Affichage des articles dont le libellé est [SERIE] LE JUDOKA. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est [SERIE] LE JUDOKA. Afficher tous les articles

LA CARTE DU TENDRE

LE JUDOKA ET LES FILLES AUX YEUX D'OR ERNIE CLERK, LA TABLE RONDE, 1963
RÉÉDITION : SURSIS POUR LE JUDOKA, ERNIE CLERK, ALBIN MICHEL ESPIONNAGE # 4, 1965

L'astuce est plutôt cocasse. Sur le slip de Marc Saint Clair, alias le Judoka, se trouve tracé à l'encre sympathique un document ultra confidentiel, façon schéma de chasse au trésor avec plein de flèches de partout et une grosse croix rouge qui signale la base secrète des méchants.
Ainsi, équipé de son super slibard, notre héros mène l’enquête.
"C'est la plus transportable des cartes que vous puissiez avoir" dixit un colonel de l'U.S. Army au Judoka.
La plus transportable, OK... mais pas forcement la plus pratique. 
Déjà, faut pas déconner. Une érection mal maîtrisée et la carte devient indéchiffrable. C'est ballot !
Ensuite, son utilisation n'est pas des plus simple. Se débraguetter le falzar à chaque embranchement, se le rincer au jus de citron et y vérifier enfin si c'est bien dans la bonne direction que l'on se dirige, tu parles d'une procédure à la gomme !
Quant à affirmer que le service trois-pièces d'un agent secret constitue la meilleure des planques à documents possible, ce serait bien mal connaître les héros de ces bons vieux récits d'espionnage à 8 francs 15 la séance. Avec le nombre de petites poulettes devant lesquelles ils tombent le bénouze, la couleur et les motifs de leur calebar sont aussi secrets que la vie privée d'une vedette télé abonnée aux unes d'Ici Paris, France Dimanche et Voici réunies.
Ou comme le chantait Jean-Pierre Calçon, pardon, Kalfon, "Quel émoi ! Quel ennui !"
Néanmoins, au rayon des idées idiotes employées dans les romans d'espionnage des années 50 et 60, ce sous-vêtement en toc que nous exhibe Ernie Clerk histoire de mieux téléguider son héros vers le repère des méchants (et donc - d'une pierre deux coups - vers la fin du bouquin) est loin, très loin, de valoir certaines coupures du genre, morceaux d'anthologie tellement loufoques et stupides dans leur registre qu'ils en vinrent à me tirer, lors de leur lecture, des larmes d'un bonheur pervers et continuent rétroactivement à me titiller les bas instincts de la matière grise, à la manière d'une remembrance de quelques joyeuses séries Z aux trucages calamiteux et scénarios bouffés aux mites.
Je pense par exemple à l'espion d’Étrange Mission (Éditions de l'Arabesque, Espionnage # 556, 1968), un corse têtu comme une mule et con comme un âne qui se débarrassait de ses adversaires en leur offrant des myrtilles cueillies dans la forêt et sur lesquelles un renard malade avait pissé. Les méchants, inconscients du redoutable stratagème dont ils allaient être victimes, se goinfraient alors des baies avant de tomber raide-morts, foudroyés par une zoonose express !
Dépassé, James Bond et ses gadgets dernier cri. La myrtille imbibée d'urine de canidé valétudinaire, ça c'est du sérieux !
Je pense aussi à Hubert Bonisseur de la Bath qui, dans OSS 117 chez les Hippies (Presses de la Cité, 1970), se trouvait forcé par de vils beatniks maoïstes à gober des buvards de LSD. Le suspense à son comble, laissant le lecteur trembler comme une feuille. Hubert allait-il perdre la boule, se laisser pousser les tifs, plaquer la barbouzerie pour fonder un groupe de rock psychédélique en Californie ? Que nenni ! 
Notre homme résistait vaillamment à la tentation du trip cosmique. Et ce, sans verser la moindre goûte de sueur. Car, c’était bien simple, à l'aide d'une petite pilule made in CIA, Hubert s'était immunisé contre les effets de l'acide lysergique. 
Hell yeah !
Je pense enfin (et en vrac) à la brosse à dents talkie walkie de l'agent spécial Malran dans La Panthère se Rebiffe de Paul Berg (S.E.G. Espionnage # 73, 1966), aux "ologrammes" (sic) plus vrais que nature d'H.T. Perkins dans La Déesse et l'Artiste (une bonne demi-dizaine d'éditions, de 63 à 75), à cette soucoupe volante pilotée par des cow-boys dans Stop Destruction Immédiate (F.P. Belinda, La Loupe Espionnage # 6, 1953), à la moelle épinière des bons élèves d'un lycée français qu'un savant fou subtilise afin de transformer ces derniers en cancres gauchistes (Les Corruptibles, Jimmy G. Quint, Presses Noires Espionnage # , 1967) ou encore à ce four micro-onde géant qui manque de rôtir l'agent X.117 dans Mission D.D.P. Terminé (André Favières, La Loupe Espionnage # 44, 1957).
Bref, face à pareille concurrence, Ernie Clerk et son Judoka peuvent renfiler leur kimono.
Un vieux slip sale qui fait carte michelin ? 
Il en faudra beaucoup plus pour nous épater !

