FUMES, C'EST DU MAURY !

VIANDE À L'ENCAN, DAN CURTISS
PROMODIFA / MYSTEROTIC # 1, 1974

Si tu fréquentes régulièrement ce blog, tu y as sans doute déjà lu à de multiples reprises le nom de Roger Maury, mon scribouillard foireux favori, le champion du 190 pages dinguement débile, magnifiquement machiste et sublimement stupide.
Il œuvra approximativement dans tous les genres possibles de la litt' pop' virile, du roman de guerre qui tache (WARSEX !) au sexpionnage qui colle (CRAC !), en passant par le fantastique bas de gamme et l'érotisme tiède.

Et sous le pseudonyme de Dan Curtiss, il s'essaya au polar brutal, façon Mike Hammer.
Son premier forfait dans le genre fut titré Du Plomb En Souvenir et enquillait sans vergogne tous les pires clichés que ce grand fou de Spillane avait pu inaugurer vingt et quelques années plus tôt dans sa première livraison des enquêtes de son detective marteau.

Sexe, violence, sadisme, racisme et misanthropie de bazar généralisée. Tout y passait, greatest-hits de conneries jouissives que l'auteur enfilait à la queue-leu-leu sur ce fil d'intrigue préchauffé qui veut que la vengeance soit un plat qui se prépare au micro-ondes et se déguste avec un soufflant chambré en obus d'artillerie.

Mais venons-en au roman qui nous intéresse aujourd'hui. Viande À L'Encan. C'est à la fois le troisième bouquin signé Dan Curtiss et le premier texte de Roger Maury à paraitre chez Promodifa, cet éditeur filou pour le compte duquel notre homme pondra une bonne quatre-vingtaine de volumes en moins de 4 ans, recyclant à tout-va ses vieux manuscrits, y rajoutant de-ci de-là du cul et du sang puis modifiant les titres et noms des protagonistes afin de parfaire la supercherie.
Pour le coup, Viande À L'Encan est un texte original. Rien à voir avec les Jo Brix ou les Jacky Fray. C'est du Maury première fournée.
Le héros s'y nomme comme l'auteur, Dan Curtiss, et c'est un detective privé. Il enquête sur le kidnapping d'une jeune fille et son aventure démarre sur les chapeaux de roue.

Première page, premier paragraphe, il n'a pas fait deux pas dans le corridor qu'un hurlement le fige sur place. C'est Jenny, sa secrétaire. Elle vient de boire le bouillon de onze heure et roule dans l'escalier principal. Il lui manque un œil et sa cervelle se repend sur le parquet.
Surtout "elle n'a pas de slip, et je sais ce que cela signifie," lance Dan, désormais super en rogne et le Bull Gun en pogne.

(Un Bull Gun, à ma connaissance, ça n'existe pas. Mais c'est pas grave. J'imagine que l'auteur pensait à un Taurus Tracker, ou peut être à un Smith & Wesson comme celui que cradingue Harry agite sous le nez des demi-sels qu'il coince dans sa série cinématographique, en grinçant entre ses dents son fameux make my day...)
Bref, Dan bondit, Dan s'élance et Dan rattrape le salaud qui vient de violer et tuer Jenny. Ce dernier confesse alors son crime, avec moult précisions sur comment il s'y est pris pour bien prendre son pied avec sa zigounette dans la gisquette. Pendant deux bonnes pages, Dan s'en rince donc les esgourdes, de ce monologue salingue, puis, une fois son fade intellectuel consommé, il se venge et plante le type avec un coupe-papier.
"La lame crève son sexe, le fait éclater dans un jaillissement de sang.
[...] Rapidement, je retire le stylet puis je laboure toutes les parties de son corps qui ont touché Jenny. Je lui tranche la langue. J'entaille son ventre. Je sectionne ses testicules... Quant à ses mains, ses horribles mains qui ont caressé le ventre de mon amie, j'en écrase chaque doigt à grands coups de talon."
La page 16 vient tout juste de sonner à l'horloge du clocher et déjà Mickey Spillane est dépassé.
VRROOOUUUM ! Dans le genre furibard et improbable, Maury a un circuit d'avance.
Nous sommes ici en présence d'un grand, d'un très grand malade.

