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JEAN ROLLIN ET LA LITT' POP'

Jean Rollin n'est plus. Coïncidence étrange (?), hier au soir, le Blog of Terror lui consacrait un très bel article. "Jean Rollin voit un monde triste qu'il tente de réenchanter, de rendre à nouveau désirable."
Aujourd'hui, les hommages pleuvent. L'exercice est bien souvent creux. Pour citer monsieur Medusa, "c'est comme ça ici bas, on se rend compte de la valeur des gens une fois qu'ils sont partis !"
Je préfèrerai ne donc pas m'attarder sur le territoire des afflictions patrimoniales. Malheureusement, il existe une facette de Jean Rollin que l'on évoque très rarement alors qu'elle constitue une composante essentielle de son œuvre. C'est celle du Jean Rollin amateur de littérature populaire, toqué de Fantômas, fondu de romans à quat'sous.
Je ne parle pas du Jean Rollin écrivain (une poignée de romans au Fleuve Noir et chez Florent-Massot) mais bien du Jean Rollin lecteur, éponge à mots et à images, formé à la "marginalité anarchisante " par les publications dénigrées du roman de gare.
Exploitation sur papier. Explosion imprimée de fantasmes, de poésie, de folie.
"C'est vrai que cette littérature bon marché à influencé les adolescents que nous étions."
On le savait amoureux des sulfureuses héroïnes de George Maxwell, du style désespéré de Claude Ferny, du Salauds ! de Anta Grey.
De cette éducation en dehors des sentiers battus, Jean Rollin tirera une très belle postface. Elle accompagne la réédition des Anges De La Mort d'André Helena (Fanval Noir, 1988) et si l'écrivain narbonnais occupe dans cette évocation une place centrale, Rollin aborde tout de même une très large portion de sa fascination pour les feuillets poussiéreux des mauvais genres.

"Il ne nous serait jamais venu à l'idée d'acheter un livre neuf."
En quelques phrases, en quelques pages, il donne littéralement corps à cette passion bizarre que la bibliophilie normale récuse, à cette errance/recherche de trésors oubliés, à cette obsession étrange pour des textes qui, aux yeux de tous, ne suggèrent "rien qui vaille."









Et si Jean Rollin n'est plus, rien ne m'empêche cependant d'imaginer que, dans une dimension parallèle à la notre, il réalisa pour le grand écran une adaptation cinématographique des aventures de la Môme Double-Shot avec Brigitte Lahaie dans le rôle-titre.
Chacun son truc, non ?...

ATTENTION : ARNAQUE ÉDITORIALE

PASSEPORT POUR L'AU-DELÀ, ANDRÉ HÉLÉNA
LE CHAMP-DE-MARS / LE MOULIN NOIR # 36, 1962

Je possède deux éditions différentes du Passeport Pour L'Au-Delà de André Héléna - enfin, c'était plutôt ce que je croyais, naïf que je suis !
La première, c'est bien entendu l'originale, parue en 1953 chez E. Viney Éditeur avec une sublime couverture signée Jef De Wulf.
La seconde, celle qui nous intéresse aujourd'hui, est une production des Éditions Du Champ-De-Mars, numéro 36 de leur collection policière le Moulin Noir et daté de 1962. Mais il ne s'agit pas d'une réédition. Ce n'est pas du tout le même texte. Et il ne s'agit certainement pas non plus d'un roman d'André Héléna. Surprenant ?

Non, pas vraiment.
Le Champ-De-Mars est l'une des nombreuses façades éditoriales jetables de nos filoux adorés de la maison Bel-air/Baudelaire/Beaulieau et cie.
Des mecs capables d'éditer n'importe quoi n'importe comment pour une poignée d'anciens francs. Ceci explique donc cela.
Et si le Passeport Pour L'Au-Delà original était une sombre et magnifique histoire de vengeance (mais plutôt optimiste comparé aux autres volumes de la série les Compagnons du Destin - les description d'un Paris printanier y sont certainement pour beaucoup...), cette nouvelle version pirate fait dans le recit débilitant d'une vie criminelle d'après-guerre totalement inintéressante.

