BOITE DE NUIT POUR ESPIONS, FRANKIE BELINDA
COLLECTION LA LOUPE ESPIONNAGE, 1957
Chers amis, voici une perle bien périmé comme il faut, à la limite de l'illisibilité et du non-sens. Les aventures du colonel John Kallum, en de très nombreux volumes, tous signées par un certain Frankie (F.P.) Belinda, faux américain, vrai Belge, auteur discount mono-terrain officiant uniquement dans les latrines francophiles de l'espionnage made in années 50, quelque part entre du Paul Kenny ravagé et du Jean Bruce alourdi. Une classe à part, indiscutablement. Le plus beau fleuron de l'espionnage au rabais. Mais je reviendrais là dessus très bientôt, avec plus de détails.
(j'en fremis d'avance !!!)
Car Boite de Nuit pour Espions, c'est pas uniquement du Frankie Belinda. C'est même du demi Belinda. Moitié Belinda et moitié... on ne le saura jamais vraiment. 80 pages d'un scribouillard anonyme télescopées avec 80 pages en provenance directe du cervelet malade de ce cher Frankie.
À l'arrivée, ça donne un truc insensé - surtout que le lecteur, trop heureux d'obtenir ce splendide ouvrage avec une blonde pulmonée en couverture, n'était pas prévenu pour un sou. Il est où John Kallum dans cette histoire, bordel ? Et pourquoi c'est presque bien écrit pour une fois ?
Car, en effet, Boite de Nuit pour Espions, dans ses 80 premières pages, n'a rien à voir avec l'approximative diarrhée littéraire que nous distille habituellement Frankie. Pour tout dire, ça ressemble presque à un remake un peu branque de Comme Une Fleur de Richard Stark - avec un ex-boxeur au passé un peu louche qui règle ses affaires financières crapoteuses avec la toute finesse de son direct du droit. Pas très original, tout juste distrayant - et pour du roman poubelle, c'est assez exceptionnel.
Puis, page 86, enter Frankie Belinda. Et rien ne va plus.
Après une longue digression inter-textuelle au comique balourd et indigeste (merci Frankie), John Kallum débarque de nulle part et dégage sans ménagement le précédent narrateur. La suite n'a alors plus rien à voir avec la première moitié du bouquin. Un vrai massacre. Tout les personnages deviennent des espions à la solde d'une cinquième colonne germano-coco, n'entretenant plus d'autre rapport que nominatif avec leurs analogues de la partie Belinda-free. Forcement, l'auteur n'ayant rien d'autre à raconter, John Kallum fait le ménage à coup de fer à repasser les gens, versant dans l'action une petite larme émue pour la poupée pulmonée qui a dû y passer because, malgré ses accointances idéologiques pas très nettes, elle était quant même bien foutue la garce ("Son short, c'était voulu, était tellement étroit qu'on l'aurait cru peint sur ses fesses nerveuses").
Mais pour mieux conclure, autant laisser la parole à Frank :
DEUXIÈME BUREAU CONTRE X, CESAR VALENTINO
ÉDITIONS DE LA SEINE, 1954 ou 55 (?)
Non mais c'est quoi ce titre ? Deuxième Bureau contre X ? Pour un roman à l'eau de rose soporifique et sans l'ombre d'un quelconque agent, même retraité, de notre grand deuxieme bureau français ? Vous parlez d'une arnaque !
L'auteur, qui crut malin de se dissimuler sous le ridicule pseudonyme de Cesar Valentino (on t'a encore reconnu Maurice !), aurait mieux fait d'appeler son ouvrage Martine dans les Vosges. Du vrai torchon pour fillettes, à peine digne d'un bibliothèque verte défraîchi, avec une gamine bon chic bon genre qui gaspille ses vacances d'été dans cette passionnante région pleine de sapins et de barbus, fait la connaissance d'un beau péon un peu rebelle car braconnier, perd sa virginité au bord d'un lac suisse et, finalement, après moultes aventures que l'auteur aurait certainement adoré nous raconter si il en avait eu les signes necessaires, regagne Paris.
Bon, après, ça devient encore plus passionnant. Le braconnier se retrouve en prison. Martine se retrouve enceinte. Seule et sans emploi, elle décide alors de se prostituer pour élever sa fillette. Cette dernière meurt néanmoins d'une grippe foudroyante. Bon. Martine n'ayant rien d'autre à faire, elle continue à tracer sa voie dans la prostitution mais le braconnier, finalement sorti de prison, la retrouve, la sauve de la rue et après, c'est un happy-end grâce à l'argent qu'il a extorqué aux espions communistes.
...Je me disais bien que j'avais oublié quelque chose dans mon résumé.
