DANS LA BONNE HUMEUR !

TOUT FEU TOUT FLAMME, CLARENCE WEFF
Y AVAIT UN MACCHABÉE, CLARENCE WEFF
SÉRIE NOIRE # 620 & 735, 1961 / 62

Des comme cela, on n'en fait plus depuis belle lurette. 190 pages sur papier rêche pour 250 anciens francs la livraison, interligne et typo qu'on croirait spécialement étudiés pour la clientèle des presbyteux fatigués, intrigue au diapason.
Ça se lit en une moitié de soirée, les panards bien au chaud dans ses charentaises à carreaux écossais - celles-là même que Rex vient de vous apporter en jappant affectueusement.
Brave toutou, va !
Maintenant, reste plus qu'à bourrer sa pipe et ouvrir le livre. Du Série Noire vite torché. Pas question de s'appesantir sur des problèmes de psychologie, juste se détendre avant d'aller se pieuter.

Dans ce registre particulier, Clarence Weff est outillé tout confort. Ses romans sont parfois un peu branques dans leur déroulement mais la bonne humeur rattrape constamment l'ensemble.
Ça s'effondre et ça rebondit, comme sur un trampoline. Situations cocasses et dialogues ad-hoc, dans la lignée d'un Georgius : l'humour et l'argent du mort.
Bref, aucune prétention (sous-)littéreuse mais l'entrain communicatif du mec un peu pompette et qui partirait à l'assaut des troquets de son quartier en hurlant des bribes du Clair de Lune à Maubeuge.

Et surtout, des romans aux idées tellement simples que tu peux les résumer en une seule ligne.
L'efficacité dans le dépouillement.
Ainsi, dans Tout Feux Tout Flamme, un agent secret se court après lui-même, dans les rues de Lisbonne.
- C'est un roman.
- Non ?
- Si.
- Rose ?
- Noir.
Et, très bas :
- De l'espionnage.
- Ça finit bien ?
- Je ne sais pas. Je suis en panne.
- De quoi donc ?
- D'idées.
John sourit. S'approcha tout près de Michèle. Chuchota :
- Avec moi, ça ne va pas manquer...
Quant à Y Avait Un Macchabée..., ça cause d'un cadavre qui part en bringue et que des loustics de mauvaise réputation s'échinent à récupérer.
- C'est l'histoire de deux mecs qu'en pincent pour une môme. Çui qu'elle blaire pas y refroidit l'autre. Tu me suis ?
- O.K. Dégoise.
- Et il te le fourgue dans une caisse qu'à une drôle de carrosserie.
Le regard de Rookie se posa sur la caisse de Gédéon.
- Tiens, Jo. Dans ça.
- Et puis ? Qui dit, le Jo, interessé.
- Puis, comme elle en veut rien savoir ; y la sèche ; et y se crève.
Jo Aranjo l'était vachement ébranlé. Et par l'histoire. Et par la façon dont Rookie elle vous racontait ça.
- C'est bath, dit-il.
- Au poil. J'en ai chialé. Et j'suis pas molle. J't'jure.
- T'as le don, constata Jo Aranjo, subjugué. Pour ce qui est de raconter, y a pas, t'as le don. Ça pouvait pas être mieux ; simple ; comme si j'y étais.
Loufoquerie pince sans rire, dialogues qui claquent (Audiard adaptera d'ailleurs pour le cinéma Y Avait Un Macchabée sous le titre Les Pissenlits Par La Racine - rien ne se crée, tout se recycle), et aussi ces petits coups de coudes que Weff adresse régulièrement à son lectorat - hé, ho, on s'marre, hein ?
Ça clignote parfois comme un néon atteint du palud, ça se débranche pendant quelques pages puis ça reprend de plus belle. Si il y avait une analogie musicale à effectuer, ce serait avec un be-bop aussi léger que sautillant et qui, de temps à autre, riperait sur la partition d'un Merry Melodies énergique, en pleine explosion d'un zinzin estampillé ACME.

Pour les lecteurs détendus de la prose, l'enseigne est donc hautement recommandable. J'envisage d'ailleurs d'y refaire un petit tour prochainement. Inutile d'y réserver sa table, suffit juste de garder une mirette ouverte lorsque tu furettes dans les rayonnages de Série Noire.
À bon entendeur...

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