Je résume, ça vous évitera à le subir si vous croisez sa route aux puces.
(un conseil : fuyez. La couverture n'en vaut même pas le coup.)

Donc : Suzy, Max, Louis et tous leurs potes truands d'eau douce à prénoms vintage et surnoms peu inspirés (le grand, l'athlète, le petit, j'en passe et des pas mieux) font leur beurre dans le trafic d'opium pour françaises moyennes. Un marché assez juteux puisque les ménagères de plus de 60 ans sont toutes accro à la fumée orientale. Qui l'eu cru, hein ? Et ça se passerait plutôt bien pour notre bande de naves en titre si un groupe concurrent tout aussi moisi qu'eux n'avait pas décidé de foutre en l'air leur bizness, 160 pages durant, pour récupérer à leur compte le beurre et l'oseille qui va avec.
Voila, j'ai tout dit. Il se passe rien d'autre. Car, dans la plus pure tradition du roman Bel-Air, ce Passeport-là patine pas mal dans la semoule jusqu'à s'y enliser lamentablement - et ce, sans même réussir à faire rire. L'écrivain anonyme derrière cette chose semble presque improviser son histoire page après page, sans passion ni substance alcoolisée dans le sang. Rien à voir avec la folie syntaxique destructuralisée (n'ayons pas peur des mots, bordel !) d'un Jean Normand totalement tire-bouchonné, notre André Helena factice sonne plutôt comme un Peter Viane balourd, avec cette même approche minimum-syndicale du genre, la violence en moins et l'esprit beauf/petit français en plus.

Au rayon de l'originalité stylistique, tout juste notera-t-on les nombreuses difficultés que notre écrivain mystère éprouve dans l'établissement d'une distinction narrative entre première et troisième personne du singulier. Mais pas de quoi faire bander un âne. Préparez-vous donc à un 100 mètres sprint du saut de paragraphe en série.

Pour les curieux, la quatrième de couverture affiche un listing partiel des précédents ouvrages publiés par la collection. Et c'est assez intriguant puisque des titres comme Symphonie En 6,35 ou Le Monstrueux Professeur Lynk, je les connais... mais chez d'autres éditeurs. Reste donc à découvrir si il s'agit là de véritables rééditions ou si, à la manière de ce André Helena/Passeport Pour L'Au-Delà, ce ne sont que des noms repiqués pour mieux refourguer les fonds de tiroirs de l'amicale des scribouillards manchos.

PS : en fait, il semblerait que ce (faux) Passeport Pour L'Au-Dela, signé André Helena (junior) et publié par inénarrable Mister Guerber, soit une réédition masquée de Massacre Pour De La Fumée par Jacques Alexandre.
Affaire à suivre, donc...

