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MONTÉ COMME PAS UN...

GARE À LA BÊTE, PHILIP JOSÉ FARMER
ÉDITIONS CHAMP LIBRE / CHUTE LIBRE # 5, 1975

Quel rapport entre Harald Childe, ex-détective privé, et Forrest J Ackerman, grand papa de Vampirella ?
Le premier a réchappé de peu au volume initial de la trilogie des Exorcismes (cf. Comme Une Bête, Chute Libre # 3, 1974) mais reste obnubilé par les créatures qui le peuplait. Il cherche des explications, fout les pieds là où il ne le faut pas et porte en son nom la solution aux deux inconnues d'une équation.
Le second, collectionneur suprême et manitou incontesté du fandom S-F ricain, vient de se faire dérober une pièce unique, une peinture signée Bram Stoker représentant Dracula - Graal absolu pour ce dingue de fantastique - et va tenter par tous les moyens de la récupérer.
"Tel Buck Rogers sur la piste des voleurs de chevaux, FJA n'aurait pas de cesse que la justice n'ait triomphé !"
En guise de décors, un Los Angeles by night et sous la pluie qui abrite dans de cossues villas d'étranges bestioles aux mœurs sexuelles importées d'un autre monde.
Childe assiste en voyeur à un coït surnaturel avant d'en devenir la victime, Ackerman poursuit inlassablement son précieux tableau et Farmer mélange, emmielle et embrouille tous les carburants d'une litterature pulp vendue au kilo : polar de private investigator, fantastique à poils et à crocs, science-fiction galactique et surtout, surtout, érotisme grotesque et farfelu.
Par exemple, une pine verruqueuse qui ne bande jamais mais balance des orgasmes électriques, un corps qui se fragmente comme un puzzle et dont chaque partie - con, utérus, bouche, poumons, etc. - reste indépendante des autres en se mouvant sur de multiples petites pattes ou encore, véritable star du bouquin, une Jeanne D'Arc réincarnée en extraterrestre et qui cache dans son vagin la tête miniaturisée de son acolyte Gilles de Rais.
"On se croirait en pleine science fiction, tu ne trouves pas ?"
Ackerman, qui ne goutait guère à la S.F. nouvelle vague, devait tirer une sacrée tronche à la lecture de cette farce dont il est le protagoniste malgré lui, faire-valoir kidnappé à la réalité. On est loin des classiques de ses chouchous Heinlein, Asimov et Van Vogt.
Normal, c'est du Farmer.
Et faire cohabiter conventions et déviances, c'est son affaire, à Farmer - surtout en cette période (fin 60, début 70) qui le vit multiplier provocations monstres et grands écarts improbables - je pense, entre autre, à cette nouvelle parue dans le numéro 2 d'Univers (J'ai Lu, 1975) et qui conviait les deux Burroughs en réécrivant l’œuvre Tarzanesque d'Edgar Rice selon le style machine-mollesque de William Seward.
Ici, Tarzan fait une courte apparition (" Tarzan ? Foutredieu ! Oh, après tout, pourquoi pas ? Les bananes, les grosses queues, etc. Il va de soi que le Seigneur de la Jungle se doit d'être monté comme pas un.") et l'humour infiltre les paragraphes sous un camouflage badin (à la manière de cet extraterrestre qui, page 184 " avait jadis semé la terreur dans l'Allemagne médiévale par ses exploits de Loup-Garou. Au cours des vingt dernières années, il avait travaillé au service des impôts de Los Angeles.") mais la prose reste sage, très sage... trop sage ?
Pas vraiment. 
Gare à la Bête n'a rien d'un récit d'avant-garde. C'est un feuilleton un peu bancal qui se découvre une masse de pulsions torrides dans le moteur et les assouvit en suivant sa propre mécanique science-fictive, aboutissant à cette logique lubrique, ces partouzes rituelles indispensables aux transports spacio-dimentionnels, lointain écho de l'Orgone cosmique cher à William Reich.
Au final, ne reste qu'un étonnant défouloir d'idée et d'images qui, loin de sa réputation sulfureuse désormais bien éventée, brasse structures alimentaires et ambitions artistiques jusqu'à effacer partiellement leurs frontières respective et enfanter ce drôle de gadget littéraire, vestige d'un temps où tout était possible sans qu'il soit question d'une quelconque nécessite ou qualité.

Ci-dessus : Forrest J Ackerman - "il se voyait parfois comme un Léviathan de la grande mer de la S.F., ou une sorte de Hollandais Volant des routes de l'espace" - Gare à la Bête, page 106.

"Je possède [...] environ 100.000 livres, magazines sur la S.F. et le Fantastique. Dans ma maison, j'ai 13 pièces et 3 garages entièrement remplis de livres. Je possède également 30.000 photos, des illustrations originales et des documents uniques." - Horizon du Fantastique # 13, 1970.

L'AVENTURE ET SES À-CÔTÉS

LE SECRET DU PACIFIQUE, H.J. MAGOG
ÉDITIONS R. SIMON / LA VOILE, 1939

Réédition des Buveurs d'Ocean sous un nouveau titre et agrémenté d'illustrations de Claudel, Le Secret Du Pacifique est un fabuleux petit roman d'aventure teinté de ce merveilleux scientifique si cher aux anticipateurs Français du début du vingtième.
Nous sommes en 2050 et le monde se divise en 5 puissances : la confédération Européenne, les Etats Unis d'Amérique, les républiques Africaine, Océanienne et Asiatique.
Voila pour le décors.
L'histoire, elle, fait preuve d'une légèreté bien plus romantoque dans l'exposition de ses enjeux mais,
hardiment rythmé par ce feuilletoniste génial qu'était H.J. Magog, elle emporte rapidement l'adhésion.
Ainsi, Kasuga, vil arriviste nippon, souhaite la main de mademoiselle Suzanna de Glandève mais cette dernière, soutenue par sa famille (dont l'arbre généalogique se compose à moitié de ricains auto-entrepreneurs, et à moitié d'aristocrates français en exil) s'y oppose.
Primo, Kasuga, c'est un jaune, un bridé, un japonais. Mauvais, ça. Et secundo, Suzanna de Glandève aime Jean d'Entrevaux, un chouette jeune homme bon chic, bon genre, bon teint de peau - bref, un chouette jeune homme tout ce qu'il y a de plus recommandable.
"[...] il était brave et l'aventure l'intriguait beaucoup plus qu'elle ne l'effrayait."
Et il a de la chance, le petit Jeannot. Car l'aventure, il va y gouter. Et pas qu'à moitié. Pénétrer dans le Secret du Pacifique, c'est s'exposer à un torrent d'événements inattendus.
Privé d'amour et aveuglé par de folles ambitions, Kasuga cherche donc à se venger et s'emporte à la manière des mégalomanes machiavéliques de romances à quat'sous : il complote et détruit, saccage et ourdi.
Mais le récit de Magog, comme bon nombre d'œuvres d'époque, ne peut se plier aux caprices d'un résumé. Il faut pleinement s'y plonger pour en savourer toute la folle agitation qui l'habite.
Asiatiques diaboliques aux ruses perfides, intrigues sentimentales qui fleurent l'eau de rose, cataclysmes qui sèment "la mort et l'épouvante" et fins du monde en pagaille...

