LA MOMIE DU PROFESSEUR SYNISTRE, JAN A. REY
JACQUIER / LA LOUPE EPOUVANTE #3, 1953
Un drole de coco, ce Jan A. Rey. Malgré l'anagramme apparent, le bonhomme n'entretenait aucun rapport avec le célèbre auteur des Harry Dickson. Niçois d'adoption (dixit l'éditeur dans ses habituelles présentations dithyrambiques de quatrième de couverture et troisième page de garde), notre Rey factice ne publia que trois petits romans, tous aux éditions Jaquier et un dans chacune des sous-collections de La Loupe. Son premier paru ainsi en Épouvante, son second en Espionnage et son troisième en Policier. Et une fois cette tournée symbolique effectuée (de 1953 à 1956), voila que Jan A. Rey (ou tout du moins son appellation certifiée à La Loupe) disparait à tout jamais de la circulation, ne subsistant alors dans les mémoires qu'en tant qu'exemple parmi de nombreux autres des magouilles éditoriales franchement tarabiscotées de l'époque.
Il est tout de même assez triste de réduire Jan A Rey au sort typique du cheptel de gribouilleurs anonymes des éditions Jacquier et qui, lorsqu'ils ne constituent pas de possibles avatars officieux de Frederic Dard, ne valent plus grand chose aux yeux des tristes amateurs de litt' pop bien coté sur ebay.
Car tout comme Frank Peter Bellinda, et attendant de s'attaquer à Bill Blondy, Francis Richard ou N.T. Bobmarkson, il faut lire Jan A Rey ne serait-ce que pour gouter à la saveur unique d'un roman La Loupe première période (soit entre 52 et 57) et dans cette optique, La Momie Du Professeur Synistre peut faire figure de choix absolument parfait. Voila un roman au déroulement totalement fantaisiste, n'arrivant jamais à tenir en place et pouvant se résumer à cette maxime des Shadoks : "pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué..."
Car c'est certain, on ne taxera jamais Jan A Rey de faire le radin sur les retournements de situation ou de s'en tenir au strict minimum du genre. Pour ce qui est du service, le lecteur est gavé comme une oie : L'auteur multiplie les rebondissements jusqu'à l'indigestion. Rien que dans les 20 premières pages du présent roman, notre héros, un jeune homme un peu perdu, croise le fantôme d'une reine égyptienne, découvre un collectionneur fou de momies, boit une tisane provenant d'un sarcophage maudit, ressent quelques hallucinations et voyage dans le temps, jusqu'à l'époque des pharaons. Par la suite, des bijoux disparaissent, des cadavres s'accumulent et notre héros devient fou. Traqué par la police, il se refugie chez le professeur Synistre et fait l'amour à un cadavre momifié ! "Une nuit sublime dans un atroce délire érotique," déclare-t-il après. Pour un peu, on se croirait dans un feuilleton de Louis Feuillade, une certaine grâce en moins - chose peu étonnante pour un récit estampillé La Loupe. La bizarrerie se pare de maladresse et Rey ne fait pas dans la finesse. Il chausse ses gros sabots pour faire peur. Ce sont des points de suspensions à n'en plus finir et des balbutiements de phrases interminables, comme sorties d'une nouvelle de Lovecraft trop abimée à la traduction.
L'HORRIBLE DRAGON INVISIBLE, JAN A REY
JACQUIER / LA LOUPE ESPIONNAGE, 1954
Je continue mon (court) périple Jan A Rey avec son deuxième (et avant-dernier) roman, l'Horrible Dragon Invisible qui, contrairement à ce que le titre et la couverture semblent indiquer, n'est pas un récit d'horreur mais bien d'espionnage. De l'espionnage au traitement assez saugrenu au demeurant, jugez plutôt :
Marius Barbencanne, un gros marseillais à l'apparence et au comportement proche d'un Tartarin de Tarascon, chômeur professionnel de son état, gouailleur, bon vivant, est embringué bien malgré lui dans une tortueuse et explosive affaire internationale où se mêlent drogue, kidnapping, chantage, produits cosmétiques, chinois arracheurs de têtes, sous-vêtements à micro-films intégrés dans les coutures, flibusterie moderne, charmeurs de serpents et de multiples autres choses tout aussi farfelues.
Malheureusement, si le cadre est amplement fourni, l'exécution laisse à désirer et semble parfois assez fade. Les touches d'ironie sont tragiques, l'action est peu trépidante, les traits d'humour tombent à plat et l'intrigue est volontairement (et c'est bien là le plus grave) confuse.