SEMAINE NOIRE # 4 : DE LA PRODUCTION AU KILOMETRE


LA MORGUE... TERMINUS !, ROGER DUCHESNE
ÉDITIONS LE TROTTEUR, 1953

C'est assez amusant toutes les surprises que peuvent réserver les romans policier des années 50. Je ne parle pas des intrigues lâches et du style essoufflé que l'on retrouve trop souvent dans la petite production de gare, mais plutôt de l'identité même des auteurs.
Par exemple, Roger Duchesne - un acteur des années 30, second rôle notoire jusqu'à une fin de carrière forcée à la libération pour cause de collaboration. Il se reconverti alors en tenancier de cabaret, écrit un roman puis monte un casse de 800 000 Francs et passe deux ans en prison. A sa sortie, il se lance à nouveau dans l'écriture, pour le compte de Roger Dermée, l'homme du 5 rue des moulins aux multiples collections de polars violents, érotiques et bon-marché. Au total, il rend 4 ou 5 romans, dont La Morgue... Terminus !, puis disparaît de la circulation.
Trois ans plus tard, c'est Jean-Pierre Melville qui le retrouve pour lui proposer le role de Bob Le Flambeur, dans le film du même nom. Duchesne est alors garagiste Porte Saint-Ouen. Bob Le Flambeur sera son avant-dernier rôle, celui de toute sa vie, à la fois testament fataliste renié par l'acteur et pierre d'achoppement de l'oeuvre policière de Melville.
Mais revenons-en à La Morgue... Terminus ! - un fort joli titre pour un roman qui s'ouvre comme une autobiographie romancée. Notre héros, Jean Brames, est un honnête travailleur qui vient de purger deux ans de cabane pour un détournement de fond qu'il n'a pas commis. Toute juste libéré, il n'a qu'une idée en tête : obtenir des explications sur sa mésaventure. Il retrouve alors Gerard Jubier, son ex-associé, à la fois meilleur ami et concurrent romantique. Après une entrevue qui tourne au vinaigre, Brames se rend compte qu'il a été manipulé par ce dernier. Pas très revanchard, l'ex-tolard accepte tout de même le million que Gerard lui offre en guise de dédommagement et part à Paris commencer une nouvelle vie. Sauf que, Gerard est retrouvé assassiné le lendemain et Jean devient le principal suspect. S'en-suit une course-poursuite un peu lâche dans laquelle notre héros va tenter de découvrir 1) la vérité et 2) le grand-amour, en incorrigible romantique qu'il est.
Tout le monde l'a compris, c'est pas vraiment un polar de haute volée. Au rayon des réussîtes, on peut noter la description des interrogatoires policiers et de la vie carcérale. Pour le reste, c'est du déjà lu, souvent en plus palpitant. L'écriture de Duchesne, bien qu'assez appliquée, est maladroite, alourdie par de trop nombreuses répétitions et une certaine absence de personnalité - des défauts imputables à une production de type "premier jet". Mais si l'ensemble pèche par une chute forcée qui décrédibilise toute la tension dramatique mise en place, il se dégage néanmoins de ce petit ouvrage une forte aura de sincérité. C'est déjà pas si mal.


IL ETAIT MOINS CINQ, JACQUES AUBURTIN
EDITIONS LE TROTTEUR, 1952

On ne peut pas dire la même chose du Il Etait Moins Cinq de Jacques Auburtin, un habitué de la Collection Noire Franco-Americaine qui livre ici 190 pages d'une intrigue poussive à l'écriture bien trop maniéré. Un roman aussi passionnant que son personnage principal, Monsieur Francis, un cave qui boit des tisanes en guise de whisky et n'arrive même pas à assurer avec les gonzesses. Pourtant, ça débute avec un certain entrain.
Quatre personnages peu recommandables - un voyou, une pute, un gigolo et un loser aux manières démodées, Monsieur Francis - montent un casse dans la demeure d'un riche notaire parisien. Le plan tombe très vite à l'eau puisque, après avoir doublé le loser, la pute et le gigolo se débarrassent définitivement du voyou et partent avec le magot du coté de Nice.
Malheureusement, alors qu'il tenait là les prémices d'un récit burné (genre : la vengeance du loser sur ses deux comparses), Auburtin embraye rapidement sur d'indigestes imbroglios d'espions internationaux même pas marrants : le loser est un ex-agent français en froid avec ses employeurs et la pute une quadruple agente aux accointances pas très nettes, roulant désormais sa bosse pour les services russes. L'ensemble devient assez improbable et peine à impliquer le lecteur. C'est pas violent, c'est pas porno, c'est pas enjoué et surtout, ça boit des tisanes. Bref, c'est ennuyeux. Ça veut être sombre et dur alors que c'est aussi gentil et naïf qu'un Harlequin reformaté pour hommes. C'est presque aussi fatiguant que mon dernier Maurice Limat. Bravo.


