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AMOUR, GORE ET BEAUTÉ

L'INHUMAINE CRÉATION DU PROFESSEUR LYNK, R.-G. MERA
ÉDITIONS DE LA CORNE D'OR / ÉPOUVANTE # 1, 1954


C'est une histoire de savant fou un peu bâtarde, le cul entre deux chaises.

Le savant fou en titre, le professeur Lynk, n'y est pas fou pour un sou - plutôt le genre chirurgien biologiste avec la tête solidement vissée sur les épaules - et son inhumaine création ne possède rien de véritablement monstrueux, au sens classique du terme.
Pas de pied bot, pas de cicatrices, pas de plaques en métal rivé au crâne ni d'écrous enfoncés dans le cou mais un physique de statue grecque antique, muscles saillants et visage d'ange, doublé d'un cervelet de génie à rendre jaloux un computer ENIAC dernier cri.
Surhomme issu de la science moderne
, Nouvel Adam du vingtième siècle - exactement comme il y eut, presque 70 années auparavant, une Ève Future de la révolution industrielle.
Son créateur ne s'y trompe d'ailleurs pas en le baptisant Adam Newman.
Pourquoi faire fin ? Le roman est tressé d'épais cordages. Aucune surprise dans ses prémices, ni dans leurs développements.

Primo, le professeur Lynk a un assistant. Ce n'est pas l'habituel Igor, avec sa bosse et ses furoncles, mais un certain Peter Hornby, bélatre quarantenaire trousseur de jupons.
Secundo, le professeur Lynk a une fille.
Elle s'appelle Ava, dix-neuf ans, faite au moule comme une pin-up de revue pour camionneurs.

1 plus 2 égale 3.
Hornby trousse les jupons d'Ava, qui n'attendait que cela pour devenir femme. L'amour et ses miracles. Mais faut corser la sauce. Ava rencontre donc Adam et là, c'est le drame. De l'inhumaine création à papa, elle en tombe amoureuse, fifille, et renvoie ce cher Peter Hornby à son célibat de vieux beau. Elle lui tient même, page 123, un discours de rupture sémantiquement hardi :
"Entre nous, Pete, je crois que le mot Amour est aussi imprononçable  qu'un accent circonflexe sur une consonne ! Votre séduction d'un soir aurait voulu être un accent sur ma vie ! Elle n'aura été qu'une faute d'orthographe ! vous espériez écrire ma vie avec des caractères que vous n'étiez pas capable de m'enseigner ! Souffrez donc que votre syntaxe ne soit pas la mienne et que votre faute de prononciation m'ait définitivement choquée !"
Voila qui sent la future institutrice !
Mais Hornby n'en démord pas. Il s'accroche. Car ce qu'elle ignore, Ava, c'est qu'Adam Newman a un petit défaut glandulaire... un petit défaut qui l'oblige, tous les 28 du mois, à se gaver de thyroïdes et d'hypophyses fraichement cueillies sur de fringants macchabées. Régime alimentaire fort sympatoche et qui colore en rouge gore le dernier quart du roman.
Les amateurs de carnage sur papier apprécieront ainsi (et entre autres joyeusetés) l’éventration d'une femme enceinte, via le pubis, par un Adam Newman en pleine fringale hormonale.
Mais malheureusement, pour les plus détraqués d'entre nous, le défouloir de tripaille et d’hémoglobine semblera certainement intervenir un petit peu trop tard dans le déroulement du bouquin. Et si l'écriture de R.-G. Mera constitue toujours, selon les standards du roman populaire rapidement abattu, un certain gage de qualité, on regrettera tout de même que cette Inhumaine Création du Professeur Lynk s'apparente plus à de la romance déviante cocotant méchamment l'eau de rose bon marché qu'à un récit d'épouvante éprouvant et tendu comme on pouvait l’espérer.

