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FUMES, C'EST DU MAURY !

VIANDE À L'ENCAN, DAN CURTISS
PROMODIFA / MYSTEROTIC # 1, 1974

Si tu fréquentes régulièrement ce blog, tu y as sans doute déjà lu à de multiples reprises le nom de Roger Maury, mon scribouillard foireux favori, le champion du 190 pages dinguement débile, magnifiquement machiste et sublimement stupide.
Il œuvra approximativement dans tous les genres possibles de la litt' pop' virile, du roman de guerre qui tache (WARSEX !) au sexpionnage qui colle (CRAC !), en passant par le fantastique bas de gamme et l'érotisme tiède.

Et sous le pseudonyme de Dan Curtiss, il s'essaya au polar brutal, façon Mike Hammer.
Son premier forfait dans le genre fut titré Du Plomb En Souvenir et enquillait sans vergogne tous les pires clichés que ce grand fou de Spillane avait pu inaugurer vingt et quelques années plus tôt dans sa première livraison des enquêtes de son detective marteau.

Sexe, violence, sadisme, racisme et misanthropie de bazar généralisée. Tout y passait, greatest-hits de conneries jouissives que l'auteur enfilait à la queue-leu-leu sur ce fil d'intrigue préchauffé qui veut que la vengeance soit un plat qui se prépare au micro-ondes et se déguste avec un soufflant chambré en obus d'artillerie.

Mais venons-en au roman qui nous intéresse aujourd'hui. Viande À L'Encan. C'est à la fois le troisième bouquin signé Dan Curtiss et le premier texte de Roger Maury à paraitre chez Promodifa, cet éditeur filou pour le compte duquel notre homme pondra une bonne quatre-vingtaine de volumes en moins de 4 ans, recyclant à tout-va ses vieux manuscrits, y rajoutant de-ci de-là du cul et du sang puis modifiant les titres et noms des protagonistes afin de parfaire la supercherie.
Pour le coup, Viande À L'Encan est un texte original. Rien à voir avec les Jo Brix ou les Jacky Fray. C'est du Maury première fournée.
Le héros s'y nomme comme l'auteur, Dan Curtiss, et c'est un detective privé. Il enquête sur le kidnapping d'une jeune fille et son aventure démarre sur les chapeaux de roue.

Première page, premier paragraphe, il n'a pas fait deux pas dans le corridor qu'un hurlement le fige sur place. C'est Jenny, sa secrétaire. Elle vient de boire le bouillon de onze heure et roule dans l'escalier principal. Il lui manque un œil et sa cervelle se repend sur le parquet.
Surtout "elle n'a pas de slip, et je sais ce que cela signifie," lance Dan, désormais super en rogne et le Bull Gun en pogne.

(Un Bull Gun, à ma connaissance, ça n'existe pas. Mais c'est pas grave. J'imagine que l'auteur pensait à un Taurus Tracker, ou peut être à un Smith & Wesson comme celui que cradingue Harry agite sous le nez des demi-sels qu'il coince dans sa série cinématographique, en grinçant entre ses dents son fameux make my day...)
Bref, Dan bondit, Dan s'élance et Dan rattrape le salaud qui vient de violer et tuer Jenny. Ce dernier confesse alors son crime, avec moult précisions sur comment il s'y est pris pour bien prendre son pied avec sa zigounette dans la gisquette. Pendant deux bonnes pages, Dan s'en rince donc les esgourdes, de ce monologue salingue, puis, une fois son fade intellectuel consommé, il se venge et plante le type avec un coupe-papier.
"La lame crève son sexe, le fait éclater dans un jaillissement de sang.
[...] Rapidement, je retire le stylet puis je laboure toutes les parties de son corps qui ont touché Jenny. Je lui tranche la langue. J'entaille son ventre. Je sectionne ses testicules... Quant à ses mains, ses horribles mains qui ont caressé le ventre de mon amie, j'en écrase chaque doigt à grands coups de talon."
La page 16 vient tout juste de sonner à l'horloge du clocher et déjà Mickey Spillane est dépassé.
VRROOOUUUM ! Dans le genre furibard et improbable, Maury a un circuit d'avance.
Nous sommes ici en présence d'un grand, d'un très grand malade.

Et ce n'est pas fini.

Page 17, la femme de feu-le violeur de Jenny débarque dans la pièce. Dan en est tout éberlué because elle porte "une paire de seins dont la proéminence m'abasourdit." Et de rajouter : "Jamais je n'ai vu un tel volume de chair..."
Quant à la môme en question, on pourrait croire qu'elle va s'émouvoir de la mort de son tendre époux (là, juste à tes pieds, mignonne !) mais non. Elle préfère sauter sur la bistouquette à notre héros en lui susurrant : "faites-moi l'amour, Dan."
Le Dan n'a pas besoin de se faire répéter deux fois la consigne. Il hisse le mat. Et Maury de se déchainer enfin dans une longue scène de cul, parfaite pour faire reluire toute la panoplie des expressions consacrées.
"Cogne, Dan ! Je t'en supplie, cogne !"
...hurle la gisquette en se faisant travailler la marmotte à grands coups de butoirs.
Et puis, une fois l'acte consommé, la voila qui se voit proposer par notre homme la place de secrétaire que Jenny a laissé vacante (pour cause de décès) quelques pages auparavant. Elle accepte. Elle s'appelle Esther. Nous sommes en page 28, le premier chapitre est bouclé, le roman lancé, le lecteur déjà essoufflé.


Heureusement pour ceuzes qui souffrirait du battant et de la binette, la suite se déroule à un rythme un peu moins échevelé.
Impossible de délirer constamment, il faut bien de temps à autre faire avancer l'intrigue. Maury alterne donc enquête et scénettes de gambettes en l'air. En grand professionnel de la saloperie littéraire format poche, il fait même concorder les deux.

Ainsi, page 31, Dan déniche le nom et l'adresse d'un complice des méchants kidnappeurs. Il va pour sonner à sa porte et c'est la maman du type en question qui ouvre.
Elle est encore bien conservée
, la MILF, équipée tout luxe, façade imposante, ananas saillants et puis, certains signes ne trompent pas.