On retiendra tout de même l'incroyable enchainement de péripéties donnant l'impression que cet Horrible Dragon Invisible s'agite sur les ressorts ultra-sensibles des fascicules d'aventures colonialistes des années 30. Tout comme dans La Momie Du Professeur Synistre, Jan A Rey déploie un inventivité quasiment infantile dans le renouvellement des tribulations de son héros. Le roman est excessif, alambiqué et retrouve par moment le charme et la naïveté propre au genre populaire.
Si tout le reste avait tenu la cadence, L'Horrible Dragon Invisible aurait alors constitué une lecture jouissive, vivifiante et atypique, mais dans son ensemble dépareillé et mal accordé, tout ce que ce petit roman permet est l'éclosion régulière de minces bouffées d'ennui dans le cœur du lecteur en bravant les 154 pages.
Pour autant, l'art (bon marché) et les manières romancières de ce Jan A. Rey sont tellement désuètes qu'il est assez aisé de tout lui pardonner...
JACQUIER / LA LOUPE EPOUVANTE #3, 1953
Un drole de coco, ce Jan A. Rey. Malgré l'anagramme apparent, le bonhomme n'entretenait aucun rapport avec le célèbre auteur des Harry Dickson. Niçois d'adoption (dixit l'éditeur dans ses habituelles présentations dithyrambiques de quatrième de couverture et troisième page de garde), notre Rey factice ne publia que trois petits romans, tous aux éditions Jaquier et un dans chacune des sous-collections de La Loupe. Son premier paru ainsi en Épouvante, son second en Espionnage et son troisième en Policier. Et une fois cette tournée symbolique effectuée (de 1953 à 1956), voila que Jan A. Rey (ou tout du moins son appellation certifiée à La Loupe) disparait à tout jamais de la circulation, ne subsistant alors dans les mémoires qu'en tant qu'exemple parmi de nombreux autres des magouilles éditoriales franchement tarabiscotées de l'époque.
Il est tout de même assez triste de réduire Jan A Rey au sort typique du cheptel de gribouilleurs anonymes des éditions Jacquier et qui, lorsqu'ils ne constituent pas de possibles avatars officieux de Frederic Dard, ne valent plus grand chose aux yeux des tristes amateurs de litt' pop bien coté sur ebay.
Car tout comme Frank Peter Bellinda, et attendant de s'attaquer à Bill Blondy, Francis Richard ou N.T. Bobmarkson, il faut lire Jan A Rey ne serait-ce que pour gouter à la saveur unique d'un roman La Loupe première période (soit entre 52 et 57) et dans cette optique, La Momie Du Professeur Synistre peut faire figure de choix absolument parfait. Voila un roman au déroulement totalement fantaisiste, n'arrivant jamais à tenir en place et pouvant se résumer à cette maxime des Shadoks : "pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué..."
Car c'est certain, on ne taxera jamais Jan A Rey de faire le radin sur les retournements de situation ou de s'en tenir au strict minimum du genre. Pour ce qui est du service, le lecteur est gavé comme une oie : L'auteur multiplie les rebondissements jusqu'à l'indigestion. Rien que dans les 20 premières pages du présent roman, notre héros, un jeune homme un peu perdu, croise le fantôme d'une reine égyptienne, découvre un collectionneur fou de momies, boit une tisane provenant d'un sarcophage maudit, ressent quelques hallucinations et voyage dans le temps, jusqu'à l'époque des pharaons. Par la suite, des bijoux disparaissent, des cadavres s'accumulent et notre héros devient fou. Traqué par la police, il se refugie chez le professeur Synistre et fait l'amour à un cadavre momifié ! "Une nuit sublime dans un atroce délire érotique," déclare-t-il après. Pour un peu, on se croirait dans un feuilleton de Louis Feuillade, une certaine grâce en moins - chose peu étonnante pour un récit estampillé La Loupe. La bizarrerie se pare de maladresse et Rey ne fait pas dans la finesse. Il chausse ses gros sabots pour faire peur. Ce sont des points de suspensions à n'en plus finir et des balbutiements de phrases interminables, comme sorties d'une nouvelle de Lovecraft trop abimée à la traduction.
"Lorsque j'écris ces lignes, je me demande encore comment, à cet instant, une telle vision surgissant subitement des ténèbres ne m'a pas foudroyé de terreur...Inutile de préciser que La Momie Du Professeur Synistre se lit d'une traite sous peine, non pas d'en perdre le fil, mais bien le courage d'avaler ce gros gâteau sur-chargé à la chute un peu vulgaire car très (trop ?) terre à terre.