LE JUDOKA CRISPÉ

LE JUDOKA ET LES SABRAS, ERNIE CLERK
FLEUVE NOIR ESPIONNAGE # 873, 1971

Le méchant de cet épisode, c'est un vrai de vrai, un vrai méchant. Il se nomme le Chacal et "il sait que le ciel est avec lui, contre ces femelles de français."
Le héros, lui, c'est un homme, un vrai de vrai, un vrai français. Marc Saint-Clair, dit le Judoka. "Un physique de jeune premier de western" et des aptitudes martiales hors du commun.
Oui, le Judoka, ce n'est pas Monsieur tout le monde, car...
"...tout le monde n'est pas champion toute catégorie de judo et ne passe pas sept à huit heures par jour à s'entrainer dans ce qu'il y a de plus viril et de plus dangereux en matière de sport."
6eme Dan de judo et free-lance de l'espionnage international, Marc Saint-Clair possède en outre un super bateau baptisée "Le Katana," porte avec classe et distinction ses "quatre-vingt treize kilos de muscles surentrainés" et sort avec un poulette de luxe prénommée Nathalie, un peu cruche sur les bords mais pas bêcheuse pour un sou.
Comme elle l'avoue elle-même en page 85 : "J'ai un fond d'Orientale en moi [...] j'adore être soumise à la volonté d'un homme, pour peu qu'il en vaille la peine, comme Marc."

Brave fille.
L'auteur, de son côté, semble être comme envouté, comme pénétré jusqu'au plus profond de son moi par la puissance ultra-signifiante que son héros dégage dès qu'il entre en scène. Le Judoka et les Sabras, dix-huitième et dernière aventure de Marc Saint-Clair, sonne comme une déclaration d'amour au Judoka, ce mec, ce gonze, cet homme, ce dieu.
"À cette époque de tignasses crasseuses et de laisser-aller, il donnait une impression de netteté raffinée. À cette époque de cas de conscience, de compliqués, il semblait un roc sur lequel les complications n'avaient plus qu'à glisser."
Bien entendu, pour justifier les émoluments enamourés que lui déverse à longueur de pages Ernie Clerk, le Judoka s'active, se démène, se défonce sans regarder à la dépense.
Il a la transpiration généreuse et l'on n'ira surement pas raconter que ses doigts de pieds se roulent des pouces sur la chaise longue du délassement.

Je récapitule : au cours des 230 pages de cette ultime mission, Marc Saint-Clair repêche en pleine mer un faux pilote juif, emballe une journaliste lubrique amatrice de sensations dures, casse des bras dans un rade à Arcans Nord'Af', fait une démonstration de judo dans un dojo de Marseille, s'entraine au tir rapide à coup de 38 spécial, drague une espionne du Mossad amatrice de parties fines, visite Israël en touriste VIP et dézingue à Beyrouth l'assassin de Ben Barka.
Le bouquin est copieusement rempli mais pas exactement de la tambouille attendue. Le Chacal, ce vrai méchant super méchant ? Il passe à la trappe dès le second chapitre. On espère le voir repointer du tarin dans un final retentissant et l'on en est pour ses frais.
Le Judoka Et Les Sabras est un bouquin d'action privé de direction, privé d'enjeux. Marc Saint-Clair étale ses biscotos comme un Atlas de province avec, à ses côtés, un Ernie Clerk transformé pour l'occasion en monsieur Loyal et qui, entre deux crises de flagornite aigüe pour son surhomme, se répandrait en commentaires socio-politiques sur le monde moderne et ses travers.
Un petit exemple ?
Eh bien, selon Ernie, si le système éducatif occidental est défaillant, c'est...

