DU WESTERN, INTRODUCTION

LE GRAND CONVOI, WILLIAM HOPSON
DUPUIS / GALOP # 5, 1965

Le Western en littérature tient de deux genres. Du récit d'aventure, primordialement, mais aussi, à dater des années 30, du roman noir de grande consommation.
Remplacez les immeubles sous la pluie, les cabriolets rutilants et les pistolets automatiques par des ranches, des canassons et des 6 coups et voila, le tour est joué. Les filles, les truands, les représentants de l'ordre à la notoire incompétence et les durs au grand cœur, tout cela, c'est du pareil au même.
Qu'ils soient détectives sans licences ou garçons vachers tumultueux, investigateurs mal rasés ou vagabonds du far ouest, toutes ces figures principales s'interchangeront selon la nature de la publication dans lesquelles elles devront apparaitre mais les fondements de l'intrigue, eux, resteront toujours les mêmes.

Vengeance, noblesse, pureté, ascèse par le baston et pénitence par ou pour l'amour.
Bien entendu, au centre de ce grand kaléidoscope d'obsessions américaines (mais pas que...), on trouve forcement une gangrène. C'est l'homme influent, puissant, malfaisant, qui corrompt une ville pour sa propre satisfaction.
Dans les westerns, il détient souvent le plus gros ranch, des centaines d'hectares de terrain et le saloon du coin. Il s'enrichit sur le dos des honnêtes gens. Il manipule à sa guise les commerçants et le shérif.
A ses cotés, forcement, trône un adjoint, un homme de main au stoïcisme grandiloquent, exact contraire des aspirations représentées par le héros.

Dans Le Grand Convoi, le héros se nomme Red Barnes et vient, comme souvent dans ce type de récit, du Texas, "une grande tache orange sur une des dernières pages de votre manuel de géographie. "
Avec les hommes du Circle K, il escorte un troupeau de vaches mais, aux environs de Porterville, les choses se corsent.
"Il y a quelque chose de pourri dans cette ville, " déclare notre homme, véritable Hamlet moderne - la joie de vivre et les flingots fumants en plus.

La suite se raconte d'elle même. Red et ses collègues défendent leur convoi des hommes qui veulent se l'approprier. Ces derniers tiennent bien entendu Porterville sous leur joug et, en les combattant, nos héros vont finalement réussir à l'en délivrer, la transformant à nouveau en un havre de paix où il fait bon vivre.
C'était couru.

La littérature populaire répond toujours à des schémas inflexibles. Dans le policier comme dans le western, c'est la morale du juste qui écrase les velléité néfastes du salaud mais c'est aussi la jolie romance qui s'affirme par dessus les faux-semblants d'une insouciance machiste.
Car le héros est forcement un coureur de jupon. Il butine en attendant mieux. Il s'amuse et traite la femme avec tous les égards qui lui sont dû dans la littérature d'abattage pour mectons, la laissant bien souvent "humiliée, ravie, furieuse et abasourdie."
On trouve ainsi trois femmes dans Le Grand Convoi. Chacune d'entre elles couvre l'un des trois registres de la figure féminine dans le western.
Il y a la fille facile du peuple, la fille ardue de bonne famille et la fille difficile de classe moyenne. C'est cette dernière qui se fait emballer à l'église par notre héros juste avant l'impression du mot "FIN" en page 172 - la première n'étant qu'un jeu stupide et la seconde pas suffisamment naturelle pour s'engager.
"Une enfant gâtée, arrogante à l'occasion " dixit l'auteur.
Dans cette réalisation - l'amour sort toujours gagnant - c'est toute l'éthique sexuelle d'un genre aussi puritain que ludique qui s'affiche. On peut s'en gausser gentiment ou effectuer un choix diffèrent, comme dans un livre dont vous êtes le héros. Allez en page 126 si vous choisissez la fille facile du peuple...
Et puis, si tout cela ne vous plait pas, retournez donc lire vos best-sellers trash destroy actuels. Dans 30 ans, on les dissèquera comme de pauvres petites choses oubliées de tous et l'on se rendra compte qu'ils sont encore plus stupides et mortifiants que mes machins.
Mais je m'arrête là et conclu.
Le Grand Convoi est un bon roman pour garçon de 7 à 77 ans. C'est léger et distrayant. Il y a plein de fusillades, beaucoup d'humour Benny Hill et une jolie happy end - ce qui n'empêche pas pour autant la cavalerie de débarquer comme il se doit, c'est à dire en fanfare et en retard.
Quant aux westerns : lisez-en. Retournez vos greniers. Pillez les brocantes. Le genre ne transcendera en lui-même jamais rien mais vaut largement le coup.
...Et puis merde.

Mort à la transcendance.

2 commentaires:

artemus dada a dit…

Tu connais l'auteur de la couverture ?

Et le format, c'est du poche ?

En tout cas je ne savais pas que Dupuis avait publié des romans.

ROBO32.EXE a dit…

Dupuis publia pas mal de romans, des années 40 jusqu'au début 70.
(pour les dates, c'est à prendre avec des pincettes...)
personnellement, je connais la collection Galop (western, format poche, une trentaine de titres), Mi-Nuit (suspenses, idem pour le reste) et la collection Jaune, d'un format un peu plus large, qui publia des récits policier ou humoristique d'auteurs belges. on y dénombre plus de cent titres.
Les 2 premières collections, tu peux facilement en trouver en france chez les bouquinistes. par contre, la "Jaune", je ne pense pas qu'elle ait passée la frontière...

quant à l'illustrateur, no idea. ce qui est amusant, c'est que j'ai une édition hollandaise d'un western de Ray Hogan (Marshall Without a Badge) avec cette même peinture en couverture.