Reste une sublime illustration de couverture (serait-ce du Giordan ?), un étonnant chapitre 4 (quasi-indépendant du reste du roman), une chute finale rappelant celle de Morpho dans l'Horrible Docteur Orloff et quelques délicieuses cocasseries involontaires, promptes à ragaillardir le lecteur somnolant, comme cette déclaration de rupture précédemment cité ou ce passage évoquant à demi mots les troubles du service trois pièces d'Adam Newman.
Inutile, donc, de faire le difficile : ce n'est peut être pas très bon mais ça reste gouteux, d'autant plus qu'on tient là le parfait hybride entre les Aventures de Dracula, la collection Delly et un Fleuve Noir Angoisse des débuts.

LES AVENTURES DE DRACULA # 3

LE CHAT NOIR, MAX DAVE
BEL-AIR / AVENTURES DE DRACULA # 7, 1966

Les Aventures de Dracula se suivent et le schéma se confirme. À l'exception du troisième volume (Les Loups de la Violence, épisode très satisfaisant), il est inutile de chercher quelque qualité que ce soit aux textes hantant cette collection Bel-Air. On nage ici dans du fantastique italien avarié et indigent, exactement comme si Bruno Mattei remplaçait Bava et Freda sur leurs réalisations gothiques de la mid-sixties.
Quant aux marabouts de ficelles employés pour noircir du papier, à défaut d'être originaux, on leur accordera (soyons sympa) un constant renouvellement dans leur usage d'une imagerie bisseuse à forte tendance série Z.
Ainsi, et après un spectre de marquise revanchard, une horde de clones zombifiants, une femme-vampire Barbara Steelesque (ça, c'était le volume 3, et c'était bien !), un cheval sataniste dingo-fou et une bande d'extraterrestres azteques frits, c'est au tour d'un sérial-killer officiant à la hache, de sa vieille mère malade et de son chat maléfique prénommé Gep de nous distraire en accumulant comme il se doit les poncifs idiotiques, l’écriture laborieuse et la publicité pernicieuse pour diverses marques d'alcools qui font tout le sel des publications André Guerber.

Suite mécanique d'exactions sanguinolentes, Le Chat Noir se résume rapido-presto en une petite liste de course chez le boucher du coin, la ribambelle de cadavres faisait office de fil d'intrigue.
On débute donc gentiment, avec une petite vieille, mémé Haydin pour les intimes, qui se fait proprement zigouiller par le bucheron fou, puis on passe aux choses sérieuses. Notre homme charcute deux pauvres strip-teaseuses innocentes, Polly et Jane - "[Elles] étaient le dernier échelon de la société, elles le savaient mais gardaient quand même un peu de dignité." Ça ne les empêchera pas de salinguement se faire massacrer des pages 53 à 55.
Après ça, l'histoire vire au surnaturel foireux typique de cette collection. Le maniaque de la hache et sa vieille mère gâteuse se font épingler par la maison poulaga. Exécution publique et tout le tralala, jusqu'à ce que l'esprit ivre de vengeance du bucheron timbré revienne hanter le chat de la famille. Ce dernier prend alors les choses en main, coussinets inclus. C'est la revanche des pattes griffues de l'enfer. Gep le chat ne fait pas dans la dentelle mais étant donné l'ingratitude du style et la navrance des enjeux, le lecteur n'a pas trop de mal à se sentir consterné.
Poursuivons néanmoins le listing...
...Et, dans l'ordre d'apparition et d’exécution, ça donne :
- Un juge qui boit du OLD CROW BOURBON avant de gouter à la caresse des pattes velues du chat vengeur, se retrouvant ainsi le visage "complétement en lambeaux ; les yeux avaient été arrachés des orbites."
- Sa fille Margaret, fleur bleue, probablement encore vierge à 35 piges mais qui en pince secrètement pour Humphrey, le cousin aventurier "...il était resté très vide sans le sou, mais par contre, il avait tourné le monde." Vive les phrases Bel-Air !
- Une nouvelle marque de boisson alcoolisée, jusqu'à présent jamais apparue dans la série, le CHAMPAGNE BESSERAT DE BELLEFON. La classe !
- Un triste schnock, bourreau de son état, qui se fait découper en petites rondelles - "La tête du malheureux était presque détachée du corps et le visage, martyrisé, couvert de sang, était méconnaissable." Il aura tout de même eu le temps d’apprécier son ultime CINZANO BIANCO.
- La femme d'un officier de police, subissant un sort similaire dix pages plus tard, mais cette fois sans un verre de CINZANO. La pauvre.
Et enfin :
- Un officier de police (pas celui dont la femme vient de clamcer, l'autre) qui, voyant poindre la fin de l'ouvrage, s'improvise héros de circonstance et traque le chat assassin, tel un Dirty Harry des bas fonds de Baskerville.
"Il était sûrement lui aussi [...] sur la liste du chat assassin."
Heureusement pour céziguepate, à la fin, tout se termine bien. Le chat se fait trouer la pelure à coup de gros calibre .38 et le flic rentre fêter sa victoire chez bobonne, en s'envoyant un verre d'AMERICANO CINZANO.
Garçon, la même chose !

