UNE ADDITION À LA FLANC

TU PAIERAS DE TA CHAIR, LARRY SAUNDERS
ÉDITIONS DE LA TARENTE, 1952

Au rayon des éditions de la Tarente et de leur collection sexy noire et rouge si chère au cœur des esthètes de la vraie chose littéraire - celle qui réchauffe les pognes pendant les longues soirées d'hiver, celle qui se déguste avec un pack de 33 export tiède, celle qui ne vous fera certainement pas passer pour un intello auprès de vos proches mais qu'importe, ce sont tous des cons, vos proches, celle qui - ah, on me fait signe de m'arrêter... donc, au rayon des éditions de la Tarente, très clairement, parmi la masse de scribouillards qui y scribouillaient, Larry Saunders n'aura jamais brillé, tout occupé qu'il était à torcher salingue sa saloperie alimentaire violemment tartignole et méchamment assommante.
Et pourtant, pourtant, oh oui pourtant, lorsqu'il s'en donnait la peine, lorsqu'il y mettait les formes, lorsqu'il arrêtait de chier incontinent des intrigues nulles serties d'une prose molle, il n'y avait pas à bisquer, le gonze se montrait sacrement doué.
Pour preuve les premières pages de ce Tu Paieras De Ta Chair - premières pages qui t'alpaguent par le paletot et ne te lâchent plus d'un poil.
Je laisse d'ailleurs Larry te bonnir himself son couplet - il n'y a rien de mieux qu'un p'tit coup d'échantillon gratis pour accrocher le clille potentiel.
Vas-y, Larry, c'est ton tour !

"Quarante jours ! Quarante jours que je suis là, dans la cage à damnés, attendant la minute... Quarante jours qu'ils m'ont foutu là dedans avec la jacquette noire et les chaînes aux panards... Quarante jours, oui. J'ai fait le compte sur le mur avec des petits traits. Et puis ces fiottes de gardiens sont là pour me faire penser au truc. Pas de danger que je l'oublie...
Quarante jours ! Dans cette pourriture de tôle de New-Jersey, ça dépasse jamais quarante-cinq... Les vaches, la bande de vaches. Demain, ce soir peut-être, une racaille de journalistes et de jouisseurs de la vue vont rappliquer, je le sais, à onze heures du soir, pour pas que les copains s'en gourent !
Ils vont s'amener comme en excursion, à la chambre de mort, dans le petit pavillon... Entrez, gentlemen, c'est au bout du couloir, la porte en face... Je vois la gueule du gardien-chef en train de leur dégoiser le boniment, rapport au pourboire...
Je sais aussi... On va les passer à la fouille, les beaux gars et les gonzesses qui vont se rincer l'œil de mes saloperies de grimaces. Faut pas qu'ils aient des appareils photos. Faut qu'on croie que le pauvre rétamé est exécuté sans douleur... Mort instantanée. Douceur de l'humanité... La grande République américaine gardienne des mœurs austères et des traditions. Ah, merde !
Oui, c'est moi qui vous le dis, des pourris, rien que des pourris. Des enfilanthropes qui s'en balancent pas mal. Seulement, ça corse l'existence de voir griller un condamné... Ça sent bon, le cochon roussi pour ces têtes de traîne-en-fiacre !
Et un innocent encore !... Ça sent meilleur ! Oui, un innocent ! J'ai eu beau le gueuler, le hurler, le rabâcher, ils se sont tous foutus de ma gueule. Fallait un coupable. Les durs de la renifle qui sont des mous de la conscience, m'ont balancé au juge. On m'a refilé un avocat à col de zinc qu'avait peur de le froisser en plaidant. Quand le président du tribunal l'engueulait, il se serait quand même foutu à quatre pattes pour lui lécher les orteils. Et comme je le traitais de menteur, de lâche et de fausse couche, il a eu l'air d'essuyer sur son échine la poussière de mes paroles et m'a laissé tomber, dédaigneux :
- On ne peut pas défendre l'indéfendable !"
C'est bon, Larry, c'est bon, tu peux t'arrêter, je crois que tu les as dans la fouille, les lecteurs. Faut dire que t'y as mis le paquet. Ton truc, on dirait un bouquin des éditions du Scorpion - éditions du Scorpion qui, je le rappelle, furent aux éditions de la Tarente ce que le foie gras est au pâté de campagne premier prix.
Et c'est là que le bat blesse.
Car il a fallu que t'y replonge, dans le pâté, Larry.
20 pages d'abattues en pétroleur grand style, paf, et t'en peux plus, faut que tu redevienne merdique, avec une historiette idiote de sexy polar mal dégrossi.
Je veux pas donner l'impression de trop me plaindre mais dans le genre, ça ne vaut pas un George Maxwell ou un MacDougald, ton bidule.

Enfin, arrêtons les frais et passons au résumé.
Donc, le héros, Jocker Briggs, s'évade de taule (normal) puis tombe dans les griffes de la terrible Lamia Verdale, une criminelle qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la pin-up que Giordan a dessinée sur la couv' du roman.
"Ah, la garce ! Je crois que c'est la plus belle fille que j'aie jamais vu. Seulement, avec elle, faut y aller mollot. Elle a le pétard facile, et un tableau de chasse à faire frémir les moins trouillards."
Cheftaine d'une horde de péquenots reclus dans un no-man's land montagneux, elle donne dans le faux bifton pour arrondir ses fins de mois mais ne rechigne pas à payer de sa personne... si cela lui est demandé convenablement.
Dominatrice mais sensuelle. Sanguinaire et voluptueuse.

"Et elle avait l'air d'aimer ça... On avait pas besoin de lui tenir la tête pour la faire rester en ligne," confie notre héros alors que Lamia lui taille cette plume qu'il espérait tant.
Côté lecteur, le panard est moindre. On se tient parfois la tête... mais à deux mains, afin de combattre l'accablement.
Pour Joker, à contrario, c'est la belle vie. Il se tape plein de nénettes, le simili-arcan, histoire de passer le temps, de combler les pages. Alors, hop, Une grosse dondon, quelques freluquettes, une lesbienne. Ça dure 150 pages puis faut en finir, boucler l'affaire, terminer le bouzin. Les flics débarquent, ça dézingue, bam, bam, bam, coups de colts, fuite, résolution expéditive, happy end.
À la fin, Lamia meurt, achevée par Joker alors que le corps de la redoutable greluche est secoué par un orgasme retentissant.

On va pas s'en aller la plaindre.
Elle, au moins, a pris son fade jusqu'au bout.

2 commentaires:

incrediblystrange a dit…

je viens de découvrir ce site absolument MAGNIFIQUE!!
félicitations pour ces plongées si éclairées dans la psychotronie infraparalittéraire la plus rejouissante
et j´ose espérer que vous serez peut-être amusé par quelques posts de
www.freaklit.blogspot.com

ROBO32.EXE a dit…

Merci beaucoup, cher incrediblystrange !
Et je vais essayer de faire fonctionner mes rudiments d'espagnol pour lire vos billets (Ne sont pas morts tous les sadiques ! Ahhh !!!)