred tente de la faire chanter et Bob de la tuer.
T'as rien compris ? C'est pas grave ! Comme l'affirme elle-même l'héroïne en page 52 : "cette histoire ne tient pas debout."

N'empêche - et là, je vais te surprendre - Baround Au FBI est un roman policier assez sympa, quelque part entre Vivian P.Marcy (pour les romances dégoulinantes à deux balles), Terry Stewart (pour le punch à l'américaine) et un James Hardley Chase en petite forme, revu et corrigé par la collection Turquoise (soit : de la cruauté et de l'amour, tout mélangé.)
On se posera tout de même quelques questions quant au roman en lui-même car, avec sa gueule de truc filou, Baround Au FBI fait méchamment penser à la combine Cesar Valentino de Agent Secret Contre X.
Rien que le nom de l'auteur a le don d'intriguer : David Bernett, ça sent le pseudonyme de pseudonyme - c'est à dire le pseudonyme maquillé en loucedé par l'éditeur pour mieux resortir, et en ayant l'air de rien, un bouquin de ses fonds de tiroirs sans passer par la case "paiement du scribouillard d'origine."
En gros : je réédite ton texte, avec un nouveau titre et un nouveau nom d'auteur, donc tu ne le sais pas, donc je ne te donne pas de thunes.
C'est une supposition gratuite mais, André Guerber nous ayant habitué à beaucoup de choses farfelues, elle me semble tout à fait plausible.

CHEF, UN PETIT VERRE, ON A SOIF !

JUANA ÉTAIT DANS LE COUP, JEAN NORMAND
ÉDITIONS DE LA SEINE / POLICE (195?)

Un super-scientifique rendu amnésique par une drogue ennemie, une ancienne prostituée allemande reconvertie en espionne, un journaliste en vacance qui mène l'enquête sous le soleil de Juan-Les-Pins et des hecto-litres de pastis ingurgités page après page, comme si de rien n'était.
Je le savais dès les premières lignes : je tenais entre mes petites mains un futur champion toute catégorie de la littérature par dessus la jambe, les deux jambes même, et le cul en l'air, renversé sur le comptoir du bistrot pour faire bonne mesure, la tête en bas, machine-à-écrire en bandoulière. A ce niveau, c'est du scribouillage acrobatique.
Car Jean Normand devait tenir une sacrée biture pour pondre un roman pareil puisque, outre d'incroyables tournures de phrases ("Peut-être bien se pourrait-il bien qu'avant peu nous en soyons informés par le jeu même des circonstances" déclare un ahuri anisé, page 117), et de constantes inversions de prénoms (preuve supplémentaire de son fantastique état d'ébriété), il nous offre une intrigue quasi-inexistante, pétrie d'illogismes fascinants et au déroulement aussi implacable que la consommation d'un pack de 6 Maximators 50 cl en plein cagnard, place de la Comedie, Montpellier.