MALÉFICES PORNOS (1976)

Maléfices Pornos est l'histoire d'un rêve et du lien plus ou moins ténu qu'il entretient avec la réalité. Ça s'ouvre dans la banalité la plus confondante qui soit, ça se termine dans la noirceur extreme du fait divers.
Un homme (excellent Gilbert Servien) et une femme, dans un appartement minable. Lui ne peut pas bander. On l'a bien vu s'y essayer, quelques minutes plus tôt - partie fine entre amis dans le salon, mise en bouche ordinaire pour film X fauché - mais peine perdue. Sa tuyauterie ne répond qu'en courant aléatoire.
" Tu sais bien qu'tu peux pas " dit sa femme, hors champ, tandis que la camera se focalise sur un zizi rabougri que son propriétaire tente vainement de ragaillardir.
Le morne quotidien de l'impuissant.



Alors, le soir venu, privé de sa petite partie de jambes en l'air, il se plonge dans un roman de gare - Meurtres Vaudous de l'Anglais Roger Hutchings, publié dans une des multiples collections André Martel animées par ce fichu (faux) barbichu de Martin Meroy - avant de sombrer dans un songe caverneux.
Étant donné la suite du métrage, je l'aurait plutôt imaginé, notre homme, lisant Max Le Roi du Monde d'Hubert Burger. Car le rêve qui articule Maléfices Pornos est une implacable descente aux enfers et, si l'on n'y atteint pas le centre de la terre, l'Agarttha sacré et ses contrées secrètes, on se rapproche dangereusement du cœur d'une démence aussi saugrenue que sanglante.


Tombé dans les bras de Morphée, voila notre homme torturant des jeunes filles dans une grotte obscure. Remaquillé pour l'occasion, fardé de blanc, visage exsangue, il évoque un monsieur Loyal vulgaire et grotesque tandis que sa femme, transmutée en tigresse cruelle, assène en cadence d'énergiques coups de fouets.
Elle est vampire souterraine, wobina en cape et cuissardes noires, une complice de choix : rabatteuse de gisquettes, pourvoyeuse en chair fraiche, Zara de retour d'une virée à Pigalle.

"C'est du nanan," affirme-t-elle au sujet de la première cuvée du métrage, pas encore consommée. Le nanan, deux greluches geignardes, est enchainé à un rocher, flagellé, marqué au fer, violé, massacré.
Dans un fantasme évoquant ces photographies du théâtre du Grand-Guignol - par exemple, Denise Dax souffrant en noir et blanc, la pointe des seins coupés aux ciseaux - l'homme érecte enfin.


Film performance, en quelque sorte. Comme si une bande de spéléologues partouzards avaient pliés en quatre leurs facéties les plus délirantes pour mieux s'intégrer à la trame en deux cases par page de ces photo-romans sado-masochistes qu'André Guerber éditait à la fin des années 70.
Impression d'assister alors à la version cinéma d'un Satanika, Cinelove, Cinerotika ou autre Malissia - mais en plus furibard, en plus frénétique - en témoigne le clou du spectacle : Manu Pluton, hercule d'ébène, bavant et éructant, engloutissant une pâtisserie crémeuse avant de subir les outrages habituels puis de se rebeller.