"Quelle imagination en délire aurait osé rêver cette chose abracadabrante ?"
Et égaré dans les pages du roman, guetté à chaque coin de phrases par d'inimaginables retournements de situations, toute une galerie de personnages savoureusement cocasses : le fidèle Guilledou, majordome de Jean d'Entrevaux, dépressif chronique qui s'imagine persécute par le sort, le marquis de Glandève, père de Suzanna et qui, mis en fâcheuse posture, en vient à évoquer " nos immortels principes de 89 " - " En France, je les condamnais au nom de mes aïeux. Mais à l'étranger, je m'en réclame ! " (rire dans la salle)...
...ou encore le gigantesque et improbable Master Big, scientifique misanthrope à la solde de Kasuga et à l'esprit bien embrumé par de pharamineux projets de destruction totale du globe terrestre.
Et lorsque Jean D'Entrevaux le questionne à ce sujet...
" Pourquoi ? [...] Pourquoi cette volonté atroce ? "
Master Big répond froidement :

"- Parce que je hais les hommes [...]. Parce que je trouve la vie laide et bête et que je crois accomplir une grande œuvre en rendant impossible cette chose incohérente qui se repaît de mouvements vains et de souffrances inutiles et qui, depuis le commencement des mondes, n'a même pas su se trouver un but. "
Derrière la démesure se cache une gravité. Le centre du roman est un puits d'ombre, reflet de l'âme de Kasuga ("Sous ce crâne, de nobles pensées volaient, impatientes de trouver une issue ; mais de vils désirs et d'abominables dessins y rampaient aussi, transformant en cloaque la cage cérébrale qui contenait un peu de ciel."), reflet surtout de cette ville souterraine située "six mille mètres au-dessous du niveau du sol japonais" et où l'on extermine des peuples entiers.
Une visite à glacer l'échine, car ce sont les camps de la mort dont Magog se fait l'haruspice. Description de corps maigres, de souffrances, de charniers et d'une cruauté en plein accomplissement.
"On était trop, là-haut ; nous avons fait de la place " déclare un tortionnaire nippon, avant d'ajouter, sinistre :

"Et nous en ferons davantage !"
L'espace de quelques chapitres, le roman balaye toute naïveté, toute futilité de son horizon. Il y reviendra par la suite , cela fait parti des règles du jeu, mais le ton aura définitivement changé. L'apparition de loups déguisés en hommes laisse une plaie à vif qu'aucun enchantement ne peut cicatriser.
Et c'est certainement là le plus grand accomplissement du Secret de Pacifique.
Être un roman d'aventure qui, en dépit d'un rythme un peu trop épisodique, s'affranchit de son cadre pour faire mouche sur d'autres tableaux.
En bref : Être un roman d'aventure qui, l'air de rien, voit loin.

TOUT EST POSSIBLE !

LES CHASSEURS DE COMÈTES, JEAN KÉROUAN
HACHETTE / LES GRANDES AVENTURES, 1927

Nous sommes en mai 19... - mai mille neuf cent trois petits points - futur proche bien qu'indéterminé de l'année 1927. Nous sommes dans le quartier des affaires de la ville de New York. Des boursicoteurs y boursicotent comme à leur habitude... lorsque soudain se fait entendre un terrifiant message d'origine inconnue.
"À tous les gouvernements de la Terre !
"Moi, Khan Zagan, je vous ordonne à tous de vous soumettre à mon autorité. Je puis ravager ou détruire le monde entier si l'on ne m'obéit pas aveuglement. Je possède les moyens scientifiques d'approcher de notre planète la comète de Swanley, jusqu'à déterminer un choc. Pendant cinq jours, à titre de démonstration, j'attirerai la comète, dont il sera facile d'observer le trajet rectiligne. Sauf réponse par radio le cinquième jour et soumission absolue, la marche vers vous continuera."
Nous ne sommes qu'en page 4 et déjà, l'affaire est dans le sac. Grand sourire sur la figue, trépignements d'impatience dans les guiboles et les deux yeux, capteurs CCD du cervelet, qui aspirent au plus vite les lignes du roman.
Forcement : un méchant mégalo, probablement asiatique, armé d'un gadget de destruction massive et qui menace de s'en servir pour anéantir le monde civilisé si ce dernier ne devient pas sien, immédiatement ! - voila qui fait toujours son petit effet sur le lecteur friand d'aventures débridés.
D'autant plus que l'auteur, un certain Jean Kérouan, traite son sujet avec grand talent, opposant à Khan Zagan un autre farfelu assoiffé de domination mondiale - mais bien plus sympathique et moins néfaste, lui - c'est le richissime Archibald Griggson, grand patron du Trust Universel, magnat américain un peu balourd mais pétri de bon sens et ne jurant que par le pouvoir de la finance.
" Je protégerai la Terre, moi, parfaitement ! "
...s'écrit-il après avoir pris connaissance de l'ultimatum de son némesis asiatique.
Et de sponsoriser un quintet d'héroïques aventuriers : deux frangins intrépides, Jean et Pierre Lacasagne, un aviateur virtuose, René Brion, une poupée distinguée, Marie Granger, et un detective tête brûlée, Roger Dutreil - quintet à l'origine certifiée 100 % COCORICO ! et auquel se rajoutera par la suite Wang Tsao, un moine thibétain doué d'incroyables facultés psychiques.
"Écoutez, les enfant ! [...] Au point où nous en sommes, il faut aller jusqu'au bout. Pas de demi-mesures avec Khan Zagan : il s'agit de se soumettre à lui, ou, peut-être... d'anéantir son pouvoir, en détruisant le piège à comètes... Voulez vous sacrifier votre jeunesse à cette cause, qui devient celle de toute l'humanité ?"
Résumons : La France à la rescousse du monde, les mysteres de l'Asie en guise de porte bonheur, la muflerie américaine comme manne économique (mais sans en être dupe) et les ingénieuses inventions d'un scientifique tricolore pour enrober le tout.
Pages après pages, Les Chasseurs de Comètes révèle sa vraie nature : celle d'un pur feuilleton 1920 - le marathon de papier, la folie dans les feuillets.
L'ensemble se découpe en 8 parties, équivalentes dans leur pagination, 8 fascicules de 32 pages, regroupés en un même volume et formant une course chronométrée mais vigoureuse, un saut de haies accumulant, parfois vainement mais jamais inopportunément, les rebondissements.
Action, suspense, amour, magie - tout s'enchaine, tout se mélange. Surtout, comme le déclare un personnage en page 163 :
"Tout devient possible dans ce pays merveilleux."
Ce pays merveilleux, oui, celui du papier bas de gamme dans les pores duquel l'encre se noie, entrainant avec elle l'imagination du lecteur.