"Je sais ce dont cette superbe femelle a besoin et je le lui dispense aussitôt."
BANCO ! 6 pages de cul dans la fouille. 2 tours de circuits supplémentaires dans le râtelier à Spillane. Puis l'enquête reprend. Dan déniche la planque d'un des méchants kidnappeurs et se décide de faire parler le salopard en violant sa nana.
"- Regarde bien, Corto. Je vais la sodomiser devant toi et tu en portera seul la responsabilité."
Corto, qui a lui aussi beaucoup lu de Mickey Spillane, rugit "J'aurai ta peau !" à notre héros tandis que la polka se fait galamment grimper, direction septième ciel via l'entrée des arsouilles.
La purée déchargée, les choses sérieuses reprennent. Dan apprend que les méchants kidnappeurs font aussi chanter une richissime duchesse. Il s'en va donc rencontrer la poule pour lui proposer ses services. En la voyant ("Imaginez ce qui se fait de mieux dans le genre et multipliez par dix"), il se décide aussi à lui proposer quelques va'z-et-viens pistoneurs dans les recoins intimes.
Pas de bol, ça rate (les standingues sociaux du mâle et de la femelle étant non-compatibles sur ce coup là) mais notre héros se rattrape sur la jeune sœur de la duchesse, une fille ouverte d'esprit (et de cuisses) à la question prolétarienne - surtout, une fille qui sait ce qu'elle veut :

"- Je veux que chacun de mes pores adhères aux tiens, que tu m'écrases contre toi, que tu m'éventres."
Quant à moi, je fous le turbo à mon résumé. (Sinon, on y est encore demain soir...)
Donc, la duchesse débarque alors que Dan termine sa petite affaire sur la gamine. En résulte une engueulade puis un catfight entre les deux nénettes, furies déchainées et hystériques, pages 114 à 117.
"Très suggestif, ce combat !" pense Dan tout en se rebraguettant, page 115. De son côté, Maury patauge un peu dans la semoule. Il torche trois nouvelles scenes de sexe comme d'autres se curent le nez. C'est appliqué mais laborieux.
Ainsi, pages 132 à 134, c'est une petite sodomie rapidement expédiée, pages 151 à 155, une levrette dinatoire et pages 157 à 158, un viol à la sauvette, commis par le vil Corto sur la personne de la fille kidnappée et que Dan interrompt juste avant la culmination du plaisir.

Pas très heureux de se voir ainsi privé de son bazardage de purée, Corto voit rouge et fonce sur notre héros.
PIF ! PAF ! POUM !
Car, il n'y a pas que du sexe et de la détection, dans Viande À L'Encan. Il y a aussi du baston, de la bagarre, du jeu de main jeu de vilain bien sanguinolent et sauvage. D'autant plus sanguinolent et sauvage que Dan Curtiss semble avoir une prédilection pour les coups portés en dessous de la ceinture.
Quelques exemples glanés au fil du texte :
"Je le cogne au bas-ventre d'un terrible coup de genoux." (page 43)
"Deux manchettes en travers de la gorge, un atémi sous le nez et, pour finir, mon genou dans son entre-cuisse." (page 62)
"Des deux mains, je saisis le bas-ventre de mon adversaire et je lui écrase les testicules." (page 90)
"Pour finir, j'ajuste la pointe de mon soulier en plein dans ses testicules." (page 162)
D'une certaine manière, et je trouve qu'il est très important de souligner cet aspect du roman, ici, tout tourne autour du service trois-pièces.
Son astiquage, son essorage, son entretien et ses petits malheurs.

Car dans Viande À L'Encan, si il y a le robinet à moustache du héros qui se vide de plaisir, il y a aussi ceux des méchants qui dérouillent de douleur. Grosso modo : il y a celui qui se fait cajoler par de belles gonzesses et ceux que l'auteur prend un malin plaisir à exploser.
C'est le yin et le yang des bijoux de famille, une certaine idée du karma appliqué aux parties sensibles, éros et dans ton os.

Mais reprenons et concluons. Ainsi, après avoir bien tanné comme du vieux cuir les roustons de ses adversaires 180 pages durant, Dan Curtiss peut enfin s'en aller. Plus que 10 pages à remplir et, comme (presque) toujours dans les romans Promodifesque de Roger Maury, il reste à notre héros une dernière formalité à effectuer, une dernière poulette à pratiquer - parce qu'elle lui résistait, parce qu'il se la gardait pour la fin, parce que voila, c'est comme ça, ça fait parti de la formule.
Dans Viande À L'Encan, cette nana-là, c'est la duchesse. Et de confier, alors qu'il plonge enfin son membre roide dans le cratère en feu de la bourgeoise :
"Pour moi, sa possession équivaut à me hausser jusqu'à une société vers laquelle il ne m'était pas encore permis de loucher."
C'est beau, c'est fort, c'est grand.
Dan Curtiss, casseur de burnes et working class hero du plumard.
Je répète. C'est beau, c'est fort, c'est grand.
Normal : c'est du Maury !

LES SYMPHONIES DE ROGER MAURY


CHINOIS AU Q, LUC OVONO
PROMODIFA / CRAC # 26, 1976

Concernant Roger Maury (alias Luc Ovono), écrivain moustachu à calvitie avancée, spécialiste du sous-produit viril, ultime parangon des mauvais genres imprimés et chiés au kilomètre, j'ai déjà dit l'essentiel dans ce billet de la fin novembre dernier.

Roger Maury était un scribouillard populaire aussi dingue qu'accablant, un scribouillard populaire exemplairement foireux, un scribouillard populaire génialement miteux que je n'échangerai contre aucun autre scribouillard populaire miteux et c'est là, à mon sens, tout ce que tu nécessites de savoir : lire du Roger Maury, c'est s'exposer à une expérience de médiocrité et de bêtise hors-norme.
ET C'EST BON,

