CULBUTES, JOHNNIE FAGG
NOUVELLE COLLECTION CITER, 1963
Ce fut par un gros coup de gluck, quelque chose de méchamment leaubich, que je mis la main sur le Culbutes de Johnny Fagg.
Je trainais mes compas au vieux marché de Bruxelles, la gueule morne et le larfeuille triste. Zonage intensif dans le secteur. J'enquillais en métronome décérébré les mêmes allées, les mêmes stands - parapluies, mobilier, vêtements, 33 tours, poubelles diverses, verroterie hors de prix - lorsque ma mirette gauche, sans même prévenir les ciseaux et le reste du maigre corps qui va avec, accrocha un bouquin qui (le pauvre !) s'ingéniait à extraire un coin de sa carcasse défraîchie du tas d'immondices auquel il se voyait déjà promis.
Johnny Fagg, Culbutes, que ça disait.
Et le dessin d'une chaste poulette vaguement salope pour t'emballer le tout. Sur le moment, j'en étais resté un peu interloqué, les chasses encore toutes troublées par les excès de bibine en solitaire d'hier soir. Au ralenti, le robo.
Fagg, Fagg, Fagg... Je repris conscience lorsque l'arabe responsable du stand se mit à gueuler à la cantonade "cinquante, cinquante, deux pièces un euro, allé, pas cher, pas cher ! "
Pas cher, certes, mais Johnny Fagg... Johnny Fagg...
Et ça m'est revenu d'un coup. J'avais déjà causé de lui sur ce blog. Sur le Müller-Fokker. Son roman n'était pas signé Johnny Fagg mais Regis Lary. Par contre, Johnny en était bien le narrateur. Il nous y expliquait d'ailleurs que son nom de famille signifiait 'dingue.'
Dingue mon cul, oui. Mais dingue tout de même. Dingue du cul. Dingue de la prose aussi.
Je tends donc le bras, saisi le machin, ouvre la chose.
Johnny Fagg, bonhomme ! Réalises ! Réalises un peu...
Johnny Fagg. Ou plutôt Johnnie Fagg, puisque c'est ainsi qu'il inscrit son nom dans ce roman. J'en tremblais. Mais déjà je reprenais ma lecture, en mettant les adjas.
Page 9.
Johnnie se repose dans une chambre d'hôtel. Il vient de toucher des droits d'auteur pour son précédent ouvrage, Les Mémoires d'un Bandeur, et en dicte la suite à Pamela Stankow, son éditrice.
"Pardonnez-moi cher lecteur, j'étais jeune, je n'avais encore aucune idée du bien et du mal..." nous confira d'ailleurs ce dernier avant de ré-aiguiller sa torche brulante dans le droit chemin : le fourreau humide des jolies gisquettes.
Et moi, j'étais scotché, accroché, éclaté comme j'avais déjà pu l'être précédemment par Une Belle Gonzesse de Regis Lary. J'hallucinais, je prenais mon pied.
Chaque page, chaque phrase, chaque mot relevait d'un régal aussi ahurissant qu'enthousiasmant. J'en arrivais même à en savourer les espaces ponctuant chacun de ses signes constitutif du roman. Je me perdais dans la trame du papier que mon pouce moite faisait gondoler.
Tu te moques de ma pomme ? Essayes moi donc un peu ce bouquin.
Tu ne le trouve pas ? Alors imagines le Vernon Sullivan de Et On Tuera Tous Les Affreux qui, un jour de disette, se décide à torcher un roman bassement pornographique pour pouvoir répondre au blot de sa conso hebdo de coco.
Inventif mais fauché. Il ne raconte rien mais le raconte bien. Il se permet même un coup de rif gratos envers le nouveau roman à la Robbe-Grillet, page 29. Puis reprend l'écriture de son bouquin de cul, de son bouquin vulgaire, de son bouquin d'amour par devant par derrière comme si de rien n'était.
"Ma fusée est prête à se satelliser dans sa chagasse " écrit-il lors d'une saillie. Puis d'envoyer la purée. Page après page, les même rengaines jouissives. Johnnie Fagg est un écrivain porno fou lancé à toute berzingue sur les touches de sa japy comme d'autres percutent des murs.
"Bander et foutre, c'était mon gagne-pain, " rajoute-t-il. Et de continuer, le mors aux dents, infatigable dans son œuvre de connerie sexuée jusqu'à un grand final aéroporté qu'il bâclera en maestro du je-m'en-foutisme rayonnant.
Bâclée, oui, la fin.
Car on ne lira pas sa conversation à l'Islam pour pouvoir troncher quatre gamines d'un coup tout comme on ne lira pas non plus la suite de ses ébats avec Dorothy Pétard en mode partouze les trous (copyright moi-même).
Mais on est heureux. Ou plutôt : j'étais heureux.
Et je le suis toujours.
Tous les soirs, de ces pages, je m'en frictionne le corps. En râlant. ENCORE ! ENCORE ! Et en me questionnant.
Qui a écrit ce chef-d'oeuvre ? Qui se cache sous ce pseudonyme multiple ? Johnny Fagg, Johnnie Fagg, Regis Lary...