"...la faute aux hommes, ou tout au moins à ceux que l'on appelle encore, improprement, des hommes : ceux qui se promènent chevelure mise en plis et permanentée, ceux qui moulent leurs fesses dans des pantalons de tapisserie, ceux qui vont faire leurs cours l'échine basse, la concession à la bouche et l'angoisse aux tripes, prêts à toutes les insultes, à toutes les humiliations avant même de franchir la porte de leurs amphithéâtres. Évolution des temps ? Non, plutôt recommencement. Une consolation : la décadence n'est jamais définitive, il y a toujours des centurions pour relever le défi."
C'est drôle comme un bon morceau de Sardou (je pense à J'accuse, cet impérissable tube de death-disco) mais, à la longue, ça lasse.
Et c'est cela, le gros problème du Judoka. Dans le genre, ça pourrait être absolument génial et génialement parfait si l'auteur et son héros ne nous paraissaient pas si tendus, si crispés, si raides dans leurs frusques de papier.
C'est ça, le truc.
On aimerait bien, juste l'espace de quelques instants, qu'ils arrêtent de rouler des mécaniques.
Qu'ils relâchent la pression.
Qu'ils prennent le temps de s'abonner à Hara-Kiri, de se décapsuler une petite bière, de placer un morceau de rock planant sur la platine et d'aller faire un tour aux waters, avec une revue d'humour sexy pouet-pouet sous le bras.

Simplement histoire de se vidanger la mécanique interne des méninges.
Car ça n'a jamais fait de mal à personne.
Et puis,
...avouons.
Y a pas que le judo, dans la vie.

RAPIDO-FOKKER # 1 : FLEUVE NOIR ESPIONNAGE

LE RAPIDO-FOKKER,
C'EST LE MÜLLER-FOKKER EN MODE EXPRESS.


Car j'ai plusieurs piles de bouquins qui attendent que je dégoise à leur sujet et qu'étant du genre flemmard, un poil dans la pince et tout le tralala, ça prend son temps.
Autant dire que, si je ne veux pas me retrouver enseveli sous des tonnes de vieux papier à la premier secousse sismique, faudrait peut être que j'y foute un coup.
D'où l'intérêt de rapido-fokkiser ma prose.

Vite vite vite et à toute berzouille.
Pas de fioritures et pas de jolies phrases, je chie de l'azerty et c'est marre.

Donc, au programme aujourd'hui, trois romans Fleuve Noir en collection Espionnage.
Et c'est parti !

Le premier, c'est TTX-75 CONTRE DOCTEUR FU, signé Richard Caron (Fleuve Noir Esp. # 803, 1970) - un titre extra mais pas de chance, le bouquin ne racontera jamais ce que l'on attendait de lui.
Un virus spatial ? Un savant fou chinois ? De l'action façon Lyle Kenyon Engel ? Du mystère à la Sax Rohmer ? Je tablais là dessus et je fus déçu.
Tout juste récoltais-je, de ci de là, quelques goutes homéopathiques afin de rassasier la guenon sur mon épaule qui hurle à plus de louftingue dans sa littérature populaire.

Bref, c'est du tout venant, voire même du un peu rapiat aux entournures.
Pas de cinémascope, juste une petite production fauché qui jamais ne se donne les moyens de dépasser sa triste condition.

Ainsi, dans TTX-75 Contre Docteur Fu, Jasper Wood, dit TTX-75 (en page 22, il nous explique l'origine de son blase d'espion : "Dans le domaine local de l'immatriculation des autos, 75 signifie Paris et TT : transit temporaire. Un agent est toujours en transit entre deux missions et entre la vie et la mort...") Jasper Wood, disais-je, est chargé de body-guarder une jeune et jolie bactériologiste américaine de passage à Paname.
Toute cette affaire-là dure un sacré bout de temps (bâillement) et, histoire d'occuper son lectorat à peu de frais, l'auteur enchaine rebondissement idiot sur rebondissement idiot, s'improvisant ainsi agent de circulation en pleine heure de pointe du rebondissement idiot.

