L'EXÉCUTEUR FRANÇAIS # 2 : FRANK DOPKINE

Un ancien auteur des éditions de la Brigandine reconverti en faux adaptateur de franchise burnée chez Gérard de Villiers, le profil n'est pas courant. En matière de populaire pour adulte, il s'agit presque d'un grand écart.
Mais l'effet est heureux.
Car si Frank Dopkine ne brilla jamais vraiment à la Brigandine, y assurant simplement un honnête rendement dans l'alimentaire pas dégueulasse du polar porno à second degré gauchisant, sa récente arrivée sur l'Exécuteur a par contre le don de revigorer une série trop longtemps maintenue sous la tutelle de Gérard Cambri, ce phagocyte outrancier et mal-fagoté du champs lexical pendletonnien.

Bien entendu, dans ce genre codifié à l'extrême, Dopkine ne renouvelle rien. À l'image de la police dans ce film de Luciano Ercoli, il a les mains liées. Les esprits simples peuvent souffler : le carcan est intact. Mack Bolan s'attaque encore et toujours à la mafia. 40 ans que ça dure, on ne change pas une équipe qui stagne.
Aux États Unis, l'éditeur (Gold Eagle / Hunter) avait eu la bonne idée de légèrement faire évoluer le schéma, direction le terrorisme international, correspondance Amérique du sud ou Afrique du nord.
En France, Gérard de Villiers préféra le rétrécir
, forçant nos auteurs nationaux à tricoter leur 220 pages mensuelles sur des tissus d'intrigues aux surfaces microscopiques.

Ainsi, depuis son lancement au début des années 80, la version française de l'Exécuteur est en animation suspendue et c'est à l'aune de ce niveau assez peu bandant qu'il faut apprécier le travail des nouveaux auteurs maison.

Vu sous cet angle, Frank Dopkine s'affirme donc comme un grand professionnel. Son triptyque " Massacre à Snohomish River / Du Plomb pour une Balance / Poker Mortel à Chicago " (Exécuteur # 263, 264, 266) en est d'ailleurs une assez jolie preuve. Le boulot est effectué avec soin, consciencieusement, et l'écriture se fait bien moins laborieuse que chez ses confrères. Surtout, si Dopkine met les formes, il n'en renie pas pour autant les traditionnelles expressions toutes faites, ces punch-lines en kit, marque de fabrique de la série.
"Au son de l'Automag, c'était une marche funèbre qui invariablement se jouait."
Rien ne dépasse. Ou plutôt : rien ne se perd, rien ne se fait. La tonalité est conservé, le divertissement assuré. Dopkine en profite alors pour s'attarder sur les décors et approfondir le contexte.
L'Amérique de ses romans l'Exécuteur est celle de l'ultra-consumérisme contemporain. On y roule en SUV, on y communique via i-phone et on y vit en quartiers résidentiels ultra-luxueux. L'effet, appuyé, assure aux textes un artifice de véracité.

Mais Dopkine ne se contente pas d'un gadget de modernité.
Dans
ses bouquins, avec la fin de la décennie 2000, c'est la crise financière et ses conséquences qui redéfinissent le terreau d'angoisse et de violence sur lequel l'Exécuteur va désormais affronter ses ennemis.
Analystes financiers, traders sans scrupules, spéculateurs retranchés derrière les écrans de leurs laptops, la mafia se diversifie et les rouages des magouilles se font plus complexes.
Mais c'est justement là où, paradoxalement, le bat blesse : l'intérêt majeur qui caractérise l'approche de Dopkine en constitue aussi le principal défaut et, à trop alambiquer le conflit, il en vient aussi à en diluer partiellement l'intérêt.
Subsiste alors l'impression d'un manquement. Car la force des 38 premiers romans de Don Pendleton résidait dans leur simplicité et leur outrance. C'était de la litterature comic-book, droit au but et sans fioritures : opérations commando, coups de mortier, blitz ravageurs.
Chez Dopkine, l'aspect cartoon guerrier passe à l'as. Fini le Shoot 'em up retranscrit en prose, fini les récits se résumant à l'histoire d'un mec qui appui sans discontinuer sur des gâchettes, fini ces coups d'éclats tellement constants qu'ils en deviennent routinier.
Et peut être n'est-ce pas plus mal. Car à l'arrivée, après 220 pages d'un bouquin aussi vite lu que vite oublié, force est d'avouer que même si cela manque un peu de muscle, l'auteur a parfaitement honoré le contrat-type du roman de gare pour hommes.
Surtout, après plus de vingt années d'une production faisandée, Frank Dopkine a enfin rendu Mack Bolan l'Exécuteur à nouveau lisible.
Et ça, ce n'est pas rien.

