LOCOMOTIVE RICTUS, JOËL HOUSSIN
OPTA COLLECTION NEBULA, 1975
Enfin ! Du Joël Houssin ! J'aurais dû aborder cet auteur depuis belle lurette déjà. Car, voyez-vous, sans Joël Houssin, je ne passerais probablement pas mes dimanches à mettre à jour ce blog. J'ai découvert Anticipation, la Spéculative-Fiction et les bouquinistes grâce à ses romans - fin 90, juste avant mon bac, pleins de boutons purulents sous le soleil ... Quelle nostalgie, bordel !
Mais trêve d'auto-fiction. Joël Houssin, au milieu des années 70, c'était la relève francophone, les banlieues rouges, la génération électrocutée - en référence à la hung-up generation de Harlan Ellison, grand manitou des Dangereuses Visions, le double missel de la Spéculative.
Houssin débutait alors dans les colonnes de la revue Fiction, encouragé par un Alain Doremieux en pleine montée New Thing. C'était l'époque d'Espaces Inhabitables et de Nouvelles Frontières, d'Anti-Mondes et de Nebula. La période la plus dingue de la S-F, où tout s'écrivait sous substances avec une petite dose additionnelle de cut-up Burroughsien et quelques mesures d'incartade politique en mode ultra-gauche abstraite.
Dans les anthologies fleurissantes et les revues spécialisées, ça se traduisait par la présence répété au sommaire des habituels Daniel Walther, Bernard Blanc, Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay et tous leurs amis du parti. Il n'y avait pas foule mais ça constituait une donne de départ plutôt acceptable. Et quant ils ne passaient pas leur temps à se tirer dessus à boulets rouges via des pamphlets abscons sur la place de la politique dans la S-F, nos auteurs écrivaient des nouvelles. Elles était parfois ennuyeuses, parfois illisibles et parfois décapantes. Certains auteurs n'atteignirent pas le cap du premier roman, ni même celui de la troisième nouvelle. Il semblerait que Doremieux ou Fremion recevait de temps à autres des courriers hostiles d'un lectorat pas forcement conquis par ces avant-gardes.
Mais je commence à déraper hors sujet.
Dans cet ensemble hétéroclite de scribouillards à la cervelle en fusion et au poing en l'air, se trouvait Joël Houssin, le jeune loup aux dents longues.
Joël Houssin sortait du lot de la nouvelle Science-Fiction Française pour deux raisons :
l'influence anglo-saxonne en trinité Dick/Spinrad/Ellison totalement assumée et digérée, et un style coup de poing à la puissance de frappe inégalable.
Houssin, c'était de la Spéculative explosé à l'atome, brutale, déchainée, entre Le Grand Flash de Spinrad et Klimax de Daniel Walther.
Comme comparaison, je ne pense pas que ça vous éclaire beaucoup...
Bref, 1975, une année après sa toute première nouvelle (fiction # 249, septembre 74), Opta sort le premier bouquin de Houssin, Locomotive Rictus. Le format est bâtard, façon Galaxie-Bis avec un long récit et deux nouvelles en clôture.
Concentré en 180 pages, Locomotive Rictus, le récit, a déjà la forme d'un Anticipation du Fleuve, revu et corrigé par un camé à l'imagination débordante et malsaine.
Situant son bordel narratif dans une société déglinguée par l'inévitable holocauste nucléaire des années 60-70, Houssin met en scène l'affrontement sans merci des deux classes survivantes : les Laminés, représentants de la norme vivants à leurs aises dans des forteresses de béton, et les Contaminées, hordes de punks mutants à la dialectique marxiste totalement dégénérée.
Le roman se concentre principalement sur la personne de Joe Apocalyps, un nanti laminé, présentateur télé imbu de lui-même et über-exubérant, un peu comme le Jack Baron de Norman Spinrad, minus l'éthique.
Notre gars a mis au point le Mega-Hallucid, une machine incompréhensible destiné à extraire des prophéties d'un fœtus démoniaque enfermé dans le ventre d'une folle. Tout cela pour faire un max d'audimat et, accessoirement, sauver le monde du soulèvement massif des Contaminés désormais en seconde phase évolutive, tendance loup-garou sanguinaire.
La suite, c'est un bombardement de visions infernales et de situations dérangeantes. Bien qu'Houssin cite le Blue Oyster Cult, Locomotive Rictus est aussi jouissif qu'une intégrale live de Throbbing Gristle. Torture corporelle, dimensions de sperme, torrents de violence graphique. Un roman en perpétuelle descente d'acide, de plus en plus sombre, de plus en plus fou. Un soleil noir sur lequel Houssin nourrira ses succès à venir. Un roman jamais réédité depuis la première mort des éditions Opta (circa 79) et pourtant aussi essentiel que, disons, le Gambit des Étoiles.
Quant aux fill-in de luxe qui comblent les 50 dernières pages, il s'agit de Avez Vous Peur du Noir ? suivi par Errat-Homme.
Je passe là dessus rapido : le premier fait dans l'apocalypse raciale, le second dans l'apocalypse politique. C'est court, sans fioriture et radical. Deux belles cerises radioactives sur un gâteau degoulinant d'humeurs cervicale.