Car, en effet, trois espions, dont un petit chinois pervers, se cachent dans les pages de cet extravagant roller-coaster émotionnel qu'est Deuxieme Bureau Contre X.
Si la couverture n'était pas aussi jolie, j'aurais certainement exigé un remboursement.
CETTE FILLE EST DANGEREUSE !, DIEGO SUAREZ
EDITIONS DE LA SEINE, 1954
Encore un titre mensonger et un pseudo craignos. Ça, c'est bien les éditions de la Seine. À une époque où n'importe quel scribouillard s'attribuait un blaze anglo-saxon bien viril pour mieux vendre sa soupe, notre super-éditeur de seconde zone préférait le charme suranné de l'Amérique du sud dans la ligné de l'hypercephalé Diego Michigan. Je sais pas si, commercialement parlant, ça fonctionnait si bien que ça. Cesar Valentino et Diego Suarez, c'est pas tip top comme marque. D'ailleurs, ni l'un ni l'autre n'ont fait long feu.
Mais attention, la comparaison s'arrête là. Diego Suarez, ça n'a rien à voir avec la guimauve Harlequin de Valentin. Diego Suarez, c'est aussi André Duquesne pour les lecteurs de la Série Noire, Peter Randa du coté du Fleuve Noir Special Police et Herbert Ghilen aux éditions de la Seine, qui de toute manière ne faisait pas très gaffe à l'identité de ses auteurs. Bref, Diego Suarez, à tout les niveaux, c'est pas du tendre.
Le bouquin débute à Paris, avec un dur un peu truand sur les bords qui se fait engager par un drôle de gus aux accointances louches pour escorter une poupée (la soi-disante dangereuse du titre) au Caire. En fait, tout ça n'est qu'un prétexte à des imbroglios d'espions sous le soleil du moyen orient, un genre qui faisait fureur dans les années 50, avec des ruskoffs qui suent, des allemands qui magouillent, des chintoks qui exécutent, des frenchies qui bastonnent et des arabes qui violent en groupe de trente notre pauvre héroïne jusqu'à ce que mort s'en suive.
Car cette fille n'était pas dangereuse du tout. Et notre auteur plutôt raciste, ce qui n'était pas vraiment à prouver - les serviteurs dans ce roman sont tous noirs, illettrés et se font quérir à coup de "négro, vient par ici." Charmant.
Du noir corsé, pas très recommandable - tout l'intérêt de la chose, non ?
(j'en fremis d'avance !!!)
Car Boite de Nuit pour Espions, c'est pas uniquement du Frankie Belinda. C'est même du demi Belinda. Moitié Belinda et moitié... on ne le saura jamais vraiment. 80 pages d'un scribouillard anonyme télescopées avec 80 pages en provenance directe du cervelet malade de ce cher Frankie.
À l'arrivée, ça donne un truc insensé - surtout que le lecteur, trop heureux d'obtenir ce splendide ouvrage avec une blonde pulmonée en couverture, n'était pas prévenu pour un sou. Il est où John Kallum dans cette histoire, bordel ? Et pourquoi c'est presque bien écrit pour une fois ?
Car, en effet, Boite de Nuit pour Espions, dans ses 80 premières pages, n'a rien à voir avec l'approximative diarrhée littéraire que nous distille habituellement Frankie. Pour tout dire, ça ressemble presque à un remake un peu branque de Comme Une Fleur de Richard Stark - avec un ex-boxeur au passé un peu louche qui règle ses affaires financières crapoteuses avec la toute finesse de son direct du droit. Pas très original, tout juste distrayant - et pour du roman poubelle, c'est assez exceptionnel.
Puis, page 86, enter Frankie Belinda. Et rien ne va plus.
Après une longue digression inter-textuelle au comique balourd et indigeste (merci Frankie), John Kallum débarque de nulle part et dégage sans ménagement le précédent narrateur. La suite n'a alors plus rien à voir avec la première moitié du bouquin. Un vrai massacre. Tout les personnages deviennent des espions à la solde d'une cinquième colonne germano-coco, n'entretenant plus d'autre rapport que nominatif avec leurs analogues de la partie Belinda-free. Forcement, l'auteur n'ayant rien d'autre à raconter, John Kallum fait le ménage à coup de fer à repasser les gens, versant dans l'action une petite larme émue pour la poupée pulmonée qui a dû y passer because, malgré ses accointances idéologiques pas très nettes, elle était quant même bien foutue la garce ("Son short, c'était voulu, était tellement étroit qu'on l'aurait cru peint sur ses fesses nerveuses").