12 commentaires:

Lectures Diabolik a dit…

Tu ferais mieux de lire un bon S.C.U.M ! J'ai commencé le quatrième volet et il arrache ! D'ailleurs le prologue débute par un cunnilingus. Que demander de plus ? On peut mourir tranquille après un S.C.U.M... et ce n'est pas Laetitia Vecci qui dira le contraire !

ROBO32.EXE a dit…

Ah mais les S.C.U.M., j'les ai tous lu. Et relu. Le # 4 est vraiment très bon mais, si je dois donner mes préférences, elles iront au # 1 (forcement) et au # 3.

Sinon, l'Exécuteur, c'est mon péché mignon. D'ailleurs, j'aurai adoré lire un Exécuteur signé Joël Houssin (et, d'une certaine manière, on peut dire qu'il le fait avec le # 5 de S.C.U.M. et ses mafieux en Sicile...)

Diabolik a dit…

Et elles sont où les chroniques foutredieu ? Le 3, je l'ai trouvé moyen. Le 2 qui se passe au japon est plus complexe et j'ai adoré le final. Mais je suis surpris de la qualité de cette petite série. Les illustrations pourraient laisser croire à une littérature pour puceaux acnéiques mais ce n'est pas le cas. Au fait, tu ne pourrais pas mettre sur la colonne de droite les derniers commentaires envoyés ? Ça me (nous) permettrait de mieux suivre le fil des avis.

ROBO32.EXE a dit…

Le #3 est bas du front mais c'est ça qu'est bon, comme disait Danny Brillant. Et le #2 manque de punch à mon goût mais le final à la Brussolo est excellent.
Je me re-re-referais peut être la série entière d'un trait, un de ses jours... avec, du coup, un billet d'ensemble sur le blog (...à moins que je me décide enfin à me lancer dans ce fanzine / one-shot dédié à la litterature virile, de l'Exécuteur à TNT en passant par l'Implacable et Scum...)
Sinon je trouve que les couv' de Melki collent parfaitement à la série : c'est tapageur, c'est putassier et ça tabasse.

(...et ça y est, j'ai rajouté le petit gadget spécial commentaires, au fond, à droite, après les liens et les membres inscrits...)

Lectures Diabolik a dit…

Ah merci beaucoup ! C'est quoi ton idée de fanzine ?

Nemo Sandman a dit…

Petit moment de gloriole à deux balles: OUIIII !!! :-) Il se trouve que je connais celui qui a élargi le territoire de Bolan à la chasse en Amérique du Sud. Il s'agit de mon vieil ami Jerry Van Cook
http://www.iblist.com/author12444.htm
qui à la même époque (1998) partait découvrir le "survivalism" dans les jungle du Pérou avec (Jeff Randall et Mike Perrin) et qui a décidé d'y immerger Papy Bolan en lui faisant découvrir les joies de la machette !
Pour la petite histoire, comme Jerry écrivait aussi des articles pour Tactical Knives (comme votre serviteur), il équipait Bolan des dernières nouveautées de chez Spyderco ou Cold Steel...
Un peu comme pour notre Richard Blade National qui ces derniers temps utilisait du Spyderco et du Rockstead ! Ca vous la coupe hein ?
Bon, en attendant, JVC est un de mes potes sur FB (même si on se connait depuis 15 ans!) et il n'est pas avare en renseignements et en anecdotes. C'est même un gars qui une sacré bonne plumette et je suis fan de ses "Bolan"!
N'hésitez pas à le contacter (de la part de Nemo) pour connaitre ses méthodes de travail. Il officie sur plusieurs Spin Off de Bolan quand il ne joue pas au Sheriff adjoint !
Si vous voulez le découvrir en V.O. n'hésitez pas à me contacter via le ch'ti Robo !
Cheers
Nemo