"Voyez-vous [...] avant la guerre c'était bien simple dans les affaires comme celle-là, on reniflait du coté du Fritz et on était certain de faire mouche. Maintenant, allez-y voir ! Maintenant, c'est à un consortium qu'on a à faire. Malgré ça, on pécherai un Fritz dans le bouillon qu'il ne faudrait pas tellement en être surpris."
Et en effet, il y a un ancien nazi dans le coup, fraichement reconverti en contrebandier tendance dandy décadent. Et avec ses amis mécréants le Japonais, le Russe et l'Arabe, il monte une petite affaire, une internationale de la crapulerie. Les enjeux ? Le chaos total, l'anarchie fiscale et la troisième guerre mondiale.
D'ailleurs, page 93 et probablement dans un soucis d'éclairer le lecteur sur les fondements idéologiques de leurs activités, nos super-vilains organisent un meeting-apéritif et s'épanchent tous ensemble sur leurs diaboliques objectifs :
"Le Japonais eut un sourire qui découvrit ses dents jaunes et dit :
- Je dois venger Iroshima ! (oui, sans "H")
- Et moi Hambourg !
- Et moi Stalingrad !
Seul, le chef ne dit rien. Sans doute n'avait-il rien à venger. [...]
- Il faut que l'Afrique du Nord devienne une seconde Indochine, reprit le Japonnais.
- Sois tranquille, Tanaka, assura le chef, nous faisons ce qu'il faut pour que le djehad, la guerre sainte, éclate partout."
Les salauds !!! Heureusement, nos héros sont là : Layrac, le journaliste, Mabel, sa future femme et Robert, son futur beau-frère. De bons français qui n'hésitent pas à prendre sur leurs congés payés pour sauver la patrie. Une équipe de choc, des spécialistes de l'ingurgitation massive d'alcool en toute sorte et par tout les pores, de véritables guerriers des open-bars d'antan, alternant chaque trois pages la fine avec le blanc et l'ensemble avec du pastis.
Bref, nos héros sont des buveurs de compétition. D'ailleurs, ils fonctionnent chronomètre à l'appui.
Par exemple, page 178 : "Nous sommes un peu en retard sur l'heure du pastis." Pas grave, ils s'en versent tout de même un petit. Et page suivante : "Nous ne sommes pas en retard. Nous allons avoir le temps de prendre un coup de vin blanc chez Gustave."
Et ainsi de suite.
A se demander comment ils font pour tenir en échec les quatre coquins internationaux qui, eux, carburent à la cocaïne.
Mais c'est pas grave. Page 192, les méchants se retrouvent derrière les barreaux (sauf le Japonais qui se suicide et l'Allemand qui fait une overdose de coco). Nos héros s'en jettent alors un petit dernier dans le cornet et reçoivent finalement une légion d'honneur foutrement bien mérité.
Quant à moi, j'ai bien soif.


LE RÉSEAU DE LA MORT, JACQUES ALEXANDRE
ÉDITIONS DE L'ARABESQUE / ESPIONNAGE # 35 (1956)

Retrouvons un peu de notre sobriété avec un très mauvais Arabesque des débuts : Le Réseau De La Mort, titre qui sonne toc, couverture d'Aslan routinière, racisme larvé et tout le toutim certifié circa-1950.
Bon, là encore, notre héros est un journaliste et (forcement) il cultive quelque peu "l'habitude de prendre des apéros nécessaires pour [se] permettre de carburer à plein rendement."
Quoted For Truth, comme disent les jeunes sur l'internet (D'ailleurs, moi-même, je ne quitte jamais ma petite flasque de roteuse tiède, c'est une question de principe.)

Pour autant, Jacques Alexandre ne fera pas dépasser le seuil de deux verres par chapitre à ses personnages - ce qui constitue une fréquence de consommation fort raisonnable, limite petit zizi, bref, rien à voir avec la débauche alcoolisée des protagonistes de Juana Était Dans Le Coup. Et c'est probablement le gros défaut de ce Réseau De La Mort... hum... mortellement ennuyeux - si je puis me permettre.