INTERSIDERAL INTERRUPTUS

SIDÉRELLE, JEAN LOUIS VILIER
ÉDITIONS DU JAPYX, 1971

Le porno intersidéral, c'est sidérant. Mignonne, il n'y a pas à minauder : des extraterrestres, des fusées, des pistolasers et du cul, beaucoup de cul - sous toutes les coutures et en compagnie de toutes les formes de vies possibles - animales, gazeuses, mentales, à tentacules et attentatrices...
...à la pudeur !
Malheureusement, j'ai beau remuer le bocal dans lequel repose ma cervelle, du porno intersidéral, du porno science-fictif, je n'en trouve pas énormément d'exemples littéraires...
Il y a, bien entendu, les romans de Dominique Verseau (pseudonyme de Jimmy Guieu). Il y a aussi le génial Tout Feu Tout Femme signé Gilles Derais, troisième et dernier volume de la série des Benoit Lange, indispensable pour tout esprit malade... et... et...
...voyons voir...
...Rentre Tes Blancs Mutants, vingt-et-unième numéro d'OSSEX, écrit par Alain Lacombe et Serge Poulenc, dans lequel Eve Drum se tape quelques spécimens de nos friends from Frolix 8 (salut Phil K. !)...
...Science Et Vit de Philarète de Bois-Madame (pseudonyme de Jean Pierre Bouyxou), avec ses jumelles Barbarellesque azimutées et ses hordes de Schtroumpfs qui s'entreschtroumfduculent en schtroumflalaïsant...
...Les Potins de la Comète, toujours aux éditions de la Brigandine, un texte de Benjamin Rupert, pas encore lu mais dédié à Robert Sheckley et s'ouvrant sur "les espaces insondables des galaxies éternelles"...
...La Chair de L'Étoile, d'Alan Floor, collection Eroscope, chiant comme du Ursula K. Le Guin...
...et, j'y viens, j'y suis, ça y est :
Sidérelle, de Jean Louis Vilier, publié aux éditions du Japyx.
Un petit mot sur ces dernières : elles sont fameuses pour leurs couvertures au délicieux psychédégueulis typique des seventies, et furent fondées par Pierre Delalu, un homme de grande classe, proche d'André Guerber et de Roger Dermée.
Rien que de très normal.
Mais reprenons.
Sidérelle, c'est donc un roman de porno sidéral avec un peu de sidéral et beaucoup de porno. Ça pèse 250 pages en moyen format (du 13,5 par 21,5 centimètres, parfait pour se mesurer la zigounette) et c'est l'histoire d'une jeune fille un peu candide mais super jolie.
Pour citer l'atroce individu / fin connaisseur (rayer la mention inutile) qui, page 32, sodomise sauvagement notre tendre héroïne :
"Quelle harmonie de formes, quelle douceur de peau, quelle rondeur d'épaule, quelle cambrure de reins, quel volume de croupe !"
Une super jolie jeune fille, disais-je, que cette Sidérelle. Et qui vit sur une planète (surement la terre dans le futur des années 70) où l'amour est prohibé par les autorités mais néanmoins pratiqué en catimini, à l'hypocrite, par des rustres, des goujats, des lesbiennes et des minables.
Sidérelle, elle, est plutôt du genre sensuelle éclairée. Dans un monde parfait, elle aurait été abonnée à Plexus et aux intégrales de Regine Deforges. Pendant 50 pages, elle subit donc divers outrages sans piper (enfin, si, justement... en pipant... mais pas des mots) puis elle se décide à dire que c'est marre et se casse dans l'espace, à bord d'une fusée de location, direction la planète Orgasmus qui (d'après les boniments de l'office du tourisme) porte vach'ti bien son blaze.

"Ah !" que tu soupires en te frottant les paluches, "l'espace infini, ses monstres globuleux, ses pirates galactiques, ses planètes hostiles, ses astéroïdes fumants, ses spatioports mal-famés avec du Hawkwind à fond les ballons et..."
ET JE T'ARRÊTE TOUT DE SUITE, MON POTE !
REDESCENDS SUR TERRE !
Bicause, dans Sidérelle, tout ça, y'a pas. Le trajet en fusée dure 40 pages et l'auteur le passe uniquement à te scribouiller des descriptions puissamment tartignoles de collisions entre organes intimes, genitoires, trous, chibres et zobs à bulles dans la cabine occupée par Sidérelle.
Merci Jean Louis.
Puis Siderelle débarque sur Orgasmus, page 100, et paf, ça recommence, puissance dix mille et des poussières de barzums quantiques.
Trous et chibres coulissant, sperme jaillissant, zobinoux bondissants, foutre grandiloquent et simultanéité orgasmatique qui laisse tout le monde pantelant.