JOUJOUX POUR ADULTES, ALLAN BLYTH
EDITIONS DE LA FLAMME D'OR, 1952

J'allais tout de même pas terminer comme ça, sur une note aussi négative. Il nous faut bien une petite dose d'ultra-violence littéraire à l'ancienne pour se finir. Un petit rush de bon mauvais-goût - ou l'inverse, de mauvais bon-goût. Parce que Roger Duchesne, ça a beau être sympa, c'est trop romantique, trop gentil. Et Jacques Auburtin, c'est mou, pas palpitant pour un sou. Mais Allan Blyth, c'est tout autre chose. C'est du brutal. De la vraie torgnole dans la figure, assénée sans retenue en gros caractères certifiés publications Black Out de la Flamme D'or - parfait pour les lecteurs pressés.
Surtout, Joujoux Pour Adultes porte bien son nom. Cette fois, pas de tromperie sur la marchandise. Ce n'est pas de la romance mais du gros noir qui tache, avec des vrai durs qui boivent de la fine à tout heure, fréquentent des lieux de perditions riches en femmes de petites vertus, se dézinguent sans pitié et se traitent mutuellement de salopes. Tout ça pour une sombre affaire de thune, pas vraiment expliqué, pas vraiment importante. Car Joujoux Pour Adultes, c'est tout simplement 180 pages de règlement de comptes, presque sans queue ni tête, juste pour la forme. Un peu comme du George Maxwell sauf que c'est très certainement écrit par André Helena.
La quatrième de couverture est signée Budy Wesson, son pseudonyme pour la serie sexy-violente de la Môme Muriel. Mais surtout, ce sont ses obsessions qui hantent chacun des angles de ce petit gare formaté pour majeurs - les nuits parisiennes de Pigalle entre faux glamour et vraie crasse, les heures perdues dans les bistrots à trop boire, la lâcheté face à la mort et les trahisons par dépit, les destins ratés et les fins tragiques.
Ça sonne comme du André Helena sous pseudo, première période. Un style sec, dépouillé de toute fantaisie, brusque jusqu'à l'extrême - ne décrivant que par lieux communs, ne s'exprimant que par injures, le tout sepoudré d'erreurs narratives attachantes, comme ses passages intempestifs de la troisième à la première personne du singulier.
Pour le reste, Helena rumine son canevas habituel, très certainement régurgité en un seul et unique jet. La production habituelle, nerveuse, écrite en quelques jours, voire moins. A ce petit jeu, Helena était imbattable. D'ailleurs, ça l'a tué. Reste que c'est extrêmement jouissif à lire.