C'EST TRÈS BON,
Ç'EN EST MÊME EXCELLENT !
C'est, en tout cas, ce que je vais essayer de te démontrer aujourd'hui, avec Chinois Au Q, un bouquin publié dans la collection CRAC de Promodifa.
Comme d'habitude, l'intrigue est stupide et sans intérêt. Des agents du S.D.E.C.E. sont compromis dans une affaire en Inde. L'auteur (et la France) y envoient Achille Zenon, notre héros, l'homme du CRAC, démêler l'écheveau de cette sordide machination dont on a strictement rien à taper.
Mais puisqu'il s'agit d'une production Promodifa, c'est à dire un roman appartenant au genre du, osons le mot, pornospionnage, eh bien, le gars Achille, il va aussi s'emmêler allègrement le pinceau dans les recoins intimes de quelques juments, des friponnes, des coquines qui n'attendaient que ça, et là, le lecteur, il est aux anges, il trépigne. ON L'IMAGINE DANS LE CLAIR-OBSCUR DE SON CAGIBI-BIBLIOTHÈQUE, AU MILIEU DES PILES BRANLANTES DE SES PUBLICATIONS BRANLEUSES, À DEMI RECOUVERT PAR DES ÉBOULIS DE POCHES POUSSIÉREUX, UNE CANETTE DE PREMIUM PILS 50 CENTILITRES DANS LA POGNE, 5 AUTRES À SES PIEDS, LA LIPPE PENDANTE ET DEUX PETITS YEUX GLAUQUES REFLÉTANT UNE EXTRÊME CONCENTRATION, OUI, ON L'IMAGINE, IL EST HEUREUX, IL TOURNE LES PAGES VAILLAMMENT EN BUVANT DE TEMPS À AUTRES QUELQUES LARGES RASADES DE SA PISSE GRANDE CONSOMMATION ET MOI, JE DÉCRIS, JE M'EMPORTE, JE BOUFFE DES LIGNES INDUMENT ALORS REPRENONS
(au passage, tu remarquera que l'ensemble de mes textes critiques relève de l'autobiographie mi-romancée mi-naturaliste - comment ? tu t'en fous ? ah...)
Donc, Achille Zenon est sur place, en Inde, et Roger Maury, son dieu, son auteur, semble en très grande forme. Ses doigts virevoltent comme de beaux petits diables sur les touches de sa Japy dernier modèle, dessinant dans l'air confiné de son bureau la cartographie aussi éphémère qu'invisible d'une inspiration en pleine ébullition. Pompeuse mais grandiose, sa prose toute personnelle s'épanouit en grosses coulures dégueulasses, jusqu'à conférer à ses personnages-clichés des dimensions insoupçonnables.
Ainsi, le chef de la police locale dissimule "la montée houleuse de son exécration en savourant avidement le fruit amer de la vengeance qu'il préparait," tandis qu'une mère maquerelle se voit "torturée par un souvenir qu'une révolte lucide lui avait fait écarter de sa route" et qu'Achille Zenon nous est présenté comme "inflexible, sans passion comme sans rêve, plus dur que l'acier et aussi froid qu'un diamant."
Dans ces moments là, on ne sait pas trop de quoi Maury peut bien causer mais on s'en contrefiche. Les phrases claquent en cadence. Marcel Proust des gaugues publiques, il tend peu à peu vers les aspirations de son lectorat.
On y arrive enfin en page 40. Achille Zenon se tape une première gonzesse. L'attaque est classique, l'échauffement standard. C'est la mère maquerelle qui passe à la casserole et Zenon y met du cœur (et quelques autres ustensiles) à l'ouvrage.
"Je me lance dans une cavalcade impétueuse, la bourrant de coups de Bélier puissants [...]"
Puis, deux pages plus loin :
"[...] je l'attire, la soude sauvagement à moi et la vrille de toute ma turgescence en folie."
TURGESCENCE EN FOLIE ! N'est-ce point magnifique ? Si, si, bien entendu que c'est magnifique. C'est d'ailleurs tellement magnifique (tu m'arrêtes si j'en fais trop) tellement magnifique disais-je, que la gonzesse entreprise par Zenon, au départ pas très consentante, se met à balbutier des "encore... encore..." de greluche comblée.
Mais notre héros et son auteur ont d'autres choses de plus important à foutre. Basta la môme ! Décarres la carne ! L'intrigue n'attend pas, elle se poursuit.
Ainsi, invité à une petite réception, Achille Zenon fait la connaissance d'une superbe petite poule Chinoise. Cette dernière, se collant à lui le temps d'un slow langoureux, lui déclare : "vous paraissez fort et terriblement dur. Un de ces hommes qui ne craignent pas d'affronter la vie et d'en retirer le meilleur." On attend que Zenon lui fasse le coup de la turgescence en folie mais non, il n'en est rien. Il préfère retourner voir la mère maquerrelle qui, pour le coup, a bien appris sa leçon :
"passive, elle s'ouvre."

Ça commence donc à devenir routinier, pour ne pas dire mollasson. Néanmoins, 30 pages plus loin, le cheptel se renouvelle, Zenon faisant la connaissance de Devi, une jeune et jolie adolescente encore pucelle.
TING ! TING !! TING !!!
JACKPOT ! LES TROIS BANANES À LA SUITE !
"Tais-toi, chérie, ne pense à rien d'autre qu'au plaisir qui s'insinue en toi," lui chuchote-t-il dans le creux de l'esgourde tout en se débraguettant la partie stratégique du benouze.
Malheureusement pour notre homme, et alors qu'il s'apprête enfin à faire passer la gamine sur le fil brulant de son glaive de chair et de sang, ne voila-t-il pas qu'il est interrompu par le père de cette dernière qui toque à la porte, le malotru !
Pour Zenon, c'est balpeau. Il peut se le rembarrer dans le slibard, son glaive enflammé. Grognon comme pas un, il s'en va alors se bastonner avec des méchants stationnant quelques pages plus loin. C'est d'ailleurs pendant ce pugilat tonitruant qu'il apprend l'identité du grand vilain en chef qui machine des trucs dans l'ombre ("Quel mobile ténébreux dicte son action destructive ? Quelle haine sordide le pousse à impliquer la France dans de sombres machinations ?") mais nous, on s'en fout de tout ça, je te l'ai déjà dit, nous, ON VEUX DU CUL !

Du cul, on en a donc des pages 126 à 130. Achille se grignote la Chinoise, en y essayant quelques prises sournoises :
"Je crois comprendre un goût particulier de sa part mais quand elle perçoit ma manœuvre, elle glisse une main derrière elle pour me saisir et me guider normalement."
Du cul, on manque d'en avoir des pages 149 à 154. Alors que notre héros explique à la jeune pucelle les méandres de la politique internationale, cette dernière lui lance avec concupiscence "Achille... fais moi femme."
Mais pour notre homme, ce n'est pas encore le moment. Surement qu'il est un peu cyclothymique sur les bords, le con. Il la repousse et repart à l'aventure.

Du cul, on en a enfin des pages 162 à 164. Le climax du roman, le point d'orgue de cette œuvre aussi jouissive que passionnante. Achille va voir la Chinoise. Il est en rut, elle est OK, il se l'enfourche. Et de laisser à son auteur le soin de faire éclater toute sa sève doucereusement sensible en une somptueuse giclée de poésie pure :
"Un instant, elle se caresse du bourgeon vultueux, le faisant glisser le long de sa cicatrice moite, le secouant au sommet de ses molles babines pour exciter la minuscule excroissance de chair qui domine sa féminité."
LE SANS-FAUTE ! LA PANACÉE ! Bourgeon vultueux (!), cicatrice moite (!!), molles babines (!!!), N'EN JETEZ PLUS ! C'EST L'ORGASME !

Après ça, forcement, tout est dit. Son acte consommé avec la classe qu'on lui connait, il ne reste plus au héros qu'à dénouer les fils de l'intrigue. Il fait donc échouer les projets du grand méchant en deux coups de cuillère à pot puis, son action salvatrice dument effectuée, s'en va alors en direction du domicile de la jeune pucelle, le bénard tendu à l'extrême par la ferme résolution de s'envoyer cette maudite poulette séance tenante.
Malheureusement, à ce moment-là du roman, nous sommes en page 188. Autant dire : nous en sommes à la toute dernière page du texte. Nous n'en saurons donc pas plus sur cette étreinte autant désiré que mérité MAIS QU'IMPORTE !
Car dans le clair-obscur de son cagibi-bibliothèque, le contenu alcoolisé de ses 6 canettes navigant désormais dans ses veines, notre lecteur s'est assoupi.

Il ronfle légèrement en bavant un peu sur son t-shirt du club Mickey et, dans son crane, un rêve étrange et pénétrant déroule ses tentacules.
Tous pareils à deux gouttes d'eau, une nuée de moustachus à la calvitie avancée descendent énergiquement les Champs Élysée. Au pied de l'arc, une fanfare passe un 78 tours de l'hymne national. La galette fond au soleil. Le son devient élastique. La fanfare fond. Les chauves moustachus continuent en suivant la cadence. Perchés sur des gradins, des milliers de leurs semblables les acclament en agitant des fanions multicolores. Les bouches s'ouvrent toutes sur le même cri

VIVE MAURY ! VIVE LA FRANCE ! VIVE LA LITTÉRATURE QUI TÂCHE !
Je me suis réveillé en nage. Depuis, j'ai juré d'arrêter la bière.

