SON NOM ÉTAIT REMO...

"REMO WILLIAMS est l'arme secrète du président des États-Unis. Le reste du pays ignore jusqu'à son nom. Pour ceux qui l'apprennent, c'est déjà trop tard.
Il a reçu les secrets mortels d'un étrange Coréen. Il est devenu une machine à tuer. Sa mission : nettoyer le pays de tous ceux qui bravent impunément la loi.
Remo Williams frappe sans pitié.
Comme la foudre.
IMPLACABLEMENT."

L'HÉROÏNE DE LA MAFIA, SAPIR & MURPHY
PLON / L'IMPLACABLE # 4, 1977

Les amateurs de l'Implacable (The Destroyer en V.O.) ont souvent tendance à affirmer que leur série favorite démarra véritablement avec son troisième épisode, Puzzle Chinois.
C'est faux.
Car si Puzzle Chinois confirmait le mélange d'humour juif et de violence en pâte à cartoon que Richard Sapir et Warren Murphy n'avaient fait qu'effleurer dans les deux numéros précédents (respectivement : Implacablement Votre et Savoir C'est Mourir), le roman restait encore un peu terne dans ses idées et son écriture.
Chiun, le maitre Coréen qui jusqu'à présent n'avait fait que de la petite figuration (un chapitre dans le # 1, quelques vagues références dans le # 2), prenait enfin la place centrale qui lui revenait légitimement mais ne laissait pas entièrement éclater tout son potentiel comique.
Même chose pour Remo. Même chose aussi pour le reste du casting, chair à canon déjantée mais pas encore hystérique.

Tout était prêt pour le feu de joie (essence, TNT, nitroglycérine, pains de plastic), ne manquait plus que l'étincelle de folie.
Et l'étincelle, on la trouve dans l'épisode suivant.
L'Héroïne de la Mafia. L'Implacable # 4.
L'intrigue y est simple, dépouillée de toute prétention mais, pour la première fois, se voit ponctuée d'une myriade de détails, d'allusions et de délires idiots qui poussent le potentiomètre de l'excitation au delà des 1000 %.

Faisons les comptes. Se trouvent dans ce roman: quatre camions bourrés d'héroïne, un agent du FBI camouflé en vendeur de hot-dogs, des routiers congelés dans un sous-sol (magnifique chapitre 3 !), un homme de main stupide chérissant une vieille cadillac, une secrétaire nymphomane à gros roberts, un tueur velu comme le yéti de la tête aux pieds, des détecteurs de légumes pour retrouver la came et des hordes de mafieux à la Don Pendleton.
Listing non-exhaustif.
Tout cela mélangé, malaxé, maltraité dans les grandes largeurs et en petits morceaux par nos deux héros, Remo Williams et Chiun, soit Çiva l'Implacable et le maitre de Sinanju - ce dernier enfin équipé de son téléviseur et magnétoscope afin de mieux se gaver de ces feuilletons à l'eau de rose qu'il affectionne tant.
"Il poussait de petites exclamations désolées quand Mrs Claire Wentwoth découvrait que sa fille vivait avec le docteur Bruce Barton, qui ne pouvait quitter sa femme Jennifer parce qu'elle se mourait d'une leucémie, et bien que Loretta, sa fille, soit en réalité amoureuse de Vance Masterman qui, mais elle n'en savait rien, était son père alors qu'elle le croyait de mèche avec le professeur Singhar Ramkwat de l'ambassade du Pakistan qui avait volé les plans du traitement miracle contre la lymphocyte auquel Bart Henderson avait consacré sa vie avant de rencontrer Loretta dont il était amoureux."
On dirait le John Sladek de L'Effet Müller-Fokker, version paperback de grande consommation. C'est normal. Un roman l'Implacable réussi ressemble à du Sladek de grande consommation, soit la subtilité et le Locus Solus en moins, la brutalité réactionnaire et la misogynie en sus.
D'autant plus qu'on a enfin l'impression qu'avec cet épisode, Sapir et Murphy ont arrêté de se chercher, de courir après une version légère de Mack Bolan additionné à Doc Savage pour mieux taper dans tous les azimuts de la litterature virile.
Ils grillent l'ensemble de leurs cartouches sans réfléchir au résultat.
Ils ont raison. C'est une réussite.
Le récit se voit d'ailleurs mené à un rythme tellement furibard qu'il en ferait même passer l'épisode suivant, Docteur Séisme (pourtant doté d'une triplette de méchants plus haut en couleurs que l'intégralité d'une famille Mafieuse) pour une petite chose un peu tristounette, sans grande ampleur, sans grande valeur.

