MONSTRES EN GUERRE

ALERTE AUX MONSTRES, KURT WARGAR
LA FLAMME D'OR / VISIONS FUTURES, 1953

Tout premier roman d'André Ruellan (alias, entre autres choses, Kurt Steiner, Kurt Dupont et Kurt Wargar) Alerte Aux Monstres est le seul ouvrage Visions Futures qui se distingue un tant soit peu de l'habituelle bouillie mal-scribouillée constituant le lot quotidien de cette collection (et de, soyons honnêtes, 90 % de la production science-fictive bon-marché du début des années 50.)

Cette assertion introductive ne s'applique, bien entendu, qu'aux personnes considérant la lecture de ces romans d'anticipation dénués de tout sens scientifiques et littéraire comme une activité vaine et sans aucune valeur culturelle.
Je le sais bien, vous n'êtes pas de ceux-la mais tout de même, et en guise d'avertissement, faisons la part des choses !
Il n'est pas véritablement possible d'aborder André Ruellan comme du vulgaire Keller & Brainin psychotronique. Ruellan, c'est plutôt un gars de la trempe de Francis Carsac ou de Gerard Klein. Et n'oublions surtout pas que, si il débuta dans les petites collections d'après-guerre avant de se faire une belle renommé aux éditions du Fleuve Noir, Ruellan est aussi une figure à part de la littérature de ces 60 dernières années, quelle soit populaire ou non.
Car tout en produisant de fort bons récits pour Angoisse, Anticipation, Ailleurs & Demain et Présence Du Futur, Ruellan/Steiner/Wargar/Dupont (et quelque autres) était aussi membre du groupe Panique, collaborateur régulier de Topor, scénariste pour de nombreux cinéastes dont Jean-Pierre Mocky et humouriste très noir dans les pages d'Hara-Kiri. Entre autres choses.
(Tiens, d'ailleurs, il y avait Le Distrait, beau concentré de délires Ruellanesques, diffusé hier soir à la télévision...)

Mais revenons-en à ce premier roman, Alerte Aux Monstres, qui débute en fanfare, comme un feuilleton sur-excité. Wargar y mélange super-sciences et techniques occultes, prouesses télépathiques et champs de force, mutations en tout genre et monstres en furie. On a aussi droit à une pagaille de rayons Z, d'ondes K et d'une foultitude d'inventions follement furieuses.
Comme il se le déclarait à lui-même dans son auto-entretien pour la revue Midi-Minuit (Kurt Steiner et le fantastique à grande distribution, par André Ruellan) "Creuser les caractères de mes personnages n'est pas mon travail, je me tiens à une intrigue et une ambiance, immédiatement accessibles à un lecteur, c'est de la bande-dessinée sans dessin."
Ici, le Docteur K, inventeur des ondes K et savant très maléfique, s'empare de la belle et blonde Jenny, la petite copine de Pierre Dubrison, le héros, jeune et gentil savant, pour empêcher l'avancement des travaux d'électrobiologie de ce dernier.
Bien entendu, 190 pages durant, notre héros va tout faire pour combattre ce génie du mal.

Haut les coeurs ! C'est décomplexé et délirant. Ruellan ne ment pas sur sa marchandise et, dans sa première partie, Alerte Aux Monstres fonctionne comme un strip d'Alex Raymond ou de Fletcher Hanks. Rapide et coloré. Mais 80 pages plus loin, ça se corse un peu. Le Docteur K, épaulé par ses hordes de robots monstres mi-hommes mi-animaux, met l'Europe à feu et à sang.
Ce sont alors des descriptions de villes en ruines et de génocides en masse. La naïveté disparaît et l'ambiance s'alourdit. Tout comme Kurt Steiner le fera 16 années plus tard avec ses Enfants De L'histoire et son mai 68 cosmique (Anticipation #388), Kurt Wargar exécute une métaphore sci-fi de l'actualité récente et aborde de front les événements de la seconde guerre mondiale. C'est très réussi mais, faut l'avouer, je me suis un peu moins amusé.
La faute à mon manque de sérieux.
En fin de volume, l'éditeur nous promet de retrouver "les principaux personnages de ce roman dans La Planète Aux Deux Lunes, en préparation." Six Visions Futures plus tard, la Flamme D'Or mettra la clef sous la porte sans avoir tenu sa promesse. Pas de chance.

3 commentaires:

losfeld a dit…

Ca a l'air assez bandant, en même temps c'est ce qui doit rester s'il s'agit bien de "bande dessinée sans dessin"

ROBO32.EXE a dit…

c'est une excellente définition du roman populaire, je trouve, ce "bande dessinée sans dessin"... mais faut pas trop le dire, ça va encore énerver les amateurs d'arts nobles.

losfeld a dit…

Je suis pas sûr qu'ils trainent trop dans les parages, ces gens, alors tu peux le dire!