THE ONE AND ONLY, ROGER MAURY

Certains écrivains sont hors-normes. Certains écrivains sont même trop pour un seul homme et Roger Maury l'avait certainement compris puisqu'il multipliait les pseudonymes sans se soucier d'une quelconque logique, autre que commerciale.

Car Roger Maury était un auteur commercial au sens le plus vulgaire du terme et pourtant, malgré cela, malgré aussi son air bonhomme, sa calvitie et son embonpoint bien franchouillard, Roger Maury était mystérieux et multiple, il était pur et improbable, il symbolisait à lui tout seul la médiocrité rayonnante du roman poubelle, la nazerie absolue élevée au rang d'art alimentaire, la bêtise crasse du scribouillard heureux de s'être enfermé dans le carcan d'un style pachydermique, au service d'histoires mille fois entendues et répétées, parsemant ses chef-d'oeuvres d'une idéologie bien réactionnaire et de quelques conceptions (sur les femmes et le sexe, principalement) aussi dépassées que ridicules.
Roger Maury, je l'imagine en quelque sorte comme le personnage de Belmondo écrivain dans le film Le Magnifique - mais sans le panache et avec plus de lourdeur.
Le type esseulé devant sa machine à écrire, épuisé par un trop grand nombre de romans où les même choses ont été ressassés et livrant pourtant, en fin de course, quelques séries d'histoires à la nullité rayonnante, presque folle, sortes de concentrés du meilleur du pire de toute une carrière à se la traîner dans les tranchées de la lumpen-littérature.

Maury débute au milieu des années 60, en pleine crise d'espionnite aiguë. A cette époque, le monde entier veut des histoires d'espions. Le monde veut du James Bond et la France du OSS et du Coplan. Alors, comme la bonne centaine de ses collègues francophones qui gagnait leur croûte dans le genre, Roger Maury en écrivit, du OSS et du Coplan.
Peut être était-ce par goût, va savoir.
Dans tous les cas, il en écrivit.

Il signait de son vrai nom aux éditions Albin Michel, collection Ernie Clerk (dit Le Judoka), et sous le pseudonyme de Jacky Fray aux éditions de l'Arabesque.
Ses intrigues ne sortaient pas de l'ordinaire et évoquaient (parfois d'une façon assez poussive) les sempiternels agents russes et chinois, français et américains qui s'entre-tuent pour des secrets d'inventions spatiales, de plans d'armements hi-tech et de formules chimiques diaboliques.

Pourtant, si la trame générale se montrait assez terne, Maury mettait un point d'honneur à se déchaîner la prose en une indigeste symphonie de mots.
Lorsqu'il écrivait, il se faisait ainsi le Ronsard et le Lamartine des récits d'espionnage et agitait ses personnages comme des pantins grandiloquents, leur faisant débiter des répliques aussi péremptoires que bouffonnes.

"Le paradis des chacals est dans le ventre des vautours ! " déclare sentencieusement Louis Dundee, le héros de Cerveau Pour Un Espion, à un vil arabe qui avait tenté de le doubler.
Quelques pages plus loin, il lance à un autre : "Je suis le seul de ma race, [...], la peur et le
remord ne sont pas des freins pour un homme tel que moi. Non que je sois meilleur ou insensé, mais parce que j'ai depuis longtemps perdu tout contact avec l'humain
."

T'imagines le gars, au super-marché ou à la poste, sortir au caissier de pareils bobards ?
Et Roger Maury, qui n'avait véritablement honte de rien, de renchérir (nous faisant ainsi l'article de son héros) :
"Dundee avait tué et tuerait sans doute encore. Protégé par son indifférence, il ne pouvait être choqué par le spectacle de la mort ; tout comme les entreprises toujours plus stériles des hommes, elle ne suggérait en lui ni émoi ni pitié. Pour ce monde insensé, le passé n'avait pas été une leçon et lui, épargné par un idéal qu'il était seul à connaître, ne faisait pas corps avec l'ensemble. Il avait donc tous les droits, même celui de détruire la gangrène qui souillait la pureté de son univers secret."
C'est foncièrement grotesque, bien entendu, lourd comme du cassoulet aussi (rien de plus logique, notre homme habitait dans les environs de Toulouse), mais l'extrait résume parfaitement l'état d'esprit des premiers héros de Maury... et aussi celui de leur créateur.
Car dans son œuvre, Roger Maury semble aimer à se rejouer la publicité Charles Atlas devant un miroir. Il se transfigure à coup d'underwood en übermensch de papier, sans peur et sans pitié. Tout lui est possible et le monde n'est qu'un moustique face à sa volonté.
"Je suis un aventurier, un intriguant, un solitaire. Le sais-je moi-même ? Peut être ai-je l'esprit chevaleresque d'un redresseur de torts, ou peut être ne suis-je qu'un maniaque jaloux du bonheur d'autrui..." lance, dans Tout A Commencé A Hambourg, Bernard Perucci, dit Benny Pépé, même chose que Louis Dundee - c'est à dire un autre "avatar fictionnel de Roger Maury" - mais publié aux éditions de l'Arabesque et écrit sous le nom de Jacky Fray.

D'ailleurs, avec la fin de la collection Ernie Clerk chez Albin Michel, c'est ce dernier pseudonyme, Jacky Fray, qui va devenir la principale façade éditoriale de l'entreprise en maçonnerie littéraire Roger Maury.
Il pond 19 bouquins sous cet alias et, bien que l'on s'y cache parfois derrière les rideaux d'une fenêtre pour y trouver "l'espérance salvatrice d'une disparition fantomatique," l'ensemble stylistique s'y fait tout de même plus léger dans ses débordements de sève.
Notre homme apprend. Il travaille aussi avec d'autres auteurs maison : Roger Vlatimo, H.T. Perkins, Paul S. Nouvel.
Avec eux, il en vient à former un véritable rat-pack du spy-fiction populaire en provenance du midi de la France. Tous partagent la même conception de la litt' pop' - l'actualité au service d'un blockbuster fauché en 220 pages - et une formule s'y fait systématique : action à gogo !
Le quatuor (ou quintet, selon l'envie...) peaufine les recettes de l'espionnage à la chaîne de la fin des années 60. Vlatimo s'en sort souvent assez bien, Perkins et Nouvel sont en dents de scie mais valent parfois le détour. Maury, quant à lui, force un peu niveau arts martiaux.
Tsaï-sabaki, Shinzo-kuatsu, Maé-geri, Tsuki-age, Han-utchi-ken, Hiji-até, n'en jetez plus ! ce n'est qu'une petite séquelle de son passage chez Ernie Clerk.