Maléfices Pornos plonge alors dans la dinguerie la plus totale, pantalonnade morbide se concluant par un saccage de bagouse, retournement aussi brutal que burlesque avant un brusque retour à la réalité, point final logique et cafardeux, caustique comme les remugles de cet humour noir dont les ricanements semblent rebondir en échos infinis tout au long de cette fascinante bizarrerie filmique.
Le dvd de Maléfices Pornos fut offert aux 300 (et des poussières) souscripteurs du Dictionnaire des Films Français Pornographiques et Érotiques en 16 et 35 mm.
Outre une bande annonce fabriquée pour l'occasion, on y trouve une longue et savoureuse présentation du film par un Christophe Bier pince-sans-rire et farceur. Ensemble parfait que j'applaudis de tous mes membres (clavier inclu), tout en rêvassant moitement à d'autres sucreries de ce genre.
Oui, à quand un dvd du Draguse de Patrice Rhomm, de Spermula, de La Goulve, de la Main Noire, de Massacre Pour Une Orgie ou encore (entre autres choses) de Entrez Vite... Vite, Je Mouille ?

Messieurs les éditeurs sérieux, nous comptons sur vous !

JOËL HOUSSIN ET LE GORE

L'AUTOROUTE DU MASSACRE, JOËL HOUSSIN
L'ECHO DES SUPPLICIÉS, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR GORE # 2 & 14, 1985

C'est une récurrence chez Houssin, une sorte d'emblème stylistique. Le sanguinolent, l'éclatage de cervelle, les viscères en bouillie, toute la panoplie des étripages divers et des supplices graphiques dont raffole l'adolescent en quête de divertissement compensatoire, de littérature coup de poing.
Le motif était fortement présent dans Locomotive Rictus, il fut un peu plus effacé au Fleuve mais toujours tacite, à peine masqué. Houssin était l'écrivain brutal et nerveux par excellence.
Et si ses premiers Dobermann faisaient dans l'ultra-violence light ("une pénétration en douceur, très lubrifiée" dixit l'intéressé), les volumes suivants, que ce soit en Spécial Police ou en Anticipation, rattrapèrent bien vite le quota de boucherie généralisée qui caractérisa merveilleusement les débuts hallucinés de l'unique représentant de la génération électrocutée.
Ça tombe donc sous le sens. Lorsque Patrick Siry et Daniel Riche lancèrent au Fleuve Noir la collection Gore, ils ne pouvaient penser qu'à Houssin pour ouvrir le bal des atrocités - ce que l'auteur fit... d'une certaine façon... puisqu'il faudrait pour cela écarter de nos considérations un premier volume de collection à la présence plus symbolique qu'autre chose (il s'agissait de la novelisation par John Russo de La Nuit Des Morts Vivants).

L'Autoroute Du Massacre, premier Gore Français, prenait ainsi la forme d'un acte de naissance. Voire même de renaissance - renaissance de cette littérature horrifique francophone populaire, sans légitimation critique, qui s'était en partie éteinte après la défection d'Angoisse au milieu des années 70.
Commandé par Riche un an avant le lancement de la collection, L'Autoroute Du Massacre devait servir à l'établissement du mètre-étalon, ou plutôt du mode d'emploi du format Gore pour les auteurs francophones à venir. 150 pages, plus court qu'un Anticipation, écrit plus gros aussi, approximativement 200 mille signes. Voila la donne. De la littérature rapide, sans fioriture, sans intrigues poussées et surtout doté d'une dose conséquente d'hémoglobine. Un modèle de série b / x / z crapoteuse, racoleuse et brillante appliqué au roman de gare.
Il est d'ailleurs impossible de parler autrement de Gore qu'en abordant le registre cinématographique des salles de quartier. Avec son récit simple, parfaitement découpé, écrit à l'économie sans pour autant négliger le style, L'Autoroute du Massacre ressemble à un scénario de survival transgenre, quelque chose comme La Colline à Des Yeux de Craven carambolant le premier Humanoid From The Deep de la firme Corman. Des mutants squameux chassant l'homme et violant la femelle dans un no-man's-land moderne - ici, une bordure d'autoroute en plein bouchon du 15 aout. L'ensemble carbure en, permettez-moi, super-chrome 2000 mais - si l'on veut jouer au gars chiant - ça ne se dégage pas pour autant de la masse de bouquins Gore que le Fleuve Noir publia.
Certes, c'est bien mieux troussé qu'un Vila, bien plus dans le ton qu'un Pelot ou qu'un Arnaud et surtout bien moins tartignole qu'un anglo-saxon - ça s'affiche donc sans aucune difficulté dans le palmarès des 15 bouquins marquant de la collec' - mais, oh ! pour du Houssin, ce n'est rien de plus qu'un excellent minimum syndical. Pas un roman d'agrément comme Le Chasseur mais pas non plus une claque comme Blue, City ou Game Over.
Pour cela, pour la claque, pour le retournement de sens, pour (j'affirme, je confirme et je surligne) le meilleur roman de la collection, il vaut mieux se pencher sur le deuxième (et malheureusement dernier) Gore de Joël Houssin. L'Echo Des Suppliciés - apex surchargé et frénétique de la collection, morceau de bravoure dégueulasse où chaque page sur-enchérie la précédente, comme si l'auteur touchait enfin aux limites de son style roller-coaster... et les perçaient, impitoyablement - à l'image de ce skieur-victime, page 54/57, piégé sur un tire-fesse et se faisant flageller par des créatures infernales tout le long de sa montée vers un sommet funeste.

