TERMINUS DE LA RIGOLADE

LA MORT EN CARNAVAL, GEORGE MAXWELL
SOGEDIDE / LE JAGUAR, 1954

Après s'être tartiné des piles et des piles de mauvais romans, il est toujours étonnant de constater que la Spy-Fiction, cette sous-production populaire pas très fameuse, a connu en son temps quelques pics de qualité. Étonnant parce que l'espionnage, j'en dis constamment du mal et pourtant, ce genre ne peut être uniquement réduit aux lourdeurs de Frankie Belinda, à la retenue ennuyeuse de Paul Kenny ou bien aux multiples délires alcoolisés de tacherons anonymes puisqu'on y trouve aussi de bons romans d'action et d'aventures qui, en 190 pages, résument efficacement tout ce que ce genre de production peut contenir d'exceptionnel. Il y a les Yves Dermeze en SEG, les Gil Darcy à L'Arabesque et (le firmament du genre à mes yeux) Le Jaguar de George Maxwell.
"Un passé tumultueux, des dangers sans nombre courus sur tous les continents, une volonté à toute épreuve, au service d'un système nerveux en acier trempé, et un nombre de missions, plus périlleuses les unes que les autres aux différents degrés du contre-espionnage américain, lui avaient forgé un tempérament à la mesure de ce qu'on attendait de lui, et surtout de ce qu'exigeaient les circonstances.
Pour l'heure, il n'était rien moins question que de contrer l'infernal Jaguar sur son propre terrain !"
La Mort En Carnaval, premier épisode de la série, est approximativement identique aux autres Jaguars que j'ai pu lire précédemment. Oui, oui, je l'avoue, j'ai effectué mes lectures dans le désordre mais c'est pas important, on y comprend rien de toute façon. Le Jaguar, c'est du pulp sans aucune autre prétention que le divertissement écervelé. C'est rapide, voire même ultra-nerveux, avec une unité de temps resserrée à l'extrême et des péripéties sans cesse renouvelées.
L'écriture, comme d'habitude chez Maxwell, est à la fois dénué de toute qualité littéraire apparente et pleine d'un style percutant, vulgaire, unique. L'auteur y met à profit les ficelles qui faisaient déjà leurs preuves sur ses Môme Double-Shot : pas d'intrigue nette, pas de pourquoi ni de comment, juste un délirant enchaînement d'action, de courses poursuites, de pugilats et de sexe.
Mais si les enjeux de ce premier volume sont particulièrement abstraits, l'histoire est par contre toute simple. Le Jaguar, anti-héroïne violente et cruelle, vole les documents confidentiels d'un militaire haut-gradé sud-americain. Pour le compte de qui ? On s'en tape. L'important, c'est que son ennemi de toujours, l'agent de la CIA super-bright et misogyne Frank Richard, se lance à ses trousses. Après, c'est une accumulation sans fin de retournements de situation, de double-crossing en tout genre et de tortures physiques à la sexualité exacerbée et aux finalités troubles.
"Il plaqua ses lèvres aux siennes, éperdu de désir, noyé, submergé de folie érotique et ne s'aperçut pas que les mains fines et nerveuses de la femme encadraient sa face violacée, congestionnée, aux yeux désorbités.
Mais il ne put s'écarter à temps ! Comme une hydre elle l'avait enveloppé, assimilé à elle sans qu'il s'en rendit très bien compte, et maintenant, il tentait désespérément de se dégager. Mais elle tenait bon. Pris par la langue, qu'elle broyait entre ses dents tranchantes, Walter tenta de nouer ses mains à son cou. Les deux pouces du Jaguar lui entrèrent en même temps dans les yeux..."
Car si George Maxwell fut calmé après l'arrêt forcé de ses Môme Double-Shot et son transfert à la Sogedide d'André Martel, il exhale tout de même de cette Mort En Carnaval les habituels relents de fantasmes cradingues qui firent la réputation de l'auteur. Et outre cet accouplement de mante religieuse vorace (bien plus explicite dans les paragraphes suivants), s'y trouve aussi de nombreuses tortures prolongées (au fouet, au clope, au couteau), de l'explosion de crane à coup de tatane et un hilarant frotté de croupion de clébard au piment rouge. Du grand art !
Bref, si vous voulez vous faire une meilleur opinion des romans d'espionnages, le Jaguar est un morceau de choix. Malheureusement, il est aussi unique en son genre.

1 commentaire:

losfeld a dit…

Il a une super couv en plus celui-là... Bon allez je vais me faire un des 3 ou 4 que je stocke depuis 10 ans, enfin si mes yeux injectés de sang à la B.Lugosi veulent bien s'ouvrir un peu...