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SCI-FI ((( Z ))) POP DOUBLE FEATURE # 1 : CES SALES NAZIS DE L'ESPACE


FREQUENCE "ZZ", MAURICE LIMAT
LES TRANSLUCIDES, B.R BRUSS

1965, 1964, FLEUVE NOIR ANTICIPATION

Je m'excuse mais le titre de cet article est mensonger : il n'y a pas l'ombre d'un nazi dans les deux romans Fleuve Noir dont je vais parler. Pour du vrai nazi de l'espace, mieux vaut se tourner vers Rêve de Fer de Norman Spinrad, certainement le livre le plus drôle de tout les temps. Mais revenons en à nos deux Anticipations, qui, bien que totalement dénués de nazi spatiaux, évoquent chacun à leur manière la thématique du bétail humain déporté dans l'espace par des entités maléfiques.

Commençons donc par Fréquence "ZZ" de Maurice Limat. Ce pauvre Maurice Limat. Car, à part les frères Lofficier, actuels éditeurs de Rivière Blanche, personne ne semble vraiment l'apprécier, ni même lui manifester une quelconque forme d'attachement. On a plutôt tendance à le rattacher au courant droite dure qui fit les beaux jours du Fleuve des années 60, celui d'avant les Pierre Suragne, Alphonse Brutche et autres Gilles Thomas. Celui du style arriere-gardiste et des thématiques un peu réactionnaire sur les bords, avec parfois même des déclarations pas très glorieuses dans des revues spécialisées (autant en science-fiction qu'en droite dure).
Pourtant, Maurice Limat, c'est aussi un modeste romancier populaire d'après-guerre, qui voit sa carrière lancée par des pulps torchés à la va-vite chez divers éditeurs éphémères et dont les genres oscillent entre policier à l'américaine, fantastique gothique et science fiction naïve. A la fin des années 50, il intègre le Fleuve Noir et en vient très rapidement à truster le top des poids lourds de la production Anticipation aux cotés de Peter Randa, M.A. Rayjean et Richard-Bessiere. Bref, pas vraiment les crèmes du genre. L'inverse même. Et c'est peut être de là que vient le problème : Maurice Limat n'a jamais été l'égal d'un Kurt Steiner ou d'un B.R. Bruss aux yeux de la critique. Son écriture est considéré comme lourde et ses intentions stylistiques comiques. Reste que ces romans sont de petits Fleuve Noir sans aucune prétention, parfois médiocres mais presque toujours divertissants.
Bref, exactement le genre de Fréquence "ZZ". J'y arrive enfin ! Ici, l'un des personnages fétiche de Limat, l'enquêteur Robin Muscat, tente de démanteler une organisation criminelle menée par le terrible Docteur Aknôr, savant fou de son état. Ce dernier a mis au point une formule (la fréquence "ZZ" du titre) permettant la réduction à l'état liquide d'êtres humains en vue de leur conditionnement en fiole, histoire d'avoir sous la main des esclaves facilement transportable partout dans la galaxie. Un plan vraiment diabolique. Là où ça en vient à se compliquer, c'est que Muscat (un nom difficile à prendre au sérieux) se fait kidnapper par une secte extraterrestre (en fait, des sortes de boules translucides télépathes en lévitation) ayant quelques vues pas très catholiques sur la fréquence ZZ. En gros, ils veulent se l'approprier pour avoir eux aussi des esclaves en fioles.
"Une sorte de volupté bizarre, cette exaltation qui fait que les êtres maléfiques sont méchants sans avoir absolument conscience de l'être, poussait Aknôr à prononcer ces propos parfaitement inutiles. Sans doute, sans s'en rendre compte, voulait-il justifier ses monstrueux agissements et exhalait-il ainsi son mépris de l'humain sensible et souffrant."
Bon, l'histoire de Fréquence "ZZ" est plutôt stupide mais presque tout les éléments du pulp à l'américaine, entre polar futuriste et aventure spatiale débridée, sont là pour en faire une lecture revigorante. On peut juste regretter l'absence totale de charisme de Robin Muscat et une fin bien trop hâtive (comme d'habitude au Fleuve - ça va devenir redondant), mais ça permet tout de même une conclusion bien tordue : après avoir vaincu Aknôr et son organisation, Muscat laisse filer la secte extraterrestre sous leur promesse de n'utiliser la fréquence "ZZ" que sur des mondes lointains. C'est du propre !
Mais voyons : si l'organisation du Docteur Aknôr est une analogie de l'Allemagne Nazi et si Robin Muscat représente la force de frappe vengeresse des USA, la secte extraterrestre serait-elle donc la Russie Soviétique d'après guerre ? Si oui, alors bravo Maurice ! Voila une bien jolie preuve des possibilités à parler de politique internationale dans un texte de niveau Doc Savage !