Et ce n'est pas fini.

Page 17, la femme de feu-le violeur de Jenny débarque dans la pièce. Dan en est tout éberlué because elle porte "une paire de seins dont la proéminence m'abasourdit." Et de rajouter : "Jamais je n'ai vu un tel volume de chair..."
Quant à la môme en question, on pourrait croire qu'elle va s'émouvoir de la mort de son tendre époux (là, juste à tes pieds, mignonne !) mais non. Elle préfère sauter sur la bistouquette à notre héros en lui susurrant : "faites-moi l'amour, Dan."
Le Dan n'a pas besoin de se faire répéter deux fois la consigne. Il hisse le mat. Et Maury de se déchainer enfin dans une longue scène de cul, parfaite pour faire reluire toute la panoplie des expressions consacrées.
"Cogne, Dan ! Je t'en supplie, cogne !"
...hurle la gisquette en se faisant travailler la marmotte à grands coups de butoirs.
Et puis, une fois l'acte consommé, la voila qui se voit proposer par notre homme la place de secrétaire que Jenny a laissé vacante (pour cause de décès) quelques pages auparavant. Elle accepte. Elle s'appelle Esther. Nous sommes en page 28, le premier chapitre est bouclé, le roman lancé, le lecteur déjà essoufflé.


Heureusement pour ceuzes qui souffrirait du battant et de la binette, la suite se déroule à un rythme un peu moins échevelé.
Impossible de délirer constamment, il faut bien de temps à autre faire avancer l'intrigue. Maury alterne donc enquête et scénettes de gambettes en l'air. En grand professionnel de la saloperie littéraire format poche, il fait même concorder les deux.

Ainsi, page 31, Dan déniche le nom et l'adresse d'un complice des méchants kidnappeurs. Il va pour sonner à sa porte et c'est la maman du type en question qui ouvre.
Elle est encore bien conservée
, la MILF, équipée tout luxe, façade imposante, ananas saillants et puis, certains signes ne trompent pas.

"Je sais ce dont cette superbe femelle a besoin et je le lui dispense aussitôt."
BANCO ! 6 pages de cul dans la fouille. 2 tours de circuits supplémentaires dans le râtelier à Spillane. Puis l'enquête reprend. Dan déniche la planque d'un des méchants kidnappeurs et se décide de faire parler le salopard en violant sa nana.
"- Regarde bien, Corto. Je vais la sodomiser devant toi et tu en portera seul la responsabilité."
Corto, qui a lui aussi beaucoup lu de Mickey Spillane, rugit "J'aurai ta peau !" à notre héros tandis que la polka se fait galamment grimper, direction septième ciel via l'entrée des arsouilles.
La purée déchargée, les choses sérieuses reprennent. Dan apprend que les méchants kidnappeurs font aussi chanter une richissime duchesse. Il s'en va donc rencontrer la poule pour lui proposer ses services. En la voyant ("Imaginez ce qui se fait de mieux dans le genre et multipliez par dix"), il se décide aussi à lui proposer quelques va'z-et-viens pistoneurs dans les recoins intimes.
Pas de bol, ça rate (les standingues sociaux du mâle et de la femelle étant non-compatibles sur ce coup là) mais notre héros se rattrape sur la jeune sœur de la duchesse, une fille ouverte d'esprit (et de cuisses) à la question prolétarienne - surtout, une fille qui sait ce qu'elle veut :

