Au premier abord, pour le lecteur pas trop au fait des codes intrinsèques à la littérature burnée des années 70 et 80, The Penetrator passera pour un décalque peu scrupuleux de l'Exécuteur.
Il faut d'ailleurs bien avouer qu'au premier abord, et à une ou deux exception près, toutes les séries pour mecs peuvent se ressembler.
Toutes arborent en effet la même parure, celle du western urbain et moderne, sorte de polar dépouillé de tout artifice narratif, réduit à ne plus être qu'un divertissement produit en série et empilant sans vergogne fusillades sur autoroutes, guérilla en centres commerciaux, poursuites en hélicoptères, explosions en tout genre et immeubles qui s'effondrent.
Les héros sont, bien évidement, des para-militaires sur-armés, sur-entrainés et super-énervés. Des gars chatouilleux qui dézinguent du truand, du trafiquant de drogue, du mafieux, du gauchiste, de l'immigré et du violeur comme d'autres font leurs courses le samedi après midi en zone industrielle.
Ça flingue non stop, sans aucune velléité de suspense. Les cadavres s'accumulent. Après s'être farci une bonne deux-centaine d'hommes de main et avoir finalement dessoudé le big-boss de l'histoire, un politicien véreux ou un industriel cupide, fifty-fifty, nos héros s'en vont enfin. Seuls et repus de justice, ils se dirigent alors vers d'autres horizons, vers de nouvelles aventures, le soleil couchant plaquant en un ultime paragraphe leurs lugubres silhouettes sur le sol sanglant de ce qui fut leur théâtre des opérations 220 pages durant.
Cette accumulation de règles, de scènes codifiées à l'extrême, de récurrences stylistiques et thématiques propre aux littératures d'abattages, Mark Hardin dit The Penetrator y répond en tout point - jusque dans ses origines, parfaitement conformes au mythe institué par la série de l'Exécuteur :
Vétéran du Vietnam, tireur d'élite et expert en tout ce qui fait mal. Tente de mener une vie normale en Californie mais sa petite copine est tuée par la mafia du coin. Mauvais plan, ça. Notre homme est un dingue de la gâchette. En un volume (Cible H Comme Héroïne, premier épisode de la série, paru en 73, traduit en 80), il élimine l'intégralité des membres de la maison ritale régionale. 220 pages de mafiosi explosés pire qu'au stand de tir. Un furieux carnage à faire passer Mack Bolan et Robert The Exterminator Ginty pour de paisibles amateurs dopés aux émissions de chasse et pêche dominicale. Et c'est en cela que The Penetrator se démarque véritablement de l'Exécuteur.
Il est bien plus improbable.
Pour trois raison.
Primo, tout ce que le héros de Don Pendleton peut faire, Mark Hardin le fait en mieux, plus vite, plus violemment, avec plus d'humour et, surtout, plus de fantaisie. Les couvertures US des éditions Pinacle affirmaient d'ailleurs "Aussi excitant que l'Exécuteur ! Aussi moderne que l'Implacable ! Aussi mortel que le Boucher !"
The Penetrator est une série qui surjoue constamment.
Plus d'explosions ! Plus de morts ! Plus d'armes !
Mack Bolan utilisait un Beretta, quelques explosifs et une Weatherby .460 ? No problemo ! Mark Hardin y rajoutera un AK-47, un pistolet mitrailleur M-1921-A-1, un M-38, un Uzi, un fusil Tokarev M-42, divers mortiers, un lance-grenade M-79, des lance-roquettes, un canon sans recul, un M-16, un .45 Commander et un pistolet chimique de sa confection... entre autres choses.
Il en va de même pour les descriptions. C'est le deuxième point. Car si les séries pour mecs se définirent par une imagerie porno de l'arme à feu, The Penetrator poussa les détails jusqu'à atteindre une gynécologie de l'armurier fou.
"Cette merveille crachait 450 projectiles à la minute, ce qui signifiait 12 150 plombs de calibre .28 frappant en éventail" nous affirme l'auteur au sujet d'un fusil à chevrotine à l'armature M-180.