Comment mon cœur ne s'est-il pas brisé sous l'emprise d'une si intraduisible sensation...
Il me sembla que mes nerfs hurlaient !... que mon cerveau craquait !... Là... A quelques pas... une forme s'avançait, agressive...
C'était une apparition revetue d'un suaire noir !... A la place du visage, il y avait une face hideuse... rongée... décharnée... avec des cavités remplaçant les yeux. Une sorte de masque mou... car tout cela flottait comme une spectre en lambeaux !..."
L'HORRIBLE DRAGON INVISIBLE, JAN A REY
JACQUIER / LA LOUPE ESPIONNAGE, 1954
Je continue mon (court) périple Jan A Rey avec son deuxième (et avant-dernier) roman, l'Horrible Dragon Invisible qui, contrairement à ce que le titre et la couverture semblent indiquer, n'est pas un récit d'horreur mais bien d'espionnage. De l'espionnage au traitement assez saugrenu au demeurant, jugez plutôt :
Marius Barbencanne, un gros marseillais à l'apparence et au comportement proche d'un Tartarin de Tarascon, chômeur professionnel de son état, gouailleur, bon vivant, est embringué bien malgré lui dans une tortueuse et explosive affaire internationale où se mêlent drogue, kidnapping, chantage, produits cosmétiques, chinois arracheurs de têtes, sous-vêtements à micro-films intégrés dans les coutures, flibusterie moderne, charmeurs de serpents et de multiples autres choses tout aussi farfelues.
Malheureusement, si le cadre est amplement fourni, l'exécution laisse à désirer et semble parfois assez fade. Les touches d'ironie sont tragiques, l'action est peu trépidante, les traits d'humour tombent à plat et l'intrigue est volontairement (et c'est bien là le plus grave) confuse.
On retiendra tout de même l'incroyable enchainement de péripéties donnant l'impression que cet Horrible Dragon Invisible s'agite sur les ressorts ultra-sensibles des fascicules d'aventures colonialistes des années 30. Tout comme dans La Momie Du Professeur Synistre, Jan A Rey déploie un inventivité quasiment infantile dans le renouvellement des tribulations de son héros. Le roman est excessif, alambiqué et retrouve par moment le charme et la naïveté propre au genre populaire.
Si tout le reste avait tenu la cadence, L'Horrible Dragon Invisible aurait alors constitué une lecture jouissive, vivifiante et atypique, mais dans son ensemble dépareillé et mal accordé, tout ce que ce petit roman permet est l'éclosion régulière de minces bouffées d'ennui dans le cœur du lecteur en bravant les 154 pages.
Pour autant, l'art (bon marché) et les manières romancières de ce Jan A. Rey sont tellement désuètes qu'il est assez aisé de tout lui pardonner...
5 commentaires:
oui, oui!!! ça a l'air plutôt savoureux, tout cela. étrange pseudo quand même... mais juste une petite précision: Jean Ray a REcréé Harry Dickson. à la base simple traducteur de ce héros néerlandais, il s'est mis à tout simplement réécrire, arranger les (mauvais selon lui) bouquins originaux pour finalement inventer intrigues et coups tordus. Cheers , Robo32.exe et bonne année!
Effectivement, cher GOT! mais c'est toujours un peu compliqué de résumer toute cette histoire de parenté en deux mots, donc je préfère ultra-simplifier lorsque j'aborde ce schmilblik de loin... je sais pas si c'est une si bonne chose que ça... Enfin, bonne année à toi :)
mais du coup, le Harry Dickson originel est-il si mauvais que cela (parce que je n'en ai lu que 2-3 et c'était du jean ray pur jus)? en tous cas, merci (vraiment:) pour ton blog (ce "baise-ball à la baule" précédent m'explose les yeux littéralement)!
Bon, j'avais dégotté le 2ème mais je vais attendre d'avoir oublié ce que t'en dis pour le lire... ou pas d'ailleurs. Pis c'est chiant les Loupe, c'est écrit trop petit, d'où le nom de la maison peut-être...
GOT! : j'ai jamais touché un fascicule original d'Harry Dickson, je ne connais que les éditions marabout (parait qu'elles sont ré-écrites ???) donc je suis pas la bonne personne pour répondre... par contre, j'ai bien l'impression que Filo de deadlicious est bien calé en la matière, non ?
Losfeld : t'es dur avec la loupe ! c'est écrit petit mais c'est d'un format très court. Et puis les couvertures sont tellement mignonnes... comment résister ?
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