SEMAINE NOIRE # 3 : TRAGEDIES NOIRES ET NAVET SCIENCE-FICTIF

BAGARRES A MACAO, DIEGO MICHIGAN
EDITIONS DU GLOBE, DATE INCONNUE

Voici une petite bizarrerie de la littérature jetable des années 50. Bagarres à Macao, dernier numéro de la Collection Noire Franco-Américaine aux éditions du Globe avant leur retitrage en éditions du Trotteur au fameux 5 rue des moulins. J'ai déjà évoqué ces imbroglios de façades éditoriales avec les MômesDouble-Shot de George Maxwell il y a un peu plus de deux semaines. Inutile de s'y appesantir d'avantage. Par contre, ça permet de dater le roman - Probablement 1951.
La vrai énigme, c'est Diego Michigan, pseudonyme faussement américain comme il était de coutume à l'époque. Bagarres à Macao en est la première apparition éditoriale, sous la plume de Françoise d'Eaubonne (masqué en traductrice). A priori, c'est le seul roman de Diego Michigan qu'elle signa.
Par la suite, le nom fut récupéré par Willy de Spens, Gerard Prevot ou encore sa soeur Jehanne d'Eaubonne. Diego Michigan devint alors un pseudonyme récurrent aux éditions de la Seine, qui eurent la fâcheuse tendance de l'attribuer à tord et à travers, avant de terminer sa carrière aux éditions de l'Arabesque.
Mais revenons à Françoise d'Eaubonne - sur laquelle je ne savais strictement rien. Google m'apprend qu'il s'agit d'une écrivaine française, fondatrice de l'écofeminisme, du Front homosexuel d'action révolutionnaire et amie de Simone de Beauvoir avec qui elle fut à l'origine du Manifeste des 343. Bref, pas vraiment le profil que l'on pourrait se faire de l'auteur d'un roman noir burné destiné à des mâles en manque de virilité.
"Le saisissant par ses cheveux noirs et crêpus, elle le secoua en vociferant :
- Nous allons lui peler le dos jusqu'à ce qu'il soit à vif. Nous la frotterons de poivre rouge. Nous mettrons des méches entre ses orteils, et nous les allumerons. Nous lui couperons les oreilles avec une lame de rasoir. Tu entendra ses cris. Tu entendra craquer ses os. Tu verras son sang couler et faire une mare au milieu de cette pièce. Dis, veux-tu voir tout ça ? Dis, veux tu te mettre à table, espèce d'ordure ?"
Car Bagarre à Macao, c'est 230 pages d'aventures orientales dans les milieux interlopes de la drogue et du jeu avec son lot de contrebande, de règlements de comptes et de coups fourrés.
Le héros, Duke O'Conan, ridiculement surnommé Oppossum, débarque à Macao après quelques ennuis continentaux et une carrière journalistique en berne. Le bonhomme a le plus pur style Eddie Constantine. C'est un malabar rigolo, bagarreur et séducteur. En moins d'un chapitre, il est embauché par une vieille connaissance, Sullivan, un ancien agent secret désormais faux barman et véritable patron de la pègre locale, qui le charge de s'occuper de sa rivale, la magnifique et dangereuse Mei Wen. Reconverti agent double, Oppossum fait la connaissance de toute une faune pas très fréquentable, tombe amoureux à deux reprise et se retrouve coincé dans un engrenage tragique et implacable.
Ça ressemble à un film hollywoodien des années 40, une adaptation de Hemmingway façon le Port de l'Angoisse ou Key Largo, en plus brutal. Se jouant des clichés du roman noir colonialiste, mais sans pour autant tourner le genre en dérision. L'intrigue est commune, le style classieux, appliqué, avec quelques audaces stylistiques comme un ciel d'un rose chimique de bonbon ou de gaz asphyxiant.
Du très beau pulp, dur et désespéré... pour nous les hommes.


CHAMPAGNE OBLIGATOIRE, NOEL VEXIN
DITIS / LA CHOUETTE, 1956

Deuxième aventure de Valentin Roussel, jeune avocat sans le sou, tête brûlée de la justice civique et tombeur de ces dames. Le précèdent roman, Ces Messieurs de la Famille, l'avait opposé à une bande de corbillards pas très net menés par une dangereuse veuve noire lesbienne. Cette fois, le voici aux prises avec quatre corses et un marseillais, souteneurs de leur état dans des boites de pigalle et organisateurs de braquages le dimanche. Bref, l'habituelle histoire du coup foireux dans lequel s'enfoncent des petits truands pathétiques. Un genre dans lequel Noël Vexin excelle. A ce titre, la peinture qu'il fait du milieu est véritablement succulente.
"- Et mon zob ? clama Orsoni. Non mais vous me prenez pour qui ?
- Pour un cave, répondit durement César. Pour un demi-sel mal affranchi, un coureur de gonzesses et un bavard dangereux. Voila ce que t'es, Orsoni. Moi, je te le dis, puisque les autres n'ont pas le cran de te le dire. Qu'ils se démerdent avec toi."
Le roman est rapide, enjoué, moins sombre que le précèdent malgré une belle monté tragique sur les 20 dernieres pages. Valentin est un personnage attachant, atypique même. Bref, cette serie, c'est un peu Les Nouveaux Mystères de Paris par Noel Vexin. Et malgré un certain aspect routinier, ça reste du divertissement de premier choix.