Mais les modes sont ce qu'elles sont et début 1970, l'espionnage n'a plus le vent en poupe. Les collections se cachent pour mourir. L'Arabesque fout la clef sous la porte en 1971 mais Maury et ses potes fricotent déjà avec le flibustier de la presse à imprimer, le magnat de la filouterie sous couverture illustrée, j'ai nommé le grand André Guerber.
Ça magouille sec et les pseudonymes pleuvent.
HT Perkins se fait rééditer à tout va, Vlatimo bâcle du gros n'importe quoi. Maury, lui, soigne son entrée. Il garde le nom de Jacky Fray pour l'espionnage et se lance par ailleurs dans le polar de dur de chez dur sous celui de Dan Curtiss.
C'est d'ailleurs sous ce dernier pseudo qu'il signera son premier gros chef d'oeuvre populo-beauf, le multi-publié Du Plomb En Souvenir, véritable concentré de conneries viriles, pièce maîtresse du hard-boiled mogoloïdien émulant les pires travers de Mickey Spillane.
Parallèlement, il entre au Fleuve Noir avec Henri Trémesaigues (alias HT Perkins). Ils y bossent en duo sous le pseudonyme de Henri Trey et Maury, en solo sous son vrai nom. Probable qu'il était sacrement fier d'y retrouver la verve maladroitement pathétique de ses premières œuvres.
Dans tous les cas, il s'y fait plus sérieux. Le Roger Maury que j'aime pointe ailleurs.
(Freud verrait dans la phrase précédente certaines pulsions peu conventionnelles. Bordel ! Sautons plutôt une ligne car, comme le disait San Antonio, quand tu passes pour un con, passes vite.
)

Révolution sexuelle oblige, donc, le lectorat abonné aux publications bas de gamme réclame plus de cul dans ses romans de chiottes. Maury continue ainsi les idioties made in Guerber en mélangeant à son racisme anti-arabes les passages porno que l'éditeur exige.
Par exemple, dans Tu Devras Trahir, un maghrébin "petit et noiraud, au regard fuyant et à la mine rapace," (soit, en quelque sorte, le maghrébin de base dans l'œuvre de Maury) viole une gonzesse... qui, finalement, se met à bien aimer ça, la salope !
"Elle ne sut même pas cacher, en baissant ses paupières, l'instant où le plaisir la toucha."

Pour Maury, qui s'affirme de plus en plus comme le Spillane français raté, taré et moderne, le filon semble tout trouvé.
Surtout que, comme un sale feedback distordu de la première moitié des années 50 revenant en plein dans la tronche des seventies libérées, la mode est à nouveau au sadisme sexuel forcé, au rut furieux forcené, au coït de mauvais goût non censuré.
La collection Les Soudards réveille la pornographie nazie en grand format. Le polar populaire ne se conçoit plus qu'en séries brigade des moeurs et police mondaine. Gérard de Villiers s'y fait une fortune et un empire avec ses gentils SAS mais niveau viol et violence, Roger Maury l'enfonce comme une motte de beurre en plein désert.


Fin 74, il devient donc l'auteur principal d'une toute nouvelle boite d'édition, Promodifa, véritable usine en recyclage de manuscrits et producteur suprême d'inepties sexoïdes.
En effet, chez Promodifa, chaque texte se voit repensé en un rudimentaire roman porno/action débile, en une série Z à la vulgarité aussi beauf que réjouissante. Les collections se nomment Warsex, Sexpionnage, Sexpense, Mysterotic ou Crac et les titres prouvent que l'on a bien affaire à de petits rigolos.
Le Klan Du Ku, La Came Isole, Un Beau Népalais, Femmes à Varier, Bombe à la Nana, etc. Le foirage est complet et le lecteur que je suis, comblé.
Roger Vlatimo y recopie ses Luc Ferran. J'imagine que Maury y replaçait en loucedé des bouts de ses romans Fleuve Noir parus dans les collections Feu et L'Aventurier (toutes deux disparues en 73) - mais cela reste à vérifier.

En tout cas, il s'y active comme un fou-furieux du clavier.
Une bonne soixantaine-dizaine de romans sous 7 pseudonymes différents dont Jacky Fray pour l'espionnage-porno, Jo Brix pour la guerre-porno, Luc Ovono pour l'aventure-porno et Dan Curtiss pour le polar-porno - ces deux derniers faisant parfois office (avec un autre alias, Bébé Guernica) de personnages principaux pour certains des bouquins.

Promodifa marque donc aussi bien l'apogée flambarde que la décadence terminale pour Roger Maury. En dix années de carrière, ses velléités de poétiser (façon charcutier-traiteur) l'espionnage se sont depuis longtemps estompées. Compressé en 180 pages gros caractères, son style se fait désormais aussi simple que grossier. Maury scribouille au kilomètre, il n'a plus le temps de fignoler, il se sent devenir un plumitif primitif.
Du coup, forcement, ses saloperies y gagnent en efficacité louf-dingue.
Caviardés de scènettes pornos tout droit sorties d'un esprit détraqué par les clichés les plus crétins de la fiction populaire (la virginité, la pureté, le viol consentant, etc), ses récits se font surtout de plus en plus vaseux et débilitants.
Et si l'auteur se donne parfois des tons vaguement goguenards ou gouailleurs (comme il était bien souvent de règle dans la litt' pop' des années septante), il semble écrire ses conneries avec un tel sérieux que ses textes en deviennent de véritables petites perles d'humour involontaire.

Il faut lire, par exemple, Pas Si Naif Au Sinai et ses arabes aux sexes boursouflés d'excroissances dégoûtantes, qui veulent défoncer tout ce qui passe et qui ressemble vaguement à une femme.
Il faut lire aussi ses Warsex, avec ses militaires qui, entre chaque fusillade, se tapent des nymphettes nymphomanes.

En fait, IL FAUT TOUT LIRE !
Puis se mettre à baver, l'air hagard et le cervelet en compote.

Malheureusement, en 78, l'aventure Maury s'arrête net. Ou presque. Le Fleuve Noir le lâche et Promodifa disparaît. Fini Jacky Fray, Jo Brix, Dan Curtiss. Fini Roger Maury.
Seul Luc Ovono reste en piste le temps d'une dizaine de bouquins érotiques pour la collection Frivole de chez Euredif.

Enchaînement logique.
A l'orée des années 80, après plus de trente ans d'un far west éditorial où toutes les modes se firent essorées à toutes les sauces, en long, en large et de travers, la littérature populaire pour mecs n'a plus les moyens de soutenir l'aberrante production des petites collections.
Gérard de Villiers et le Fleuve Noir trusteront désormais seuls le marché de la brute éduquée. C'est l'hégémonie du qualité certifiée et du normes bon français. Bref, c'est la fin d'une époque, celle des filous et des timbrés, des photocopieurs foireux et des illuminés du sous-produit.

Roger Maury, mercenaire désaxé à la plume tordue, passa donc à la trappe, comme tant d'autres.
On est en droit de le regretter, certes, surtout si l'on est fou et maso, comme moi, mais avec sa bonne cent-cinquantaine (je vous le fais à la louche, hein!) de bouquins produits, on a encore de quoi tenir un sacré moment.
Et ça, à mes yeux, c'est une perspective foutrement réjouissante.