Mais pour mieux conclure, autant laisser la parole à Frank :
"[...] l'auteur, ce splendide, ce formidable, cet auteur admirable qu'est l'auteur... vous l'aviez deviné... qui se trouve être dans un juste milieu entre les lecteurs et l'éditeur, ne conçoit plus de livre sans changement de rythme, sans atermoiements divers, judicieusement choisis, qui lui permettent d'allonger son texte, car le spectre des minimums de trois cent mille signes plane au dessus de la rotative qui l'imprimera et il adore la conscience professionnelle des typographes à qui sont confiés ses manuscrits alors... zut ! L'auteur ne sait plus où il en est [...] Qui est-ce qui m'a foutu un auteur pareil ?"En effet...
DEUXIÈME BUREAU CONTRE X, CESAR VALENTINO
ÉDITIONS DE LA SEINE, 1954 ou 55 (?)
Non mais c'est quoi ce titre ? Deuxième Bureau contre X ? Pour un roman à l'eau de rose soporifique et sans l'ombre d'un quelconque agent, même retraité, de notre grand deuxieme bureau français ? Vous parlez d'une arnaque !
L'auteur, qui crut malin de se dissimuler sous le ridicule pseudonyme de Cesar Valentino (on t'a encore reconnu Maurice !), aurait mieux fait d'appeler son ouvrage Martine dans les Vosges. Du vrai torchon pour fillettes, à peine digne d'un bibliothèque verte défraîchi, avec une gamine bon chic bon genre qui gaspille ses vacances d'été dans cette passionnante région pleine de sapins et de barbus, fait la connaissance d'un beau péon un peu rebelle car braconnier, perd sa virginité au bord d'un lac suisse et, finalement, après moultes aventures que l'auteur aurait certainement adoré nous raconter si il en avait eu les signes necessaires, regagne Paris.
Bon, après, ça devient encore plus passionnant. Le braconnier se retrouve en prison. Martine se retrouve enceinte. Seule et sans emploi, elle décide alors de se prostituer pour élever sa fillette. Cette dernière meurt néanmoins d'une grippe foudroyante. Bon. Martine n'ayant rien d'autre à faire, elle continue à tracer sa voie dans la prostitution mais le braconnier, finalement sorti de prison, la retrouve, la sauve de la rue et après, c'est un happy-end grâce à l'argent qu'il a extorqué aux espions communistes.
...Je me disais bien que j'avais oublié quelque chose dans mon résumé.
Car, en effet, trois espions, dont un petit chinois pervers, se cachent dans les pages de cet extravagant roller-coaster émotionnel qu'est Deuxieme Bureau Contre X.
Si la couverture n'était pas aussi jolie, j'aurais certainement exigé un remboursement.
CETTE FILLE EST DANGEREUSE !, DIEGO SUAREZ
EDITIONS DE LA SEINE, 1954
Encore un titre mensonger et un pseudo craignos. Ça, c'est bien les éditions de la Seine. À une époque où n'importe quel scribouillard s'attribuait un blaze anglo-saxon bien viril pour mieux vendre sa soupe, notre super-éditeur de seconde zone préférait le charme suranné de l'Amérique du sud dans la ligné de l'hypercephalé Diego Michigan. Je sais pas si, commercialement parlant, ça fonctionnait si bien que ça. Cesar Valentino et Diego Suarez, c'est pas tip top comme marque. D'ailleurs, ni l'un ni l'autre n'ont fait long feu.
Mais attention, la comparaison s'arrête là. Diego Suarez, ça n'a rien à voir avec la guimauve Harlequin de Valentin. Diego Suarez, c'est aussi André Duquesne pour les lecteurs de la Série Noire, Peter Randa du coté du Fleuve Noir Special Police et Herbert Ghilen aux éditions de la Seine, qui de toute manière ne faisait pas très gaffe à l'identité de ses auteurs. Bref, Diego Suarez, à tout les niveaux, c'est pas du tendre.
Le bouquin débute à Paris, avec un dur un peu truand sur les bords qui se fait engager par un drôle de gus aux accointances louches pour escorter une poupée (la soi-disante dangereuse du titre) au Caire. En fait, tout ça n'est qu'un prétexte à des imbroglios d'espions sous le soleil du moyen orient, un genre qui faisait fureur dans les années 50, avec des ruskoffs qui suent, des allemands qui magouillent, des chintoks qui exécutent, des frenchies qui bastonnent et des arabes qui violent en groupe de trente notre pauvre héroïne jusqu'à ce que mort s'en suive.
Car cette fille n'était pas dangereuse du tout. Et notre auteur plutôt raciste, ce qui n'était pas vraiment à prouver - les serviteurs dans ce roman sont tous noirs, illettrés et se font quérir à coup de "négro, vient par ici." Charmant.