L'HOMME AUX HUIT TETES, MARC MINERATH
EDITIONS DE LA FLAMME D'OR, 1953

Pour finir, de la vraie saloperie littéraire publié sur du papier bien poreux comme on n'en fait plus depuis fort longtemps. L'Homme à Huit Tête, l'unique roman d'un dénommé Marc Minerath, mais certainement pas le seul de l'auteur qui se cache derrière ce pseudonyme. Mais encore faudrait-il savoir de qui il s'agit. Pendant cette lecture, éprouvante mais heureusement brève, outre avoir quelque peu souri, j'ai beaucoup pensé à Maurice Limat. Mais un Maurice Limat fatigué, avec un style bien plus pataud qu'à l'habitude, des personnages transparents, presque interchangeables, et surtout, des descriptions édifiantes comme ce club de boxe dans lequel nos inspecteurs pénètrent en page 55 :
"Comme personne ne se présentait, ils poussèrent une porte. Une salle spacieuse s'offrit à leur regard.
Deux rings occupés l'un et l'autre par des mordus qui bataillaient ferme et suaient leur courage pour le plaisir de s'ébattre. Disséminés, à terre ou debout, des gars en slip soumettaient leurs muscles à l'exercice quotidien.
Un bruit d'eau sympathique venait de quelque part : des veinards qui goûtaient la volupté de la douche !
"
Voila qui est bien viril. Mais reprenons notre sérieux. L'Homme à Huit Têtes est un roman policier bâtard, du mystère lourdingue à l'ancienne qui vire dans son dernier quart à la science-fiction du pauvre. Je vais tenter de résumer cette grosse bouillie le plus clairement possible.
Une suite de disparitions, celles de trois sportifs renommés, accompagné par le meurtre sordide d'une jeune femme sentimentalement lié à l'un des disparus, met la France en émoi. La police parisienne est en état d'alerte. Du coup, Un inspecteur, un journaliste et un boxeur se lancent mollement dans l'enquête et, 180 pages plus loin, découvrent qu'un super-scientifique mondialement reconnu est à l'origine de tout ce remu-ménage.
En fait, notre savant fou enlève ce qu'il nomme les spécimens parfait de la race humaine actuelle (c'est à dire : des sportifs) pour leur faire subir des bonds évolutifs de quelques centaines d'années et, par conséquence, les transformer en über-sportifs. Et tout ça, inspiré par Léonard de Vinci.
Prends donc ça dans ta gueule, Dan Brown !

SEMAINE NOIRE # 1 : UN CLASSIQUE U.S. ET DEUX BIJOUX FRENCHIES


LE JAGUAR A TOKIO, GEORGE MAXWELL
1955, SOGEDIDE

Voila un truc degoté par hasard dans une brocate d'arrière pays. Le dixieme volume du Jaguar, une serie narrant les aventures d'une espionne dont je vous laisse deviner le nom et signées par un certain George Maxwell, faussement anglo-saxon malgrès des titres originaux (ici, Deadly Hate!) inventés de toutes pieces. D'ailleurs, la faute de frappe du titre français est d'origine. Par contre, le titre figurant en haut de chaque page interieure est écrit sans cette erreur - ce qui n'est pas le cas pour le texte de l'auteur, où on a droit à du tokio de partout.
A ne plus savoir où donner de la tête mais ce n'est pas très grave, ça donne un certain cachet à l'oeuvre. Et ça ne depareille pas non plus avec un style d'écriture de commande pas forcement bien fagoté mais
nerveux, rapide, brut de decauffrage et rempli à ras bord de phrases aux tournures plus qu'étranges voire pas du tout correctes par endroits. Une bonne chose : ça rajoute encore plus de punch à un roman qui n'en manquait déjà pas.
"La fille était juché devant le comptoir sur un haut tabouret. Elle était brune, les cheveux courts et plats, semblables à une épaisse couche de ripolin, ou un casque de laque. Elle avait croisée haut ses jambes. Un regard d'homme un peu sournois aurait rapidement conclu qu'elle nourrissait de noirs desseins !
Because, elle n'avait pas de slip."
Un début aussi parfait ne saurait mentir. D'ailleurs, les 50 premieres pages forment un véritable petit bijou d'intensité, égarant le lecteur dans un chassé-croisé improbable, ou plutôt : imprevisible.
La suite... eh bien, j'avourais que, n'ayant pas eu l'occasion jusqu'à present de lire les 9 precedents volumes de cette serie, j'ai eu quelques difficulter à saisir la majorité des enjeux. Resumons ce qui ne m'a pas (trop) paru abstrait : nous avons des japonais ambigüs et des chinois malfaisants au prises avec un
savant nazi traqué par des espions américains, eux même infiltrés par des espions allemands travaillant pour le compte d'un agent russe, et le jaguar dans un quadruple jeu de dupe, le tout pour un tresor de guerre à l'emplacement codé dans des toiles dont on ne saurait dire s'il sagit des originaux ou de copies effectuées par les japonais ambigüs d'un peu plus haut. Je resume grossierement mais tout se termine bien à la fin, avec beaucoup de cadavres. Bref, une lecture revigorante.
Pour info, l'illustration, encadré par l'habituel trou de serrure, est signée Alex Pinon, cover-artist attitré des ouvrages de Sogedide. J'en parlerais surement une autre fois.