Nemo Sandman a dit…

Sinon, je suis pour un beau billet sur S.C.U.M.! Houssin a fait un travail d'orfèvre orcish à contre courant de la production de l'époque.
"SCUM est à la littérature ce que Iron Maiden est à la musique classique" avait écrit un journaliste de l'époque. Il m'a donné envie de lire la Variole Rouge.
J'ai préféré le 2 "Tokyo Brule-t-il?" avec son torcheur de sumo et ses dobermans piégés au pacemaker/mine anti personnel...
Melki faisait de beaux copier coller des films de l'époque et on peut facilement reconnaitre Shwartzy ou Tanya Roberts mais sa dominante "flamme" donnait une série homogène.
A SCUM, qui à part HBO oserait en faire une mini série ? :-D
Je postule tout de suite à la réalisation du pilote !

ROBO32.EXE a dit…

Diabolik : le fanzine, c'est (pour le moment) une idée qui flotte mollement dans ma cervelle... le modèle, ce serait Ciné Zine Zone mais appliqué à la litterature pour mecs... ou alors certains morceaux de ce blog, en plus complet, réécrit avec application et imprimé sur papier.
Mais bon, ça flotte, ça flotte... pas sur que ça voit le jour...

Nemo : je ne pense pas avoir lu de Bolan par Jerry Van Cook... je vais essayer de rattraper ça...
sinon, concernant S.C.U.M., il y a déjà eu deux billets consacré à cette série sur ce blog.
http://muller-fokker.blogspot.com/search/label/%5BSERIE%5D%20S.C.U.M.
Et Melki, pour moi, ce sera toujours les affiches de ciné des années 80 au début des 90s, ses Belmondo, ses Freddy, ses nénettes pour camionneurs aérographées à la tape à l'œil... tout un style qui faisait que, dès qu'on rentrait dans un video-club, on se dirigeait automatiquement vers les VHS dont il illustrait les jaquettes !
La marque d'un grand, en quelque sorte...
(quant aux ressemblances avec des acteurs, c'est un classique de la couv' de roman pop'. par exemple, dans les Spécial Police de Gourdon, on retrouve Alain Delon, Ursula Andress, Marianne Faithfull, etc, etc.)

artemus dada a dit…

Robo, si jamais cette idée de fanzine prend forme et que tu penses ajouter des contributions extérieures, je serais très flatté de participer (dans la mesure de mes modestes moyens).
[-_ô]

Diabolik a dit…

Je tiens à rectifier l'énorme bourde de Nemo. Le second volume des SCUM s'intitule "Le soleil ne se lève plus sur Tokyo". Du coup, Mark Ross va venir chez toi cher nemo ! Et fais attention à son gourdin hypertrophié !!!

ROBO32.EXE a dit…

Artie, ce sera avec grand plaisir. Je te tiendrai au courant de l'avancement du projet et je pense qu'en effet, j'aurai besoin d'un petit coup de main de ta part, ne serait-ce que concernant les comic-books Destroyer ou encore le mythe "Charles Atlas" - point de départ (à mon sens et avec Doc Savage) de la litterature virile...

Anonyme a dit…

Bonsoir,je parcours votre blog(que je trouve très bien)de temps à autre par curiosité et intérêt envers ces étranges pépites,notamment les romans d'action dans la veine de l'Exécuteur.

C'est en visitant le site www.mackbolan.com que j'ai appris que Bradley Cooper allait interpréter l'ancêtre de tous les grandes figures de l'action,et qu'en Décembre 2015 la branche Gold Eagle d'Harlequin allait fermer et les séries comme l'Executeur et ses spin-offs ainsi que Rogue Angel,Death Lands et Outlanders allaient être annulées ou au mieux mise en stand by jusqu'à ce qu'un éditeur les reprennent.

ça fout un coup de lire ça quand même...

Bonne journée et à un de ces jours;merci encore pour votre super boulot.