Déja, Jean-Marie Cossin, le héros de cet ouvrage, ne se fait aucune nana. Sur 190 pages : AUCUNE. Il faut vraiment tenir une belle couche de loose pour ne pas arriver à se farcir ne serait-ce QU'UNE gonzesse dans un bouquin d'espionnage.
(bien que, je dois l'avouer, dans Juana Était Dans Le Coup, personne ne baise avec personne mais, étant donné que l'alcool et l'impuissance vont de pair, ça ne me choquait pas plus que ça...)
Donc, Jean-Marie est tout pourri. En plus, sa femme est imbuvable (une rombière qui passe tout ses paragraphes à se plaindre) et son patron un vieux grincheux aux opinions (vaguement) pro-arabe. D'ailleurs, passé le premier chapitre, il se fait mystérieusement tuer. Bien fait, tiens ! Et en plus, ça permet à Jean-Marie de se lancer dans cette palpitante aventure qu'est Le Réseau de La Mort.
Car, surprise, feu le patron acariâtre était secrètement à la tête d'un réseau clandestin faisant transiter bombes et fusils jusqu'en Algérie, via l'Espagne.
Le salaud, il armait l'ennemi !!!
Vous devinez aisément la suite : Jean-Marie part enquêter en Espagne, combat de méchants arabo-espingouins illettrés (exemple d'une missive de menace anonyme : "vous courez avaic votre amie un grend danger. Si vous ne parté pas de Saint-Sebastien dè ce soir vous seré tué car vous en savé tro") et démantèle le Réseau De La Mort. Tout ça sans sauter une seule femelle. Un exploit étourdissant à rendre malade le Commandant René.
En quatrième de couverture, l'éditeur nous promet, non pas du pastis (pourtant, ça manque) mais "du sang, de l'audace, de l'action, des rebondissements imprévus..."
Je m'abstiendrais donc de tout commentaire superflu et m'en vais de ce pas me servir une nouvelle ration du remonte-pente des champions !

PSEUDONYME-PARTIE

PITIÉ ACHEVEZ-MOI, DIEGO MICHIGAN
LES EDITIONS DE LA SEINE / COLLECTION RAFALE, 1954

A propos de ses polars, Mickey Spillane disait : c'est la première ligne du premier paragraphe qui vend le bouquin. Ce jour-là, il surestimait un tout petit peu son lectorat.
Je sais de quoi je parle, je suis censé représenter le lectorat visé.
Un bouquin (de ce type, s'entend), ça se vend principalement parce qu'une poupée bien pulmonée et joliment illustrée s'affiche fièrement sur la couverture. C'est logique. Toutes ces salades salaces, c'est pour les gonzes qui ont des goûts esthétiques bien fermes et tranchés. Rajoutez un titre qui s'incruste à vie dans le cervelet et vous tenez dans vos petits doigts boudinés et suants un chef-d'œuvre intemporel du gare jetable.
Et tant pis si l'intérieur est rédigé par un tâcheron anonyme fortement anisé.

Bref, je savais pourquoi j'investissais mes maigres euros dans Pitié Achevez-Moi. Pour la couverture. Et pour le titre. Et aussi pour Diego Michigan. Mais cette dernière attention est plus personnelle.
Pour rester dans le Spillane, je dirais que les dernières phrases des derniers paragraphes de Diego Michigan m'ont vendues ses bouquins suivants...
Car Diego Michigan a beau être un cache-misère collectif, un pseudonyme pour auteurs infortunées aux ambitions plus nobles (genre, la poésie, mais on y mange moins bien que dans le polar bas de gamme), il ne faut pas pour autant sous estimer sa prose facile. Ce n'est peut être pas du André Hélena des grands jours, mais c'est tout de même assez proche d'un George Maxwell ronronnant, le George Maxwell de la Sogedide par exemple. Pour dresser le tableau grossièrement, c'est un truc de mec, avec du sang, des tripes et du cul, mais pas trop sauvage quand même, limite édulcoré.
L'analogie culinaire du Hardboiled étant l'œuf dur, il s'agirait donc là d'un œuf mollet : Ce n'est pas de la littérature à la coque pour vieilles filles toquées de mystères policiers ennuyeux et ce n'est pas non plus un sommet de l'extrême cuisson à eau bouillante façon George Maxwell période le Condor, pour rester dans le comparatif.
Pitié Achevez Moi, c'est le juste milieu. C'est du roman d'hommes écrit par un indécrottable romantique aux passions un peu tordues. C'est un roman d'amour violent. Un Arabesque collection Parme mais sans la guimauverie, le sirop et les considérations sophistiquées. Tout ces trucs de nénettes y sont remplacés par des mitraillettes et des grenades, avec un couple à la Bonnie & Clyde qui dézingue tous azimuts, de la torture soft, du sexe suggéré et, chose toujours appréciable, un peu de misogynie par endroits.
"Il était déchaîné et Minou ne pensait qu'à une chose : se protéger des coups. [...] Ne sachant plus où elle était, ni quel homme la frappait, elle gémissait, puis subitement cria :
- Rudy... Je t'en supplie...
Ce prénom fit à Fred l'effet d'une bombe [...]. Il s'acharna, frappant de toutes ses forces sur Minou complètement nue qui, à plat ventre sur le lit, ne bougeait plus que rarement. Quand elle ne bougeat plus du tout, il se laissa tomber sur elle et, comme un primitif qu'il était devenu, il la prit et tout deux sombrèrent dans un plaisir qu'ils avaient ignorés jusqu'alors."
Notons au passage qu'ils sombrent TOUT DEUX dans le plaisir.
Ah, c'est beau l'amour cruel d'hommes virils et violents, n'est ce pas les filles ?