Vous y pigez quelque chose ? moi non plus. Mais la beauté de mathématiques et les dénominations cryptiques remportent l'adhésion - surtout lorsqu'elles se retrouvent combinées avec l'autre marque de fabrique du style Penetrator : les trajectoires d'impact ultra-détaillées.
The Penetrator, et nous en arrivons à notre troisième et dernier point, donne aussi de la bande dans un genre bien plus léger et surtout bien plus haut en couleur que les habituels romans de justiciers vigilantistes en hall de gare, les Narc, les Cash, les Mercenaire, les Marchand de Mort, les Dan Curtiss, bref, tous ceux qui mélangeaient allègrement le hardboiled de papy Spillane aux défouloirs guerriers de la littérature militaire.
Ici, les méchants ne sont pas toujours des mafieux, des espions ou des truands.
On trouve aussi des savants fous, des apprentis maitres du monde, des sectateurs sanguinaires, des pirates anachroniques, des gangs raciaux, des militaires de républiques bananieres. La folie monte crescendo, d'épisode en épisode.
Malheureusement, l'importation française (merci Fleuve Noir) s'arrêta en 85 avec le numéro 24 - Le Cauchemar Venait Du Froid - l'histoire d'un ancien proxénète congelant des nanas à gros lolos pour les vendre au plus offrant.
Pas vraiment le genre de scenario que l'on pourrai lire dans un Exécuteur, n'est-il pas ?
Et c'est un peu ça, The Penetrator.
C'est invraisemblable, couillu, distrayant et légèrement débile. Lionel Derrick, l'auteur bicéphale de la série, officie dans le campy pleinement assumé. Je dirais même plus qu'il est à Don Pendleton ce que Richard S. Prather était à Mickey Spillane : le petit rigolo qui faisait exactement la même chose mais en y rajoutant de larges rasades d'une cool-attitude ultra-débonnaire et toutes les idées les plus stupides qui pouvaient lui passer par la tête.
D'ailleurs, si Mack Bolan tient de Mike Hammer dans ses excès de violence et son pathos à gogo, Mark Hardin ferait plutôt penser, non seulement à ce brave Shell Scott (la série polar de Prather, traduite concomitamment aux Presses Internationales et en Série Noire) mais surtout aux pistoleri de la littérature western des années 50 et 60, ceux des romans de Ray Hogan par exemple - des gars simples, nonchalants, aussi naïfs que les textes dont ils sont les acteurs, défendant la veuve et l'orphelin à coups de colt et ne ratant jamais leur cible...
Bref, Mark Hardin, c'est le héros américain dans toute sa splendeur.
Infaillible, valeureux, légèrement hors la loi et aux passions aussi étoffées que le papier cigarette avec lequel il roule ses clopes.
Il faut d'ailleurs bien avouer qu'au premier abord, et à une ou deux exception près, toutes les séries pour mecs peuvent se ressembler.
Toutes arborent en effet la même parure, celle du western urbain et moderne, sorte de polar dépouillé de tout artifice narratif, réduit à ne plus être qu'un divertissement produit en série et empilant sans vergogne fusillades sur autoroutes, guérilla en centres commerciaux, poursuites en hélicoptères, explosions en tout genre et immeubles qui s'effondrent.
Les héros sont, bien évidement, des para-militaires sur-armés, sur-entrainés et super-énervés. Des gars chatouilleux qui dézinguent du truand, du trafiquant de drogue, du mafieux, du gauchiste, de l'immigré et du violeur comme d'autres font leurs courses le samedi après midi en zone industrielle.
Ça flingue non stop, sans aucune velléité de suspense. Les cadavres s'accumulent. Après s'être farci une bonne deux-centaine d'hommes de main et avoir finalement dessoudé le big-boss de l'histoire, un politicien véreux ou un industriel cupide, fifty-fifty, nos héros s'en vont enfin. Seuls et repus de justice, ils se dirigent alors vers d'autres horizons, vers de nouvelles aventures, le soleil couchant plaquant en un ultime paragraphe leurs lugubres silhouettes sur le sol sanglant de ce qui fut leur théâtre des opérations 220 pages durant.