"Bourre, disait-elle d'une voix rauque, bourre, défonce-moi... aahh... j'ai mal et je jouis... je hais et j'adore... je crains et je désire... Viens en moi, ne m'épargne pas !"
Et en effet, en 150 pages d'une gigantesque partouze cent pour cent humanoïde-friendly sur Orgasmus la bien nommée, rien ne nous sera veritablement épargné.
Sauf la satisfaction de lire un bon porno intersidéral.
Car c'est bien simple, il n'y a rien de veritablement science-fictif dans Sidérelle. Juste quelques mots, de-ci de-là, pour faire semblant. Pas de monstre concupiscent à l'horizon, pas de pseudopodes caressants dans les parages, rien de fantaisiste, de fou, de dingue, d'hallucinant, de déroutant, bref, de sidérant.
Jean Louis Vilier aurait très bien pu te raconter l'histoire d'une jeune et jolie nénette qui prend le direct Paris / Béziers, se fait bourrer sur tout le trajet par divers passagers puis débarque en pleine féria du 15 aout, pile à l'heure de l'apéro gang bang du club de rugby local, que ça aurait été exactement la même chose.
T'esquisses les prémices de ce délice ? Non ? T'as de la chance. La déception fut grande, très grande - à la mesure de l'ennui ressenti.
Mais de cela, je commence à avoir l'habitude.
Reste que je n'en démordrais pas, et qu'un roman titré Sidérelle avec une planète baptisée Orgasmus et une couverture aussi joliment moche, ça aurait vraiment mérité un bien meilleur traitement que cette pauvre routine pornographique à la sauvette.
Bilan : encore un truc qu'il va falloir écrire soi même !

PERRY LE FANTASTIQUE # 5

Petit pot-pourri des 20 premières pages du numéro # 5 de Perry Le Fantastique, une publication de bédé ésse-hèfe "tout en couleur" ("tout en couleur bleue" serait plus exact) et datée de 1976.
Perry Le Fantastique, c'est bien entendu Perry Rhodan, célèbre héros de la litt' pop' allemande, ici dessiné par un artiste italien - WikiPF nous apprend qu'il s'agit de Giorgio Cambiotti, le créateur de Jacula.
C'est donc tout beau tout plein, avec des mises en page quasi-psychés, des effets flashy et une héroïne à la tenue d'exploration spatiale largement échancrée.
Néanmoins, l'ensemble semble (tiens, y'a d'l'écho !) comme charcuté par l'éditeur Français (éditions Jeunesse et Vacances) - comme bien souvent, des adaptateurs manchots donnent l'impression d'être passés par là pour rogner des cases, retracer des bulles et redessiner certains passages.

Quelle connerie !



Quant à Perry Rhodan, la série de bouquin, je n'en avais jusqu'alors jamais lu.
J'ai donc rattrapé cette lacune en m'attaquant au premier volume de ses aventures, Opération Astrée (Fleuve Noir Anticipation HS, 1966) - Perry et ses potes partent explorer la lune, y rencontrent des Arkonides, une super-race extraterrestre malheureusement sur le déclin (because ils sont tous accros au Phantasmatographe, la téloche du futur). Tout ça dure bien bon 180 pages, ça cause, ça cause, (bâillement) puis nos héros reviennent sur terre fonder "la Troisième Force" afin d'empêcher une guerre atomique et d'aider leurs nouveaux amis de l'espace à restaurer la splendeur passé de leur empire des étoiles.

Nouveau bâillement.
Bref, tu l'as compris, et désolé pour les fans, mais cette Opération Astrée ne m'a pas du tout captivé. C'était mollement raconté, sans grande tension, sans beaucoup d'action non plus... mais j'ose imaginer que tout cela s'améliore dans les épisodes suivants...
...non ?

LES BELLES HISTOIRES À ONCLE ROBO

OPÉRATION SOUCOUPE !, ALLAN BRIGHTMILL
LA FLAMME D'OR / VISIONS FUTURES # 2, 1953

Une soucoupe survole la terre. Ce n'est pas la première (ni la dernière) mais celle-ci semble enfin vouloir entrer en contact avec nos pommes. "Nous vivons des moments historiques " clame le commandant Nelly avant de lancer son escadrille d'avions de guerre au cul du véhicule extraterrestre non identifié.
Pourquoi ? Parce que !
(Parce que c'est comme ça qu'on fait d'habitude, parce que j'ai lu ça dans pleins d'autres bouquins, parce que merde, un peu de logique bordel.)

Mais Morton et Clark, nos héros (?) à nous, ne l'entendent pas de cette oreille. Ni de l'autre. Ils piquent donc une jeep et partent là où la soucoupe doit atterrir.
"Les kilomètres étaient dévorés comme des hot-dogs un jour de fringale, le compteur était bloqué sur le maximum et Clark serrait visiblement la mâchoire pour maintenir son allure. "
(...mâchoire, boite à vitesse, même combat...)
Pendant ce temps, la soucoupe est devenue invisible et les avions de chasse l'ont dans le baba. Les arbres-radars qui bougent dans la foret aussi. (Ne me demande pas ce que sont ces "arbres-radars qui bougent dans la foret", je n'en sais strictement rien... dans tous les cas, ils l'ont dans le baba, les arbres-radars qui bougent dans la foret...) Morton et Clark, par contre, sont bien plus vernis. En quelques lignes, ils découvrent le subterfuge... puis se font kidnapper par les E.T. !
"Nous voila bien avancé " grogne Clark.
Et il ne croit pas si bien dire. Car, enfin ! ENFIN ! La voila, cette tant attendue rencontre du troisième type. Un troisième type tendance demi-portion, faut l'avouer : lui et ses compères du type correspondant ne mesurent en effet que 60 centimètres.

60 centimètres. Ce sont les nains de l'espace ! LES NAINS DE L'ESPACE !!!
" Morton n'aimait pas les nains, il aurait préféré avoir affaire à des êtres filiformes. "
Quel con, ce Morton. Il ne se rend pas compte du potentiel comique développé par ces nains, invisibles (sauf lorsque l'on enfile une combinaison intégrale elle-même cousue dans du tissu invisible) et doués de cette fameuse "force synthétique" qui les rend aussi balèzes que les mythiques culbutos catcheurs de Los Campeones Justicieros (je fais bien l'accent mexicain, tu trouves pas ?)
"- Dis donc, Morton ?
- Oui.
- Les nains ?...
- Alors ?
- Ils ressemblent drôlement aux nôtres.
- J'y pensais justement.
- Rien ne serait plus facile pour eux de nous en expédier une bonne cargaison.
- C'est juste, mais encore faudrait leur apprendre pas mal de choses avant, afin qu'ils puissent passer inaperçus. "
Une invasion de la terre par des nains de l'espace ? Nous n'en saurons pas plus car, après un petit voyage en soucoupe volante, mode ultra-vitesse du cosmos qu'on ne saurait mesurer avec nos connaissances scientifiques à nous, les nains de l'espace débarquent Morton et Clark sur leur planète à eux. Elle se nomme "Tefe", sa capitale "To", son centre cosmique (?) "Spa" et son soleil "Tra"... ou "Ta." L'auteur n'est pas totalement fixé quant à cette dernière donnée mais force est d'avouer que dans sa binette, ça carbure sévère. Ouais. Brightmill, il n'a pas l'imagination qui se roule les pouces. Il turbine sec.
Morton et Clark visitent donc la planète des nains de l'espace, façon guide touristique fourni par une office du même nom. Usines de chocolat, hôpitaux, lieux publics, centre commerciaux et tout le tralala. Ça dure bien bon 70 à 80 pages puis comme la fin du roman approche, que nos deux zozos ont un peu le mal du pays, que les nains de l'espace n'ont strictement rien à proposer comme base d'intrigue et que, bon, faut être honnête mais ça fait tout de même un peu plus d'une heure un quart qu'on s'emmerde en puissance maximum à lire cette connerie, l'auteur se décide à faire détourner par ses héros une soucoupe volante et voila Morton et Clark qui regagnent enfin la planète terre.
Fanfare et flonflon ! Ils reçoivent alors une chouette décoration militaire, l'histoire est classé top secret par le gouvernement américain et l'auteur, raide bourré au Berger Blanc, s'effondre enfin dans un grand bruit d'underwood maltraitée sur le "N" du mot "FIN."
Il remettra malheureusement le couvert quelques mois plus tard avec un roman encore plus incompréhensible, pareillement palpitant et tout aussi mal écrit : Stop À L'Invasion...
Mais ça, c'est une autre histoire !