L'Echo Des Suppliciés, c'est donc, encore une fois, un bouquin de villégiature. L'autoroute du soleil a fait place aux montagnes enneigées des alpes. Houssin travaille le gore en fonction des RTT du lecteur populaire - et des siennes. Bouquin écrit sur la plage. Saine initiative.
C'est Les Bronzés deuxième édition, pollué jusqu'au fondement par du zombi rital aux coutumes sauvages.

Car si l'influence de L'Autoroute Du Massacre était purement américaine (Craven / Corman), L'Echo Des Suppliciés lorgne quant à lui sur les charniers de l'exploitation argentique transalpine - plus particulièrement sur le Frayeur et l'Au-Delà de Lucio Fulci.

Fini les planifications typique et téléphonées de la série B à l'américaine. Pour L'Echo Des Suppliciés, l'écriture de Houssin se fait furieusement automatique, retranscrivant sans rémission des cauchemars de plus en plus virulents, exactement comme si la Locomotive Rictus abandonnait ses oripeaux d'avant-garde pour revêtir ceux plus vulgaires mais tout aussi ludiques du divertissement de masse.
Et exactement comme dans la Locomotive, exactement comme dans les deux films Fulci, le récit est fracturé jusqu'à l'excès, jusqu'au trop plein.
L'Echo Des Suppliciés s'éparpille en figures narratives mais garde une progression franche et chronologique.
Car ici, l'éclatement des points de vue n'a pour seule finalité que l'incroyable multiplicité de sévices ultra-créatifs appliqués aux divers personnages...
Tout comme le mélange d'aberrations d'outre-tombe qui hantent cet écho infini (morts-vivants, goules, lombrics, sorcières, nature déchainée, serial-killer) ne vise qu'à une augmentation paroxysmique de la folie jusqu'à ce point de non-sens ultime, tourbillon grand-guignolesque qui, dans ses dernières circonvolutions, en révèle bien plus au lecteur que ce que l'œuvre affichait de prime abord à l'acheteur.

"Je pense qu'on n'est jamais allé aussi loin dans les descriptions cliniques des scènes d'horreur" déclarait Houssin dans son auto-entretien pour le Bel Effet Gore, anthologie didactique de la collection. En effet. On ne peut tomber plus juste. Et il est bien difficile de faire mieux.
L'Echo Des Suppliciés est le one-shot qui grille toutes les cartouches du genre.
"Je voulais faire la totale" rajoute-t-il aujourd'hui.

Objectif atteint. L'Echo Des Suppliciés, c'est l'exérèse ultime. Le roman n'affiche plus que des patins à désarticuler en guise de héros. Du scenario de shocker moderne débridé, nous passons à la poésie charnelle et indicible, forcement morbide, des corps soumis à d'incoercibles supplices - supplices n'ayant aucune autre logique que celle d'un cartoon dégénéré.
C'est Chuck Jones perdu dans des délires homicidaires (le gamin et sa luge, page 42). C'est l'obscénité poussée jusque dans ses derniers retranchements. C'est une suite infinie d'images barbares dont les répercutions oscillent constamment entre rire et effroi.