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PS : j'aimerai remercier les gens du forum à propos de littérature populaire pour les nombreuses informations partagées qui m'ont permit d'opérer le lien entre les divers pseudonymes de cet auteur (...et de quelques autres aussi...)
Et merci aussi à Herbulot, pour les 7 pseudonymes de Maury chez Promodifa (je le cite :
"Maury=curtiss,Ovono,Bébé Guernica,Brix,Dundé,Fray ,W Finn") et à Bibouillou qui, dans le genre, en connait un sacré paquet !
D'ailleurs, si cet article (trop long) égrène trop de conneries, merci de me (les) rectifier dans les commentaires !

LOURDEMENT BURNÉ !

DU PLOMB EN SOUVENIR, DAN CURTISS
FRANCE SUD PUBLICATIONS / JAGUAR ROUGE # 4, 197?
TRANSWORLD PUBLICATIONS / # 11, 1972
EDITIONS BEAULIEU / CADRE NOIR # 7, 1974

André Guerber, notre filou favori devant l'éternel, aimait bien rééditer en dépit du bon sens les ouvrages de ses auteurs. Mais pour Du Plomb En Souvenir, il n'y a pas à dire, notre flibustier de la presse à imprimer s'était dépassé. 3 éditions différentes entre 72 et 76, suivie d'une quatrième en 1977, titrée Du Plomb Pour Les Salauds, éditions Oedip, collection le Rhinocéros.
On ne va pas s'en plaindre. Le roman de Dan Curtiss, véritable concentré de conneries viriles et de clichés hardboiled, le méritait bien.

Je te résume le chef-d'oeuvre, tu vas comprendre, c'est du lourd.

Tony
Loman, le héros première personne du singulier, est donc un flic privé. Le meilleur dans sa catégorie. "35 ans, directeur de l'agence de recherches et d'enquêtes Loman, Domicilié aux Lyon's Building, 6° avenue. Célibataire. Ancien combattant au Viet-Nam, sergent-chef, ex-stagiaire de Fort-Braggs. Brun aux yeux gris et toutes ses dents."

Alors qu'il rentre chez lui, Loman manque de se faire dézinguer par un zinzin à gage et retrouve, étalé sur le lino de son appartement, le corps salement mutilé de Brenda, sa petite copine.
Ça le fout en rogne - un sentiment qui se conçoit aisément :

"Les tueurs ça m'a toujours dégouté. Ce sont des cinglés qu'on ne peut réduire que par la corde, le gaz ou l'électricité. [...]
Mais quand ce tueur fait preuve de sadisme, alors j'estime qu'on doit inventer de nouvelles formes de torture. Quelque chose de raffiné. Un truc à faire dresser les cheveux sur la tête. Le genre d'amusement qui dure des heures et permet au salopard d'apprécier toutes les ressources d'une imagination délirante
."
Une rage froide lui consumant donc les tripes, il décide de retrouver l'enflure de fils de pute qu'à fait ça.
Ses soupçons se posent directement sur la personne de Da Silva, son ennemi juré, le ponte local du crime organisé, une bouffissure puante et adipeuse en provenance directe de Cuba.
"Je frémis de rage à la pensée qu'un type comme ça peut tout se permettre. Je suis écœuré de voir des hommes propres ramper devant lui. J'ai souvent envie de lui écraser sa grosse bouille vicelarde à grands coups de godasses et il n'est pas dit que j'en aie pas, un jour, l'occasion."
Et cette fois, ça y est. Ding-dong ! C'est le jour-J qui sonne ! L'heure des comptes est bien arrivée. Loman astique donc son P.38 et se frictionne les poings. Ça va être justice à tous les étages.
"Personne ne peut régler cette affaire en dehors de moi et mon artillerie," balance-t-il à la gueule de son ami le chef de la police. "Ta société prétend reformer et non punir. Et ça, ça ne peut pas gazer. C'est pour cela que la vague de crimes est en constant accroissement."
Des comme celles-là, Loman en sort toutes les 4 pages. "Ici, la loi c'est moi ! Je suis le juge et le jury !" s'écrit-il un peu plus loin en tabassant un méchant criminel. "Je te sortirai les tripes du ventre si il le faut mais je te ferai parler."
Notre gugusse est littéralement déchainé. Dan Curtiss aussi. Du Plomb En Souvenir ferait passer l'intégrale de Mickey Spillane pour un monument de finesse et de distinction littéraire progressiste.
C'est du lourd, du foncièrement impropre à la consommation pour les masses non-habituées à la lecture régulière de romans de gare foutrement dégénérés.

Le dernier chapitre enfonce d'ailleurs le clou, violemment.
Les portes du ridicule sont depuis bien longtemps explosées. On atteint ici le firmament du divertissement pour mectons frustres.

Ainsi, afin de faire pression sur Loman, Da Silva kidnappe Judy, la blonde secrétaire de notre héros, une polka ultra-bandante, moulée comme une déesse et pourtant encore vierge.
Faut dire que la gonzesse est du type vieille école. Elle se garde fraiche pour Loman, avec qui elle compte bien se marier.

Mais Da Silva est un vrai salopard et, bien que préférant aux nichons et aux chattes les kekettes bien dures d'éphèbes scandinaves (ça, ça me rappelle Max Pecas et son Brigade des Moeurs !), il s'apprête à violer Judy sous les yeux de Loman - impuissant puisque tenu en respect par deux sbires du gros cubain.
Le suspense est à son comble.
Da Silva dénude Judy et lui écarte les ciseaux. Notre héros, lui, n'en peut plus. Il fulmine. Cet emboutissage non-consenti de l'hymen sacré, c'est l'ultime outrage !
Car il était à lui, bien à lui, ce vagin promis ! Faut pas déconner ! C'est du serious business que la virginité d'une poule !

Bref, ça le fout en rogne, Loman. Et la rogne, tout le monde le sait, mène à la haine, la haine mène à la puissance, la puissance mène... au défonçage de gueule des méchants !
"Je me sens plein d'une puissance monstrueuse que rien ne peut endiguer..."
...nous affirme d'ailleurs Dan, qui explose alors les deux sbires à coups d'atemis fulgurants, sort son P.38 et troue le bidon de cette enflure de Da Silva, "pétrifié dans la même position ridicule et un peu prétentieuse, entre les jambes de Judy."
L'auteur en profite pour nous rassurer : "Il a encore la main sur le pantalon."

Ouf ! Je respire ! L'honneur est sauf ! La polka n'a pas été pratiquée, son intimité est toujours sous cellophane. Merci Dan !
Le roman se termine alors sereinement mais on le referme tout de même emprunt d'un certain spleen. Car des comme ça, des bouquins aussi cons, aussi gras, aussi machistes et aussi ahurissant, c'est certain, on en écrit plus depuis bien longtemps.
Et je ne sais pas vous, mais moi, ça me rend triste...

WARSEX ! WARSEX !! WARSEX !!!

