SCOTT CHEZ LES NUDISTES, RICHARD S. PRATHER
SCOTT CHEZ LES FOUS, RICHARD S. PRATHER
PRESSES INTERNATIONALES INTER-POLICE # 35 & 40, 1960
De nos jours, la majorité du public, qu'il soit intello ou populeux, entretient inconsciemment une vision faussée (et somme toute assez partisane) de cette figure archétypale qu'est le détective privée.
Le détective privée, ç'en est toujours ainsi, on se l'imagine soit sous les traits d'un Humphrey Beau-Regard rejouant simultanément Sam Spades et Phil Marlowe, soit sous la forme un peu moins discernable du dur irascible et mal rasé, du teigneux des bas quartier qui se la traîne en habits miteux, pardessus aux poches trouées, le flingot dans un holster d'épaule, une boutanche de whisky à la main et sa gentille secrétaire ultra-pulmonée au bras.
On se l'imagine séducteur fauché, loser qui se bat, brute dépressive qui récolte constamment la pluie sur son chapeau mou en baladant sa carcasse dégingandée dans les rues d'une ville sans nom, étouffée par le stupre et la corruption, l'argent sale et les magouilles crades. On se l'imagine Mike Marteau et on a un peu tord car, voyez-vous, ils ne sont pas tous comme ça, les détectives privés. Il en existe même qui sortent méchamment du lot.
Prenons par exemple le cas de Sheldon Scott, dit Shell Scott, ex-marine reconverti en un bondissant private-eye Hollywoodien. Dans les années 50 / 60, notre gus vendait autant de bouquins que la star du genre, Mike Hammer, et pourtant, Shell Scott n'avait strictement rien à voir avec le héros emblématique du gars Spillane.
Je te fais la démonstration avec les 3 premiers points qui me viennent en trogne mais, en y réfléchissant bien, on pourrait en trouver 10 de plus fastoche les doigts dans le blair.
Donc, primo : Shell Scott n'a pas de secrétaire, secundo : Shell Scott ne broie jamais du noir et tersio : Shell Scott s'habille toujours en couleur, genre chemise hawaïnne, pour mieux faire ressortir sa magnifique tignasse de cheveux blancs.
Comme il l'affirme d'ailleurs lui même : "j'admet que ces nippes soient un peu voyantes, mais j'essaie de lancer la mode. Toujours à l'avant garde, voila ma devise."
Bref, Shell Scott, c'est un gustave conformément excentrique qui aime la vie, le martini, les femmes libres, le gazouillis des petits oiseaux et la rosée du matin.
Bien entendu, c'est aussi un dur - mais dans son genre tout particulier. Il a fait l'armée, il sait se battre, foutre des volées à tout va aux salauds qui ne lui plaisent pas, mais il préférera toujours au pugilat les cocktails californiens et autres party mondaines.
Shell Scott, c'est donc le détective privé amateur de bombes et de bamboulas, le détective privée qui drague et qui blague, le détective privé en mode space-age bachelor pad et on aurait aisément pu se le concevoir sous les traits de Dean Martin si ce dernier n'avait pas préféré faire l'espion pince sans rire sous les traits de Matt Helm.
(Vraiment, imagines le résultât, mec : Dean Martin en Shell Scott, avec une perruque blanche sur la coupole et, en fond sonore, une bande easy listenning façon Ray Anthony ou Les Baxter, parole, ça aurait été maxi-choucard !)
Mais recentrons-nous, cachez-moi ces érections mentales que je ne saurais voir. Nous sommes la pour parler bouquins alors causons.
En France, les Shell Scott de Richard S. Prather furent d'abord publiés par la Série Noire (3 volumes en cartonné, un quatrième en souple) puis repris par Les Presses Internationales d'André Martel, un label étrangement éclectique qui proposait aussi bien du Martin Meroy que du Evan Hunter.
T'imagines le grand écart ? Un coup à s'en fendre le bénard, j'te dis que ça.
