SCI-FI ((( Z ))) POP # 10 : LES ELFES ANTICIPATION


LA LEGENDE DES MUTANTS, NICOLAS DOAZIT
LES ENVOYÉS DU PARADIS, YVES DERMEZE
EDITIONS ATLANTIC / LES ELFES ANTICIPATION, 1963

Au début des années 60, en dehors du Fleuve Noir, les amateurs de SF Française pas très sérieuse n'avaient pas grand chose à se mettre sous la dent. La plus part des petites collections ne dépassaient pas la demi-dizaine de volumes - voire bien moins comme Les Elfes Anticipation et leur superbe record de deux uniques romans en une année d'existence.
Mais avec un nom aussi craignos (Les Elfes, quelle idée !), fallait tout de même pas s'attendre à faire beaucoup mieux.
Nous les remercierons tout de même pour la facilité avec laquelle il est possible de compléter sa collection.
Et aussi pour leurs couvertures très Jack Kirby-ienne (je parle, bien entendu, de la photocopie spatiale en fond) signées Jef De Wulf.
Et finalement, pour leurs deux pauvres ouvrages, qui, à bien y regarder, ne sont pas si mauvais que ce que j'aurai pu croire.
(A vrai dire, ils sont aussi appréciables qu'un bon Anticipation de la période blanche. Ça ne tient peut être pas la comparaison avec du hard science parano-speculatif anglo-saxon mais ça se lit avec plaisir et en souriant des idées farfelues qui façonnent aproximativement l'intrigue.)
"Vous savez tous ce que fut le Grand Désastre. Les différents peuples [...] se livraient une guerre froide qui les entraînait à faire des stocks sans cesse plus importants d'explosifs nucléaires. Un jour, la terre a traversé un nuage de rayons cosmiques et tout ces explosifs ont éclaté en même temps, et la radioactivité a causé des ravages épouvantables."
Ça, c'est le début de La Légende Des Mutants de Nicolas Doazit, pseudonyme de Maurice Vernon, un rescapé des éditions métal (mais j'en parlerais plus en détail une prochaine fois).
Le coup des rayons cosmiques qui font exploser tout l'arsenal atomique US et Russe est super cool. Encore une facétie à mettre sur le compte de cette satanée ceinture de Van Allen.
(Rock n roll dude !)
Pour le reste, La Légende Des Mutants est un roman un peu fantasque, très naïf et surtout très très gentil. Rien à voir avec Docteur Bloodmoney ou du Joël Houssin. Si vous aimait l'ultra-violence, le sexe brutal et le gore à profusion, passez votre chemin. Nicolas Doazit fait du post-nuke à la sauce Oui-Oui ou Bilbo le Hobbit. C'est un truc (presque) pour gamin, plutôt bien troussé, assez attachant et sans temps morts mais qui ressemble tout de même plus à La Petite Prairie Radioactive qu'à L'Autoroute Sauvage.
Ayant la flemme de le résumer, disons que ça concerne un gentil mutant télépathe amoureux d'une jolie humaine et combattant de méchants monstres pour sauver sa maman et ses amis.

Plus réussi et pourtant moins divertissant (un comble ?), c'est Les Envoyés du Paradis signé par un vieux routier du gare français, Yves Dermèze.
Dermèze, les amateurs de SF le connaissent principalement sous son pseudonyme certifié Fleuve Noir de Paul Bera. Mais ça, c'est dans les années 70. En 1963, Dermèze est surtout fournisseur en gros d'espionnage sautillant pour la SEG et compagnie. Bref, pas encore un spécialiste de SF poubelle et fantastique jetable.
Du coup, Les Envoyés Du Paradis fait très prototype des Fleuve Noir / Paul Bera à venir. On y retrouve le même mélange d'aventures spatiales débridés et d'espionnage fantaisiste - C'est en quelque sorte du SEG collection Service Secret avec des vaisseaux galactiques et des pouvoirs psychiques en sus. Et des extraterrestres en remplacement des sempiternels communistes.

Une bonne chose pour les allergiques aux intrigues du rideau de fer.

L'autre bon point du bouquin, c'est sa première partie, une course-poursuite urbaine très enlevé, avec un climax à chaque fin de chapitre. Des effets faciles, parfois un peu poussifs, mais le traitement est exemplaire, assumant totalement la gratuité de sa surenchère dans le spectaculaire. Et puis, il faut l'avouer, c'est exactement cette exploitation sans retenue de ficelles usées qui fait tout le charme de la littérature populaire.
Malheureusement, une fois passé le dixième chapitre et jusqu'à ses dernières pages, Les Envoyés Du Paradis arbore un rythme beaucoup plus ronronnant. Un coup dur pour l'intérêt du lecteur. D'autant qu'au même moment, le bouquin souffre d'un autre problème assez sérieux : L'auteur n'a pas de grand méchant à opposer au héros. Pas de scientifique fou, pas de tyran mégalomane, juste un conflit spatial un peu flou.
Mais où est Peter Randa quand on a besoin de sa finesse ?

Bref, une absence d'enjeux clairs (ou tout simplement caricaturaux), de l'action pas forcement trépidante, tout ça jure avec l'exécution quasi-parfaite des 90 premières pages. Mais ça ne devrait pas déranger outre mesure les habitués de la production Fleuve Noir Anticipation. Les baisses de rythmes, les secondes parties qui traînent en longueur, les déroulements laborieux, c'est une spécificité majeure des productions de ce type.
Ils paraîtrait même que certains lecteurs en viennent à l'apprécier...

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