Est-ce bien mieux du coté de B.R. Bruss ? Pas vraiment, non. Les Bomors, en fait les êtres Translucides du titre, sont une race extraterrestre se nourrissant de la douleur des gens - non pas par plaisir mais par simple nécessité mentale. Le problème, c'est que de la douleur à volonté, sur leur planète, il n'y en a plus des masses depuis une grosse catastrophe ou un truc dans le genre (lisez le bouquin si vous voulez en savoir plus). Bref, voila donc nos Bomors au bord de l'extinction, contraints de lancer des missions sur la terre et ses quelques satellites pour enlever des humains, les confiner dans des camps et les torturer électroniquement, récupérant ainsi la substance énergétique de leur douleur. Les salauds !!!
Bon, soyons clair : si Les Translucides n'est pas aussi palpitant que le très envolé Fréquence "ZZ" précédemment évoqué, ce n'est tout de même pas le B.R. Bruss le plus ennuyeux que j'ai pu lire à ce jour. De toute façon rien ne peut véritablement égaler l'incroyable Parle Robot !, une ôde sous tranxene à Asimov - j'en ferais l'éloge prochainement.
Pour en revenir à nos Translucides, disons que le roman souffre d'un gros problème dans sa structure narrative, un petit truc assez fréquent chez Bruss mais mal mis à contribution ici : un découpage en trois parties, trois journaux intimes, chacun appartenant à différents aventuriers spatiaux et relatant une suite d'évènements précis jusqu'à leur convergence finale. Malgré un début assez Twilight Zone et quelques passages centraux de cette anthropo-sci-fi propre à B.R. Bruss, l'ensemble pèche par un manque flagrant de tension. Normal : un journal intime ne peut supporter la comparaison avec une écriture de bouquin d'action à la troisieme personne.
Reste, encore une fois, un final hallucinant, où les humains, au lieu de botter sauvagement les fesses translucides des Bomors, leur apprennent le sevrage de l'absorption mentale des souffrances physique d'autrui. Et cela passe par... une meilleure nutrition. Car les Bomors, avant leur fatidique rencontre avec des êtres humains, se nourrissaient pas très bien - genre, gros manque de calories et compagnie. Et les humains leur apportèrent le riz. J'en reste sans voix. Je sais bien que B.R. Bruss est le plus grand pacificiste de toute la litterature populaire, qu'il n'y a jamais de véritables méchants dans ses romans, et tout ça, mais bordel, c'est quant même du bon gros n'importe quoi ce numéro 246 d'Anticipation.

Et le rapport avec des Nazi de l'espace ? eh bien d'abords, ils torturent des gens dans des camps avec des machines infernales mais à la fin les humains les pardonnent par bonté d'âme et tentent d'arranger les choses pour tout le monde. Une bien belle leçon de tolérance pour les générations futures. Merci.

WEEK-END ANGOISSE # 1 : HUIS-CLOS MONTAGNARD ET TERREUR RURALE


LA NUIT DU MONSTRE, ANDRÉ CAROFF
1960, FLEUVE NOIR ANGOISSE

Dernier Angoisse écrit par André Caroff avant sa reconversion soi-disant raté dans le label à gros succès d'à coté (Le Rideau de Brume, en Anticipation, parait l'année suivante), cette Nuit du Monstre, au titre et à la couverture très sérial, est en fait une étrange variation sur le thème pourtant bien éculé des Dix Petits Nègres.
Un groupe de cinq neurologues internationaux, inconnus les uns des autres, et
une jeune secrétaire sont invités en Autriche dans le laboratoire (en fait, un chalet en haute montagne) d'un savant fou pour assister à la présentation du fruit de ses 20 années d'expériences secrètes : la création de Saturne, son super homme-robot. En fait, c'est plutôt le résultat assez banal d'une greffe de cerveau mort-né sur un cadavre d'alpiniste récupéré pas très loin du chalet.