Exercice de style récréatif. Défouloir décérébré et jouissif. Au choix.
Mais il ne faudrait pas oublier que, derrière la pluie incessante d'organes à vifs, L'Echo Des Suppliciés s'affirme (imperceptiblement) comme un grand roman d'humour noir.
"Des salves d'applaudissements de foules idolâtres explosaient dans l'abdomen du pendu tandis que son anus alésé comme une gueule de loup répandait des fracas d'holocauste en guise de pets."
En abordant ce roman dans son guide du Gore, Jean-Philippe Mochon écrivait "je mets au défi quiconque de lire ce bouquin d'un traite" - mais, bien au contraire, ce ne peut être que dans une lecture sur l'instant, en moins d'une heure trente et sans pause, que L'Echo Des Suppliciés embrasse toutes ses dimensions.
Œuvre excessive autant que populaire, ou plutôt populiste, en tout cas soleil noir indiscutable du roman de gare, L'Echo Des Suppliciés permit à Houssin de dire :
"il n'est jamais trop tard pour aller trop loin."
Et en 150 pages, nous allons loin, très loin. Il aurait d'ailleurs été intéressant de poursuivre l'expérience, au delà, sur un autre volume peut être, mais L'Echo Des Suppliciés fut la dernière offrande de Houssin à la collection. Lui qui reprochait à GJ Arnaud d'avoir quitté Gore après deux volumes n'est finalement pas allé plus loin dans l'exercice.

Qu'importe.
L'essentiel est là. Et puis, aurait-ce été bien raisonnable d'aller plus loin ? Surtout : aurait-ce été possible ? Houssin n'avait-il pas tout dit en ces 150 pages aussi fracassantes que fascinantes ?
Pour reprendre encore une fois ses mots : "gardons nous d'être secs avant l'âge."

ELVIFRANCE: INCUBE # 80 (1990)

Pas tous les jours facile d'être un robot obsédé sexuel, pervers et sadique. Tenez, prenez le méchant cyborg d'Incube # 80. Les salauds qui l'ont conçu ne l'on même pas doté d'une bistouquette.
Devant une telle infamie, tu comprends que le gars soit salement remonté. Du coup, il extermine tout le monde en éclatant têtes et organes sans ménagements avant de perforer divers orifices avec de bien larges et bien grosses barres de fer.
Mais comme notre bonhomme en boite de conserve est aussi un petit malin foutrement débrouillard, il décide de s'auto-up-grader lui-même et se confectionne son bambou personnel avec les moyens du bord.
La pauvre fille... elle va charger...

ELVIFRANCE : WALLESTEIN # 11 (1978)

Un seul mot pour décrire cette couverture : brutal !

SATANIK # 16 (1967)


ouille !

UNE PETITE APPRÉCIATION GORE

IMPACTS, CHARLES NÉCRORIAN
BLOOD-SEX, CHARLES NÉCRORIAN
FLEUVE NOIR GORE # 30 & # 5, 1985 & 1985

Dans une interview pour l'anthologie Le Bel Effet Gore et au sujet d'Impacts, Nécrorian déclarait, je cite de mémoire, y-a-t-il quelque chose de plus gore que la guerre ? Ce à quoi il aurait très bien pu rajouter : y-a-t-il de guerre plus gore que le Vietnam ?
Je me rappelle, à une époque où Montpellier disposait encore d'un lieu de diffusion pour amateurs de pellicules étranges, avoir vu une bobine informative produite par l'armée Américaine au début des années 70 et destinée aux personnel soignant en partance pour le front viet. Il s'agissait d'une suite de longues séquences détaillant toutes les situations humaines et chirurgicales auxquelles les futures recrues auraient à faire face. Les images avait le détachement propres aux documentaires médicaux et ça rendait la chose encore plus insoutenable. Un membre par-ci, une peau décollée au naplam par-là, ce n'était pas un film de propagande, c'était l'inverse - le message de l'armée étant "si vous trouvez ce film dégoutant, inutile de vous engager." C'était la représentation sans filtre de la sauvagerie guerrière. Et en lisant Impacts, c'était un peu à ça que je pensais.

