OPÉRATION MILLIBAR, FRANCIS RYCK
ASHRAM DRAME, FRANCIS RYCK
SÉRIE NOIRE # 999 & 1064, 1966
Dans Opération Millibar, un déclic s'amorce. Dans Ashram Drame, le tour s’accomplit.
Plus qu'une mystification, une révélation.
Une clef actionne une pêne, la pêne se désengage d'une gâche et la porte s'ouvre sur une pièce, quasiment vide, parfaitement rangée.
Au sein du grand batiment-manufacture des littératures d'espionnage francophone, elle détient un statut particulier.
On y pénètre rarement, certains ignorent jusqu'à son existence. Elle possède 4 dimensions, sa propre géométrie, cultive de nombreuses ramifications et quelques passages secrets. Sur sa porte d'entrée à demi-vitrée, comme dans les films de détectives privés, est inscrite la mention congrue bien qu'inusitée d'espionnage intellectuel.
On pensait le terme réservé aux anglais, avec Opération Millibar et Ashram Drame, ses deux premiers romans à la Série Noire, Francis Ryck désosse une idée reçue. Mieux : il relance la donne, reprend à son compte les tâtonnements conceptuels entrepris, deux années plutôt, par le trio Langelaan / Moury / Maltravers, y ajoute ceux de Len Deighton, les pousse plus en avant.
L’Opération Millibar s'enclenche comme une ultime réflexion avant le grand chambardement d'Ashram Drame. Ou comment signifier de la complexité du monde moderne dans un genre mécanisé à l’extrême, sans âme, "aussi froid qu'un bilan de comptabilité."
ASHRAM DRAME, FRANCIS RYCK
SÉRIE NOIRE # 999 & 1064, 1966
Dans Opération Millibar, un déclic s'amorce. Dans Ashram Drame, le tour s’accomplit.
Plus qu'une mystification, une révélation.
Une clef actionne une pêne, la pêne se désengage d'une gâche et la porte s'ouvre sur une pièce, quasiment vide, parfaitement rangée.
Au sein du grand batiment-manufacture des littératures d'espionnage francophone, elle détient un statut particulier.
On y pénètre rarement, certains ignorent jusqu'à son existence. Elle possède 4 dimensions, sa propre géométrie, cultive de nombreuses ramifications et quelques passages secrets. Sur sa porte d'entrée à demi-vitrée, comme dans les films de détectives privés, est inscrite la mention congrue bien qu'inusitée d'espionnage intellectuel.
On pensait le terme réservé aux anglais, avec Opération Millibar et Ashram Drame, ses deux premiers romans à la Série Noire, Francis Ryck désosse une idée reçue. Mieux : il relance la donne, reprend à son compte les tâtonnements conceptuels entrepris, deux années plutôt, par le trio Langelaan / Moury / Maltravers, y ajoute ceux de Len Deighton, les pousse plus en avant.
L’Opération Millibar s'enclenche comme une ultime réflexion avant le grand chambardement d'Ashram Drame. Ou comment signifier de la complexité du monde moderne dans un genre mécanisé à l’extrême, sans âme, "aussi froid qu'un bilan de comptabilité."
En page 72 d’Opération Millibar, un rapport dactylographié glisse sous nos yeux. La fiche signalétique du héros. Il s'appelle Eric Vaudois, agent des SR français, mais l'auteur le désignera toujours sous le prénom de Laurent. Les vérités se multiplient, se contredisent ou s’additionnent.
"Au fond, l'agent de renseignements se trouve être, au deuxième degré, le type le moins renseigné qui soit. Une sorte de myope lâché dans la nature." Et le lecteur ? Une sorte de dupe lâché dans le roman. Parfois lâché par l'auteur. En chute libre le temps de quelques paragraphes - comme au début d'Ashram Drame, impression de prendre le récit en route et que chaque pièce manquante est un gouffre - avant de se trouver une suite de mots auxquels s’agripper, une scène où reprendre pied.
"Et ce fut comme un film projeté à toute vitesse, mais dans une parfaite chronologie. Pendant quelques minutes, il revécut tout ce qui s'était passé depuis l'avion, sans tâtonnements, sans les anachronismes habituels. Toutes les images, les sons, les impressions, condensés dans le temps.
L'avion, en générique."
Si Opération Millibar, simple affaire météorologique, s'affine de chapitre en chapitre - chaque découverte d'un double ou triple jeu le dépouillant d'une pelure, l'amenant vers une ascèse du genre - c'est réellement lors de son premier tiers, mêlant claustration et télépathie, que le roman brille au point d'éblouir.
Ashram Drame reprend cette piste, celle d'un espionnage biscornu, ésotérique, et creuse plus profondément le sillon.
La situation est classique, l'agent secret qui part en vacances, et les vacances qui virent au cauchemar. Le rendu, par contre, est détonnant.
Il y est question de drogues, de mysticisme, de psycho-persuasion, et lorsque tout s'effondre (ou se révèle), on a alors le sentiment d'arpenter l'envers d'un univers où sectes, agences publicitaires et services de renseignements entremêlent leurs compétences pour mieux asservir l'humain.
La situation est classique, l'agent secret qui part en vacances, et les vacances qui virent au cauchemar. Le rendu, par contre, est détonnant.
Il y est question de drogues, de mysticisme, de psycho-persuasion, et lorsque tout s'effondre (ou se révèle), on a alors le sentiment d'arpenter l'envers d'un univers où sectes, agences publicitaires et services de renseignements entremêlent leurs compétences pour mieux asservir l'humain.
"J'avais déjà pensé depuis longtemps à une histoire pareille. Mais, dites-moi, ça n'est pas commencé ?
Abêtissement systématique, amollissement, féminisation, culte de l'idiot, tout ça... la mode, les magazines, la radio, le grand raz-de-marée de connerie. Le niveau technique qui monte en proportion inverse du niveau mental, on a déja lu ça.
L'apparition de cette race de bons techniciens infantiles, d'esclaves satisfaits, ça n'est pas l'indice, simplement, l'émanation d'un certain niveau de l'humanité ?"
Le travail de sape ne faisait que commencer, pour Ryck comme pour les néo-polardeux à venir, mais en deux romans, il venait de donner naissance à une évidence dont il fut longtemps le principal garant : l'espionnage mène à tout, à condition d'en sortir.
3 commentaires:
Bien content de te retrouver, ton billet m'a donné envie de m'intéresser à ces deux romans.
Le mieux, c'est de s'intéresser à tout ce que Ryck a écrit. Ça en vaut la peine, vraiment ;-)
En effet, et je m'aperçois que je suis un peu passé à côté… Ça me rappelle ce que disait Graham Greene (je crois) sur l'espion en tant que dernier héros post-moderne, manipulé, ne sachant plus si, à force de double et triple jeu, il œuvrait pour la cause ou contre qu'il croyait servir (en admettant qu'il en ait une…) De plus en plus vrai dans ce retour actuel du genre où les centrales d'énergie chères à Buchan ont changé !
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