YVES DERMÈZE SANS CARTIER

CORRIDA POUR UNE ESPIONNE, YVES DERMÈZE
OPERATION À FROID, YVES DERMÈZE
LIQUIDÉ... L'ESPION, YVES DERMÈZE
S.E.G. / SERVICE-SECRET # 102, 109, 114, 1968/69

Yves Dermèze œuvra beaucoup dans l'espionnage populaire des petites collections années 50 et 60. Je l'expliquais dans le billet précèdent, j'y reviens aujourd'hui sous un autre angle.
Car contrairement à la majorité des auteurs investis dans le genre et fixés sur un seul et unique héros, Dermèze variait aussi les plaisirs en écrivant de temps à autres pour la S.E.G. des romans d'espionnage au générique desquels Archibald Cartier, son super agent secret sixties habituel, ne figurait pas.

C'est le cas de Corrida Pour Une Espionne et dans lequel un certain Tony, espion américain, court après Hilda, une ex-espionne en possession d'un document extrêmement important.
L'action se déroule aux alentours de Caracas, les services Russe font leur apparition sous les traits d'un certain Borodine et Dermèze se concentre sur son habituelle formule de la poursuite infernale comme squelette d'intrigues.
Le décors change à la vitesse (très pointue) des protagonistes et les alliances varient d'un chapitre à l'autre.

Trahisons, bagarres, crocodiles affamés, fusillades.
En dépit de quelques grosses ficelles, d'une certaine lassitude pointant pendant le dernier quart du récit et d'un final expédié sans finesse, le lecteur féru d'aventures trépidantes pourra s'estimer satisfait.

C'est aussi le cas de Liquidé... L'Espion. Le héros s'y prénomme Laurent. Agent Français. Il travaille en collaboration avec Madrier, un gonze qu'aurait fait un assez bon second rôle du coté de chez San Antonio, et Cloclo, une modette twisteuse de bonne famille façon Salut Les Copains - Sylvie Vartan jouant les baroudeuses B.C.B.G.

D'entrée (ou presque), Dermèze cite La Double Vie de Théophraste Longuet, le premier Gaston Leroux, et lance son roman sur des prémices pour le moins interloquant.
Aux habituels imbroglio d'espions, il substitue en effet une histoire à dormir debout d'indicateur fantôme.
Les agents secrets de la SDECE s'adonnant aux joies du spiritisme et à l'invocation d'esprits de l'au-delà. Tables tournantes et ouija en lieu et place des micro-émetteurs et des fréquences radio.
Du jamais lu !

Hélas, la suite rationalise le tout. C'est malheureux. On aurait pu espérer un vrai roman d'espionnage fantastique (à ma connaissance, un sous-genre inexistant) mais, oh ! Dermèze connait suffisamment son boulot pour nous servir une jaffe plus qu'appréciable et le plaisir de lecture, pour peu que l'on se montre indulgent, y est bien présent.


C'est enfin le cas de Opération À Froid, dernier bouquin de notre série et meilleure surprise de cette triple pioche.
Cette fois, le héros se nomme Leo Baumerin, dit Le Canard en raison de sa patte folle, la gauche.
Il ne marche pas, il clopine, notre espion. Qu'importe. Il est envoyé au nord du Groenland, saute en parachute et atterri dans une base US.
Sa mission ? Dénicher un traitre. L'auteur et les évènements aidant, il y dénichera bien plus.

"Tout ceci était parfaitement irréel : le silence, la nuit, cette neige qui ouatait le bruit des pas. Une scène de cinéma de 1925. Manquait le piano d'accompagnement, mais peut-être allait-il se déchainer d'une seconde à l'autre, un piano bien rythmé et fracassant."
La sauce est relevée par un groupe de scientifiques Russes chapeauté par une espionne retorse, Maria Petrovna, "la star classique, l'obligatoire élément féminin."
Reclus dans un paquebot prisonnier des glaces, nos soviétiques mènent sur la population locale d'inquiétantes expériences, droguant et charcutant les esquimaux du coin.
Climat oppressant. Angoissant même. L'isolement dans la nuit infinie du Groenland et le piano qui monte crescendo.
Opération À Froid fonctionne comme
Western polaire. Affrontements tacites puis déchaînement inouï de violence... jusqu'à la mort.
À ce titre, le chapitre final est exemplaire puisqu'il parvient à respecter les règles du roman d'espionnage sans pour autant désamorcer les ressorts dramatiques sous-tendus par le décor et développés par l'intrigue.
Mais faisons simple.
Lorsque le lecteur est captivé par les exploits qui lui sont présenté, se trouve maintenu en position d'équilibre sur le bord de son siège par des effets répétés de tension et en vient à se faire du soucis quant au destin du personnage principal, alors on peut affirmer que l'auteur a abattu son turbin avec un taux de réussite dépassant le 100 %.

Le baromètre de contentement proche de l'explosion, je me permettrai néanmoins de rajouter que, question espionnage d'après guerre, Opération À Froid est à ranger dans le même panier que le Silence, Clinique ! d'Eddy Ghilain.
Ou comment un art de la routine sur papier se découvre de merveilleuses ressources d'efficacité et de rythme, accomplissant sans prétention aucune mais avec classe et assurance le contrat-confiance du divertissement en hall de gare ou fauteuil-club - c'est à dire :
2 HEURES D'ENCHANTEMENT NON-STOP

2 commentaires:

Zaïtchick a dit…

Et les couvertures sont toujours aussi chouettes.

ROBO32.EXE a dit…

Probablement dues à des artistes italiens ou espagnols...