ITSY BITSY COSMIC BIKINI

Barbarella, c'est bien connu, a eu de nombreuses "petites sœurs" - comme aimait à les qualifier Jean-Claude Forest, son créateur - disons donc : des héritières, des cousines, des copines, des jalouses.
Puis citons en vrac Auranella, Jodelle, Scarlett Dream... avant de racler une bonne fois pour toute le fond de ce tonneau pulmoné : Bikini Cat.
Oui, Bikini-Cat !
Le nom révèle tout : elle est féline, voyage dans l'espace (que veux-tu qu'elle fasse d'autre ?) et porte un bikini.
Un bikini bien étrange d'ailleurs puisque pourvu de deux points rouges faisant office de feux de signalisation pour tétons coquins.

Disons que Bikini Cat, elle pourrait tout aussi bien se balader à poil que ce serait moins obscène.
(Enfin, j'dis ça, j'dis rien. D'autant plus que la censure qui souligne, j'aime bien, moi. J'trouve ça excitant. hé hé hé hé ! - frottement de paluches, bave sur le menton -
hé hé hé hé !
)

Hé hé hé hé !
Mais reprenons : donc, dans cet épisode de Bikini Cat - c'est à dire Bikini Cat numéro 4, à dater du troisième trimestre 1972 et édité par les éditions de Poche - Bikini Cat débarque sur la planète Hitland ("Hit" comme Hitler et "Land" comme Landrover), une planète sur laquelle une junte militaire a établi un pouvoir dictatorial qui consiste essentiellement à laisser les belles gonzesses se faire violer par des miliciens ubermenschiens.
Sauf que Bikini Cat, elle est pas du tout d'accord avec ce droit de cuissage éhonté et le fait savoir en dessoudant quelques fachos ultra-membrés.
Sauf que... ce n'est pas Bikini Cat qui dessoude les fachos ultra-membrés mais une fausse Bikini Cat, en tout point semblable à notre vraie Bikini Cat, et que Bikini Cat, la vraie, finira par confronter violemment dans la foret avant de renverser une bonne fois pour toute le régime decadent et nazillou des Hitlandeurs violeurs d'Hitlandeuses.
Une fin heureuse à la morale joyeuse : vive la révolution en bikini !
(Quant à Uros, évoqué dans la toute dernière bulle de la toute dernière case, il s'agit du petit copain de Bikini Cat...
Uros, un nom qui évoque aussi bien Eros que Urine - et à partir de là, on imagine parfaitement les petits jeux de chambre à coucher que ces deux-là devaient cultiver entre deux numéros de leur série...
...hé hé hé hé !)

FICTION / JEAN-CLAUDE FOREST / 1

Après le Porte Clé Des Songes et ses quelques dessins accompagnant un texte d'André Ruellan, voici une facette méconnue du talent de Jean-Claude Forest : le collage de gravures du 19eme siècle - soit le mélange de cette imagerie d'encyclopédie entre silhouettes antiques, scènettes hors-contextes et appareils scientifiques démodés - le tout en 5 couvertures exécutées pour la revue Fiction au tout début des années 60.
Il y en a peut être eu d'autres, allez savoir - en tout cas, dans ma collec' de Fiction, je n'en possède pas plus...

Pour information, la couv' au fond jaune pétard (Fiction # 108) est double et fut titrée par son auteur "La curiosité punie ou la vengeance des astres."
J'aime beaucoup l'idée que les astres sont en réalité des diamants, des cristaux de neige, des fossiles paléolithiques et des pseudo-syphono-bidules d'origine inconnue...

J'ai aussi un certain faible pour les singes et gorilles rouges du # 98, une couverture illustrant "La Fin D'Illa " de José Moselli...


