SOFTWARE, RUDY RUCKER
OPTA / GALAXIE-BIS # 145, 1986
Si Ron Goulart œuvra dans la SF Broadway (j'imagine assez bien Sacré Cyborg ou L'Empereur Des Derniers Jours en comédies musicales aussi grasses que pétillantes, décors en carton-pate et costumes improbables, public sous hypnose et les planches qui brulent à la fin) Rudolf von Bitter Rucker, autre oublié culte de la fiction dingo-furibarde, donnait quant à lui dans un mélange de série B détournée et de thématiques Dickiennes parfaitement maitrisées, joliment personnalisées à coup d'équations mathématiques camées et jamais plombées par ces ennuyeuses postures pseudo-philosophiques qui pullulent désormais chez certains émules du haut-châtelain Kindred Dick.
Rudy Rucker, c'est donc un petit rigolo - chose assez surprenante pour une personne ayant du sang hégélien dans les veines (ou alors ai-je trop lu de Jean-Bernard Pouy) - mais un petit rigolo qui vise juste et frappe fort, avec cette efficacité propre aux œuvres pop qui ne payent pas de mine, qui ne semblent avoir été écrites que pour distraire et qui, au final, en disent beaucoup plus que ce que l'on s'imaginait de prime abord.
Nous sommes en 2020. Cobb Anderson est un ex-scientifique lessivé pour avoir permis aux robots (surnommés le Boppers, comme dans BE-BOP-A-LULA SHE'S MY BABY) de s'émanciper 20 années plus tôt.
Barbu, fatigué, détaché, il tue le temps en se noircissant les méninges à coup d'alcool fort et en feuilletant des magazines de petites annonces cochonnes - jusqu'au jour où, contacté par son double robotique, un voyage sur la lune lui est offert avec, à la clef, l'immortalité.
Mais les choses ne sont pas si simples : une guerre civile est sur le point d'éclater entre les Boppers et sur terre, les Joyeux Drilles, malades mentaux post-Mansonniens, sèment le désordre en bouffant des cervelles humaines.
Récit déglingué, hyper-azimuté, Software ressemble au croisement jouissif du Sladek de Mecasme (ou de Tik Tok) et du Neal Stephenson de Panique A L'Université. En témoigne certains protagonistes pas piqués des hannetons, comme Sta-Hi, le roi de la défonce, qui accompagne Cobb sur la lune (" Une idée du tonnerre, mon vieux ! On va se soûler la gueule au carburant et s'accrocher des ailes en carton dans le dos ! ") ou Ralph Number, le premier Bopper anarchiste, robot rudimentaire ressemblant à "un classeur de bureau monté sur chenilles."
OPTA / GALAXIE-BIS # 145, 1986
Si Ron Goulart œuvra dans la SF Broadway (j'imagine assez bien Sacré Cyborg ou L'Empereur Des Derniers Jours en comédies musicales aussi grasses que pétillantes, décors en carton-pate et costumes improbables, public sous hypnose et les planches qui brulent à la fin) Rudolf von Bitter Rucker, autre oublié culte de la fiction dingo-furibarde, donnait quant à lui dans un mélange de série B détournée et de thématiques Dickiennes parfaitement maitrisées, joliment personnalisées à coup d'équations mathématiques camées et jamais plombées par ces ennuyeuses postures pseudo-philosophiques qui pullulent désormais chez certains émules du haut-châtelain Kindred Dick.
Rudy Rucker, c'est donc un petit rigolo - chose assez surprenante pour une personne ayant du sang hégélien dans les veines (ou alors ai-je trop lu de Jean-Bernard Pouy) - mais un petit rigolo qui vise juste et frappe fort, avec cette efficacité propre aux œuvres pop qui ne payent pas de mine, qui ne semblent avoir été écrites que pour distraire et qui, au final, en disent beaucoup plus que ce que l'on s'imaginait de prime abord.
(MAIS ENCORE FAUT-IL ÊTRE ÉQUIPÉ DU BON DÉCODEUR POUR EN RÉCUPÉRER LES SIGNAUX ET EN ANALYSER LES MESSAGES)Dans le genre, Software se fait très direct. Comme un film de Brian Trenchard-Smith parasitant le réel, aucune subtilité n'y est autorisée.
Nous sommes en 2020. Cobb Anderson est un ex-scientifique lessivé pour avoir permis aux robots (surnommés le Boppers, comme dans BE-BOP-A-LULA SHE'S MY BABY) de s'émanciper 20 années plus tôt.