DU VITRIOL SUR SA TOMBE, PETER VIANE
LE TROTTEUR / LES GRANDS ROMANS NOIRS, 1953

Je continue dans le Diego Michigan avec Du Vitriol Sur Sa Tombe. La couverture (d'Alex Pinon, tout de même) est moins jolie, le titre pas autant tapageur mais le roman (signé Peter Viane) est bien meilleur.
Ou alors était-ce une question de perception.
Car Du Vitriol Sur Sa Tombe, je l'ai lu quelques jours après Pitié Achevez-Moi. Et le rapprochement avec Diego Michigan, je l'effectuais une fois le premier tiers du texte passé : il s'agit en effet des même protagonistes, plus jeunes d'un ou deux volumes. Et l'aventure vécue dans Du Vitriol Sur Sa Tombe était relatée rapidement dans Pitié Achevez-Moi.
Vous parlez d'une surprise - surtout connaissant l'éditeur, le 5 rue des Moulins, pas avare en collections particulières pour ses divers feuilletons romancés.
Mais l'élément le plus troublant de ce mic-mac reste cet emploi du double pseudonyme. Je me gratte le crâne et j'avance un début d'explication. On va bien voir si ça colle...

En 1953, Peter Viane signe coup sur coup trois textes pour les éditions du Trotteur. Trois textes qui se suivent, publiés dans la collection Les Grands Romans Noirs : Ça Va Être Ta Fête, Du Vitriol Sur Sa Tombe et Ne Les Tue Pas Tous.
Fin 53 début 54, la censure et George Maxwell aidant, c'est la fermeture du 5 rue des Moulins. Les Editions de La Seine (futur Editions Baudelaire, Bel-Air, Internationnal Pocket et compagnie, bref, des filous spécialisés dans la réédition masquée) récupèrent une partie du catalogue, principalement du Diego Michigan (comme Bagarre à Macao, re-titré La Belle de Macao), et font de ce dernier leur auteur fourre-tout maison pour les manuscrits restants. Dont quelques histoires de truands romantiques signés Peter Viane.
La liste non-confirmée (car pas lus) des Vianes / Michigan : Un Paquet de Bastos, Pitié Achevez-Moi, Le Tueur Sans Mémoire et Arrête Le Cinéma.
Et si vous avez de plus amples informations, n'hésitez pas à me corriger...

Pour le reste, ce que j'écrivais au sujet de Pitié Achevez-Moi est aussi valable mot pour mot pour Du Vitriol Sur Sa Tombe. C'est du bon noir alimentaire qui, de par son mélange de sentimental et de sensationnel, s'élève quelque peu au dessus de l'habituelle production du Trotteur.
Mais j'en parlerais certainement avec plus de détails une fois l'ensemble de la série dégottée et lue.

LIQUIDATION TOTALE !

AU QUATRIÈME TOP..., CESAR VALENTINO
ÉDITIONS BAUDELAIRE / SOS ESPIONS, 1959

Les années 50, éditorialement parlant, c'était vraiment n'importe quoi.
Je sais, je sais, j'enfonce des portes ouvertes. Mais laissez-moi étayer mon propos.