Mais il fallait bien en arriver à de tels excès pour lancer la machine.
Avec L'héroïne de la Mafia, ce sont les limites du genre dingo-burné au kilomètre qui sont définies, l'élastique étirée au maximum, au bord du claquage.
C'est surtout le moule dans lequel tous les épisodes de l'Implacable à venir se verront couler qui se trouve ici façonné et peaufiné par nos deux auteurs.
Created, the Destroyer.
Pour de bon.


Et puisque nous y sommes, voici les couv' des volumes # 1, 2, 3 et 5 de la série.
Ne pas les lire revient à ne pas se priver de grand chose. CQFD.

Implacablement Votre est longuet et laborieux, Savoir C'est Mourir est passable mais bien raté sur la fin, Puzzle Chinois est distrayant mais manque de punch et Docteur Séisme (le meilleur de ce quartet) met un peu trop de temps à démarrer, tourne en rond vers les deux tiers puis se rend compte qu'il est l'heure d'en terminer, alors il en termine sans avoir réellement bazardé la purée.
C'est con.

Par contre, je ne blague pas, lis le # 4, tu m'en dira des nouvelles.
Quant au prochain billet Müller-Fokker spécial Implacable, il concernera Mister Gordon's, le super-robot indestructible conçu par une scientifique alcoolique à gros lolos.
Une combinaison qui promet... et qui assure !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Un film assez distrayant avait été tiré de cette série en 1985, "Remo sans arme et dangereux".Il y eu même un projet de série TV qui ne dépassa pas le stade du pilote.

Zaïtchick a dit…

Il y a eu une adaptation au ciné, "Remo Williams, sans arme et dangereux" mais j'ignore si elle est tirée d'un roman.

DrBis a dit…

C'était un peu un mix de tout ce qu'on aime chez l'Implacable, avec un Joel Grey parfait en Chiun et un Fred Ward implac… heu, impeccable comme toujours, même s'il n'était pas un choix évident pour Remo. Ce devait être le début d'une série, mais le film a fait un bide injustifié…

ROBO32.EXE a dit…

Eh oui, eh oui, je n'ai encore jamais vu ce Remo Sans Arme et Dangereux... que voulez-vous... je suis plus un homme de papier que de pellicule ;-)
Et Zaït', pour répondre à ta question, il s'agit, je crois bien, d'un scenario original. Warren Murphy, l'un des deux auteurs, en était d'ailleurs assez peu satisfait, jugeant que cela manquait d'un vrai super-vilain digne de ce nom.

Nemo Sandman a dit…

A l'époque de sa sortie j'avais été le voir 3 fois et emmené de force des (futurs) fans de l'implacable avec moi. Le scénario est de Christopher Wood et la réal de Guy Hamilton. D'après Will Murray (auteur venu de Doc Savage et remplacant R. Sapir et W. Murphy) qui était sur le plateau (le tournage pour une raison de coup a été fait au Mexique, Comme le Dune de David Lynch), l'ambiance était excellente et il en garde un souvenir émouvant.
La musique de Craig Safan (The Last Starfighter) est aussi mélodiquement très attachante. Avec un thème de Sinanju mélancholique qui suit les progressions de Remo sans une très belle scène ou il apprend à voler...
J'ai le DVD, si qq'un veut le revoir en DIVX ! ;-D

artemus dada a dit…

Excellent film, tout à fait d'accord avec le DrBis, en outre le Will Murray dont nous parle Nemo Sandman a aussi écrit des Implacable (le n° 87 par exemple), et il va bientôt paraître aux States, et sous sa plume, de nouvelles aventures inédites de Doc Savage.