L'INVISIBLE, JEAN DE LA HIRE
ANDRÉ JAEGER / FANTASTIC # 7, 1953 (RÉÉDITION)
Jean De La Hire n'est pas content. Il vient de lire L'Homme Invisible de H.G. Wells et il a trouvé ça totalement nul.
"Ma foi, le sujet est raté [...]. Je m'étonne que Wells, dont le talent est incontestable, ait tiré de cette chose énorme un si pauvre roman."
Et, plus loin : "Ses aventures, telles que les raconte Wells, ne sont pas plus passionnantes que les exploits d'un méchant homme saoul."
Ça, c'est pas très sympa pour les alcooliques énervés.
Mais Jeannot, il s'en fout des alcolos. Jeannot est remonté à bloc. Il ne sait plus ce qu'il dit. Surtout, il veut faire mieux que Wells. Il veut une fresque fantastique. Un best-seller philosophique. Un truc du tonnerre.
Il va appeler ça L'Invisible.
Il aurait mieux fait de s'abstenir.
Son héros, Joë Rollon, a lui aussi lu Wells. Mais dans la réalité de Rollon, l'affaire "homme invisible" a bien eu lieu. Le bouquin de Wells n'est, en quelque sorte, qu'un récit documentaire, une retranscription vaguement romancée des faits. Après quelques recherches, Rollon récupère les formules de l'homme invisible. Il devient à son tour un personnage occulte et fermement décidé, de par son immense fortune, son intellect colossal et ses pouvoirs invisibles, à s'ériger en maitre du mal mondial numéro uno (rire diabolique).
Ça commence donc de façon plutôt positive. Malgré l'action un peu lâche, les prémices de L'Invisible dégagent quelques faux airs Fantomaneseques. On s'attend à un récit d'anti-héros prêt à tout pour la fortune et le chaos moral. Malheureusement, 80 pages plus loin, il faut se rendre à l'évidence : Il ne va rien se passer. Car Joë Rollon est une chiffe-molle romantique. Même son major d'homme, qui fait accessoirement office de side-kick criminel, lui en fait la réflexion : "je constate que depuis quelques temps vous vous attendrissez, vous devenez humanitaire et sentimental." Faut bien dire qu'avec ses super-pouvoirs, Joë la Tendresse n'a pas fait grand chose de très méchant. Tout juste si il a pillé une banque quelques chapitres plus tôt.
Et après ? Eh bien, il est tombé amoureux d'une duchesse déchue.
Mauvais plan : on va bouffer jusqu'à indigestion du roman pour nénettes. De la guimauve début du siècle avec quelques passages gentiment voluptueux de-ci de-là. Et dans le genre soupe aux mamours, De La Hire s'en donne à coeur-joie. Il exalte. Il jubile. Il se dépasse paragraphes après paragraphes. Sous sa plume (je le fais bien, hein ?), la nature printanière devient "une adolescente qui s'éveillerait, toute nue, d'un long sommeil, devant les yeux extasiés de chevalier des légendes." Pire ! L'ex-méchant international n'utilise plus son invisibilité que pour lire en cachette le journal intime de la noble poule de ses rêves. On croit rêver.
Bon, j'abrège avant de vomir. A la fin, ils se marient, font des gamins et achètent une baraque à la campagne, bien au calme, ensoleillée et compagnie. De La Hire nous déclare alors, au sujet de son pathétique héros : "[il] connut enfin le bonheur, qui est fait de mille petites joies goûtées au jour le jour, et qui est beaucoup plus facile à trouver que ne le croient les hommes."
Je l'ai dit plus haut. Jeannot aurait mieux fait de s'abstenir.
ANDRÉ JAEGER / FANTASTIC # 7, 1953 (RÉÉDITION)
Jean De La Hire n'est pas content. Il vient de lire L'Homme Invisible de H.G. Wells et il a trouvé ça totalement nul.
"Ma foi, le sujet est raté [...]. Je m'étonne que Wells, dont le talent est incontestable, ait tiré de cette chose énorme un si pauvre roman."
Et, plus loin : "Ses aventures, telles que les raconte Wells, ne sont pas plus passionnantes que les exploits d'un méchant homme saoul."
Ça, c'est pas très sympa pour les alcooliques énervés.
Mais Jeannot, il s'en fout des alcolos. Jeannot est remonté à bloc. Il ne sait plus ce qu'il dit. Surtout, il veut faire mieux que Wells. Il veut une fresque fantastique. Un best-seller philosophique. Un truc du tonnerre.
Il va appeler ça L'Invisible.
Il aurait mieux fait de s'abstenir.
Son héros, Joë Rollon, a lui aussi lu Wells. Mais dans la réalité de Rollon, l'affaire "homme invisible" a bien eu lieu. Le bouquin de Wells n'est, en quelque sorte, qu'un récit documentaire, une retranscription vaguement romancée des faits. Après quelques recherches, Rollon récupère les formules de l'homme invisible. Il devient à son tour un personnage occulte et fermement décidé, de par son immense fortune, son intellect colossal et ses pouvoirs invisibles, à s'ériger en maitre du mal mondial numéro uno (rire diabolique).
Ça commence donc de façon plutôt positive. Malgré l'action un peu lâche, les prémices de L'Invisible dégagent quelques faux airs Fantomaneseques. On s'attend à un récit d'anti-héros prêt à tout pour la fortune et le chaos moral. Malheureusement, 80 pages plus loin, il faut se rendre à l'évidence : Il ne va rien se passer. Car Joë Rollon est une chiffe-molle romantique. Même son major d'homme, qui fait accessoirement office de side-kick criminel, lui en fait la réflexion : "je constate que depuis quelques temps vous vous attendrissez, vous devenez humanitaire et sentimental." Faut bien dire qu'avec ses super-pouvoirs, Joë la Tendresse n'a pas fait grand chose de très méchant. Tout juste si il a pillé une banque quelques chapitres plus tôt.
Et après ? Eh bien, il est tombé amoureux d'une duchesse déchue.
Mauvais plan : on va bouffer jusqu'à indigestion du roman pour nénettes. De la guimauve début du siècle avec quelques passages gentiment voluptueux de-ci de-là. Et dans le genre soupe aux mamours, De La Hire s'en donne à coeur-joie. Il exalte. Il jubile. Il se dépasse paragraphes après paragraphes. Sous sa plume (je le fais bien, hein ?), la nature printanière devient "une adolescente qui s'éveillerait, toute nue, d'un long sommeil, devant les yeux extasiés de chevalier des légendes." Pire ! L'ex-méchant international n'utilise plus son invisibilité que pour lire en cachette le journal intime de la noble poule de ses rêves. On croit rêver.
Bon, j'abrège avant de vomir. A la fin, ils se marient, font des gamins et achètent une baraque à la campagne, bien au calme, ensoleillée et compagnie. De La Hire nous déclare alors, au sujet de son pathétique héros : "[il] connut enfin le bonheur, qui est fait de mille petites joies goûtées au jour le jour, et qui est beaucoup plus facile à trouver que ne le croient les hommes."
Je l'ai dit plus haut. Jeannot aurait mieux fait de s'abstenir.
3 commentaires:
heureusement il reste la couv.
une sacrée poitrine, en effet.
Même pas un crossover avec le Nyctalope ? Je suis déçu.
Enregistrer un commentaire