DU ROBOT FOU ET DE LA DÉFONCE INTERSIDÉRALE, SECONDE PARTIE

SOFTWARE, RUDY RUCKER
OPTA / GALAXIE-BIS # 145, 1986

Si Ron Goulart œuvra dans la SF Broadway (j'imagine assez bien Sacré Cyborg ou L'Empereur Des Derniers Jours en comédies musicales aussi grasses que pétillantes, décors en carton-pate et costumes improbables, public sous hypnose et les planches qui brulent à la fin) Rudolf von Bitter Rucker, autre oublié culte de la fiction dingo-furibarde, donnait quant à lui dans un mélange de série B détournée et de thématiques Dickiennes parfaitement maitrisées, joliment personnalisées à coup d'équations mathématiques camées et jamais plombées par ces ennuyeuses postures pseudo-philosophiques qui pullulent désormais chez certains émules du haut-châtelain Kindred Dick.
Rudy Rucker, c'est donc un petit rigolo - chose assez surprenante pour une personne ayant du sang hégélien dans les veines (ou alors ai-je trop lu de Jean-Bernard Pouy) - mais un petit rigolo qui vise juste et frappe fort, avec cette efficacité propre aux œuvres pop qui ne payent pas de mine, qui ne semblent avoir été écrites que pour distraire et qui, au final, en disent beaucoup plus que ce que l'on s'imaginait de prime abord.
(MAIS ENCORE FAUT-IL ÊTRE ÉQUIPÉ DU BON DÉCODEUR POUR EN RÉCUPÉRER LES SIGNAUX ET EN ANALYSER LES MESSAGES)
Dans le genre, Software se fait très direct. Comme un film de Brian Trenchard-Smith parasitant le réel, aucune subtilité n'y est autorisée.
Nous sommes en 2020. Cobb Anderson est un ex-scientifique lessivé pour avoir permis aux robots (surnommés le Boppers, comme dans BE-BOP-A-LULA SHE'S MY BABY) de s'émanciper 20 années plus tôt.
"Grâce à lui, il y avait longtemps que les Boppers avaient rejeté les lois racistes et réactionnaires édictées par Asimov."
Depuis, les robots ont colonisé la lune et Cobb Anderson traine sa misère de septuagénaire fauché en Floride, territoire en friche cédé par le gouvernement US aux vieux baby-boomers des fifties.
"Ici, ils ne payaient pas de loyer, et toutes les semaines on les ravitaillait gratuitement en nourriture. Les schnocks avaient rappliqué comme des sauterelles. Ils s'entassaient dans les motels à l'abandon pour écouter leurs vieilles rengaines, organiser des surprises-parties, comme aux plus beaux jours de 1963."
Cobb Anderson, bien entendu, c'est Rudy Rucker réalisant un saut transfictionnel dans un futur de papier et revêtant les apparences d'un Philip K. Dick à la fin de sa vie.
Barbu, fatigué, détaché, il tue le temps en se noircissant les méninges à coup d'alcool fort et en feuilletant des magazines de petites annonces cochonnes - jusqu'au jour où, contacté par son double robotique, un voyage sur la lune lui est offert avec, à la clef, l'immortalité.

Mais les choses ne sont pas si simples : une guerre civile est sur le point d'éclater entre les Boppers et sur terre, les Joyeux Drilles, malades mentaux post-Mansonniens, sèment le désordre en bouffant des cervelles humaines.
Récit déglingué, hyper-azimuté, Software ressemble au croisement jouissif du Sladek de Mecasme (ou de Tik Tok) et du Neal Stephenson de Panique A L'Université. En témoigne certains protagonistes pas piqués des hannetons, comme Sta-Hi, le roi de la défonce, qui accompagne Cobb sur la lune (" Une idée du tonnerre, mon vieux ! On va se soûler la gueule au carburant et s'accrocher des ailes en carton dans le dos ! ") ou Ralph Number, le premier Bopper anarchiste, robot rudimentaire ressemblant à "un classeur de bureau monté sur chenilles."
"[Il] possédait peu de voyants lumineux ou de cadrants extérieurs, aussi était-il difficile de savoir ce qu'il pensait."
N'oublions pas non plus tous les Boppers figurants qui, lorsqu'ils ne se décalquent pas les circuits imprimés à coup d'aimants, prennent leur fade en échangeant des données.
"Si tu veux être mon hardware / Je serais ton Software [...] Ça te dirait, de te connecter à moi, baby ?"
On se croirait presque dans le Techniques du Chaos de Tim Leary. D'ailleurs pour reprendre la comparaison introductive à ce billet, si Ron Goulart est principalement influencé par l'imagerie comic-book du golden-age, Rudy Rucker l'est par les écrits de la beat-generation - mais sous une forme mutante, quelque chose comme du cyber-beat-punk décalé.
SOFTWARE, ÇA POURRAIT TRÉS BIEN ÊTRE BRION GYSIN DANS L'ESPACE, REJOUANT LE DIEU VENU DU CENTAURE EN FUMANT DES PLAQUETTES DE SILICIUM, METAL DE GARY NUMAN DANS LE WALKMAN À CASSETTE.
(OU ALORS ELECTRIC WARRIOR DE T.REX, MAGNÉTIQUEMENT DÉGRADÉ)
(AU CHOIX)
Et si le roman se termine vaguement en queue de poisson (ou plutôt d'esturgeon), vous y apprendrez, entre autres choses, à utiliser la commande informatique d'ivresse chez l'androïde, à apprécier la religion du bruit blanc cosmique des Boppers et à vous méfier des vendeurs de glace ambulants - leurs camions servant bien souvent de sinistres façades à une entreprise d'annihilation de l'espèce humaine.

DU ROBOT FOU ET DE LA DÉFONCE INTERSIDÉRALE, PREMIÈRE PARTIE

HEIL HIBBLER, RON GOULART
OPTA / GALAXIE-BIS # 102, 1984

Statz Kazee, présentateur vedette aux cent quarante million de téléspectateurs, est assassiné alors qu'il s'apprêtait à révéler sur les ondes un " incroyable scandale dans le milieu des affaires."
Pour élucider ce crime et découvrir ce que Kazee avait appris, le gouvernement américain embauche Jake et Hildy Pace, le super couple à la tête de l'agence Enquêtes Bizarres Inc., duo héroïque que Ron Goulart ne prendra pas la peine de nous présenter en profondeur car, voyez-vous, Jake et Hildy, ce sont des héros, ils sont forts et ils sont beaux et c'est véritablement tout ce que l'on a besoin de savoir avant de commencer sa lecture, N'EST-CE PAS ?
(à moins que, mais là c'est ton problème, que tu ne lises que ces trucs emmerdants où aucun espion n'empêche aucun plan de domination mondiale d'aucun vilain et que l'auteur, souvent une gonzesse (la pauvre) ou un vieux fossile radoteur, passe son temps à déblatérer sur des trucs que tu pourrai vivre si tu sortais dehors au lieu de bouquiner, DUGLAND, VA !)
JE REPRENDS / Jake et Hildy suivent la piste. Elle est simple et bien balisée, elle ressemble à un jeu de l'oie revu et corrigé par un artiste de comic loufdingue qui aurait passé un peu trop de temps aux gaugues à feuilleter du Milton Canif et du Wally Wood.
Chaque chapitre correspond donc à un strip et chaque strip relate un évènement et une rencontre.
Comme toujours chez Goulart, l'intérêt nait des décors et des personnages secondaires. Inutile d'analyser. Je l'avais déjà fait 304 messages plus tôt. La suite de cet article a donc été repensé en un mini-listing non-exhaustif des protagonistes fantaisistes apparaissant dans ce roman. C'est moche mais c'est simple, et c'est surtout plus efficace.