OPTA COLLECTION NEBULA, 1975
Enfin ! Du Joël Houssin ! J'aurais dû aborder cet auteur depuis belle lurette déjà. Car, voyez-vous, sans Joël Houssin, je ne passerais probablement pas mes dimanches à mettre à jour ce blog. J'ai découvert Anticipation, la Spéculative-Fiction et les bouquinistes grâce à ses romans - fin 90, juste avant mon bac, pleins de boutons purulents sous le soleil ... Quelle nostalgie, bordel !
Mais trêve d'auto-fiction. Joël Houssin, au milieu des années 70, c'était la relève francophone, les banlieues rouges, la génération électrocutée - en référence à la hung-up generation de Harlan Ellison, grand manitou des Dangereuses Visions, le double missel de la Spéculative.
Houssin débutait alors dans les colonnes de la revue Fiction, encouragé par un Alain Doremieux en pleine montée New Thing. C'était l'époque d'Espaces Inhabitables et de Nouvelles Frontières, d'Anti-Mondes et de Nebula. La période la plus dingue de la S-F, où tout s'écrivait sous substances avec une petite dose additionnelle de cut-up Burroughsien et quelques mesures d'incartade politique en mode ultra-gauche abstraite.
Dans les anthologies fleurissantes et les revues spécialisées, ça se traduisait par la présence répété au sommaire des habituels Daniel Walther, Bernard Blanc, Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay et tous leurs amis du parti. Il n'y avait pas foule mais ça constituait une donne de départ plutôt acceptable. Et quant ils ne passaient pas leur temps à se tirer dessus à boulets rouges via des pamphlets abscons sur la place de la politique dans la S-F, nos auteurs écrivaient des nouvelles. Elles était parfois ennuyeuses, parfois illisibles et parfois décapantes. Certains auteurs n'atteignirent pas le cap du premier roman, ni même celui de la troisième nouvelle. Il semblerait que Doremieux ou Fremion recevait de temps à autres des courriers hostiles d'un lectorat pas forcement conquis par ces avant-gardes.
Mais je commence à déraper hors sujet.
Dans cet ensemble hétéroclite de scribouillards à la cervelle en fusion et au poing en l'air, se trouvait Joël Houssin, le jeune loup aux dents longues.
Joël Houssin sortait du lot de la nouvelle Science-Fiction Française pour deux raisons :
l'influence anglo-saxonne en trinité Dick/Spinrad/Ellison totalement assumée et digérée, et un style coup de poing à la puissance de frappe inégalable.
Houssin, c'était de la Spéculative explosé à l'atome, brutale, déchainée, entre Le Grand Flash de Spinrad et Klimax de Daniel Walther.
Comme comparaison, je ne pense pas que ça vous éclaire beaucoup...
Bref, 1975, une année après sa toute première nouvelle (fiction # 249, septembre 74), Opta sort le premier bouquin de Houssin, Locomotive Rictus. Le format est bâtard, façon Galaxie-Bis avec un long récit et deux nouvelles en clôture.
Concentré en 180 pages, Locomotive Rictus, le récit, a déjà la forme d'un Anticipation du Fleuve, revu et corrigé par un camé à l'imagination débordante et malsaine.
Situant son bordel narratif dans une société déglinguée par l'inévitable holocauste nucléaire des années 60-70, Houssin met en scène l'affrontement sans merci des deux classes survivantes : les Laminés, représentants de la norme vivants à leurs aises dans des forteresses de béton, et les Contaminées, hordes de punks mutants à la dialectique marxiste totalement dégénérée.
Le roman se concentre principalement sur la personne de Joe Apocalyps, un nanti laminé, présentateur télé imbu de lui-même et über-exubérant, un peu comme le Jack Baron de Norman Spinrad, minus l'éthique.
Notre gars a mis au point le Mega-Hallucid, une machine incompréhensible destiné à extraire des prophéties d'un fœtus démoniaque enfermé dans le ventre d'une folle. Tout cela pour faire un max d'audimat et, accessoirement, sauver le monde du soulèvement massif des Contaminés désormais en seconde phase évolutive, tendance loup-garou sanguinaire.
La suite, c'est un bombardement de visions infernales et de situations dérangeantes. Bien qu'Houssin cite le Blue Oyster Cult, Locomotive Rictus est aussi jouissif qu'une intégrale live de Throbbing Gristle. Torture corporelle, dimensions de sperme, torrents de violence graphique. Un roman en perpétuelle descente d'acide, de plus en plus sombre, de plus en plus fou. Un soleil noir sur lequel Houssin nourrira ses succès à venir. Un roman jamais réédité depuis la première mort des éditions Opta (circa 79) et pourtant aussi essentiel que, disons, le Gambit des Étoiles.
Quant aux fill-in de luxe qui comblent les 50 dernières pages, il s'agit de Avez Vous Peur du Noir ? suivi par Errat-Homme.
Je passe là dessus rapido : le premier fait dans l'apocalypse raciale, le second dans l'apocalypse politique. C'est court, sans fioriture et radical. Deux belles cerises radioactives sur un gâteau degoulinant d'humeurs cervicale.
2 commentaires:
Merci pour cette découverte, je ne connaissais Houssin que de nom, béotien que je suis...
Je viens de me le procurer, bien hâte de le lire !
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