D'UNE BLONDE DEUX COUPS, RENE SALVESTRINI
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 28, 1968
Le héros se nomme Billy Ball. Il est agent de la CIA, aime à passer pour un boute-en-train vaguement lourdingue et s'affirme pages après pages comme un grand consommateur de rouge-limé - "une boisson prolétarienne" nous assure l'auteur, un mélange de vin rouge et de limonade. D'où le nom.
Bref, Billy Ball, notre héros du jour, ressemble un peu à une version chochotte d'Eddie Constantine - ce qui, pour un bouquin d'espionnage sixties, augure plutôt mal.
Et en effet, ça ne loupe pas. On se croirait clairement revenu dix ou quinze années en arrière, dans les pages des tout premiers Arabesque, Grand-Damier ou Le Trotteur : cet espionnage mal-fagoté, entre roman d'aventure et roman pour payer le loyer - mais attention, faut faire vite, monsieur Salvestrini. L'échéance, c'est pour demain.
Donc, restons clair : D'une Blonde Deux Coups est ennuyeux et mal écrit. Les dialogues tirent à la ligne, l'action molasse comme une limace un jour de sècheresse et les quelques traits d'humour (histoire d'assurer la décontraction) se révèlent consternants. Sans compter l'intrigue qui, par je ne sais quelle fantaisie de l'auteur, se dédouble inutilement au beau milieu du bouquin.
On ne retiendra donc que deux choses dans cette bouillie.
Petit un : les misérables méchants qui agissent comme des vilains de récits à quat'sous, façon HJ Magog. Ça, c'est toujours appreciable.
Et petit deux : dans D'Une Blonde Deux Coups, on ingurgite pas mal d'alcool - principalement du Rouge-Limé (dix centilitres de rouge pour 5 de limonade) - l'amateur d'éthylisme imprimé en sera donc pour ses frais. Et voici les passages susceptibles de l'intéresser : page 28, page 46, page 54, page 61, page 69, page 70 (cul sec !), page 73 ("mais avec un glaçon"), page 91 (un Côte de Provence nature), page 95, page 119 (et là, notre héros part en randonné dans la nature donc il ne peut plus se fournir en rouge limé)
(et après cette randonnée de 50 pages, eh bien, il a possiblement plus soif, donc il ne boit plus.
C'est triste mais dans ce bouquin, on n'est plus à une déception près...)
"OPÉRATION JÉRICHO", JEAN-FRANÇOIS TORRES
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 29, 1968
Cette fois, par contre, je pensais tenir le bon bout. En effet : Les 40 premières pages d'Opération Jéricho aiguisent assez magistralement leur style dans le chaos ambiant de l'espionnage d'époque : cette confusion d'affaires menées par de mystérieuses personnes, surveillées par des agents secrets, eux même surveillés par d'autres hommes de l'ombre - et tout cela exposé au lecteur comme un puzzle abstrait ou une spirale sans fin.
Il est aussi amusant d'y trouver, en page 30, "une peinture électronique d'Edmond Couchot."
Ce ne sont pas là les références habituelles des récits populaires.
Malheureusement, passé le chapitre 5, l'ensemble se gate. Noël Foray, le héros, espion à mi-temps, n'est pas spécialement excitant et sa mission, qui consiste, grosso modo, à rester dans l'ombre pour observer les agissements d'hypothétiques adversaires, manque sérieusement de punch.
Opération Jéricho, c'est le parcours pédestre de l'espionnage troisième age et l'auteur, si il écrit bien, ne fait rien pour nous réveiller.
Ainsi, le héros passe des chapitres entiers à suivre des gugusses, à écouter des gugusses, à observer des gugusses et, lorsque les gugusses ne sont plus dans son champ d'action, à réfléchir aux actions possibles de ces mêmes gugusses.
On est pas loin de la névrose.
A la fin, il en tue deux, de gugusses, mais c'est presque par erreur et ce sera là sa seule et unique contribution au body-count d'Opération Jéricho.
Belle efficacité. Ça palpite à fond.
Quant à l'histoire, véritable soporifique à 50 centimes (ou 1 euro) la dose, elle concerne une bande de chinois qui comptent aider les pays arabes à faire sauter Israël. C'est assez terne.
Par contre, ce qui est fendard, c'est que le chef des chinois se fait passer pour mort dès le début du roman puis continue à parader sous le nez des services secrets occidentaux sans se faire reconnaitre. Il change même de blaze, passant de Chou Po Ta à Chen Po Lai.
Normal qu'avec de pareilles chinetoqueries, on y voie que du feu !
Mais moi, je dois te l'avouer, je me sentais plutôt d'humeur Chou Po Lai, because Opération Jéricho, c'est une sacrée perte de temps !
