RAPIDO-FOKKER # 1 : FLEUVE NOIR ESPIONNAGE

LE RAPIDO-FOKKER,
C'EST LE MÜLLER-FOKKER EN MODE EXPRESS.


Car j'ai plusieurs piles de bouquins qui attendent que je dégoise à leur sujet et qu'étant du genre flemmard, un poil dans la pince et tout le tralala, ça prend son temps.
Autant dire que, si je ne veux pas me retrouver enseveli sous des tonnes de vieux papier à la premier secousse sismique, faudrait peut être que j'y foute un coup.
D'où l'intérêt de rapido-fokkiser ma prose.

Vite vite vite et à toute berzouille.
Pas de fioritures et pas de jolies phrases, je chie de l'azerty et c'est marre.

Donc, au programme aujourd'hui, trois romans Fleuve Noir en collection Espionnage.
Et c'est parti !

Le premier, c'est TTX-75 CONTRE DOCTEUR FU, signé Richard Caron (Fleuve Noir Esp. # 803, 1970) - un titre extra mais pas de chance, le bouquin ne racontera jamais ce que l'on attendait de lui.
Un virus spatial ? Un savant fou chinois ? De l'action façon Lyle Kenyon Engel ? Du mystère à la Sax Rohmer ? Je tablais là dessus et je fus déçu.
Tout juste récoltais-je, de ci de là, quelques goutes homéopathiques afin de rassasier la guenon sur mon épaule qui hurle à plus de louftingue dans sa littérature populaire.

Bref, c'est du tout venant, voire même du un peu rapiat aux entournures.
Pas de cinémascope, juste une petite production fauché qui jamais ne se donne les moyens de dépasser sa triste condition.

Ainsi, dans TTX-75 Contre Docteur Fu, Jasper Wood, dit TTX-75 (en page 22, il nous explique l'origine de son blase d'espion : "Dans le domaine local de l'immatriculation des autos, 75 signifie Paris et TT : transit temporaire. Un agent est toujours en transit entre deux missions et entre la vie et la mort...") Jasper Wood, disais-je, est chargé de body-guarder une jeune et jolie bactériologiste américaine de passage à Paname.
Toute cette affaire-là dure un sacré bout de temps (bâillement) et, histoire d'occuper son lectorat à peu de frais, l'auteur enchaine rebondissement idiot sur rebondissement idiot, s'improvisant ainsi agent de circulation en pleine heure de pointe du rebondissement idiot.

Accordons lui cela : le trafic reste fluide. Aucun encombrement, excepté lorsqu'il s'essaye à quelques pointes d'un humour aussi plat que transparent.
À part ça, RAS.
TTX enquête comme un automate, déniche quelques maigres indices puis démêle toute l'intrigue sans même lever le petit doigt.

Une bien belle leçon de remplissage...

Même constat pour SAFARI POUR UN JUDOKA (Fleuve Noir Esp. # 799, 1970), pénultième aventure du héros emblématique de Ernie Clerk : Marc Saint-Clair, dit le Judoka.
Mais primo, résumons.
À Paris, un Chinois tendance Rouge Pekin passe à l'ouest. Dans ses bagages, se trouvent des documents ultra-secrets : LE PLAN DE POURRISSEMENT DE LA FRANCE !
"[un] plan dont les bases ont été établies entre 1964 et 1968 et qui s'inscrit dans l'optique de la nouvelle Quatrième Internationale décidée par Mao."
Pendant ce temps, Marc Saint-Clair, notre héros, membre de l'Organisation de Contre-Subversion (organisation regroupant uniquement des réac's amateurs d'arts martiaux), Marc Saint-Clair chasse le buffle en Afrique.
Récit d'agent secret en vacances, donc. Agent secret qui, comme de bien entendu, se verra rattraper par ses obligations contractuelles à plein temps : combattre les mécréants qui veulent ruiner l'occident.
Formule aussi classique que solide mais ici, pas de chance (bis repetita) la sauce ne prend pas. L'intrigue est poussive et sa résolution trop expéditive. Ernie Clerk tire à la ligne sans trop savoir où il va.