Il y a à peu près un mois, j'évoquais (ici-même) un très ennuyeux roman d'espionnage signé Cesar Valentino et titré Deuxième Bureau Contre X. Le truc s'apparentait plus à du Harlequin qu'à de la littérature d'espions sans pitié et était publié par les éditions de la Seine, éphémères spécialistes du gare bas de gamme. Bref, après cet admirable moment de lecture, cet âpre combat pour ne pas clore mes paupières ou sauter quelques chapitres histoire d'embrayer directos en dernière page, j'avais bien envie de lire un autre Cesar Valentino.

Certainement une affaire de curiosité malsaine.
Et, ô miracle, quelques semaines plus tard, voila cet autre Cesar Valentino qui croise ma route dans les abysses poussiéreuse d'une étagère de bouquiniste - dernier niveau, au ras du sol, la très appréciable décharge à ouvrages pratiques (car ils peuvent servir de cales à mobilier).

Déjà, notons un très beau titre, très inspiré. Au Quatrième Top..., ça en jette, surtout en collection SOS Espions des éditions Baudelaire. La couverture, c'est une autre affaire. Mais le gros problème, ce sont les pages intérieures : Elles sont décalquées mot pour mot sur le Deuxième Bureau Contre X des éditions de la Seine.
Sauf la toute dernière. C'est là tout le charme de cet attrape nigaud.
Car Deuxième Bureau Contre X se terminait en un happy-end lacrymal, avec Serge le Braconnier qui sauvait Martine ou je ne sais plus trop son nom des griffes de la prostitution, de la dépression chronique et des espions communistes. Cette fois, dans Au Quatrième Top, Serge se fait dessouder par le saligaud de la couverture dans une alternative-take du plus bel effet. Après 190 pages rédigées en troisième personne du singulier, Voila la première personne qui se pointe pour boucler les trois derniers paragraphes. Littérairement parlant, c'est un peu l'équivalent des stock-shots animaliers dans les films de Bruno Mattei.
"A ce moment, j'entendis un bruit sourd mais présent.
Au quatrième top, il sera...
Et puis ce fut tout... Une rafale de mitraillette coucha sur le ventre l'infortuné Serge...
Imperturbablement, on entendait dans ce funeste couloir de clinique : Au quatrième top, il sera..."
Sinon, sachez qu'il existe une troisième édition de ce grand classique de la spy-fiction franchouillarde... Je n'ai pas encore mis la main dessus mais je ne désespère pas. Cette fois, le titre est de nouveau Deuxieme Bureau Contre X. Un manque flagrant d'imagination.
Quant à l'identité du pauvre scribouillard masqué par le pseudonyme de Cesar Valentino, je n'en ai aucune idée. Ça pourrait très bien être Maurice Limat - la niaiserie tragique, c'est un peu son genre.
Mais ne soyons pas mauvaise langue...