AINSI, DANS HEIL HIBBLER, TU TROUVERA :
- Jake, Hildy et pleins de robots !
MAIS TU TROUVERA AUSSI :
- Roots Stackhouse, un politicien souffrant d'un dédoublement de personnalité fort stupide,
- Harlow Lolo (" dans ma lointaine enfance, nous aurions bien rigolé d'un blaze pareil "), un producteur télé qui se déguise en cowboy et vante à longueur de temps son arbre généalogique (" les Lolos ont joué un rôle de premier plan dans le développement de notre nation ")
- Angel Tolliver, une nana que Jake et Hildy recherchent (en réalité, elle se nomme Amanda Tenn et porte un faux nez de patate)
- Billiejean Folly, son amie, spécialiste du tir au bazooka en fête foraine
- Adolph Hibbler, grand expert du Rayon de la Mort, congelé, trimbalé pendant 20 piges comme curiosité par une fête foraine ambulante
ET N'OUBLIONS PAS NON PLUS LES FIGURANTS !
- Steranko le siphonneur
- un major-d'homme anglais aux bras métalliques multi-usages
- un robot gardien de parking souffrant d'un problème d'élocution, la faute à "un axe de bielle défectueux"
- des punks du troisième age officiant dans le Los Angeles du futur
- la classique horde d'androïdes meurtriers ("ces enculées de machines sont toutes au bord de la déjante totale")
- un tueur à gage qui s'est fait tatouer sur tout le corps " une adaptation de l'Ancien Testament en BD quadrichromique."
J'EN PASSE ET DES MEILLEURES, MON POTE !
Mais maintenant, faut conclure. Et en vitesse.

Ainsi, comme un tube de Michel Sardou réorchestré Zizique Zinzin (Looney Tunes en V.O.), Ron Goulart, c'est de la S-F BROADWAY.

Ce n'est peut être pas la vraie de vraie, mais c'est celle qui me plait.
Tu piges ?

QUAND L'URINE EST TIRÉE...

PANDEMONIOPOLIS, GABRIEL JAN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 679, 1975

C'est à cause de bouquins comme ce Pandemoniopolis que, longtemps, la SF se traina une image de marque désastreuse. Et pourtant, qu'est-ce que c'est bon. Ou plutôt QU'EST-CE QU'ON SE MARRE !
220 pages de Gabriel Jan, alors débutant (il s'agissait de son quatrième roman) mais déjà foutrement remonté contre la société moderne et décadente. Contre sa culture surtout.
Nous sommes en 1975, la pornographie est partout, le monde ressemble à Toi Ma Nuit de Jacques Sternberg (mais en moins long)
Dans un fanzine ronéoté, fortement chauffé par la lecture de cette pute de Fiction (stalag fantastique alors sous le joug des gauchos de la SF), Gabriel écrit :


" Des intellectuels au-dessous de la ceinture tentent de salir la science-fiction, de la prostituer en ornant leurs infâmes écrits de l'étiquette S.F. [...]
Incapable de créer, sinon le genre 'scatologie-fiente', dans lequel ils se complaisent, ces 'révolutionnaires' débiles entreprennent la destruction organisée, se permettant sans le moindre complexe, de juger telle ou telle collection, tel ou tel auteur, comme si ils étaient les Maîtres. Le verbe, pour eux, n'est autre qu'un caméléon jouisseur, qui allie avec démence l'anarchie, le sabotage, la boue, la vulgarité, la pornographie à outrance..., et j'en passe."
et de conclure, après une nouvelle envolée sur les matières fécales :

" Quand l'urine est tirée... il faut la boire. "
Ce qu'il fit sur le champs, je n'en doute pas : il s'agit là d'un excellent remède de médecine parallèle. Bref. Une fois sa décoction avalée, il s'attela à la rédaction de son chef-d'oeuvre absolu, PANDEMONIOPOLIS, charge brutale contre le despotisme de la poésie politico-porno-merdouilleuse maquillée en science-fiction d'avant-garde.
Pour marquer le coup, Maurice Limat fut invité à en signer la préface. MAURICE LIMAT ! C'est la cerise sur le gâteau, la petite gâterie qui s'impose, l'ouverture en fanfare. 3 pages essentielles :

"[...] dans Pandemoniopolis, nous découvrons une prise de position sans bavures concernant notre temps et, au-delà, ce qui attend notre civilisation décadente."
La sonnette d'alarme est tirée. Ovation du public. Plan d'ensemble : GABRIEL JAN DEVANT SA MACHINE À ÉCRIRE, S'INDIGNANT, DÉNONÇANT. GROS PLAN, VOIX OFF :

"La Terre n'est plus qu'un vaste parc d'attractions pour adultes en pleine crise de folie "
TRAVAIL - FAMILLE - PARTOUZE ! Le lecteur sourit. Ou souffre. Tous les pires stéréotypes de la SF anti-utopique sont ici réunis. Tyrannie, milice, apathie, révolte. Mais ce qui rend la chose encore plus délectable, c'est qu'ils semblent tous comme sur-gonflés par l'auteur, ces stéréotypes, comme enrobés de plusieurs couches supplémentaires de niaiserie brute.
La cacophonie règne dans les villes, les gens ont oubliés Mozart et les philosophes des lumières - bref, toutes ces choses qui rendent belle et noble l'existence humaine. Désormais, les gens (CES GROS CONS) ne pensent plus qu'au sexe. Ils baisent, ils baisent, ils baisent. Sans jamais donner naissance. Ils pornographisent le monde. Et vas-y que ça se roule dans la fange : c'est le coït frénétique dans les boites à musique.
RIEN NE VA PLUS c'est le monde moderne vu à travers le prisme d'un esprit qui louche.
On dirait presque une nouvelle de Bernard Blanc, mais pour la presse catholique de droite. C'est mieux : on remplace l'anti-nucleaire par l'anti-zizi-panpan. La contre-utopie de Gabriel Jan, c'est la liberté sans discipline, sans Dieu et avec du cul en sus.
Et ses rebelles qui, logique, combattent le regime porno-facho par... l'Amour ! Hilarant !


SI TU NE DOIS LIRE QU'UN SEUL ANTICIPATION,
LIS PANDEMONIOPOLIS !

Et bien que première partie du roman ne soit qu'agréablement atterrante, la suite se révèle par contre proprement éblouissante niveau crétinerie inspirée. Car Pandemoniopolis, ce n'est pas seulement un roman bancalement politique, c'est aussi une ode mystique.
À ce titre les 50 dernières pages du bouquin sont purement et simplement démentielles. Tout y est. L'Atlantide, les pouvoirs psychiques, les extraterrestres.
Ces derniers se divisent en deux catégories : les gentils et les méchants. Les gentils veulent sauver l'humanité. Les méchant veulent la corrompre.