UNE CHÈVRE ENRAGÉE, PIERRE-JACK TOLLET
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 30, 1969
Un petit dernier pour la route. Mais après ce que je viens d'ingurgiter, ça passe avec difficulté.
D'autant plus que ce der des ders donne dans le pot pourri en mélangeant certains éléments des deux bouquins précédents.
Ainsi, dans Une Chèvre Enragée, on trouve des Chinois (exactement comme dans Opération Jéricho) et des peintres montmartrois (exactement comme dans D'Une Blonde Deux Coups) - mais faut pas s'étonner de cette réciprocité, ce sont là les deux tendances de l'époque pour ce type de récit : les bridés maoïstes et les gauchistes parisiens.
Normal que l'espionnage populaire soit mort à la fin des sixties si il n'avait que ça à livrer à son lectorat.
Des espions étudiants bridés qui fomentent leurs sales coups à la Sorbonne. Le péril jaune soixante-huitards ! Bonjour le danger.
Comme adversaires de papier, ça ne fait pas très flambant !
"Tous ces chinois commencent à me courir sur le chapeau melon," déclare d'ailleurs un personnage en page 141.
On le comprend. L'auteur aurait bien fait de l'écouter.
Pour le reste, dans Une Chèvre Enragée, il y a trop de protagonistes, pas assez d'action, aucune conclusion satisfaisante et surtout pleins de bons sentiments fort mal venus.
Reste que, comparé aux deux forfaits précédents, il y a une amélioration. Oui, c'est surprenant mais Une Chèvre Enragée est parfois distrayant. Ça ressemble presque à du Maurice Vernon fatigué, un lendemain de cuite (au rouge-limé, s'entend...)
Néanmoins, sur l'échelle (pourtant pas toujours très élevée, qualitativement parlant) de l'espionnage populaire, ça ne vaut tout de même pas tripette.
Et du coup, je n'en démords pas, je reste Chou Po Lai et je m'en vais bouder dans un coin.
Voila.
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 28, 1968
Le héros se nomme Billy Ball. Il est agent de la CIA, aime à passer pour un boute-en-train vaguement lourdingue et s'affirme pages après pages comme un grand consommateur de rouge-limé - "une boisson prolétarienne" nous assure l'auteur, un mélange de vin rouge et de limonade. D'où le nom.
Bref, Billy Ball, notre héros du jour, ressemble un peu à une version chochotte d'Eddie Constantine - ce qui, pour un bouquin d'espionnage sixties, augure plutôt mal.
Et en effet, ça ne loupe pas. On se croirait clairement revenu dix ou quinze années en arrière, dans les pages des tout premiers Arabesque, Grand-Damier ou Le Trotteur : cet espionnage mal-fagoté, entre roman d'aventure et roman pour payer le loyer - mais attention, faut faire vite, monsieur Salvestrini. L'échéance, c'est pour demain.
Donc, restons clair : D'une Blonde Deux Coups est ennuyeux et mal écrit. Les dialogues tirent à la ligne, l'action molasse comme une limace un jour de sècheresse et les quelques traits d'humour (histoire d'assurer la décontraction) se révèlent consternants. Sans compter l'intrigue qui, par je ne sais quelle fantaisie de l'auteur, se dédouble inutilement au beau milieu du bouquin.
On ne retiendra donc que deux choses dans cette bouillie.
Petit un : les misérables méchants qui agissent comme des vilains de récits à quat'sous, façon HJ Magog. Ça, c'est toujours appreciable.
Et petit deux : dans D'Une Blonde Deux Coups, on ingurgite pas mal d'alcool - principalement du Rouge-Limé (dix centilitres de rouge pour 5 de limonade) - l'amateur d'éthylisme imprimé en sera donc pour ses frais. Et voici les passages susceptibles de l'intéresser : page 28, page 46, page 54, page 61, page 69, page 70 (cul sec !), page 73 ("mais avec un glaçon"), page 91 (un Côte de Provence nature), page 95, page 119 (et là, notre héros part en randonné dans la nature donc il ne peut plus se fournir en rouge limé)
(et après cette randonnée de 50 pages, eh bien, il a possiblement plus soif, donc il ne boit plus.
C'est triste mais dans ce bouquin, on n'est plus à une déception près...)
"OPÉRATION JÉRICHO", JEAN-FRANÇOIS TORRES
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 29, 1968
Cette fois, par contre, je pensais tenir le bon bout. En effet : Les 40 premières pages d'Opération Jéricho aiguisent assez magistralement leur style dans le chaos ambiant de l'espionnage d'époque : cette confusion d'affaires menées par de mystérieuses personnes, surveillées par des agents secrets, eux même surveillés par d'autres hommes de l'ombre - et tout cela exposé au lecteur comme un puzzle abstrait ou une spirale sans fin.