SEMAINE NOIRE # 6 : ESPIONNAGE AU RABAIS POUR LECTEURS EN DETRESSE


BOITE DE NUIT POUR ESPIONS, FRANKIE BELINDA
COLLECTION LA LOUPE ESPIONNAGE, 1957

Chers amis, voici une perle bien périmé comme il faut, à la limite de l'illisibilité et du non-sens. Les aventures du colonel John Kallum, en de très nombreux volumes, tous signées par un certain Frankie (F.P.) Belinda, faux américain, vrai Belge, auteur discount mono-terrain officiant uniquement dans les latrines francophiles de l'espionnage made in années 50, quelque part entre du Paul Kenny ravagé et du Jean Bruce alourdi. Une classe à part, indiscutablement. Le plus beau fleuron de l'espionnage au rabais. Mais je reviendrais là dessus très bientôt, avec plus de détails.
(j'en fremis d'avance !!!)
Car Boite de Nuit pour Espions, c'est pas uniquement du Frankie Belinda. C'est même du demi Belinda. Moitié Belinda et moitié... on ne le saura jamais vraiment. 80 pages d'un scribouillard anonyme télescopées avec 80 pages en provenance directe du cervelet malade de ce cher Frankie.
À l'arrivée, ça donne un truc insensé - surtout que le lecteur, trop heureux d'obtenir ce splendide ouvrage avec une blonde pulmonée en couverture, n'était pas prévenu pour un sou. Il est où John Kallum dans cette histoire, bordel ? Et pourquoi c'est presque bien écrit pour une fois ?
Car, en effet, Boite de Nuit pour Espions, dans ses 80 premières pages, n'a rien à voir avec l'approximative diarrhée littéraire que nous distille habituellement Frankie. Pour tout dire, ça ressemble presque à un remake un peu branque de Comme Une Fleur de Richard Stark - avec un ex-boxeur au passé un peu louche qui règle ses affaires financières crapoteuses avec la toute finesse de son direct du droit. Pas très original, tout juste distrayant - et pour du roman poubelle, c'est assez exceptionnel.

Puis, page 86, enter Frankie Belinda. Et rien ne va plus.
Après une longue digression inter-textuelle au comique balourd et indigeste (merci Frankie), John Kallum débarque de nulle part et dégage sans ménagement le précédent narrateur. La suite n'a alors plus rien à voir avec la première moitié du bouquin. Un vrai massacre. Tout les personnages deviennent des espions à la solde d'une cinquième colonne germano-coco, n'entretenant plus d'autre rapport que nominatif avec leurs analogues de la partie Belinda-free. Forcement, l'auteur n'ayant rien d'autre à raconter, John Kallum fait le ménage à coup de fer à repasser les gens, versant dans l'action une petite larme émue pour la poupée pulmonée qui a dû y passer because, malgré ses accointances idéologiques pas très nettes, elle était quant même bien foutue la garce ("Son short, c'était voulu, était tellement étroit qu'on l'aurait cru peint sur ses fesses nerveuses").
Mais pour mieux conclure, autant laisser la parole à Frank :
"[...] l'auteur, ce splendide, ce formidable, cet auteur admirable qu'est l'auteur... vous l'aviez deviné... qui se trouve être dans un juste milieu entre les lecteurs et l'éditeur, ne conçoit plus de livre sans changement de rythme, sans atermoiements divers, judicieusement choisis, qui lui permettent d'allonger son texte, car le spectre des minimums de trois cent mille signes plane au dessus de la rotative qui l'imprimera et il adore la conscience professionnelle des typographes à qui sont confiés ses manuscrits alors... zut ! L'auteur ne sait plus où il en est [...] Qui est-ce qui m'a foutu un auteur pareil ?"
En effet...


DEUXIÈME BUREAU CONTRE X, CESAR VALENTINO
ÉDITIONS DE LA SEINE, 1954 ou 55 (?)

Non mais c'est quoi ce titre ? Deuxième Bureau contre X ? Pour un roman à l'eau de rose soporifique et sans l'ombre d'un quelconque agent, même retraité, de notre grand deuxieme bureau français ? Vous parlez d'une arnaque !
L'auteur, qui crut malin de se dissimuler sous le ridicule pseudonyme de Cesar Valentino (on t'a encore reconnu Maurice !), aurait mieux fait d'appeler son ouvrage Martine dans les Vosges. Du vrai torchon pour fillettes, à peine digne d'un bibliothèque verte défraîchi, avec une gamine bon chic bon genre qui gaspille ses vacances d'été dans cette passionnante région pleine de sapins et de barbus, fait la connaissance d'un beau péon un peu rebelle car braconnier, perd sa virginité au bord d'un lac suisse et, finalement, après moultes aventures que l'auteur aurait certainement adoré nous raconter si il en avait eu les signes necessaires, regagne Paris.
Bon, après, ça devient encore plus passionnant. Le braconnier se retrouve en prison. Martine se retrouve enceinte. Seule et sans emploi, elle décide alors de se prostituer pour élever sa fillette. Cette dernière meurt néanmoins d'une grippe foudroyante. Bon. Martine n'ayant rien d'autre à faire, elle continue à tracer sa voie dans la prostitution mais le braconnier, finalement sorti de prison, la retrouve, la sauve de la rue et après, c'est un happy-end grâce à l'argent qu'il a extorqué aux espions communistes.
...Je me disais bien que j'avais oublié quelque chose dans mon résumé.
Car, en effet, trois espions, dont un petit chinois pervers, se cachent dans les pages de cet extravagant roller-coaster émotionnel qu'est Deuxieme Bureau Contre X.
Si la couverture n'était pas aussi jolie, j'aurais certainement exigé un remboursement.