"Grâce à lui, il y avait longtemps que les Boppers avaient rejeté les lois racistes et réactionnaires édictées par Asimov."Depuis, les robots ont colonisé la lune et Cobb Anderson traine sa misère de septuagénaire fauché en Floride, territoire en friche cédé par le gouvernement US aux vieux baby-boomers des fifties.
"Ici, ils ne payaient pas de loyer, et toutes les semaines on les ravitaillait gratuitement en nourriture. Les schnocks avaient rappliqué comme des sauterelles. Ils s'entassaient dans les motels à l'abandon pour écouter leurs vieilles rengaines, organiser des surprises-parties, comme aux plus beaux jours de 1963."Cobb Anderson, bien entendu, c'est Rudy Rucker réalisant un saut transfictionnel dans un futur de papier et revêtant les apparences d'un Philip K. Dick à la fin de sa vie.
Barbu, fatigué, détaché, il tue le temps en se noircissant les méninges à coup d'alcool fort et en feuilletant des magazines de petites annonces cochonnes - jusqu'au jour où, contacté par son double robotique, un voyage sur la lune lui est offert avec, à la clef, l'immortalité.
Mais les choses ne sont pas si simples : une guerre civile est sur le point d'éclater entre les Boppers et sur terre, les Joyeux Drilles, malades mentaux post-Mansonniens, sèment le désordre en bouffant des cervelles humaines.
Récit déglingué, hyper-azimuté, Software ressemble au croisement jouissif du Sladek de Mecasme (ou de Tik Tok) et du Neal Stephenson de Panique A L'Université. En témoigne certains protagonistes pas piqués des hannetons, comme Sta-Hi, le roi de la défonce, qui accompagne Cobb sur la lune (" Une idée du tonnerre, mon vieux ! On va se soûler la gueule au carburant et s'accrocher des ailes en carton dans le dos ! ") ou Ralph Number, le premier Bopper anarchiste, robot rudimentaire ressemblant à "un classeur de bureau monté sur chenilles."
"[Il] possédait peu de voyants lumineux ou de cadrants extérieurs, aussi était-il difficile de savoir ce qu'il pensait."N'oublions pas non plus tous les Boppers figurants qui, lorsqu'ils ne se décalquent pas les circuits imprimés à coup d'aimants, prennent leur fade en échangeant des données.
"Si tu veux être mon hardware / Je serais ton Software [...] Ça te dirait, de te connecter à moi, baby ?"On se croirait presque dans le Techniques du Chaos de Tim Leary. D'ailleurs pour reprendre la comparaison introductive à ce billet, si Ron Goulart est principalement influencé par l'imagerie comic-book du golden-age, Rudy Rucker l'est par les écrits de la beat-generation - mais sous une forme mutante, quelque chose comme du cyber-beat-punk décalé.
SOFTWARE, ÇA POURRAIT TRÉS BIEN ÊTRE BRION GYSIN DANS L'ESPACE, REJOUANT LE DIEU VENU DU CENTAURE EN FUMANT DES PLAQUETTES DE SILICIUM, METAL DE GARY NUMAN DANS LE WALKMAN À CASSETTE.Et si le roman se termine vaguement en queue de poisson (ou plutôt d'esturgeon), vous y apprendrez, entre autres choses, à utiliser la commande informatique d'ivresse chez l'androïde, à apprécier la religion du bruit blanc cosmique des Boppers et à vous méfier des vendeurs de glace ambulants - leurs camions servant bien souvent de sinistres façades à une entreprise d'annihilation de l'espèce humaine.
(OU ALORS ELECTRIC WARRIOR DE T.REX, MAGNÉTIQUEMENT DÉGRADÉ)
(AU CHOIX)
3 commentaires:
Encore un OVNI littéraire.
ça a l'air furieusement déjanté (et nettement moins chiant que les romans cyberpunk qui paraissaient à la même époque.)
'xactement ! Rucker est l'un des fondateurs du mouvement cyberpunk mais, contrairement aux autres auteurs du genre, il aimait bien délirer dans les grandes largeurs. Surement son coté "contre-culture ricaine des années 60" (et l'équation "mathématiques + drogues = fun".)
un recueil regroupant 2 romans ("Maitre de l'espace et du temps" & "Le secret de la vie", tous 2 précédemment édité en Présence du Futur) + pas mal de nouvelles est sorti il y a quelques années chez Denoël. Malheureusement, ça semble avoir fait un flop vu qu'aucun autre bouquin de Rucker n'a depuis été lancé sur le marché.
C'est con car Software a connu 3 suites, toutes inédites en France...
Ummm...yes. Finally, that's my opinion too.
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