PAVOT DANS LA LAGUNE, JO BRIX
DENIPPEZ LES NIPPONS, JO BRIX
PROMODIFIA / WARSEX # 2 & 25, 1974/77

Les mecs de Promodifia devaient être maxi-fiers de leurs intitulés de collections. Et il y a de quoi. Sexpionnage, Mysterotic, c'est pas de la petite pisse. C'est du lourd, du vigoureux, du travaillé au corps. On sent, d'ailleurs, qu'il y a derrière ces noms une certaine recherche. Avouons-le, il faut se pinter de bonne heure et comme un acharné pour en trouver de pareils. Du grand art à faire verdir de jalousie Gérard de Villiers.
Mais WARSEX, la collection qui nous intéresse aujourd'hui, c'est une tout autre catégorie. Loin, très loin au dessus de ses petites sœurs. Là, les braves gars de la rue du Charenton ou du Chemin de Cabrières (au choix) avaient touchés à la perfection racoleuse du gare. Je dirais même : à l'absolu de l'exploitation littéraire en papier chiottes pour la masse des abrutis misogynes dont je pourrais fort bien me réclamer un jour (demandez vos cartes, les gusses, on formera un club, ce sera choucard).
Ouais, WARSEX, ça fait viril, ça fait dur et ça promet plein de bonnes choses. ça me donne même une folle envie de le redire haut et fort, avec mon clavier azerty caplock activé : WARSEX ! D'ailleurs, les promodifieurs associés en furent tellement fiers d'en avoir trouver un pareil, d'intitulé de collection, qu'il se décidèrent à le plastronner orgueilleusement sur leurs couvertures, en bien gros et bien gras, sans titre ni poupée, noir sur blanc - certainement pour annoncer la couleur. De la guerre et du cul. Ici, on rigole pas... mais on se marre bien, c'est certain car c'est du Promodifia. Vous connaissez le refrain : un écrivain populo en fin de vie et au style pompier, de l'exotisme de brochure touristique, des bagarres confuses, des fusillades et des hordes de filles qui se donnent gaillardement - ou se font donner violemment si elles sont un peu frigides sur les bords au premier abord car après coup(s), elles en viennent à bien aimer ça les coquines et elles en redemandent, c'est normal, ce ne sont que des femmes. Ah la la !
Mais, ne perdons pas de temps en basses considérations concernant le sexe faible et résumons les machins.
Ainsi, dans Pavot Dans La Lagune, deuxième titre de la collection WARSEX (désolé, je ne peux m'en empêcher), un militaire ricain, Luc Ovono, et son adjoint bridé sans intérêt sont chargés de démanteler un réseau de renseignements Vietcong. Une mission terriblement difficile. Les jaunes du nord ont en effet plus d'un tour dans leur maudit sac et obtiennent des informations confidentielles sur les mouvements de troupe US grâce à l'opium et à la prostitution, le duo gagnant de tous les mécréants. Informés de cette alarmante situation qui jour après jour menace de s'aggraver, nos deux héros conçoivent une série de stratagèmes dont je n'ai pas tout à fait enregistré les logiques, hormis celle qui consiste à remplir un maximum de pages avec un minimum d'intérêt.
Tout de même, dans les grandes lignes, plan d'action numéro un : ils baisent des filles et prennent de l'opium pour infiltrer l'organisation des cocos VC. Pas de chance, ça foire. Plan numéro deux : ils vont dans la jungle suivre l'acheminement de la drogue. Cette fois, c'est mieux, ça réussi moyennement. Ils se tapent deux gonzesses pas trop farouches et puis déquillent une tripotée de gonzes pas de chez nous mais bien chez eux. Cette affaire là dure un sacré moment, au moins 80 pages, car Jo Brix, notre auteur, un rescapé de chez l'Arabesque, en tartine des tonnes niveau cul. Les escarmouches durent 5 pages, les fornications au moins 20. Un festival enthousiasmant d'attouchements dont on retiendra quelques sublimissimes phrases à graver dans le marbre intemporel de la littérature érotique bas du front comme ce "
elle vint tout contre lui, soumise, prête pour l'holocauste." Là, vraiment, j'ai envie de dire : WARSEX !
Approximativement à ce moment là, Jo prend aussi conscience qu'il ne lui reste que 30 pages pour boucler sa petite affaire. Donc, dans un ultime baroud, et après avoir tirés un dernier coup (mais pas ensembles, stricte hétérosexualité oblige), nos deux héros détruisent l'organisation des vils viets. Fin. C'était bien.
Du coup, forcement, je rempile avec un second volume, Denippez Les Nippons, toujours signé du grand Jo Brix. Mais là, stupeur, tremblement, stupéfaction, trouble, il y a comme un vide, comme un manque, comme une disparition. La couverture n'indique plus que WAR. Tout court. Et avec simplement une mitraillette en guise de pénis. Psychanalytiquement, ça se tient mais d'un point de vue purement marketing, ça fait tache. Entre le volume 2 et le volume 25, la collection a perdu tout son panache, toute sa virilité, toute sa force. Cruelle déception que cet intitulé décapité !
Mais, en dépit de ce désenchantement, un point important restait à éclaircir. Oui ou non, y-avait-il encore du cul dans ce WAR désormais sans SEX ? Je vais être simple et répondre sans détours (ça me changera) : oui, il y a encore du cul dans WAR(SEX). Mais moins. Beaucoup moins. Deux scènes, cinq pages. Les pervers de la lexicalité affolée l'auront douloureuse. Très douloureuse. La réduction est drastique. Par contre, pour prendre la chose du bon coté, l'histoire est bien meilleure. Denippez Les Nippons est même un sacré bon roman de guerre. Je ne blague pas. Ou à peine, ça reste du Promodifia - ne l'oublions pas. Conséquence, c'est écrit avec les pieds par un tordu qui se biture la nénette à 51 degrés sous le soleil. Disons que ça ferait un bon film de jungle militariste italien des années 80, comme Lenzi, Mattei ou Castellari en avaient le secret. Époque oblige, à défaut de Rambo II, Jo Brix se la joue les 12 Salopards, tout en effectuant une soustraction de 7 pas forcement encombrante.
Ainsi, dans Denippez Les Nippons, cinq militaires ricains, ex-taulards grognons pas sympatoches pour un sou, infiltrent incognito une ile australo-japonaise pour flinguer du jaune en pagaille. Normal. Pendant les temps morts, entre deux coups de force, ils s'insultent, sont mauvais les uns envers les autres, se bastonnent mais, oh surprise, se respectent un petit peu car, dans le fond, ils s'aiment bien, en véritables hommes d'action qu'ils sont. C'est ça, la vie, la vraie, comme nous ne la connaitrons jamais. Ah, service militaire, que ta perte se fait lourde en ces temps obscurs...
"
Mais le cul, dans tout ça, espèce de reac' à la manque" me direz-vous ? Ah, mais j'y viens, bande de petits vicelards, j'y viens. Donc, à un certain moment, vers le second tiers du roman très précisément, nos machos sur-armés rencontrent une nymphomane. Elle est jeune, elle est blonde, elle est bonne, elle est anglo-saxonne. Normal. Nos gonzes n'ayant pas encore eu, en 60 pages, l'occasion de balancer d'autre purée que celle de plomb brulant que moucharde leurs fusils automatiques, et la poupée étant en manque (elle le déclare d'ailleurs elle même page 60 : "Bien sur, je suis nymphomane. Mes parents l'ignorent mais je ne peux lutter contre ce penchant"), ça fait tilt et notre joyeuse troupe s'octroie un repos du guerrier bien mérité. En plus, la mignonne a une sœur cadette en attente du grand frisson et ça, c'est super-pratique pour éviter l'ennui dans les parties à plusieurs.
Bon, en réalité, ça ne se passe pas exactement comme cela... mais vous n'avez qu'à lire ce roman pour en savoir plus. Par contre, n'ayant aucun savoir-vivre, je vous raconte presto la fin du bouquin et, quelques sauts de lignes plus tard, nos gars repartent ragaillardis à la bataille et canardent du jap sans pitié, non-stop. Ça dure bien bon 100 pages et ils y laissent tous la peau sauf un, le veinard, qui s'en va alors rejoindre la nymphomane et sa sœur pour vivre heureux dans la polygamie. Comme il s'agit du dernier paragraphe du livre, pas de chance, pas de sexe. On s'en serait douté. Quant à moi, n'ayant aucune conclusion pour cette article, je me permets de vous laisser en plan. Normal.

