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LIQUIDATION TOTALE !

AU QUATRIÈME TOP..., CESAR VALENTINO
ÉDITIONS BAUDELAIRE / SOS ESPIONS, 1959

Les années 50, éditorialement parlant, c'était vraiment n'importe quoi.
Je sais, je sais, j'enfonce des portes ouvertes. Mais laissez-moi étayer mon propos.


Il y a à peu près un mois, j'évoquais (ici-même) un très ennuyeux roman d'espionnage signé Cesar Valentino et titré Deuxième Bureau Contre X. Le truc s'apparentait plus à du Harlequin qu'à de la littérature d'espions sans pitié et était publié par les éditions de la Seine, éphémères spécialistes du gare bas de gamme. Bref, après cet admirable moment de lecture, cet âpre combat pour ne pas clore mes paupières ou sauter quelques chapitres histoire d'embrayer directos en dernière page, j'avais bien envie de lire un autre Cesar Valentino.

Certainement une affaire de curiosité malsaine.
Et, ô miracle, quelques semaines plus tard, voila cet autre Cesar Valentino qui croise ma route dans les abysses poussiéreuse d'une étagère de bouquiniste - dernier niveau, au ras du sol, la très appréciable décharge à ouvrages pratiques (car ils peuvent servir de cales à mobilier).

Déjà, notons un très beau titre, très inspiré. Au Quatrième Top..., ça en jette, surtout en collection SOS Espions des éditions Baudelaire. La couverture, c'est une autre affaire. Mais le gros problème, ce sont les pages intérieures : Elles sont décalquées mot pour mot sur le Deuxième Bureau Contre X des éditions de la Seine.
Sauf la toute dernière. C'est là tout le charme de cet attrape nigaud.
Car Deuxième Bureau Contre X se terminait en un happy-end lacrymal, avec Serge le Braconnier qui sauvait Martine ou je ne sais plus trop son nom des griffes de la prostitution, de la dépression chronique et des espions communistes. Cette fois, dans Au Quatrième Top, Serge se fait dessouder par le saligaud de la couverture dans une alternative-take du plus bel effet. Après 190 pages rédigées en troisième personne du singulier, Voila la première personne qui se pointe pour boucler les trois derniers paragraphes. Littérairement parlant, c'est un peu l'équivalent des stock-shots animaliers dans les films de Bruno Mattei.
"A ce moment, j'entendis un bruit sourd mais présent.
Au quatrième top, il sera...
Et puis ce fut tout... Une rafale de mitraillette coucha sur le ventre l'infortuné Serge...
Imperturbablement, on entendait dans ce funeste couloir de clinique : Au quatrième top, il sera..."
Sinon, sachez qu'il existe une troisième édition de ce grand classique de la spy-fiction franchouillarde... Je n'ai pas encore mis la main dessus mais je ne désespère pas. Cette fois, le titre est de nouveau Deuxieme Bureau Contre X. Un manque flagrant d'imagination.
Quant à l'identité du pauvre scribouillard masqué par le pseudonyme de Cesar Valentino, je n'en ai aucune idée. Ça pourrait très bien être Maurice Limat - la niaiserie tragique, c'est un peu son genre.
Mais ne soyons pas mauvaise langue...