Néanmoins, c'est cette dernière collection qui nous intéresse aujourd'hui puisqu'elle publia le chef-d'oeuvre absolu de la série, le jouissivement nommé Strip For Murder - en français dans le titre : Scott Chez Les Nudistes.
L'épisode débute classiquement. Notre homme est invité à une petite fête, il y correctionne un gars de mauvaise vie puis se fait embaucher pour empêcher un crime lié à une histoire d'héritage. Jusque là, tout va bien. Le problème, c'est que le crime va probablement être commis dans un lieu... hum... disons... assez particulier.
Et Scott, penaud, de demander tout de même : "Je ne peux pas porter, heu... simplement mon étui ? "
La suite, c'est 150 pages d'une gigantesque screw-ball comedy et dont les codes auraient été mélangés à ceux du roman d'action policier. L'ensemble culmine en un final d'exception, d'anthologie même, qui voit, entre autres choses, Scott suspendu à un ballon et volant au dessus du tout Los Angeles dans le plus simple appareil.
Bien entendu, à coté de ce pur joyaux d'hilarité 100 % approuvé par votre serviteur, le volume suivant, Scott Chez Les Fous, pourra vous sembler un peu terne par endroits. Et pourtant, comme le déclare un figurant-flic, page 67, "je n'ai jamais entendu une histoire aussi loufoque, ou alors c'est moi qui suis cinglé."
Mais non, cher ami, voyons, un peu de retenue, vous n'avez tout simplement pas lu Scott Chez Les Nudistes. Rattrapez vos lacunes en vous référant quelques paragraphes plus haut, merci.
Bref. Je reprend le fil décousu de mon article en t'écrivant que, tout de même, cette histoire de morts enterrés sur d'autres morts (exactement comme dans un autre Shell Scott, Du Pétard Dans Le Catafalque, Serie Noir # 784) ne manque pas de sel. Le coup des tombes multiples, j'ai d'ailleurs bien envie de te dire que c'est un peu comme des intrigues à tiroirs dans des tiroirs eux mêmes enchâssés dans d'autres tiroirs. Tu visualises le bidule ?
Non ?
Tant pis pour toi, je continue because, dans cet épisode, notre bon vieux Scott ne chôme pas.
Faut suivre ou prendre le bus.
Il enquête sur des disparitions, sur des morts mystérieuses, sur une maison de repos pas très nette et sur une secte encore plus louche. A la fin, tout se retrouve lié à grands coups de truelle, avec en prime un faux cadavre expliqué par la magie des effets spéciaux des série B Hollywoodienne. Le résultât est assez grossier mais mettez-vous à la place de l'auteur : faut bien vivre. Shell Scott a beau être une série de génie (toute proportion gardée, s'entend), c'est aussi une série alimentaire, une série commerciale, une série à formule.
Les mêmes ingrédients s'y retrouvent toujours d'un épisode à l'autre, cuisinés différemment mais bien reconnaissable. D'ailleurs, Richard S. Prather était un grand ami de Don Pendleton, monsieur L'Executeur, autre spécialiste du systématisme efficace en littérature populaire.
Et comme pour l'Executeur, comme pour toutes les séries qui suivent une trame identique de volume en volume, Shell Scott avait ses jours avec et ses jours sans.
Mais même dans les jours sans, Richard S. Prather réussissait à divertir.
Et j'ai bien envie de te dire (foutez vous à ma place : faut bien que je conclue ce billet) : ce n'est pas donné à tout le monde !
SCOTT CHEZ LES FOUS, RICHARD S. PRATHER
PRESSES INTERNATIONALES INTER-POLICE # 35 & 40, 1960
De nos jours, la majorité du public, qu'il soit intello ou populeux, entretient inconsciemment une vision faussée (et somme toute assez partisane) de cette figure archétypale qu'est le détective privée.
Le détective privée, ç'en est toujours ainsi, on se l'imagine soit sous les traits d'un Humphrey Beau-Regard rejouant simultanément Sam Spades et Phil Marlowe, soit sous la forme un peu moins discernable du dur irascible et mal rasé, du teigneux des bas quartier qui se la traîne en habits miteux, pardessus aux poches trouées, le flingot dans un holster d'épaule, une boutanche de whisky à la main et sa gentille secrétaire ultra-pulmonée au bras.