TIENS, VOILA DU BOUDIN (BIS)


PAS SI NAÏF AU SINAÏ, JACKY FRAY
SOS # 3 / PROMODIFA, 1976

Désolé pour ceux qui en font des crises d'urticaires, je poursuis dans le registre de l'espionnage bas de gamme aux orientations pornographiques appuyées et pas très fines avec, aujourd'hui, un plagiat bien décontracté du célèbre SAS de Gérard De Villiers, j'ai nommé le pas-célèbre-du-tout SOS des éditions Promodifa.

Les petits gars de Promodifa, j'en avais déjà un peu parlé en abordant le misérable cas de Dan Curtiss. Ils font partie de toute cette tripotée d'éditeurs fauchés et filous sévissant dans les années 70, à l'image de Transworld Publication, Oedip Éditions, France Sud Publications, Les Presses Européennes, Beaulieu, Bellevue-Capitol, Éditions de la Renaissance, Bastille Éditions, Poche-Select et quelques autres coquins, certainement tous plus ou moins liés les uns aux autres, ne serait-ce que par leur fâcheuse tendance à se passer de mentions légales et à ne disposer que d'un seul et unique catalogue d'auteurs, de titres et de maquettes pour multiplier leurs indénombrables et interchangeables collections.
Il s'agissait là, véritablement, des bas-fonds crapuleux de l'édition populaire, une horde d'encombrants d'étagères fermement décidés à s'en foutre pleins les fouilles à coup de romans policier ou d'espionnage et dont les textes aux origines parfois incertaines étaient souvent agrémentés par de long passages à l'érotisme aussi poussé que poussif. Et forcement, après quelques années de dégénérescence, entre la fin des éditions de L'Arabesque (où des futures stars Promodifa comme Jacky Fray et H.T. Perkins débutèrent) et l'avènement de SAS au rang du
best-seller number one pour français moyen, le mélange finit par ne plus ressembler qu'à du porno beauf vaguement structuré par une intrigue de menace internationale très basique et si possible bien raciste.

Car ils ont le pétrole... mais ils n'ont que ça. Ou presque. Ils ont aussi des usines clandestines fabriquant jours et nuits des armes de destructions massives à balancer sur la gueule de ces chiens d'infidèles.
Ainsi, dans ce peu recommandable mais plutôt divertissant Pas Si Naïf Au Sinaï, la Section Opération Spéciale de l'OTAN envoie deux super-espions occidentaux, Jeremie le diplomate et Béatrice la pouffiasse, enquêter sur une affaire de têtes nucléaires égyptiennes menaçant l'état d'Israel.
Ça, c'est le background politique de la chose. L'habituel bordel moyen-oriental. Bon, on s'en fout un peu, l'auteur aussi - en plus, la mission est bidon - mais, comme je vous l'expliquais plus haut, l'intérêt ici, c'est le porno bien gras et les clichés bien cons. Et un mélange des deux, c'est encore mieux. Comme, par exemple : l'arabe mâle, brute sexuelle dégoûtante, veut violer la femme occidentale. Ça, Jacky, il ne s'en fout pas du tout. Ça le passionne, c'est quasiment le point central de son roman. Il veut faire une étude anthropologique, un clash des cultures, et rien ne nous est épargné.
"Il releva sa djellaba, mit à jour son membre monstrueux que des tares héréditaires avaient boursouflé, bourgeonné d'excroissances répugnantes.
- Regarde ! glapit-il. Mais ce serait te faire trop d'honneur que de te prendre comme je le ferais avec une femme de mon pays. Pour toi, il faut une souillure. Je veux profaner ton corps."
Vous l'avez compris, c'est pas un marrant, le type à la djellaba de l'horreur. Heureusement, il ne se montre pas trop combatif et une grosse pierre lui réduit trois paragraphes plus loin le crane en bouillie. Ouf ! J'ai bien cru que Béatrice allait se faire sodomiser. Mais nos deux héros se sont à peine tirés de ce mauvais pas qu'ils tombent sur une bande de nomades.
Et les nomades, c'est bien pire.
"Le masque du Bédouin se déforma sous l'effet d'une fureur sauvage. Il cria un ordre. Aussitôt des hommes jaillirent des tentes, s'attroupèrent autours du couple. Leurs visages grimaçant de haine xénophobe exprimaient odieusement leurs sentiments (quelle phrase !). Plusieurs d'entre-eux tenaient à la main des poignards à lame courbe.
- Moi je prendre ! glapit le Bédouin en saisissant le bras de Béatrice."
je me permets (en guise de parenthèse lègere) de vous faire remarquer que, dans ce roman de Jacky Fray, les arabes en proie à un rut intense glapissent. C'est assez intéressant. Et comme le souligne justement Béatrice, Béatrice outragée, Béatrice libérée, page 71 : "Enfin, Jeremie, les hommes de ce pays ne pensent-ils donc qu'à ça ?" Ce à quoi le diplomate rétorque très finement : "Ils n'en ont pas l'exclusivité, ma chère."
Car, bien heureusement dieu merci inch allah, Pas Si Naïf Au Sinaï ne se résume pas qu'à du zizi belliqueux de bédouin en folie mais propose aussi à son lecteur une foultitude d'égyptiennes en chaleurs que nos deux espions épuiseront sans répis tout au long de leur périple. Et contrairement aux vils messieurs des sables à gros sexes difformes amateurs de pratiques coïtales barbares, nos cocottes orientales sont voluptueuses, très joueuses et toujours dociles. L'une d'elles déclare d'ailleurs, tout en se faisant déniaiser par Jérémie (car, étrangement, elle était vierge), "les filles sont faites pour le bonheur de l'homme et ne doivent rien espérer en retour."
Le chapitre suivant, elle se fait sauvagement violer par une joyeuse troupe de pillards patibulaires. Toujours très courageux, et ne pensant qu'à la réussite sa très importante mission, notre héros s'enfuit, abandonnant ainsi l'ex-pucelle à son triste sort. Il aura tout de même une pensée assez émue pour cette mineure si conciliante. "[il] ne regretta pas d'avoir défloré la jeune Ouria, elle aurait eu au moins une autre facette des rapports sexuels normaux."
Vous parlez d'un cynisme !