Logique.
Et notre savant fou étant (quelque peu) farfelu, il décide pour couronner le tout d'organiser un petit jeu de cache-cache avec sa créature, histoire de bien prouver à ses collègues à quel point elle est parfaite.
Sauf que son über-man élevé en bocal se trouve être un véritable psychopathe sanguinaire, inhumain, uniquement passionné par la violence, la bagatelle et le corps affriolant de la jeune secrétaire. On ne pouvait pas espérer mieux... ou presque : le chalet se retrouve isolé du monde civilisé par une violente tempête de neige, avec électricité coupée et ligne téléphonique hors service en prime. Je vous laisse imaginer le reste.

La Nuit du Monstre débute, chose assez peu courant pour un Angoisse, dans le registre du proto-slasher avant de se transformer, presque sans prévenir, en une traque sexuelle sordide évoquant, la cocasserie en moins, les pockets horrifiques d'Elvifrance voire même certaines déviances à venir de la collection Gore. Car le monstre du titre, passé les 100 premières pages, se décide enfin à abuser de l'héroïne. A maintes reprises. Et celle-ci ne se défend qu'à moitié, trouvant après coup diverses excuses à sa faiblesse toute féminine (ses propres mots) et au comportement de son nouvel amant tortionnaire.
Bon, elle s'en débarrasse brutalement à la fin, mais cette réaction est principalement motivé par la peur qu'il se lasse d'elle... et aussi par un profond dégoût pour la fellation. J'exagère à peine.

En se montrant à la fois complaisant et naïf dans sa représentation du viol, André Caroff en arrive à produire un roman d'exploitation mutant, partagé entre un feeling rétro et des situations fortement malsaines et misogynes... mais involontairement. Bref, un Angoisse surprenant, pas vraiment fréquentable, ni très bon mais bizarrement attachant de par ses aspects les plus détestables.
Ce qui, en soi, fait tout le charme de la littérature de gare lorsqu'elle se laisse aller à quelques excès de mauvais goût.


L'OBJET MALÉFIQUE, B.R. BRUSS
1972, FLEUVE NOIR ANGOISSE

Mon premier B.R. Bruss en Fleuve Noir Angoisse est en fait son tout dernier - un peu comme pour le Caroff précédemment évoqué - puisque une trentaine d'ouvrages plus loin, la collection ferme boutique. Son épitaphe aurait pu être : elle avait trop promis et pas assez (r)apporté.
C'est un peu dur tout de même. Les Angoisse se trouvent être très souvent d'excellentes lectures dominicales. Le problème reste que l'ensemble des romans ne dépasse presque jamais ce stade.
Chose amusante, on peut dire la même chose des ouvrages de Bruss, de leur écriture calme et dénuée de toute nervosité. De fort bons bouquins, la plus part du temps très distrayants, vivants, diablement attachants mais malheureusement un peu trop reposants sur les bords - un comble pour une littérature d'insomniaque.
Dans leur article sur les Anticipation du Fleuve Noir (Univers 02, J'Ai Lu, 1975), les frères Tomanosi parlent de Bruss en évoquant la "grisaille persistante dans le style". C'est pas très sympa : Je préfère me rappeler que l'émerveillement de mes premières lectures (La Guerre des Robots) fit place à une certaine routine (Bihil) avant de sombrer dans de la lassitude amusée (Les Translucides).
Mais concentrons nous plutôt sur cet Objet Maléfique, en fait une sorte d'hélice en plastoc rouge découverte dans un bois maudit par une bande de gamins, et dont le simple touché provoque addiction, visions hallucinatoires et folie meurtrière.
Dit comme ça, on croirait presque qu'ils ont mis la main sur des buvards certifiés LSD.
"Elle voyait la masse verte et onduleuse sur un grand tapis rouge. Les formes changeantes prenaient l'aspect d'un personnage qui se faisait et se défaisait sans cesse. Cela ressemblait un peu à une flamme couleur feuillage. Mais dans cette flamme dansante, il y avait constamment des yeux ténébreux, une bouche tordue, et parfois un nez, un menton, des oreilles, des bras, des mains énormes."
Bon, on sait à peu près à quoi s'attendre à partir de là. Les gamins retournent dans leur village avec le bidule maléfique, qui se met à circuler involontairement de mains en mains et intoxique petit à petit une population à la mentalité bien grégaire. Au final, ça s'entretue à tour de role, on lapide la sorcière du coin et on croit que tout est fini alors qu'il reste encore 20 pages.
Comme d'habitude dans un Fleuve Noir, la fin est bien trop hâtive mais on a tout de même passé un très bon dimanche. Qui viendrait s'en plaindre ?