S'agissait-il d'un pote à Eric Losfeld ? De Pierre Genève ? D'un dangereux malade échappé d'un asile ?
Peut être découvrira-t-on la vérité un jour...
En attendant...
NOUVELLE COLLECTION CITER, 1963
Ce fut par un gros coup de gluck, quelque chose de méchamment leaubich, que je mis la main sur le Culbutes de Johnny Fagg.
Je trainais mes compas au vieux marché de Bruxelles, la gueule morne et le larfeuille triste. Zonage intensif dans le secteur. J'enquillais en métronome décérébré les mêmes allées, les mêmes stands - parapluies, mobilier, vêtements, 33 tours, poubelles diverses, verroterie hors de prix - lorsque ma mirette gauche, sans même prévenir les ciseaux et le reste du maigre corps qui va avec, accrocha un bouquin qui (le pauvre !) s'ingéniait à extraire un coin de sa carcasse défraîchie du tas d'immondices auquel il se voyait déjà promis.
Johnny Fagg, Culbutes, que ça disait.
Et le dessin d'une chaste poulette vaguement salope pour t'emballer le tout. Sur le moment, j'en étais resté un peu interloqué, les chasses encore toutes troublées par les excès de bibine en solitaire d'hier soir. Au ralenti, le robo.
Johnny Fagg... Johnny Fagg... voyons...Le "Fagg" de la personne, cul de cigarette ou préférence sexuelle, évoquait vaguement quelque chose à ma mémoire défaillante alors en pleine séance de sieste éthylique.
Fagg, Fagg, Fagg... Je repris conscience lorsque l'arabe responsable du stand se mit à gueuler à la cantonade "cinquante, cinquante, deux pièces un euro, allé, pas cher, pas cher ! "
Pas cher, certes, mais Johnny Fagg... Johnny Fagg...
Et ça m'est revenu d'un coup. J'avais déjà causé de lui sur ce blog. Sur le Müller-Fokker. Son roman n'était pas signé Johnny Fagg mais Regis Lary. Par contre, Johnny en était bien le narrateur. Il nous y expliquait d'ailleurs que son nom de famille signifiait 'dingue.'
Dingue mon cul, oui. Mais dingue tout de même. Dingue du cul. Dingue de la prose aussi.
Je tends donc le bras, saisi le machin, ouvre la chose.
"À Dorothy Pétard,Johnnie, pas Johnny. Mais sur le moment, je n'y prêtai pas attention. J'empochais le zinzin, en saisissais un second pour faire bon poids (un sexy-nazi, Jouet pour Guerriers aux éditions de la Pensée Moderne - elle a bon dos, la pensée moderne...) et filais mon euro au vendeur. Pour un peu, je lui aurai fait une grosse bise qui claque, à cézigue, tellement j'en avais la nénette dans tous mes états.
la seule femme qui subit mes étreintes sans s'avouer vaincue et sut me mettre à genoux, les drupes vides, le nerf détendu, le priape aux abois !
Mon souvenir ému, Johnnie Fagg."
Johnny Fagg, bonhomme ! Réalises ! Réalises un peu...
MAIS RÉALISES BON DIEU !Certains romans sont comme des Graals. Et certains Graals, eh ben, tu ne sais même pas qu'ils existent. La beauté de la vie. La surprise à chaque coin de rue. Le trésor dans chaque poubelle. Suffit de se pencher.
Johnny Fagg. Ou plutôt Johnnie Fagg, puisque c'est ainsi qu'il inscrit son nom dans ce roman. J'en tremblais. Mais déjà je reprenais ma lecture, en mettant les adjas.
Page 9.
Johnnie se repose dans une chambre d'hôtel. Il vient de toucher des droits d'auteur pour son précédent ouvrage, Les Mémoires d'un Bandeur, et en dicte la suite à Pamela Stankow, son éditrice.
"Mais ma petite chérie d'Éditrice de mes couilles, faudra voir à t'occuper de ma queue pendant que je te dicte, car moi j'ai besoin de bander quand je parle à une femme ! "Ainsi, branlé par Pamela, voila notre homme qui nous raconte comment, à tout juste seize berges, il devint donneur de sperme à plein temps dans la clinique du Docteur Cornélius Pedalus.
"Le Docteur Pedalus, comme son nom l'indiquait, était pédéraste."Et le Docteur Pedalus, comme son nom ne l'indique pas, est barbu. Pour ceux qui ont pu lire le Une Belle Gonzesse de Regis Lary, c'est exactement comme jouer du piano debout. Ça veut dire beaucoup. Ça veut dire que Pedalus, sans prévenir la galerie, se met à sucer l'immense vit de Johnnie avant de promptement se faire entrouduculer par notre homme.
"Pardonnez-moi cher lecteur, j'étais jeune, je n'avais encore aucune idée du bien et du mal..." nous confira d'ailleurs ce dernier avant de ré-aiguiller sa torche brulante dans le droit chemin : le fourreau humide des jolies gisquettes.