SEMAINE NOIRE # 6 : ESPIONNAGE AU RABAIS POUR LECTEURS EN DETRESSE


BOITE DE NUIT POUR ESPIONS, FRANKIE BELINDA
COLLECTION LA LOUPE ESPIONNAGE, 1957

Chers amis, voici une perle bien périmé comme il faut, à la limite de l'illisibilité et du non-sens. Les aventures du colonel John Kallum, en de très nombreux volumes, tous signées par un certain Frankie (F.P.) Belinda, faux américain, vrai Belge, auteur discount mono-terrain officiant uniquement dans les latrines francophiles de l'espionnage made in années 50, quelque part entre du Paul Kenny ravagé et du Jean Bruce alourdi. Une classe à part, indiscutablement. Le plus beau fleuron de l'espionnage au rabais. Mais je reviendrais là dessus très bientôt, avec plus de détails.
(j'en fremis d'avance !!!)
Car Boite de Nuit pour Espions, c'est pas uniquement du Frankie Belinda. C'est même du demi Belinda. Moitié Belinda et moitié... on ne le saura jamais vraiment. 80 pages d'un scribouillard anonyme télescopées avec 80 pages en provenance directe du cervelet malade de ce cher Frankie.
À l'arrivée, ça donne un truc insensé - surtout que le lecteur, trop heureux d'obtenir ce splendide ouvrage avec une blonde pulmonée en couverture, n'était pas prévenu pour un sou. Il est où John Kallum dans cette histoire, bordel ? Et pourquoi c'est presque bien écrit pour une fois ?
Car, en effet, Boite de Nuit pour Espions, dans ses 80 premières pages, n'a rien à voir avec l'approximative diarrhée littéraire que nous distille habituellement Frankie. Pour tout dire, ça ressemble presque à un remake un peu branque de Comme Une Fleur de Richard Stark - avec un ex-boxeur au passé un peu louche qui règle ses affaires financières crapoteuses avec la toute finesse de son direct du droit. Pas très original, tout juste distrayant - et pour du roman poubelle, c'est assez exceptionnel.

Puis, page 86, enter Frankie Belinda. Et rien ne va plus.
Après une longue digression inter-textuelle au comique balourd et indigeste (merci Frankie), John Kallum débarque de nulle part et dégage sans ménagement le précédent narrateur. La suite n'a alors plus rien à voir avec la première moitié du bouquin. Un vrai massacre. Tout les personnages deviennent des espions à la solde d'une cinquième colonne germano-coco, n'entretenant plus d'autre rapport que nominatif avec leurs analogues de la partie Belinda-free. Forcement, l'auteur n'ayant rien d'autre à raconter, John Kallum fait le ménage à coup de fer à repasser les gens, versant dans l'action une petite larme émue pour la poupée pulmonée qui a dû y passer because, malgré ses accointances idéologiques pas très nettes, elle était quant même bien foutue la garce ("Son short, c'était voulu, était tellement étroit qu'on l'aurait cru peint sur ses fesses nerveuses").
Mais pour mieux conclure, autant laisser la parole à Frank :
"[...] l'auteur, ce splendide, ce formidable, cet auteur admirable qu'est l'auteur... vous l'aviez deviné... qui se trouve être dans un juste milieu entre les lecteurs et l'éditeur, ne conçoit plus de livre sans changement de rythme, sans atermoiements divers, judicieusement choisis, qui lui permettent d'allonger son texte, car le spectre des minimums de trois cent mille signes plane au dessus de la rotative qui l'imprimera et il adore la conscience professionnelle des typographes à qui sont confiés ses manuscrits alors... zut ! L'auteur ne sait plus où il en est [...] Qui est-ce qui m'a foutu un auteur pareil ?"
En effet...


DEUXIÈME BUREAU CONTRE X, CESAR VALENTINO
ÉDITIONS DE LA SEINE, 1954 ou 55 (?)

