L'EXÉCUTEUR FRANÇAIS # 1 : GÉRARD CAMBRI

L'OPÉRATION TEXANE, DON PENDLETON
PLON / L'EXÉCUTEUR # 56, 1985

En 1982, Gérard de Villiers terminait l'importation en français des 38 premiers Exécuteurs originaux.
Pour le lecteur, qu'il soit Français ou Américain, la coupure a son importance. C'en était désormais terminé de la mafia. Don Pendelton vendait sa boutique et son enseigne à Hunter, la filiale virile de ces gonzesses d'Harlequin. Après 8360 pages d'exterminations brutales, de destructions massives et de mitraillages effrénés, Mack Bolan changeait de structure.
Fini le blitzkrieg en free-lance, place au boulot de commando pour l'Oncle Sam. Les truands moustachus bouffeurs de spaghetti, notre héros venait tout juste de les annihiler sur 15 générations et des poussières. La place était nette, il y fallait du renouveau.
C'est ce que fit Hunter. L'Exécuteur devenait vengeur planétaire, avec une préférence pour les pays sous développés.

Vous quittez Mafia-City, merci de votre visite.
Prochain arrêt : Terrorisme international.
Population : ça devrait fortement décliner le mois prochain.
Mais du coté de chez Gérard de Villiers, on ne l'entendait pas vraiment comme ça. Ce changement de cap, ça chamboulait sévère la formule maison. Et si ça continuait, son altesse sérénissime le prince Malko n'allait pas tarder à se faire méchamment marcher sur les plate-bandes.
La concurrence, contrairement à ce que l'on peut dire, c'est mauvais pour le commerce. L'Exécuteur international, avec sa cargaison de canons et de munitions, il débarquait comme un chien dans un jeu de quille dans l'affaire. Son shoot-em-up littéraire ravageant des contrées moyen-orientales, ça sentait salingue pour le bizness GdV. Sans compter le lecteur franchouillard qui, bien habitué à son déssoudage mensuel de ritals à la demi-douzaine par cageots, se voyait alors attribué sans en être consulté de l'arabe revendicateur dans sa publication favorite en guise des figurants homologués.
ouais, visualises sa tronche :



J'AI DEMANDÉ UNE PIZZA, PAS UN KEBAB, MERDE !

Pour de Villiers, il ne restait donc qu'une seule solution. Embaucher un auteur français. Et surtout : lui faire usiner de l'Exécuteur comme avant. De l'Exécuteur qui zigouille du mafieux. De l'Exécuteur à la papy.
Cet auteur, ce fut Gérard Cambri.
Comme quelques autres, il traquait le filon depuis plus d'une décennie mais il avait pour lui quelques avantages. Il aimait photocopier, il venait d'être viré par le Fleuve Noir et il était tout prêt à rempiler pour dézinguer du pourri via sa machine à écrire.
L'opinel entre les dents, le contrat dans la pogne, il s'attaqua ainsi à sa mission.
À la manière d'un comic What If de la Marvel, l'Exécuteur Français venait de naitre.
Première case : le Gardien, toujours aussi chauve, vêtu de sa seule toge romaine mais à l'allure très digne, et posant cette question brulante : ET SI MACK BOLAN N'AVAIT PAS ARRÊTÉ DE BUTER DE L'IMMIGRÉ ITALIEN ?
J'ai une cinquantaine d'exemples dans mes cartons mais je vais te la faire simple. Je n'en prend qu'un seul. D'autres viendront peut être. Celui-ci, d'exemple, c'est le # 56. L'Opération Texane.
Un beau morceau.
Gérard Cambi, alors déjà signataire de 6 Exécuteurs fort minables, nous sort le grand jeu.

