KINOCRADO # 3 : LE BARON DE LA TERREUR (1961)


En matière de cinéma d'épouvante, un pays pauvre est toujours la garantie indéniable d'un divertissement à la qualité hautement psychotronique. C'est à dire : un budget ridicule au service d'idées farfelues, de conditions techniques pas vraiment optimales et d'un objectif anti-artistique totalement assumé. Un contrat-confiance que les Mexicains ont toujours su honorer avec un certain zèle : les cinéphiles (?) du monde entier ne remercieront jamais assez René Cardona et tout ses amis pour leurs Santo et autres Blue Demon produits à la chaînes dans les années 60 et 70.
Mais, dans le registre du mexi-trash, commençons en douceur avec Le Baron de la Terreur, petite perle de mauvais goût signé Chano Urueta.

En 1661, un baron décadent, joué par l'exceptionnel Abel Salazar, est condamné au bûcher par le tribunal local de l'inquisition. Alors qu'il est en train de griller par surimpression de flammes, une comète passe dans le ciel. Il jure alors, face à ses bourreaux, de revenir dans 300 ans, au prochain passage de l'astre, se venger sur leur descendance.
Et nous voila donc en 1961. Un jeune couple d'astronome et leur éminent professeur se prennent d'intérêt pour cette étrange comète qui déboule dans le ciel mexicain et s'écrase non loin de l'observatoire. En fait, c'est un gros bloc en papier mâché qui tombe sur un plateau jonché de branches mortes symbolisant une foret mexicaine. Le faux rocher spatial libère alors... le baron de la terreur !


Celui-ci revêt au cours du film deux apparences très distinctes : d'un coté Abel Salazar dans sa plus belle imitation de Robert Mitchum sous anesthésie, de l'autre, et après transformation, le baron de la terreur, une hideuse créature aux cheveux gras, à la langue pendante, aux mains ventouses et à la tête en plastique mou animé par pompe à air. La grande classe, et sans aucune retenue.
Alors qu'à l'époque, les bandes fauchés US de monster-feature jouaient avec les ombres et les éléments de décors en cache-misère, nos mexicains mettent en avant leur star avec une rare fierté. Aucune inquiétude au niveau du ridicule, le spectateur en aura pour son argent.
Et quant le baron disparaît, Salazar prend la relève avec une efficacité proprement éblouissante. Son jeu de regard, soutenu par une lumière clignotante, est particulièrement épatant.
Car outre la vengeance, le baron a deux grandes marottes : 1) la dégustation à la petite cuillère de cervelles confites et 2) les femmes, qui se jettent dans ses bras dès qu'il leur fait le coup des yeux stroboscopiques. L'effet est assez hallucinant - comme à peu près tout dans ce film.
Par exemple : Les décors ? des paysages projetées sur le mur du studio, enlevant alors toute liberté de mouvement aux acteurs. le supporting-cast ? deux policiers aux réparties comiques navrantes. le rythme ? inexistant.
Le tout, c'est une bande unique, belle et naïve. Un film au serieux à toute épreuve, à la fois éprouvant dans ses longueurs et fascinant de par son absence de logique.

Pas forcement la porte d'entrée parfaite pour découvrir le cinéma mexicain populaire des années 60 (un bon Santo est peut-être plus approprié) mais assurément un passage obligatoire pour tout amateur de bizarreries bancales fauchées à l'ancienne.

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