CETTE FILLE EST DANGEREUSE !, DIEGO SUAREZ
EDITIONS DE LA SEINE, 1954

Encore un titre mensonger et un pseudo craignos. Ça, c'est bien les éditions de la Seine. À une époque où n'importe quel scribouillard s'attribuait un blaze anglo-saxon bien viril pour mieux vendre sa soupe, notre super-éditeur de seconde zone préférait le charme suranné de l'Amérique du sud dans la ligné de l'hypercephalé Diego Michigan. Je sais pas si, commercialement parlant, ça fonctionnait si bien que ça. Cesar Valentino et Diego Suarez, c'est pas tip top comme marque. D'ailleurs, ni l'un ni l'autre n'ont fait long feu.
Mais attention, la comparaison s'arrête là. Diego Suarez, ça n'a rien à voir avec la guimauve Harlequin de Valentin. Diego Suarez, c'est aussi André Duquesne pour les lecteurs de la Série Noire, Peter Randa du coté du Fleuve Noir Special Police et Herbert Ghilen aux éditions de la Seine, qui de toute manière ne faisait pas très gaffe à l'identité de ses auteurs. Bref, Diego Suarez, à tout les niveaux, c'est pas du tendre.
Le bouquin débute à Paris, avec un dur un peu truand sur les bords qui se fait engager par un drôle de gus aux accointances louches pour escorter une poupée (la soi-disante dangereuse du titre) au Caire. En fait, tout ça n'est qu'un prétexte à des imbroglios d'espions sous le soleil du moyen orient, un genre qui faisait fureur dans les années 50, avec des ruskoffs qui suent, des allemands qui magouillent, des chintoks qui exécutent, des frenchies qui bastonnent et des arabes qui violent en groupe de trente notre pauvre héroïne jusqu'à ce que mort s'en suive.
Car cette fille n'était pas dangereuse du tout. Et notre auteur plutôt raciste, ce qui n'était pas vraiment à prouver - les serviteurs dans ce roman sont tous noirs, illettrés et se font quérir à coup de "négro, vient par ici." Charmant.
"Nous ne répondons même pas. Nous marchons droit à la porte d'entrée. Plus il y en aura et plus nous en tuerons. Nous sommes des machines, plus des hommes, et surtout pas des êtres humains."
Après un climax de violence froide façon polar italien des années 70 (chapitre 7), le roman s'essouffle peu à peu, jusqu'à se terminer sur une suite de coups de théâtre pas très passionnants. Mais l'intérêt est résolument ailleurs : dans le style, les descriptions et les propos des personnages, reflets de l'étrange personnalité de l'auteur. André Dusquene. Peter Randa. Diego Suarez. Un romancier populaire marginal, anarchiste d'extrême-droite, raciste, misanthrope, misogyne. Un incompris volontaire, à la fois militariste, individualiste et révolté. Une étrange combinaison pour des lectures au gout fort rance, écrites avec les tripes et gonflées de contradictions.
Du noir corsé, pas très recommandable - tout l'intérêt de la chose, non ?