AGENT X.11 CONTRE SUPER DRAGON !

MISTER TCHAM DU PEKING HOTEL, ANDRÉ FAVIÈRES
GERFAUT / ESPIONNAGE SÉLECTION # 27, 1968

C'est une aventure du Colonel Mac Tongay, agent X.11 de la CIA, ex-agent X.117 de cette même boîte, surnommé "l'Increvable" par ses proches.
Son supérieur, Mr Jekyl, le lance sur une super affaire, un truc brulant : découvrir ce qui peut bien se tramer à la General Atomic Corporation, une usine de luxe qui fabrique des machins nucléaires.
Au départ, X.11 n'est pas très chaud pour cette mission mais lorsqu'il apprend que deux de ses collègues, les bien-aimés X.100 et P.77, y ont disparut, à la G.A.C., le voila qui nous fait une brusque poussée de fièvre.

"Tout à coup, il était comme un chien de chasse qui sent le gibier. Il ne tenait plus en place."
André Favières, lui non plus, ne tient pas en place. On le connait bien, cet auteur, pour ses élucubrations proto-giallesques. Ses trames sont tordues, son écriture saccadée, son style unique. Pour le meilleur et pour le pire.
Dans les années 50, collection La Loupe, il se fait une réputation en écrivant des romans à sensations fortes, des romans à faire trembler de frousse les minettes et les julots, des romans aux ressorts aussi tortueux que sensibles. Émule d'Edgar Wallace et des fantômasqueries de la belle époque, il ne renâcle devant aucun effet de cape et fait du grotesque son domaine.
"Bz... Bz... Dzn... Dzn..." grogne le moteur d'une automobile.
Aucun tigre là dedans. Ou alors, asthmatique, le félin. Et pourtant, ça fonctionne ! Comme dans tous les romans de Favières, il y a là matière à une moquerie un peu facile mais l'on reste saisi par l'ambiance qui se degage de certaines scenes.

Le colonel Mac Tongay évoque Eddy Constantine interprétant John Kallum, certaines lignes de dialogues confinent au non-sens et des hordes de Chinois, fourbes et rusés, se trouvent embusqués dans les coinstos des paragraphes.
C'est une constante chez l'auteur, les mysteres de l'Asie millénaire. Le Chinois effraie et fait rêver.
X.11, par contre, n'y est pas du tout sensible, à cette poésie populaire de l'extrême orient. Les faces de citron, il les traite de têtes de grenouille, et leurs drôles de sarabandes, pleines de non-dits et d'énigmes étranges, le foutent hors de lui.

"Comment diable, distinguer parmi ces hommes lisses et rusés, les espions des honnêtes domestiques ? Il soupçonna même que son propre boy, le tout dévoué Tchouen Tslang de pouvoir être un espion."
Deux pages plus tard X.11 prend d'ailleurs une décision irrévocable concernant son laqué bridé.
"[...] il était bien décidé à congédier celui-ci dès son retour à Jacksonville et à la remplacer par une Black-girl, dût-elle être moins dévouée et moins intelligente."
Le noir, une valeur refuge.
Malheureusement pour notre héros, l'intrigue est bien trop avancée pour mettre sa volonté à exécution. Ainsi - et alors qu'il boit quelques verres d'alcool chez une femme du monde - des Chinois (ces salauds !) droguent en loucedé sa gnôle et voici que notre espion prend un allé simple direction le pays des songes envapés, le Walhalla du mec tripé.
C'est toujours comme cela, chez Favières. À un certain moment, le protagoniste principal se trouve sous l'emprise de substances narcotiques. L'écriture se met alors à bégayer, à enchainer les points de suspension - c'est la focale psychédélique de l'auteur, sa petite fantaisie personnelle...
"Bzzz... Bzzz... Bzzz... Les Bouddhas... L'encens... La fumée... L'air pesant... Le whisky... La drogue..."
Quant à la situation, elle empire de page en page. Alors que Mac Tongay est raide défoncé, son majordome sauce soja et ses potes Chop-Suey enlèvent sa femme, la belle Neilla. Ils la séquestrent dans le quartier chink de Niou York puis tentent de la violer, comme des enfoirés de niakoués qu'ils sont !
"Même si nous ne sommes que des Chinois, nous sommes des hommes."
Traduction du mandarin : fais gaffe, bébé, je vais sortir mon gros mandrin.
Mais reprenons. Car ça s'aggrave !
X.11 fait une dépression nerveuse. GWA.7, C.13 et XOS.7 lui secouent les puces pour qu'il reparte à l'attaque et pendant ce temps là, des meurtres atroces sont commis dans le noir et des hurlements déchirent la nuit.

Favières torche son espionnage de la même manière qu'il écrivait ses polars d'angoisse ou ses suspenses d'horreur dans les années 50. C'est du Giallo d'agent secret, farfelu et azimuté. Confronté au défilement halluciné d'évènements improbables, le seul repère tangible reste une absence totale de contenance.
La fin est totalement bâclée, l'identité du traitre révélée à la va-vite et le mystère expliqué à l'arrachée. Une loupiote s'allume et les Chinois disparaissent alors comme par enchantement, des volutes de fumée aspirées par un extracteur d'air.
Ça ne s'explique pas. Mais c'est beau, c'est moderne et c'est idiot. Favières aime les scenes choc mais n'arrive pas à les raccorder logiquement à son histoire. L'ensemble laisse donc une forte impression de construction hasardeuse et c'est bien là que réside tout le charme des œuvres de cet auteur si particulier.
Car il signait de très mauvais romans mais, du même coup, ses mauvais romans sortaient de l'ordinaire.
Écrivons-le simplement : je préfère lire un mauvais roman avec beaucoup de personnalité qu'un bon bouquin sans saveur. Le fond de la marmite André Favières restera donc toujours à mes yeux un plaisir de gourmet cinglé.

2 commentaires:

Kerys a dit…

Giallo ? Des polars d'angoisse ? Tout ce que j'aime ! Il y a des exemples ?

ROBO32.EXE a dit…

Je ne sais si j'ai bien compris la question. Elle porte sur le Giallo, au cinema, en litterature, ou bien sur Favières tout court ?

(veuillez m'excuser - mais des fois, j'ai la comprenette enrhumée...)

Enfin... Dans le cas Favières, Diaboliques Rendez Vous (http://muller-fokker.blogspot.com/2010/03/diabolique-favieres.html) est un joli exemple : l'ambiance est lourde (comme dans "lourdement appliquée par dessus une trame idiote") et les rebondissements farfelus. C'est tout de même l'histoire d'un meurtrier sadique qui étrangle des femmes avec leurs propres bas et vit dans une demeure bourgeoise en compagnie d'un gorille sanguinaire.
Disons que c'est du roman policier fantastique qui chercherait à être subtil mais se baladerait avec les énormes sabots d'une pièce Grand Guignol.
À mon sens : un délice :)

La litterature Giallo/Krimi, en dehors de cet auteur vraiment farfelu, je n'ai pas d'autres exemples... En tout cas, rien d'aussi (pathétiquement) flamboyant.

Quant au cinéma Giallo, si je suis très fans des Argento (jusqu'a Ténèbres) et des Mario Bava, mais j'ai aussi un énooooorme faible pour L'Étrange Vice de Madame Wardh de Sergio Martino avec la sublime Edwige Fenech.