Cette accumulation de règles, de scènes codifiées à l'extrême, de récurrences stylistiques et thématiques propre aux littératures d'abattages, Mark Hardin dit The Penetrator y répond en tout point - jusque dans ses origines, parfaitement conformes au mythe institué par la série de l'Exécuteur :
Vétéran du Vietnam, tireur d'élite et expert en tout ce qui fait mal. Tente de mener une vie normale en Californie mais sa petite copine est tuée par la mafia du coin. Mauvais plan, ça. Notre homme est un dingue de la gâchette. En un volume (Cible H Comme Héroïne, premier épisode de la série, paru en 73, traduit en 80), il élimine l'intégralité des membres de la maison ritale régionale. 220 pages de mafiosi explosés pire qu'au stand de tir. Un furieux carnage à faire passer Mack Bolan et Robert The Exterminator Ginty pour de paisibles amateurs dopés aux émissions de chasse et pêche dominicale. Et c'est en cela que The Penetrator se démarque véritablement de l'Exécuteur.
Il est bien plus improbable.
Pour trois raison.
Primo, tout ce que le héros de Don Pendleton peut faire, Mark Hardin le fait en mieux, plus vite, plus violemment, avec plus d'humour et, surtout, plus de fantaisie. Les couvertures US des éditions Pinacle affirmaient d'ailleurs "Aussi excitant que l'Exécuteur ! Aussi moderne que l'Implacable ! Aussi mortel que le Boucher !"
The Penetrator est une série qui surjoue constamment.
Plus d'explosions ! Plus de morts ! Plus d'armes !
Mack Bolan utilisait un Beretta, quelques explosifs et une Weatherby .460 ? No problemo ! Mark Hardin y rajoutera un AK-47, un pistolet mitrailleur M-1921-A-1, un M-38, un Uzi, un fusil Tokarev M-42, divers mortiers, un lance-grenade M-79, des lance-roquettes, un canon sans recul, un M-16, un .45 Commander et un pistolet chimique de sa confection... entre autres choses.
Il en va de même pour les descriptions. C'est le deuxième point. Car si les séries pour mecs se définirent par une imagerie porno de l'arme à feu, The Penetrator poussa les détails jusqu'à atteindre une gynécologie de l'armurier fou.
"Cette merveille crachait 450 projectiles à la minute, ce qui signifiait 12 150 plombs de calibre .28 frappant en éventail" nous affirme l'auteur au sujet d'un fusil à chevrotine à l'armature M-180.
Vous y pigez quelque chose ? moi non plus. Mais la beauté de mathématiques et les dénominations cryptiques remportent l'adhésion - surtout lorsqu'elles se retrouvent combinées avec l'autre marque de fabrique du style Penetrator : les trajectoires d'impact ultra-détaillées.
"La première balle de Mark perfora un trou presque invisible sur le devant du sweater de jersey rouge de Marla. En dessous cependant, il opéra de plus grands ravages en creusant son chemin à travers un sein imposant et bien formé, puis en s'aplatissant et en dépensant son énergie contre une côte. Le choc hydrostatique provoqué par le projectile fit éclater le tissu pulmonaire et de petits vaisseaux sanguins, noyant les voies respiratoires d'un liquide carminé."pas mal, non ? Et ce n'est pas fini !
"La seconde balle traversa le verre épais des lunettes et fit éclater au passage un œil vert comme un melon trop mûr avant de parvenir dans la cavité cervicale. [...] Le projectile continua sa course en déchirant les tissus qui ne formèrent plus qu'une bouillie, puis changea de direction en tentant une sortie par le mince os de la tempe, mais il stoppa là, juste sous la peau."Pour autant, il ne faudrait pas réduire The Penetrator à un amoncellement d'énumérations meurtrières, de précisions techniques et de constatations barbares visant à enterrer l'Exécuteur sur le terrain de la surenchère charcutière.
