UN TARENTE COMME LES AUTRES ?

LES VIERGES COMME LES AUTRES, ALLAN MARIA
ÉDITIONS DE LA TARENTE, 1951

Le bouquin démarre sur les chapeaux de roue.
Jerry, le héros, jeune employé de banque, s'aperçoit que Dinah, sa petite amie, le trompe avec son patron, le gros Monsieur Andrew.
" Il crut s'évanouir. Cette jeune femme à la robe froissée, déboutonnée sur le coté, qui laissait apparaitre son épaule ronde, et son sein audacieux, c'était Dinah, la pure, la pudique Dinah ! Ce n'était pas possible ! Il était victime d'un affreux cauchemar, il allait se réveiller ! Dinah n'était pas devant lui perverse et souillée ! "
Malheureusement, mon coco, j'ai bien peur que oui. C'est bien ta Dinah, face à toi, nue et pantelante !
Le sang de notre héros ne fait qu'un tour !
le gars Jerry voit rouge. Il fulmine, il ne se sent plus, bref, il passe à tabac son patron (" C'était bon, délectable, la chair se craquelait sous sa violence et le sang giclait en ruisselets incertains ") avant de congédier sa copine comme un homme, un vrai :

" Tu n'est qu'une garce ! Un sale garce ! Les putains sont plus propres que toi ! Tu n'es qu'une vipère, une sale vipère et je devrais te cogner la tête contre le mur jusqu'à ce qu'elle se transforme en bouillie, qu'elle éclate comme une grenade trop mûre ! "
Mais Jerry se contient et il s'en va comme un prince, quittant à la fois sa compagne et son travail. Malheureusement, l'infâme M. Andrew n'a pas dit son dernier mot. Le soir même, il monte un sale coup à Jerry (qui se beurrait la gueule en ville pour mieux noyer ses désillusions) et le fait injustement envoyer au chtar. Pour notre héros, la tuile est conséquente.
" Vous m'avez pris ma fiancée ! D'accord, M. Andrew. Vous m'avez jeté dehors ! D'accord, M. Andrew. Jusque là je n'ai rien à dire, mais à présent, je considère que vous dépassez les limites, vous voulez ma peau et je vous avertis : Halte-là, danger ! Je ne vois pas dans quel guêpier vous voulez me fourrer, mais je n'ai pas l'impression que c'est très joli, joli ! "
Et en effet, ce guêpier n'est pas très joli joli. Mais le roman ne fait que commencer.
Page 20, Jerry va en prison. Page 24, Jerry s'échappe. Page 26, il rencontre Vera, une prostitué au grand cœur. Il devient alors hors-la-loi, travaille pour Nick Butto (" le gangster pour qui une simple bouteille de whisky avait davantage de valeur que la vie d'un homme "), rencontre deux charmantes lesbiennes (" Mais quel était donc ce trouble surprenant qui naissait en Jerry ? Ces deux femmes perverses se vautrant dans un plaisir malsain, ne le dégoutaient pas, bien au contraire, il se sentait attiré vers elles ! ") et plein d'autres gonzesses peu farouches, ce qui n'est pas toujours de tout repos :
" Jerry commençait à être fatigué. A présent, il avait peur de ces deux volcaniques femelles qui étaient capables de réduire à l'impuissance Tarzan ou Frankenstein eux-même ! "
...en fait, c'est même sacrement exténuant :
" Jerry se demandait maintenant sans rire s'il ne risquait pas davantage de mourir sous les etreintes ardentes et multipliées des locataires féminines que sous les balles de la police ! "
Heureusement, notre gars est un solide gaillard. Il réussit à combler toutes les femelles qui se présente à son portillon tout en narguant les cognes et les malotrus de la bande à Nick Butto.
L'auteur, quant à lui, mène son récit comme un forcené. On l'imagine risquant l'apoplexie sur sa machine à écrire. Il ne s'appesanti jamais sur les détails, fonce dans le tas, Pif ! Bam ! Zioum ! Il usine à une cadence du tonnerre. Un retournement toutes les 4 pages, qui dit mieux ?
Les Vierges Comme Les Autres change de situation comme un gonze incontinant de couches-culottes.

Pire ! Au deux tiers du bouquin, le moteur s'emballe, cédant à d'enthousiasmantes pulsions vulgaires rappelant un bon vieux Louis de la Hattais carambolé par un George Maxwell sous caféine, trainant ses fantasmes sexuels dans les rades de Pigalle.
Déjà passablement usagées, les femelles sont alors hissées au rang peu enviable de poupées gonflées tout juste bonnes à se faire défoncer par des gugusses déchainés. Le rut y est à la fois hargneux et comique.
"[Il] s'enfonçait en elle comme un marteau pneumatique dans la pierre de taille."
Puis, une fois vidés, ayant bien fait payer les gonzesses (toutes des putes, les vierges comme les autres, s'entend), les hommes reprennent leurs affaires courantes. C'est de nouveau le rififi au plomb fumant, et voila les frelons d'acier qui trouent les couennes des flics et des salauds dans de grandes gerbes d'hémoglobine noire et blanche. C'est du No-Future années 50. Ça se termine bien entendu par une morale du genre Crime Does Not Pay, mais ça se paye néanmoins le luxe de se montrer touchant dans son genre.
Alors, un Tarente comme les autres ?
Pas vraiment, non.
C'est bien entendu misogyne, violent et outré comme pas deux mais on y trouve aussi une énergie étonnamment naïve et joyeuse, un petit peu comme si Dick Tracy s'était vu détourné en 8-pagers, ces fameuses Tijuana Bibles, un petit peu comme si le pire des romans de Roger Dermé (je veux dire " pire " au sens moral) avait été réécrit par Sam Bot, un petit peu comme si nos Tarente habituels, ceux de Erik J. Certon par exemple, ennuyeux, prévisibles, lourdingues, avaient été réussis sous toutes les coutures, donnant à lire à l'amateur de sexy-noir une jaffe brutale, délirante et frénétique.
Il n'y a pas à dire. Les Vierges Comme Les Autres, c'est de la littérature de merde (au sens noble du terme) qui vous fait sentir foutrement bien.
Envoyez la purée !

2 commentaires:

losfeld a dit…

bordel j'en trouve plus des tarente et c'est maintenant que tu me donnes envie...

ROBO32.EXE a dit…

moi aussi, j'en trouve pas trop en ce moment...
celui-ci, c'est le dernier en date. déniché dans une poubelle (!!!)
ceci explique son état.