"Nous ne répondons même pas. Nous marchons droit à la porte d'entrée. Plus il y en aura et plus nous en tuerons. Nous sommes des machines, plus des hommes, et surtout pas des êtres humains."Après un climax de violence froide façon polar italien des années 70 (chapitre 7), le roman s'essouffle peu à peu, jusqu'à se terminer sur une suite de coups de théâtre pas très passionnants. Mais l'intérêt est résolument ailleurs : dans le style, les descriptions et les propos des personnages, reflets de l'étrange personnalité de l'auteur. André Dusquene. Peter Randa. Diego Suarez. Un romancier populaire marginal, anarchiste d'extrême-droite, raciste, misanthrope, misogyne. Un incompris volontaire, à la fois militariste, individualiste et révolté. Une étrange combinaison pour des lectures au gout fort rance, écrites avec les tripes et gonflées de contradictions.
Du noir corsé, pas très recommandable - tout l'intérêt de la chose, non ?
8 commentaires:
Ah quel bonheur de cliquer frénétiquement sur ce blog dans l'attente d'un nouveau post et de découvrir 3 couv qui pètent (enfin 2 là) et des textes bien comme il faut! Deuxième bureau contre X est un des titres les plus pitoyables que j'ai jamais vu, ton résumé m'a l'air de confirmer que les mots qui suivent le titre ne valent pas mieux...Par contre je poserais bien un oeil sur ce Diego Suarez cradingue et malsain. Petite requête, si un jour tu as un bon Claude Ferny à faire découvrir je suis preneur! A+
Pour Claude Ferny, je vais pas tarder à m'y plonger. Je n'en ai pas encore lu un seul...
Duquesne/Randa, n'était-ce point l'auteur qui, lorsqu'on lui demandait si tel bouquin au pseudo foireux était de lui, disait que du diable s'il s'en rappelait ? Toute une époque…
J'en ai lu tout de même quelques pas mal, au Fleuve. J'ai mis la patte sur un de la série des Fauvel, qui d'après Lebrun (pensée émue pour le regretté pape du polar) étaient parmi ses meilleurs.
j'ai une certaine tendresse pour les romans de Duquesne. Ses Série Noire sont assez bons. Quant au Fleuve... un petit Randa SF ou polar de temps à autre, ça ne fait pas de mal.
Et puis, j'imagine bien qu'il ait eu du mal à garder en tête ses divers noms de plume... dans les années 70, beaucoup de ses textes furent (amicalement) piraté par André Guerber, gros filou de l'édition populaire en folie, qui lui attribuait alors pleins de pseudos fantaisistes : Henry Lern, Herbert Ghilen et même, le temps d'un roman, H.T.Perkins (pseudonyme habituellement employé par un autre auteur)
toute une époque, indeed !
Oui, j'avais lorgné le H.T. Perkins ! Fasciné, à mes débuts, par cette vision de l'auteur populaire écrivant au kilomètre…
Curieux que Randa, à ma connaissance, n'ait jamais sévi dans le collection espionnage du Fleuve !
En tout cas, c'est toujours mieux que les purges cuites à l'heil de son fiston. A qui j'ai soigneusement évité de serrer la louche en allant voir ailleurs si j'y étais, un jour. On sait jamais, c'est peut-être contagieux.
(Quoique, il paraît que son pamphlet vibrant de finesse nacrée de la pensée affinée intitulé avec un sens du titre bouleversifiant "La mafia rose : Faut-il brûler les homosexuels ?" ne serait pas un "oui !" étiré sur 300 pages. Mais je n'ai pas le courage de m'y plonger. On n'a qu'une vie, potverdikke !)
Ah le Philippe ! C'est vrai qu'il fait peur, çui-là ! je ne fais pas les conventions, je ne l'apercevrai donc jamais en vrai, mais par contre, j'évite soigneusement ses bouquins. j'ai juste une fois causé sur ce blog de sa série Service Action chez GdV. une expérience douloureuse.
Quant au Perkins/Duquesne, je l'ai, je l'ai même peut être lu mais je ne m'en souviens plus du tout. Et c'est aussi ça, le truc Randa. Il écrivait tellement au kilomètre que bien souvent, ses bouquins finissaient par tous se ressembler.
Un écrivain obsessionnel, en quelque sorte.
Excellente définition. Et oui, j'ai lu le rapport de police sur le mal nommé "Service Action".
Randa fiston avait pour particularité, sur ses daubes en Anticipation, de mettre "à paraître" sur sa biblio en pensant que, comme ça, l'éditeur n'oserait pas les refuser. Macache ! Si la légende est juste, il s'en faisait jeter deux sur trois…
Héhé ! Malheureusement, deux sur trois, à mon goût, ce n'est pas assez...
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