WEEK-END ANGOISSE # 1 : HUIS-CLOS MONTAGNARD ET TERREUR RURALE


LA NUIT DU MONSTRE, ANDRÉ CAROFF
1960, FLEUVE NOIR ANGOISSE

Dernier Angoisse écrit par André Caroff avant sa reconversion soi-disant raté dans le label à gros succès d'à coté (Le Rideau de Brume, en Anticipation, parait l'année suivante), cette Nuit du Monstre, au titre et à la couverture très sérial, est en fait une étrange variation sur le thème pourtant bien éculé des Dix Petits Nègres.
Un groupe de cinq neurologues internationaux, inconnus les uns des autres, et
une jeune secrétaire sont invités en Autriche dans le laboratoire (en fait, un chalet en haute montagne) d'un savant fou pour assister à la présentation du fruit de ses 20 années d'expériences secrètes : la création de Saturne, son super homme-robot. En fait, c'est plutôt le résultat assez banal d'une greffe de cerveau mort-né sur un cadavre d'alpiniste récupéré pas très loin du chalet.

Logique.
Et notre savant fou étant (quelque peu) farfelu, il décide pour couronner le tout d'organiser un petit jeu de cache-cache avec sa créature, histoire de bien prouver à ses collègues à quel point elle est parfaite.
Sauf que son über-man élevé en bocal se trouve être un véritable psychopathe sanguinaire, inhumain, uniquement passionné par la violence, la bagatelle et le corps affriolant de la jeune secrétaire. On ne pouvait pas espérer mieux... ou presque : le chalet se retrouve isolé du monde civilisé par une violente tempête de neige, avec électricité coupée et ligne téléphonique hors service en prime. Je vous laisse imaginer le reste.

La Nuit du Monstre débute, chose assez peu courant pour un Angoisse, dans le registre du proto-slasher avant de se transformer, presque sans prévenir, en une traque sexuelle sordide évoquant, la cocasserie en moins, les pockets horrifiques d'Elvifrance voire même certaines déviances à venir de la collection Gore. Car le monstre du titre, passé les 100 premières pages, se décide enfin à abuser de l'héroïne. A maintes reprises. Et celle-ci ne se défend qu'à moitié, trouvant après coup diverses excuses à sa faiblesse toute féminine (ses propres mots) et au comportement de son nouvel amant tortionnaire.
Bon, elle s'en débarrasse brutalement à la fin, mais cette réaction est principalement motivé par la peur qu'il se lasse d'elle... et aussi par un profond dégoût pour la fellation. J'exagère à peine.

En se montrant à la fois complaisant et naïf dans sa représentation du viol, André Caroff en arrive à produire un roman d'exploitation mutant, partagé entre un feeling rétro et des situations fortement malsaines et misogynes... mais involontairement. Bref, un Angoisse surprenant, pas vraiment fréquentable, ni très bon mais bizarrement attachant de par ses aspects les plus détestables.
Ce qui, en soi, fait tout le charme de la littérature de gare lorsqu'elle se laisse aller à quelques excès de mauvais goût.


L'OBJET MALÉFIQUE, B.R. BRUSS
1972, FLEUVE NOIR ANGOISSE

Mon premier B.R. Bruss en Fleuve Noir Angoisse est en fait son tout dernier - un peu comme pour le Caroff précédemment évoqué - puisque une trentaine d'ouvrages plus loin, la collection ferme boutique. Son épitaphe aurait pu être : elle avait trop promis et pas assez (r)apporté.
C'est un peu dur tout de même. Les Angoisse se trouvent être très souvent d'excellentes lectures dominicales. Le problème reste que l'ensemble des romans ne dépasse presque jamais ce stade.
Chose amusante, on peut dire la même chose des ouvrages de Bruss, de leur écriture calme et dénuée de toute nervosité. De fort bons bouquins, la plus part du temps très distrayants, vivants, diablement attachants mais malheureusement un peu trop reposants sur les bords - un comble pour une littérature d'insomniaque.
Dans leur article sur les Anticipation du Fleuve Noir (Univers 02, J'Ai Lu, 1975), les frères Tomanosi parlent de Bruss en évoquant la "grisaille persistante dans le style". C'est pas très sympa : Je préfère me rappeler que l'émerveillement de mes premières lectures (La Guerre des Robots) fit place à une certaine routine (Bihil) avant de sombrer dans de la lassitude amusée (Les Translucides).
Mais concentrons nous plutôt sur cet Objet Maléfique, en fait une sorte d'hélice en plastoc rouge découverte dans un bois maudit par une bande de gamins, et dont le simple touché provoque addiction, visions hallucinatoires et folie meurtrière.
Dit comme ça, on croirait presque qu'ils ont mis la main sur des buvards certifiés LSD.
"Elle voyait la masse verte et onduleuse sur un grand tapis rouge. Les formes changeantes prenaient l'aspect d'un personnage qui se faisait et se défaisait sans cesse. Cela ressemblait un peu à une flamme couleur feuillage. Mais dans cette flamme dansante, il y avait constamment des yeux ténébreux, une bouche tordue, et parfois un nez, un menton, des oreilles, des bras, des mains énormes."
Bon, on sait à peu près à quoi s'attendre à partir de là. Les gamins retournent dans leur village avec le bidule maléfique, qui se met à circuler involontairement de mains en mains et intoxique petit à petit une population à la mentalité bien grégaire. Au final, ça s'entretue à tour de role, on lapide la sorcière du coin et on croit que tout est fini alors qu'il reste encore 20 pages.
Comme d'habitude dans un Fleuve Noir, la fin est bien trop hâtive mais on a tout de même passé un très bon dimanche. Qui viendrait s'en plaindre ?

3 commentaires:

Flint a dit…

La Nuit du monstre constitue une lecture assez plaisante, pour les amateurs de la série Angoisse, pour les raisons que vous avez citées. Les déboires de cette jeune secrétaire ne sont d'ailleurs pas sans évoquer ceux de l'héroïne du Chien des ténèbres de Benoît Becker, l'un des tout premiers titres de la collection, elle aussi aux prises avec un sadique.
De Caroff, j'apprécie aussi les Atomos...

ROBO32.EXE a dit…

Toujours pas lu le chien des ténèbres... sa version omnibus est sur une pile, en attente... mais ce que vous me dites là me donne envie de l'attaquer sous peu !
Et de Caroff, les Atomos sont géniaux, of course, mais j'aime bien aussi ses Bonder, en espionnage.
Par contre, ses Anticipation...

Flint a dit…

Je n'ai pas lu ses Anticipation, il est vrai que j'ai du mal avec la S-F à la française et les quelques tentatives que j'ai effectuées durant mon adolescence (Jimmy Guieu, il me semble...)ont été loin de me convaincre.
En revanche, puisque vous êtes de bon conseil, je pense tenter prochainement les Bonder.