On se l'imagine séducteur fauché, loser qui se bat, brute dépressive qui récolte constamment la pluie sur son chapeau mou en baladant sa carcasse dégingandée dans les rues d'une ville sans nom, étouffée par le stupre et la corruption, l'argent sale et les magouilles crades. On se l'imagine Mike Marteau et on a un peu tord car, voyez-vous, ils ne sont pas tous comme ça, les détectives privés. Il en existe même qui sortent méchamment du lot.
Prenons par exemple le cas de Sheldon Scott, dit Shell Scott, ex-marine reconverti en un bondissant private-eye Hollywoodien. Dans les années 50 / 60, notre gus vendait autant de bouquins que la star du genre, Mike Hammer, et pourtant, Shell Scott n'avait strictement rien à voir avec le héros emblématique du gars Spillane.
Je te fais la démonstration avec les 3 premiers points qui me viennent en trogne mais, en y réfléchissant bien, on pourrait en trouver 10 de plus fastoche les doigts dans le blair.
Donc, primo : Shell Scott n'a pas de secrétaire, secundo : Shell Scott ne broie jamais du noir et tersio : Shell Scott s'habille toujours en couleur, genre chemise hawaïnne, pour mieux faire ressortir sa magnifique tignasse de cheveux blancs.
Comme il l'affirme d'ailleurs lui même : "j'admet que ces nippes soient un peu voyantes, mais j'essaie de lancer la mode. Toujours à l'avant garde, voila ma devise."
Bref, Shell Scott, c'est un gustave conformément excentrique qui aime la vie, le martini, les femmes libres, le gazouillis des petits oiseaux et la rosée du matin.
Bien entendu, c'est aussi un dur - mais dans son genre tout particulier. Il a fait l'armée, il sait se battre, foutre des volées à tout va aux salauds qui ne lui plaisent pas, mais il préférera toujours au pugilat les cocktails californiens et autres party mondaines.
Shell Scott, c'est donc le détective privé amateur de bombes et de bamboulas, le détective privée qui drague et qui blague, le détective privé en mode space-age bachelor pad et on aurait aisément pu se le concevoir sous les traits de Dean Martin si ce dernier n'avait pas préféré faire l'espion pince sans rire sous les traits de Matt Helm.
(Vraiment, imagines le résultât, mec : Dean Martin en Shell Scott, avec une perruque blanche sur la coupole et, en fond sonore, une bande easy listenning façon Ray Anthony ou Les Baxter, parole, ça aurait été maxi-choucard !)
Mais recentrons-nous, cachez-moi ces érections mentales que je ne saurais voir. Nous sommes la pour parler bouquins alors causons.
En France, les Shell Scott de Richard S. Prather furent d'abord publiés par la Série Noire (3 volumes en cartonné, un quatrième en souple) puis repris par Les Presses Internationales d'André Martel, un label étrangement éclectique qui proposait aussi bien du Martin Meroy que du Evan Hunter.
T'imagines le grand écart ? Un coup à s'en fendre le bénard, j'te dis que ça.
Néanmoins, c'est cette dernière collection qui nous intéresse aujourd'hui puisqu'elle publia le chef-d'oeuvre absolu de la série, le jouissivement nommé Strip For Murder - en français dans le titre : Scott Chez Les Nudistes.
L'épisode débute classiquement. Notre homme est invité à une petite fête, il y correctionne un gars de mauvaise vie puis se fait embaucher pour empêcher un crime lié à une histoire d'héritage. Jusque là, tout va bien. Le problème, c'est que le crime va probablement être commis dans un lieu... hum... disons... assez particulier.
"Dans quel endroit me suis-je fourvoyé ? Vous êtes des... nudistes ?"Comme le disait Garcimore, il faut savoir resté décontrasté en toute situation et le gars Scott, cool-guy suprême, prend rapidement goût à mener son enquêté sans sous-vêtements - bien que, comme lui affirme la charmante poupée qui l'initie aux joies du naturisme en plein air, "vous ne pouvez pas vous promenez avec votre revolver pour tout vêtement. Vous auriez l'air idiot."