Impacts fonctionne comme un film de Vetsploitation fin seventies, façon Combat Shock ou Forced Entry. C'est un vétéran marginalisé qui pète son dernier boulon valide dix années après être rentré au pays et commet des actes criminels atroces, sortes de reminiscences de ses traumatismes guerriers.
Nécrorian connait ses classiques : Le fil narratif est régulièrement interrompu par des flashbacks du Vietnam, fonctionnant ainsi comme un miroir pour les exactions au présent et éclairant peu à peu les raisons exactes du déséquilibre mental affecté par le personnage principal. Le rythme monte crescendo, l'écriture est sèche et l'ambiance (tendance sudiste cradingue) excessivement âpre. L'ensemble ne présente au demeurant rien de très original mais Nécrorian, maitrisant parfaitement son sujet, livre là l'un des dix meilleur roman de la collection, un truc implacable, à la fois racoleur et pertinent, vulgaire et saisissant.

C'est donc très encourageant puisque de Charles Nécrorian, et de Jean Mazarin tout court (l'homme qui se cache derrière ce charmant pseudonyme), je ne connaissais que Blood-Sex, son premier et légendaire Gore, et j'en avais gardé un assez piteux souvenir - celui d'une bouillie sanguinolente et sexuelle pas très passionnante, d'un twist final illogique mais amusant et d'une figure centrale, celle de l'artiste sadique, de l'écrivain tueur, trop clichée pour être appréciable.
Blood-Sex (superbe titre, tout de même) se voulait dérangeant et choquant mais ne provoquait, de par son étalage d'abominations faciles, que lassitude et ennui.

Pour Impacts, ce fut le résultat inverse. Du coup, j'ai acheté quelques autres Mazarin. On verra bien ce que ça donnera...


L'ÉTAT DES PLAIES, CORSÉLIEN
BRUIT CRISSANT DU RASOIR SUR LES OS, CORSÉLIEN
FLEUVE NOIR GORE #48 & # 61, 1987 & 1988

Puisque nous sommes en plein dans le Gore, un petit point sur Pascal Marignac, dit Kââ, dit Corsélien, dit Behemoth.
Behemoth, j'en avais dit énormément de bien il y a de cela un peu moins d'un mois (et ici-même) avec un roman véritablement dingue, Voyage Au Bout Du Jour, une histoire de pieuvres géantes et meurtrières aux services de malades mentaux misanthropes. Bien que publié par un éditeur relativement différent (Patrick Siry), Voyage Au Bout Du Jour constituait en quelque sorte son troisième roman Gore.

(Mais peut-on appeler ça du Gore ? Car, et exception faite de l'imagerie sadique, nous sommes, avec Corsélien, à l'opposé exact des défouloirs saignants type Nécrorian - l'intéressé le dit lui-même : "[...] je ne suis pas persuadé de faire du gore, au sens commun où on l'entend, et je crois que si il y a un modèle du gore, c'est Joël Houssin, c'est pas moi. Mais j'estime que j'ai le droit de faire des variations autours du genre.")
Reprenons. J'ai donc l
u les deux roman précédents de Marignac / Corsélien.

L'État Des Plaies, son tout premier dans le genre (et qui, au passage, arbore une superbe couverture featuring Caroline Munroe), nage dans les mêmes eaux que Voyage Au Bout Du Jour. Il suffit de remplacer le cadre d'entreprise dépressif perdu dans la campagne Bretonne par un jeune Gendarme en activité dans la campagne Lozérienne et les pieuvres géantes par des tigres affamés. Il y a aussi des malades mentaux misanthropes qui, de par des actes sauvages et meurtriers, font sombrer le héros et sa compagne dans la folie.