J'ai dis que je faisais simple, je fais simple : Tu connais Ikea ? OK.
Alors, imagines ça en version littéraire dans une boutique discount.
"Dis au revoir à tes couilles et prépare-toi pour le grand saut."
Les phrases sont en kit et l'intrigue suit la cadence. Son Opération Texane, à Gérard Cambri, c'est du deux-en-un - un mélange de Panique à Philadelphie (L'Exécuteur # 15) et du Masque de Combat (L'Exécuteur # 3). Pour faire bonne mesure, notre bricoleur de roman de gare du dimanche y adjoint quelques bribes du Siège de San Diego (# 14 : une apparition du Death Squad) et quelques pincées sensuelles de Violence à Vegas (# 9) en la présence de Toby Ranger, la nana du FBI qui aime à se fringuer country.
Cambri, on ne pourra pas lui retirer ça, ronéotype son turbin amoureusement. Et il n'oublie rien dans la tambouille. Le fils du capo dans le # 15 se nomme Jack le Gosse ? Qu'à cela ne tienne. Dans l'Opération Texane, c'est Frank le Gosse. Même comportement, même mort. Idem pour l'allié providentiel, le petit mafieux coquebin. Benny Peaceful devient Max Charley.
Cambri pompe à tout va. Des scènes entières, sans finesse et sans s'en cacher. On en vient même à se demander pourquoi donc qu'il l'a écrit, son bouquin.
Pour la thune, OK.
Mais à ce niveau, ce n'est plus du plagiat, c'est du montage à la photocopieuse.

Cambri-Pendleton singe donc Pendleton-Pendleton. Il le singe jusqu'à se fondre moelleusement dans son ombre. Plus besoin d'astiquer les touches de la Japy, il ne s'agit désormais que de régurgiter à la gueule du lecteur les mêmes schémas, encore et encore.
Malheureusement, comme si tout cela n'était pas déjà suffisant, l'art mimétique de Gérard Cambri accuse de nombreuses cassures dans sa quête d'une fluidité originelle. On y trouve bien quelques "nuées de frelons rageurs" et autres "courtes giclées d'ogives rageuses" pour faire frémir le peuple mais les détails, plus importants sur la longueur, regorgent d'erreurs.
Des détails comme, par exemple, s'échiner à nommer "amici" les membres de la mafia ou encore ne pas savoir écrire correctement Striker, le nom de code para-militariste de l'Exécuteur.
Quant au style, pourtant rudement bien étudié question grossièreté brutale (cf. la citation du dessus, en gros), il lui manque toute l'efficacité propre à l'auteur imité.

Où sont les petites phrases qui font mouche ? Du coté de chez SCUM, certainement.
N'est pas Don Pendleton qui veut. On le savait déjà. Mais toutes ces preuves supplémentaires que Cambi nous apporte demeurent sacrement éprouvantes. L'Opération Texane, c'est 220 pages d'emmerdement total, car déjà expérimenté ailleurs. Le lecteur ne baille pas d'ennui, il a simplement envie d'exterminer le responsable du marasme qu'il vient de s'enquiller deux heure durant.

Terminons donc sur une note joyeuse.
En 2004, après avoir sévi sur presque 100 volumes de la collection, Gérard Cambri se retrouva débarqué de son job par Gérard de Villiers. L'infortuné auteur pondit alors, sur son site perso et sous pseudonyme, une diatribe vengeresse intitulée Arnaque et Harlequinade.
Pourtant, l'arnaque et l'Harlequinade, c'en était bien lui le coupable, en torchant de pareils bouquins.
Je n'avais pas osé précédemment mais je me le permets aujourd'hui :

Gérard Cambrise les couilles.

5 commentaires:

losfeld a dit…

On dirait qu'Alvaro Vitali t'a fait un bien fou !

Zaïtchick a dit…

"Gérard Cambri se retrouva débarqué de son job par Gérard de Villiers. L'infortuné auteur pondit alors, sur son site perso et sous pseudonyme, une diatribe vengeresse intitulée Arnaque et Harlequinade."
C'était donc un Cambri de clôture ?^^

ROBO32.EXE a dit…

Lolo : Alvaro Vitali fait toujours un bien fou. On murmure d'ailleurs que certains chef-d'œuvres de la littérature moderne ont été rédigés après des visionnages répétés de La Prof à La Plage ou de L'infirmière du Régiment, entre autres.
(par contre, à mon sens, l'Alvaro Vitali ne fonctionne pleinement que lorsqu'il est accompagné par un Lino Banfi...)

Zaït : j'ai rien d'intelligent à répondre alors je vais citer Artemus Dada : "c'est un saut de cambri."

DrBis a dit…

C'est du cambricolage !

ROBO32.EXE a dit…

voire même du cambriolage littéraire !