COMME UNE FLEUR, RICHARD STARK,
(THE HUNTER) 1962, SERIE NOIRE

Le gros classique de la nouvelle vague des crime story, celle de la fin 50 / debut 60 où s'entrecroisent froidement dérision et violence dans des histoires amorales assénées avec autant de style qu'une droite telescopé en pleine gueule. Ici, Richard Stark, en fait pseudonyme viril (parceque totalement hard-boiled) de Donald Westlake, mettant en scène pour la premiere fois les aventures de celui qui deviendra bien vite son personnage emblematique : Parker, une brute épaisse sans prenom, denuée de toute compassion, revenu se venger de sa femme et de son ex-associé après un coup foireux et 6 mois de taule. S'ensuit une implacable traque dans le New York des marginaux, des gagne-petits froussards et des putes au grand coeur, des gangsters et de leur syndicat nationnal. Et Parker, reglant ses comptes minutieusement, dérouillant tout ce beau monde, comme une fleur.
"Les femmes le regardaient et frémissaient. Elles devinaient que c'était un salopard, que ses mains puissantes étaient faites pour gifler, qu'aucun sourire n'adoucissait son visage quand il regardait une fille. Elles devinaient et remerciaient Dieu du mari qu'il leur avait donné. Pourtant elles frémissaient. C'est qu'elles savaient comme il devait, la nuit, s'affaler sur elles : comme un arbre."
Pour la petite histoire, John Boorman adapta le bouquin au cinéma sous le titre Point Blank, avec Lee Marvin dans le role de Parker. Une des bases du Neo-Noir aux cotés du Samourai de Melville et de Branded To Kill de Seinju Suzuki. On a aussi eu droit à un affligeant remake, Payback, avec un Mel Gibson en mode comique du plus mauvais effet. Un director's cut serait sorti dernierement et en effacerait certaines tares. J'ai du mal à y croire...
Et pour plus d'informations sur tout ça :
http://www.violentworldofparker.com/main.htm


CES MESSIEURS DE LA FAMILLE, NOËL VEXIN,
1956, DITIS / LA CHOUETTE
"Elle planta ses yeux dans ceux de Valentin, et, sans un mot, commença à faire glisser sa jupe. Puis elle defit son corsage et apparut dans une étroite combinaison de satin noir, où son corps ondulant prenait une allure serpentueuse."
Fausse premiere publication de Noel Vexin (un bouquin en collaboration d'André Helena, son vrai nom, le precede de quelques numéros) dans la mythique collection de romans noir La Chouette chez Frederic Ditis, Ces Messieurs De La Famille est un petit polar envolé, sautillant (!!!) qui voit le jeune Valentin, avocat sans le sous, coureur de jupons inveteré et frimeur maladif, tenir en échec une sublime veuve noire au lesbianisme implicite et son gang de corbillards reconvertis en gangsters tendance bras cassés.
Pourtant derriere l'apparente légèreté de l'ensemble, quelques details sordides, évocations à peine masqués de la drogue chez les classes moyenes et des avortements clandestins, l'élèvent bien au dessus du simple divertissement bon marché callibré en 190 pages. Fortement recommandé, ne serait-ce que pour la sublime couverture de Giovanni Benvenuti (l'une des plus belle de la collection ?) et la premiere apparition de Valentin et Roberte, les heros attachants des romans de Vexin pour La Chouette.