Et moi, j'étais scotché, accroché, éclaté comme j'avais déjà pu l'être précédemment par Une Belle Gonzesse de Regis Lary. J'hallucinais, je prenais mon pied.
Chaque page, chaque phrase, chaque mot relevait d'un régal aussi ahurissant qu'enthousiasmant. J'en arrivais même à en savourer les espaces ponctuant chacun de ses signes constitutif du roman. Je me perdais dans la trame du papier que mon pouce moite faisait gondoler.
Tu te moques de ma pomme ? Essayes moi donc un peu ce bouquin.
Tu ne le trouve pas ? Alors imagines le Vernon Sullivan de Et On Tuera Tous Les Affreux qui, un jour de disette, se décide à torcher un roman bassement pornographique pour pouvoir répondre au blot de sa conso hebdo de coco.
Inventif mais fauché. Il ne raconte rien mais le raconte bien. Il se permet même un coup de rif gratos envers le nouveau roman à la Robbe-Grillet, page 29. Puis reprend l'écriture de son bouquin de cul, de son bouquin vulgaire, de son bouquin d'amour par devant par derrière comme si de rien n'était.
"Ma queue était superbe, semblable à un minaret damascène se dressant au-dessus de ses coupoles rondes."Il se fait à la fois rude et poète, mais toujours débridé. Et jamais sérieux. Il anticipe en quelque sorte le meilleur de la Brigandine, la politique en moins.
"Ma fusée est prête à se satelliser dans sa chagasse " écrit-il lors d'une saillie. Puis d'envoyer la purée. Page après page, les même rengaines jouissives. Johnnie Fagg est un écrivain porno fou lancé à toute berzingue sur les touches de sa japy comme d'autres percutent des murs.
"Bander et foutre, c'était mon gagne-pain, " rajoute-t-il. Et de continuer, le mors aux dents, infatigable dans son œuvre de connerie sexuée jusqu'à un grand final aéroporté qu'il bâclera en maestro du je-m'en-foutisme rayonnant.
Bâclée, oui, la fin.
Car on ne lira pas sa conversation à l'Islam pour pouvoir troncher quatre gamines d'un coup tout comme on ne lira pas non plus la suite de ses ébats avec Dorothy Pétard en mode partouze les trous (copyright moi-même).
Mais on est heureux. Ou plutôt : j'étais heureux.
Et je le suis toujours.
Tous les soirs, de ces pages, je m'en frictionne le corps. En râlant. ENCORE ! ENCORE ! Et en me questionnant.
Qui a écrit ce chef-d'oeuvre ? Qui se cache sous ce pseudonyme multiple ? Johnny Fagg, Johnnie Fagg, Regis Lary...
S'agissait-il d'un pote à Eric Losfeld ? De Pierre Genève ? D'un dangereux malade échappé d'un asile ?
Peut être découvrira-t-on la vérité un jour...
En attendant...
ENCORE ! ENCORE !
8 commentaires:
Mais bordel lance toi dans l'édition ! je le veux !
Le pire, c'est qu'avec l'édition à la demande, genre Lightning Source, c'est facile à condition d'avoir des notions de mise en page. Après, il reste les questions de droits, autrement plus épineuses…
C'est marrant, car en lisant ce bouquin, je me disais justement que ce truc mériterait une réédition.
J'y penserai quand j'aurai gagné à l'euro-million (ou que j'aurai enfin mis quelques sous de coté...)
Par contre, la question des droits, ça pose en effet un gros problème vu qu'on ne sait ni qui a écrit le texte ni qui l'a édité...
D'ailleurs, puisque t'es dans les parages mon p'tit Lolo, est-ce que tu connaitrais un bouquin de Johnny Fagg, titré "L'ile aux filles nues" et (possiblement) édité en 1959 par Eric Losfeld...?
Quelle plaie ce droit d'auteur pour des livres trouvés dans des poubelles et qui ont un potentiel de retirage à 50 exemplaires... Bref.
Sinon l'Ile aux filles nues je ne l'ai pas hélas mais dans le Dutel il y a une fiche, la 1728. Edition Oeil, 110 rue de Turenne. Publié au milieu des années 60 (en fin de volume "dépot légal 3eme trim 1959) par Pierre Delalu. Ouvrage condamné pour la 1ere fois le 11 mars 1966.
C'est tout, que l'enquête continue!
Merci pour cette info...
(T'as les Dutel ? La classe !!!!)
Bizarrement, les 2 Johnny/Johnnie Fagg ne sont pas dans le Joubert...
Y'a quelque chose dans le Dutel, sur Culbutes ?
j'ai qu'un seul Dutel qui m'a couté un bras mais j'en suis content... Il me faut le Joubert maintenant...
Rien sur Culbutes hélas...
Raaah ! Mais c'est qu'ils veulent nous rendre fous, ces olibrius ! Bon, en tout cas, merci pour ton bras, nous le sanctifierons à la chapelle Müller de la litterature populaire rédigée en diagonale chaloupée sur Japy par injection d'alcool fort dans le cervelet, à proximité des caveaux d'Hubert Burger et de, justement, Johnny Fagg.
La couvrante est carrément au-dessus d'la moyenne, sans déc'.
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