Accordons lui cela : le trafic reste fluide. Aucun encombrement, excepté lorsqu'il s'essaye à quelques pointes d'un humour aussi plat que transparent.
À part ça, RAS.
TTX enquête comme un automate, déniche quelques maigres indices puis démêle toute l'intrigue sans même lever le petit doigt.

Une bien belle leçon de remplissage...

Même constat pour SAFARI POUR UN JUDOKA (Fleuve Noir Esp. # 799, 1970), pénultième aventure du héros emblématique de Ernie Clerk : Marc Saint-Clair, dit le Judoka.
Mais primo, résumons.
À Paris, un Chinois tendance Rouge Pekin passe à l'ouest. Dans ses bagages, se trouvent des documents ultra-secrets : LE PLAN DE POURRISSEMENT DE LA FRANCE !
"[un] plan dont les bases ont été établies entre 1964 et 1968 et qui s'inscrit dans l'optique de la nouvelle Quatrième Internationale décidée par Mao."
Pendant ce temps, Marc Saint-Clair, notre héros, membre de l'Organisation de Contre-Subversion (organisation regroupant uniquement des réac's amateurs d'arts martiaux), Marc Saint-Clair chasse le buffle en Afrique.
Récit d'agent secret en vacances, donc. Agent secret qui, comme de bien entendu, se verra rattraper par ses obligations contractuelles à plein temps : combattre les mécréants qui veulent ruiner l'occident.
Formule aussi classique que solide mais ici, pas de chance (bis repetita) la sauce ne prend pas. L'intrigue est poussive et sa résolution trop expéditive. Ernie Clerk tire à la ligne sans trop savoir où il va.

Reste néanmoins le nœud du bouquin, cette chasse à l'homme dans la brousse, trop courte mais rondement menée.
Reste aussi, pages 180, cette envolée lyrique de l'auteur, à la manière d'un Michel Sardou de la litterature de gare
("En 1970, il y a encore des hommes qui croient en autre chose qu'à la drogue, à la crasse, aux baisse-culotte intellectuels, aux je-prefere-un-ennemi-à-un-frère-fort, au masochisme, au week-end-de-sept-jours et au je-ne-veux-pas-savoir-ce-qui-va-se-passer.")
Reste enfin le fait que ce Safari Pour Judoka se lit sans déplaisir aucun. ses formulations sont simples, ses ambitions modestes.
Ce n'est ni plus ni moins qu'un petit roman d'aventure, aussi vite lu qu'il fut pondu, aussi vite oublié qu'il fut torché.


Un petit dernier pour la route. C'est FACE D'ANGE CHASSE LE TRÉSOR, écrit par l'infatigable Adam Saint-Moore (Fleuve Noir Esp. # 678, 1968) et, attention, avis aux amateurs (j'en suis), il s'agit là d'une histoire tournant autours de ce fameux mythe qu'est le trésor des nazis.
Ici, Face d'Ange et son compère, le brave Gunther, traquent d'anciens SS qui se le sont foutu dans la fouille, le magot des nazebroques. S'y trouve pèle mêle le spectre de Charlemagne, des pièces d'or numismatiquement ultra-collectors, des bijoux datant du Saint Empire Germanique et diverses autres babioles serties de baths rubis et de vaches émeraudes.
Le roman, lui, n'est pas un pur joyaux. Tu t'en doutais. N'empêches que (ne crachons pas la soupe comme des malpropres) Face D'Ange Chasse Le Trésor est une pierre suffisamment polie pour effectuer quelques jolis ricochets sur la mare de ses 250 pages.
Et si l'ensemble manque cruellement d'action, il fait par contre preuve d'une certaine acuité dans son propos.
En témoigne cette diatribe, page 133, d'un ex-nazi reconverti au confort de la vie moderne (et je conclurai là dessus) :
" Tout ce que nous voulons, c'est vivre intelligemment, c'est-à-dire avec le plus d'argent possible, sous le meilleur climat possible, en compagnie des plus belles filles possibles, entourés des plus beaux objets d'art possibles. C'est ça, notre règle de vie. Nous, nous sommes les enfants du monde nouveau, professeur ! Les fils de la grande et belle civilisation des loisirs et de la consommation ! Nous sommes les Civilisés qui viennent après les Barbares ! "