La même formule est aussi appliquée à Bruit Crissant Du Rasoir Sur Les Os (mais quel titre !) où un jeune médecin officiant en pleine campagne aveyronnaise se retrouve aux prises avec un groupuscule de mystiques misogynes qui, petit à petit, le feront sombrer dans la folie totale.
Suis-je en train de dire que tout les romans de Pascal Marignac sont bâtis sur le même schéma ? En effet, mais cette ressemblance ne constitue en aucun cas une dénégation de la qualité de ses textes.
Je ne me répéterai pas : Tout ce que j'ai dit de positif au sujet de Voyage Au Bout Du Jour est aussi valable pour L'État Des Plaies ou Bruit Crissant Du Rasoir Sur Les Os. Ces trois textes fonctionnent en fait comme le même point de vue montré à trois instants doucement différents. Peu de choses varient mais ce sont les détails qui attirent l'attention. Et si j'ai très certainement préféré Voyage Au Bout Du Jour (pour ses pointes d'humour noir fortement incisif), il faut tout de même noter qu'avec ces deux romans, nous sommes, véritablement, dans les sommets littéraires (et non pas charcutiers) de la collection.

MISANTHROPIE ET PIEUVRES GÉANTES

VOYAGE AU BOUT DU JOUR, BEHEMOTH
PATRICK SIRY / MANIAC # 3, 1988

Avant ce Behemoth, je n'avais jamais ouvert de Pascal Marignac.
Marignac, c'était Kââ en Spécial-Police et Corsélien en Gore. Et aussi, mais uniquement pour ce court one-shot horrifique sur le radeau éditorial de Patrick Siry
, Behemoth.
Bref, Marignac, je ne le connaissais que d
e réputation et c'était plutôt vague. Excepté Brussolo qui en ré-édita quelques-uns au Masque, personne n'en parlait vraiment. L'auteur était (et reste) un trou noir dans la littérature contemporaine.
L'attestation est assez déprimante. Je n'ai rarement lu de bouquin aussi sidérant et efficace que ce Voyage Au Bout Du Jour. D'ailleurs, une fois terminé, j'ai passé le reste de mon après-midi à récupérer tout ce que je pouvais de Kââ/Corsélien en bacs à soldes de bouquinistes. Absence de notoriété aidant, ça me fit une sacrée belle pile à l'arrivée.
Mais reprenons. Voyage Au Bout Du Jour, comme tout les autres Maniac de Patrick Siry, je l'avais acheté pour la couverture de Gourdon. La pieuvre géante est un argument de vente non négligeable. Bon, passé le premier chapitre (saisissant), je me demandais comment Marignac/Behemoth allait s'y prendre pour nous foutre dans son roman noir, dans ce périple d'un cadre financier parti en Bretagne pour (dixit) se faire chier un maximum, des pieuvres géantes et, de surcroit - mais j'imagine que ça va de pair - meurtrières.
20 pages plus loin, il y arrive mais à ce moment là, on s'en tape un peu des pieuvres géantes meurtrières. Le point central, ce qui capte alors l'attention, c'est l'écriture, travaillée à l'extrême, presque alambiquée, et pourtant aussi limpide que le plus vulgaire des romans de gare. Bêtement, je pensais autant à Manchette qu'à Pierre Pelot lorsqu'il écrit des trucs désespérés à l'extrême façon Le Sourire Des Crabes - à moins qu'il ne s'agisse de certains G.-J. Arnaud, je ne sais pas trop...
La comparaison avec Manchette s'imposait par le style tordu employé par Marignac et les descriptions glaciales de personnages en proie à une folie dérisoire et étrangement drôle. Voyage Au Bout Du Jour, c'est tout d'abord de la misanthropie pincée, puis ça se transforme en un ricanement torve qui monte crescendo et brouille tous les enjeux. Rien à voir avec un Fleuve Noir habituel, avec du Gore, avec un récit fantastique quelconque, avec un pauvre néo-polar des années 80. C'est brusque et rapide, ridicule et furieux. On ne s'y attend pas. C'est un cadre financier pas très net qui se fait chier un maximum dans un coin paumé hanté par des pieuvres géantes dressées pour tuer. OK. Il y a des autochtones qui crèvent, des touristes sadiques, du sexe tentaculaire, beaucoup d'ennui et, petit à petit, le mec perd la boule. Ou quelque chose d'approchant... Et le texte se transforme à nouveau. Mais j'en dis possiblement un peu trop et c'est très con puisque, finalement, je n'ai rien d'autre à écrire que : "ce roman est génial, fou et constitue ma meilleure lecture de ces trois derniers mois."
Il faut parfois savoir être bref.