Et Scott, penaud, de demander tout de même : "Je ne peux pas porter, heu... simplement mon étui ? "
La suite, c'est 150 pages d'une gigantesque screw-ball comedy et dont les codes auraient été mélangés à ceux du roman d'action policier. L'ensemble culmine en un final d'exception, d'anthologie même, qui voit, entre autres choses, Scott suspendu à un ballon et volant au dessus du tout Los Angeles dans le plus simple appareil.
" Toutes les secrétaires avaient la tête à la fenêtre. La plus part poussaient des cris aigus, mais elles continuaient à regarder, les petites hypocrites. J'en reconnu quelques unes, mais peut m'importait à présent. Une blonde aux grands yeux, plus grands encore que d'habitude, me reconnut à son tour.Le bonheur à l'état brut.
Elle tendit le doigt.
- C'est ! hurla-t-elle. Non. Mais si, mon Dieu ! C'est Shell Scott ! "
Bien entendu, à coté de ce pur joyaux d'hilarité 100 % approuvé par votre serviteur, le volume suivant, Scott Chez Les Fous, pourra vous sembler un peu terne par endroits. Et pourtant, comme le déclare un figurant-flic, page 67, "je n'ai jamais entendu une histoire aussi loufoque, ou alors c'est moi qui suis cinglé."
Mais non, cher ami, voyons, un peu de retenue, vous n'avez tout simplement pas lu Scott Chez Les Nudistes. Rattrapez vos lacunes en vous référant quelques paragraphes plus haut, merci.
Bref. Je reprend le fil décousu de mon article en t'écrivant que, tout de même, cette histoire de morts enterrés sur d'autres morts (exactement comme dans un autre Shell Scott, Du Pétard Dans Le Catafalque, Serie Noir # 784) ne manque pas de sel. Le coup des tombes multiples, j'ai d'ailleurs bien envie de te dire que c'est un peu comme des intrigues à tiroirs dans des tiroirs eux mêmes enchâssés dans d'autres tiroirs. Tu visualises le bidule ?
Non ?
Tant pis pour toi, je continue because, dans cet épisode, notre bon vieux Scott ne chôme pas.
Faut suivre ou prendre le bus.
Il enquête sur des disparitions, sur des morts mystérieuses, sur une maison de repos pas très nette et sur une secte encore plus louche. A la fin, tout se retrouve lié à grands coups de truelle, avec en prime un faux cadavre expliqué par la magie des effets spéciaux des série B Hollywoodienne. Le résultât est assez grossier mais mettez-vous à la place de l'auteur : faut bien vivre. Shell Scott a beau être une série de génie (toute proportion gardée, s'entend), c'est aussi une série alimentaire, une série commerciale, une série à formule.
Les mêmes ingrédients s'y retrouvent toujours d'un épisode à l'autre, cuisinés différemment mais bien reconnaissable. D'ailleurs, Richard S. Prather était un grand ami de Don Pendleton, monsieur L'Executeur, autre spécialiste du systématisme efficace en littérature populaire.
Et comme pour l'Executeur, comme pour toutes les séries qui suivent une trame identique de volume en volume, Shell Scott avait ses jours avec et ses jours sans.
Mais même dans les jours sans, Richard S. Prather réussissait à divertir.
Et j'ai bien envie de te dire (foutez vous à ma place : faut bien que je conclue ce billet) : ce n'est pas donné à tout le monde !
1 commentaire:
Strip for Murder (Scott chez les nudistes) était le roman préféré de Prather (interview de 1994).
Signalons, pour compléter la bibliographie française (bien partielle, hélas!) de Prather, 3 titres parus dans la collection Tonnerre d'Inter-Presse : Drôles de ballets, Drôle de cible, et Scott joue et gagne (tous en 1966); et dans la collection Le Cachet (éditions de Trévise) 2 autres titres : De la poudre et des bals et Ordre de tuer (1961)
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