" Ils ont commencé à détruire le monde en introduisant dans chaque pays des données séduisantes mais toujours fausses, des éléments d'exploitation des bas instincts humains comme la pornographie, la révolution. "
LA PORNOGRAPHIE, LA RÉVOLUTION ! CE SONT EUX LES COUPABLES !(UNE SEULE SOLUTION : LE RETOUR À LA TERRE ET À LA RELIGION / BANDANT, N'EST-IL PAS ?)
Reste une question.
Avec tout son talent, pourquoi Gabriel Jan s'est il entêté à écrire des bouquins de gare ? Pourquoi ne fonda-t-il pas plutôt une secte ? Pandemoniopolis, peinture saisissante de la dégénérescence humaine, aurait pu servir de bible new-age. Je me répète mais TOUT Y EST ! Les problèmes, les solutions, les petites formules qui font mouche et l'espérance d'un voyage dans l'espace pour sauver notre espèce de ses démons.
Pandemoniopolis, c'est le kit complet pour gourou en manque d'inspiration. Avec ça, tu fais un carton. UN CARTON, J'TE DIS ! Tu détrônes Raël, tu te tapes plein de nénettes illuminées et tu t'en fous plein les fouilles.

Gabriel, t'es con. T'as raté ta carrière !

ALERTE AUX BIOCYBS !

L'ÈRE DES BIOCYBS, JIMMY GUIEU
FLEUVE NOIR / ANTICIPATION # 160, 1960

J'adore cette couverture de Brantonne. Probablement l'une de mes favorites - avec (liste non-exhaustive) les deux romans robotiques du duo Vandel, Metal De Mort et Heure Zero de Vargo Statten, Humains de Nulle Part de Peter Randa et Les Improbables de Kurt Steiner.
La fille dans son caisson radiographique, inexpressive, exposant au lecteur ses organes métalliques, cela reste pour moi un jalon graphique essentiel dans ma découverte d'Anticipation.
Mais jusqu'à très récemment, je n'avais jamais ouvert ce volume. Je l'avais laissé trainé, préférant fantasmer sur l'illustration, peu presser de briser un mythe.

Car il faut bien l'avouer, Jimmy Guieu ne fait pas parti de mes auteurs de prédilection. Je ne me constituerais pas pour autant farouche détracteur de son œuvre - elle résume parfaitement les aspirations populaires de la SF française à gros tirage des années 50 et 60 - mais la lecture à répétition de ses bouquins ne figure clairement pas dans la liste de mes hobbies favoris.
Jimmy Guieu a beau faire dans le coloré et le naïf, le gentil contre les méchants, la jolie fiancée, le vieux scientifique barbichu, les twist party et les bagarres endiablées, ça ne m'empêche pas de parfois m'ennuyer de sa prose, peu nerveuse, et de bailler à ses enchainements prévisibles de situations.
Mais j'arrête de casser du sucre. Les symptômes sont, somme toute, assez typiques de la production Anticipative de la vieille école et je pourrai exactement dire la même chose au sujet de certains Richard Bessiere, BR Bruss ou M-A Rayjean.

L'Ère Des Biocybs débute donc comme de nombreux Jimmy Guieu première période - le Jimmy Guieu sauce américaine, le Jimmy Guieu d'avant les enquêtes paranormales de Gilles Novak.
Le héros, un scientifique parisien, est lancé sur la piste d'un complot visant à remplacer l'espèce humaine par une race de robots humanoïdes, les biocyborgs.
La première partie est classique, la suite devient surprenante : L'Ère Des Biocybs ressemble à un drôle de croisement entre L'invasion Des Profanateurs de Sépulture et la SF catastrophique d'un Fern / Statten puisque, outre les biocybs, l'humanité est aussi menacé par une étrange peste cotonneuse, maladie farfelue, incurable et décimant jours après jours des milliers d'individus de par le globe.

Les deux affaires sont bien entendu liées mais pas exactement comme le lecteur pourrait se l'imaginer.
Oui, Jimmy Guieu étonne. Jimmy Guieu prend des chemins de traverse, s'essaye à quelque chose qui, sans être novateur pour un sou, change résolument de nos Anticipation habituels.

Dans le propos, on est à la fois dans la fiction progressiste d'un JG Vandel (type La Foudre Anti-D : il faut sauver l'espèce humaine, par tous les moyens possibles, même les moins orthodoxes) et les visions pessimistes des romanciers anglais, mélange assez étrange culminant en un final extrêmement noir, partagé entre la haine, la résignation et la raison.
En poussant un peu, je dirais même qu'on tient avec cette fin une sorte de décalque vaguement flou, à la morale moins habile mais plus ambivalente, du Je Suis Une Légende de Matheson - et avec des robots à la place des vampires.


Malheureusement, si le sujet est ambitieux, le style de Guieu tend à desservir l'ensemble. L'Ère Des Biocybs est pétri de situations grotesques (le héros qui brule sa compagne avec une cigarette pour vérifier qu'elle est bien "humaine"), farci d'italiques à gogo et alourdi par un rythme branquignol.
Des deux tiers du livre transpire une impression de vide absolu. Le héros patine dans son enquête, l'auteur patine dans sa rédaction. Le tout peine à proprement dresser le portrait des derniers jours de l'humanité. On a quelque peu l'impression d'assister à la projection d'un film de SF fauché dans lequel catastrophes et conséquences se dérouleraient hors-champs pour palier au manque de budget.

Ici, le manque de budget, c'est l'imagination de Guieu et son écriture. Le résultat n'est donc pas fameux mais l'on retiendra tout de même l'anti-happy end des quatre dernières pages et les allusions (pages 144 & 160 par exemple) au racisme anti-robot s'emparant d'une population menacé par un péril inconnu.
"ALERTE AUX ROBOTS ! proclamait l'affiche en énormes caractères rouges. Ces monstres synthétiques, insensibles, se cachent parmi vous ; ils enlèvent et assassinent vos semblables pour s'emparer de leurs cerveaux qui, demain, animeront d'autres robots. Votre devoir d'êtres humains est de les dénoncer, de prêter aide et assistance aux forces de l'ordre chargées de les traquer. [...] SOUVENEZ-VOUS-EN ! TRAQUEZ-LES SANS PITIÉ ! EUX N'EN ONT PAS POUR VOUS !"
Une parabole comme celle-ci, chez Jimmy Guieu, c'est assez remarquable.
Rien que pour cela, et malgré ses nombreux défauts, L'Ere Des Biocybs mérite donc bien un petit coup d'œil.