The Penetrator, et nous en arrivons à notre troisième et dernier point, donne aussi de la bande dans un genre bien plus léger et surtout bien plus haut en couleur que les habituels romans de justiciers vigilantistes en hall de gare, les Narc, les Cash, les Mercenaire, les Marchand de Mort, les Dan Curtiss, bref, tous ceux qui mélangeaient allègrement le hardboiled de papy Spillane aux défouloirs guerriers de la littérature militaire.
Ici, les méchants ne sont pas toujours des mafieux, des espions ou des truands.
On trouve aussi des savants fous, des apprentis maitres du monde, des sectateurs sanguinaires, des pirates anachroniques, des gangs raciaux, des militaires de républiques bananieres. La folie monte crescendo, d'épisode en épisode.
Malheureusement, l'importation française (merci Fleuve Noir) s'arrêta en 85 avec le numéro 24 - Le Cauchemar Venait Du Froid - l'histoire d'un ancien proxénète congelant des nanas à gros lolos pour les vendre au plus offrant.
Pas vraiment le genre de scenario que l'on pourrai lire dans un Exécuteur, n'est-il pas ?
Et c'est un peu ça, The Penetrator.
C'est invraisemblable, couillu, distrayant et légèrement débile. Lionel Derrick, l'auteur bicéphale de la série, officie dans le campy pleinement assumé. Je dirais même plus qu'il est à Don Pendleton ce que Richard S. Prather était à Mickey Spillane : le petit rigolo qui faisait exactement la même chose mais en y rajoutant de larges rasades d'une cool-attitude ultra-débonnaire et toutes les idées les plus stupides qui pouvaient lui passer par la tête.
D'ailleurs, si Mack Bolan tient de Mike Hammer dans ses excès de violence et son pathos à gogo, Mark Hardin ferait plutôt penser, non seulement à ce brave Shell Scott (la série polar de Prather, traduite concomitamment aux Presses Internationales et en Série Noire) mais surtout aux pistoleri de la littérature western des années 50 et 60, ceux des romans de Ray Hogan par exemple - des gars simples, nonchalants, aussi naïfs que les textes dont ils sont les acteurs, défendant la veuve et l'orphelin à coups de colt et ne ratant jamais leur cible...
Bref, Mark Hardin, c'est le héros américain dans toute sa splendeur.
Infaillible, valeureux, légèrement hors la loi et aux passions aussi étoffées que le papier cigarette avec lequel il roule ses clopes.
6 commentaires:
Ça m'a l'air bien sympa comme lecture, je vais y jeter un coup d'œil un de ces quatre.
J'aime bien votre Blog...
J'ai rajouté un lien vers lui depuis le notre (papy-dulaut.com) suite à un article sur Ange Bastiani...
Si d'aventure ça pose problème, n'hésitez pas à nous le signaler.
Cordialement,
LM
artemus : si tu apprecie l'Executeur, tu ne devrais pas être deçu. après, dans l'ensemble, il y a des réussites et puis des trucs très très quelconques (comme Les Empoisonneurs Du Kansas, par exemple) - mais ça, c'est partout pareil ;)
LM : merci beaucoup pour le commentaire et le lien.
En effet, si je tombe dessus en vo, je tenterai.
Marrant, on dirait que c'est le jeu vidéo et ses armes détaillées qui a enterré ce genre de séries "gun porn" (qui survivent encore vaguement pour faire mouiller les miliciens de l'Arkansas qui lisent ça à une main, si vous le voulez bien), les traduisant en, disons, "Black", ou l'avantage était d'être soi-même derrière le flingue a poutrer les cibles ci-énumérées… non ?
tout à fait ! d'ailleurs, dans les Penetrator, lorsque (par exemple) Mark Hardin mange, l'auteur fait bien comprendre que c'est une manière de reprendre des points de vie ou d'énergie.
Le steak-frites, en littérature virile, c'est une trousse médicale qui clignote !
Héhé, c'est bon à savoir !
Cela dit, le jeu vidéo s'est inspiré, bien sûr, du cinéma. La boucle est bouclée !
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