Il est aussi amusant d'y trouver, en page 30, "une peinture électronique d'Edmond Couchot."
Ce ne sont pas là les références habituelles des récits populaires.
Malheureusement, passé le chapitre 5, l'ensemble se gate. Noël Foray, le héros, espion à mi-temps, n'est pas spécialement excitant et sa mission, qui consiste, grosso modo, à rester dans l'ombre pour observer les agissements d'hypothétiques adversaires, manque sérieusement de punch.
Opération Jéricho, c'est le parcours pédestre de l'espionnage troisième age et l'auteur, si il écrit bien, ne fait rien pour nous réveiller.
Ainsi, le héros passe des chapitres entiers à suivre des gugusses, à écouter des gugusses, à observer des gugusses et, lorsque les gugusses ne sont plus dans son champ d'action, à réfléchir aux actions possibles de ces mêmes gugusses.
On est pas loin de la névrose.
A la fin, il en tue deux, de gugusses, mais c'est presque par erreur et ce sera là sa seule et unique contribution au body-count d'Opération Jéricho.
Belle efficacité. Ça palpite à fond.
Quant à l'histoire, véritable soporifique à 50 centimes (ou 1 euro) la dose, elle concerne une bande de chinois qui comptent aider les pays arabes à faire sauter Israël. C'est assez terne.
Par contre, ce qui est fendard, c'est que le chef des chinois se fait passer pour mort dès le début du roman puis continue à parader sous le nez des services secrets occidentaux sans se faire reconnaitre. Il change même de blaze, passant de Chou Po Ta à Chen Po Lai.
Normal qu'avec de pareilles chinetoqueries, on y voie que du feu !
Mais moi, je dois te l'avouer, je me sentais plutôt d'humeur Chou Po Lai, because Opération Jéricho, c'est une sacrée perte de temps !
UNE CHÈVRE ENRAGÉE, PIERRE-JACK TOLLET
GERFAUT / SÉLECTION ESPIONNAGE # 30, 1969
Un petit dernier pour la route. Mais après ce que je viens d'ingurgiter, ça passe avec difficulté.
D'autant plus que ce der des ders donne dans le pot pourri en mélangeant certains éléments des deux bouquins précédents.
Ainsi, dans Une Chèvre Enragée, on trouve des Chinois (exactement comme dans Opération Jéricho) et des peintres montmartrois (exactement comme dans D'Une Blonde Deux Coups) - mais faut pas s'étonner de cette réciprocité, ce sont là les deux tendances de l'époque pour ce type de récit : les bridés maoïstes et les gauchistes parisiens.
Normal que l'espionnage populaire soit mort à la fin des sixties si il n'avait que ça à livrer à son lectorat.
Des espions étudiants bridés qui fomentent leurs sales coups à la Sorbonne. Le péril jaune soixante-huitards ! Bonjour le danger.
Comme adversaires de papier, ça ne fait pas très flambant !
"Tous ces chinois commencent à me courir sur le chapeau melon," déclare d'ailleurs un personnage en page 141.
On le comprend. L'auteur aurait bien fait de l'écouter.
Pour le reste, dans Une Chèvre Enragée, il y a trop de protagonistes, pas assez d'action, aucune conclusion satisfaisante et surtout pleins de bons sentiments fort mal venus.
Reste que, comparé aux deux forfaits précédents, il y a une amélioration. Oui, c'est surprenant mais Une Chèvre Enragée est parfois distrayant. Ça ressemble presque à du Maurice Vernon fatigué, un lendemain de cuite (au rouge-limé, s'entend...)
Néanmoins, sur l'échelle (pourtant pas toujours très élevée, qualitativement parlant) de l'espionnage populaire, ça ne vaut tout de même pas tripette.
Et du coup, je n'en démords pas, je reste Chou Po Lai et je m'en vais bouder dans un coin.
Voila.
3 commentaires:
Pour ma part, je n'ai pas lu un seul "Policier" ou "Guerre" de chez Gerfaut, mais j'ai toujours fait collection de ces romans en raison des couvertures de Longaron. Cet excellent illustrateur est mal connu en France, bien qu'il ait travaillé pour Pilote, notamment. Pour ceux et celles qui voudraient en savoir plus, voici, ci-dessous, le lien qui vous montrera des illustrations et des tableaux de ce petit maître espagnol.
http://kraustex.blogspot.com/2008/02/jordi-longarn.html
tout à fait. Longaron est excellent et justifie à lui seul l'achat des bouquins Gerfaut !
on peut aussi trouver pas mal de ces illustrations pour cet éditeur ici :
http://bricabrac.perso.sfr.fr/longaron.html
Merci pour le lien.
Hop ! En favori.
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