Reste néanmoins le nœud du bouquin, cette chasse à l'homme dans la brousse, trop courte mais rondement menée.
Reste aussi, pages 180, cette envolée lyrique de l'auteur, à la manière d'un Michel Sardou de la litterature de gare
("En 1970, il y a encore des hommes qui croient en autre chose qu'à la drogue, à la crasse, aux baisse-culotte intellectuels, aux je-prefere-un-ennemi-à-un-frère-fort, au masochisme, au week-end-de-sept-jours et au je-ne-veux-pas-savoir-ce-qui-va-se-passer.")
Reste enfin le fait que ce Safari Pour Judoka se lit sans déplaisir aucun. ses formulations sont simples, ses ambitions modestes.
Ce n'est ni plus ni moins qu'un petit roman d'aventure, aussi vite lu qu'il fut pondu, aussi vite oublié qu'il fut torché.


Un petit dernier pour la route. C'est FACE D'ANGE CHASSE LE TRÉSOR, écrit par l'infatigable Adam Saint-Moore (Fleuve Noir Esp. # 678, 1968) et, attention, avis aux amateurs (j'en suis), il s'agit là d'une histoire tournant autours de ce fameux mythe qu'est le trésor des nazis.
Ici, Face d'Ange et son compère, le brave Gunther, traquent d'anciens SS qui se le sont foutu dans la fouille, le magot des nazebroques. S'y trouve pèle mêle le spectre de Charlemagne, des pièces d'or numismatiquement ultra-collectors, des bijoux datant du Saint Empire Germanique et diverses autres babioles serties de baths rubis et de vaches émeraudes.
Le roman, lui, n'est pas un pur joyaux. Tu t'en doutais. N'empêches que (ne crachons pas la soupe comme des malpropres) Face D'Ange Chasse Le Trésor est une pierre suffisamment polie pour effectuer quelques jolis ricochets sur la mare de ses 250 pages.
Et si l'ensemble manque cruellement d'action, il fait par contre preuve d'une certaine acuité dans son propos.
En témoigne cette diatribe, page 133, d'un ex-nazi reconverti au confort de la vie moderne (et je conclurai là dessus) :
" Tout ce que nous voulons, c'est vivre intelligemment, c'est-à-dire avec le plus d'argent possible, sous le meilleur climat possible, en compagnie des plus belles filles possibles, entourés des plus beaux objets d'art possibles. C'est ça, notre règle de vie. Nous, nous sommes les enfants du monde nouveau, professeur ! Les fils de la grande et belle civilisation des loisirs et de la consommation ! Nous sommes les Civilisés qui viennent après les Barbares ! "

2 commentaires:

Flint a dit…

Quant à ce FACE D'ANGE, certes loin d'être un chef-d'œuvre impérissable, il ne s'en lit pas moins avec beaucoup de plaisir, surtout si l'on est amateur d'histoires consacrées à ce thème du trésor perdu des nazis. Le coup de théâtre final est d'ailleurs plutôt bien amené et Saint-Moore s'en tire infiniment mieux que Jean-Pierre Conty en son temps avec son décevant Mr Suzuki contre l'ODESSA.

ROBO32.EXE a dit…

J'ai jamais trop accroché au Suzuki de Conty... bon, faut que je lui re-re-re-re-donne une chance, on ne sait jamais...

Et concernant Face d'Ange (en effet toujours très sympathique à lire), j'espère bien avoir un jour l'occase de mater le film que Maurice Cloche tira d'une de ses aventures ("Coeur ouvert pour Face d'Ange") sous le titre totalement idiot (donc fort amusant) de "Le Tueur aime les bonbons" !
Un extrait est dispo ici : http://www.youtube.com/watch?v=5k5JSuAHyU0