Non mais c'est quoi ce titre ? Deuxième Bureau contre X ? Pour un roman à l'eau de rose soporifique et sans l'ombre d'un quelconque agent, même retraité, de notre grand deuxieme bureau français ? Vous parlez d'une arnaque !
L'auteur, qui crut malin de se dissimuler sous le ridicule pseudonyme de Cesar Valentino (on t'a encore reconnu Maurice !), aurait mieux fait d'appeler son ouvrage Martine dans les Vosges. Du vrai torchon pour fillettes, à peine digne d'un bibliothèque verte défraîchi, avec une gamine bon chic bon genre qui gaspille ses vacances d'été dans cette passionnante région pleine de sapins et de barbus, fait la connaissance d'un beau péon un peu rebelle car braconnier, perd sa virginité au bord d'un lac suisse et, finalement, après moultes aventures que l'auteur aurait certainement adoré nous raconter si il en avait eu les signes necessaires, regagne Paris.
Bon, après, ça devient encore plus passionnant. Le braconnier se retrouve en prison. Martine se retrouve enceinte. Seule et sans emploi, elle décide alors de se prostituer pour élever sa fillette. Cette dernière meurt néanmoins d'une grippe foudroyante. Bon. Martine n'ayant rien d'autre à faire, elle continue à tracer sa voie dans la prostitution mais le braconnier, finalement sorti de prison, la retrouve, la sauve de la rue et après, c'est un happy-end grâce à l'argent qu'il a extorqué aux espions communistes.
...Je me disais bien que j'avais oublié quelque chose dans mon résumé.
Car, en effet, trois espions, dont un petit chinois pervers, se cachent dans les pages de cet extravagant roller-coaster émotionnel qu'est Deuxieme Bureau Contre X.
Si la couverture n'était pas aussi jolie, j'aurais certainement exigé un remboursement.


CETTE FILLE EST DANGEREUSE !, DIEGO SUAREZ
EDITIONS DE LA SEINE, 1954

Encore un titre mensonger et un pseudo craignos. Ça, c'est bien les éditions de la Seine. À une époque où n'importe quel scribouillard s'attribuait un blaze anglo-saxon bien viril pour mieux vendre sa soupe, notre super-éditeur de seconde zone préférait le charme suranné de l'Amérique du sud dans la ligné de l'hypercephalé Diego Michigan. Je sais pas si, commercialement parlant, ça fonctionnait si bien que ça. Cesar Valentino et Diego Suarez, c'est pas tip top comme marque. D'ailleurs, ni l'un ni l'autre n'ont fait long feu.
Mais attention, la comparaison s'arrête là. Diego Suarez, ça n'a rien à voir avec la guimauve Harlequin de Valentin. Diego Suarez, c'est aussi André Duquesne pour les lecteurs de la Série Noire, Peter Randa du coté du Fleuve Noir Special Police et Herbert Ghilen aux éditions de la Seine, qui de toute manière ne faisait pas très gaffe à l'identité de ses auteurs. Bref, Diego Suarez, à tout les niveaux, c'est pas du tendre.
Le bouquin débute à Paris, avec un dur un peu truand sur les bords qui se fait engager par un drôle de gus aux accointances louches pour escorter une poupée (la soi-disante dangereuse du titre) au Caire. En fait, tout ça n'est qu'un prétexte à des imbroglios d'espions sous le soleil du moyen orient, un genre qui faisait fureur dans les années 50, avec des ruskoffs qui suent, des allemands qui magouillent, des chintoks qui exécutent, des frenchies qui bastonnent et des arabes qui violent en groupe de trente notre pauvre héroïne jusqu'à ce que mort s'en suive.
Car cette fille n'était pas dangereuse du tout. Et notre auteur plutôt raciste, ce qui n'était pas vraiment à prouver - les serviteurs dans ce roman sont tous noirs, illettrés et se font quérir à coup de "négro, vient par ici." Charmant.
"Nous ne répondons même pas. Nous marchons droit à la porte d'entrée. Plus il y en aura et plus nous en tuerons. Nous sommes des machines, plus des hommes, et surtout pas des êtres humains."
Après un climax de violence froide façon polar italien des années 70 (chapitre 7), le roman s'essouffle peu à peu, jusqu'à se terminer sur une suite de coups de théâtre pas très passionnants. Mais l'intérêt est résolument ailleurs : dans le style, les descriptions et les propos des personnages, reflets de l'étrange personnalité de l'auteur. André Dusquene. Peter Randa. Diego Suarez. Un romancier populaire marginal, anarchiste d'extrême-droite, raciste, misanthrope, misogyne. Un incompris volontaire, à la fois militariste, individualiste et révolté. Une étrange combinaison pour des lectures au gout fort rance, écrites avec les tripes et gonflées de contradictions.
Du noir corsé, pas très recommandable - tout l'intérêt de la chose, non ?