"- Je veux que chacun de mes pores adhères aux tiens, que tu m'écrases contre toi, que tu m'éventres."
Quant à moi, je fous le turbo à mon résumé. (Sinon, on y est encore demain soir...)
Donc, la duchesse débarque alors que Dan termine sa petite affaire sur la gamine. En résulte une engueulade puis un catfight entre les deux nénettes, furies déchainées et hystériques, pages 114 à 117.
"Très suggestif, ce combat !" pense Dan tout en se rebraguettant, page 115. De son côté, Maury patauge un peu dans la semoule. Il torche trois nouvelles scenes de sexe comme d'autres se curent le nez. C'est appliqué mais laborieux.
Ainsi, pages 132 à 134, c'est une petite sodomie rapidement expédiée, pages 151 à 155, une levrette dinatoire et pages 157 à 158, un viol à la sauvette, commis par le vil Corto sur la personne de la fille kidnappée et que Dan interrompt juste avant la culmination du plaisir.

Pas très heureux de se voir ainsi privé de son bazardage de purée, Corto voit rouge et fonce sur notre héros.
PIF ! PAF ! POUM !
Car, il n'y a pas que du sexe et de la détection, dans Viande À L'Encan. Il y a aussi du baston, de la bagarre, du jeu de main jeu de vilain bien sanguinolent et sauvage. D'autant plus sanguinolent et sauvage que Dan Curtiss semble avoir une prédilection pour les coups portés en dessous de la ceinture.
Quelques exemples glanés au fil du texte :
"Je le cogne au bas-ventre d'un terrible coup de genoux." (page 43)
"Deux manchettes en travers de la gorge, un atémi sous le nez et, pour finir, mon genou dans son entre-cuisse." (page 62)
"Des deux mains, je saisis le bas-ventre de mon adversaire et je lui écrase les testicules." (page 90)
"Pour finir, j'ajuste la pointe de mon soulier en plein dans ses testicules." (page 162)
D'une certaine manière, et je trouve qu'il est très important de souligner cet aspect du roman, ici, tout tourne autour du service trois-pièces.
Son astiquage, son essorage, son entretien et ses petits malheurs.

Car dans Viande À L'Encan, si il y a le robinet à moustache du héros qui se vide de plaisir, il y a aussi ceux des méchants qui dérouillent de douleur. Grosso modo : il y a celui qui se fait cajoler par de belles gonzesses et ceux que l'auteur prend un malin plaisir à exploser.
C'est le yin et le yang des bijoux de famille, une certaine idée du karma appliqué aux parties sensibles, éros et dans ton os.

Mais reprenons et concluons. Ainsi, après avoir bien tanné comme du vieux cuir les roustons de ses adversaires 180 pages durant, Dan Curtiss peut enfin s'en aller. Plus que 10 pages à remplir et, comme (presque) toujours dans les romans Promodifesque de Roger Maury, il reste à notre héros une dernière formalité à effectuer, une dernière poulette à pratiquer - parce qu'elle lui résistait, parce qu'il se la gardait pour la fin, parce que voila, c'est comme ça, ça fait parti de la formule.
Dans Viande À L'Encan, cette nana-là, c'est la duchesse. Et de confier, alors qu'il plonge enfin son membre roide dans le cratère en feu de la bourgeoise :
"Pour moi, sa possession équivaut à me hausser jusqu'à une société vers laquelle il ne m'était pas encore permis de loucher."
C'est beau, c'est fort, c'est grand.
Dan Curtiss, casseur de burnes et working class hero du plumard.
Je répète. C'est beau, c'est fort, c'est grand.
Normal : c'est du Maury !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Aussi bon que cette splendide note de lecture ? Pas sûr ! ;)

ROBO32.EXE a dit…

Vous me flattez, cher Anonyme, mais tout de même, ce sont bien les fulgurances crétines de Roger Maury qui font le sel de cette note de lecture !
(Et je dois avouer qu'écrire sur un bouquin de Maury est une expérience aussi jouissive que la lecture de ses oeuvres !)

Mister Gutsy a dit…

Wouarf ! Ah oui, d'accord, quand même... Ça sonne presque comme un Elvifrance romancé...