UN TRUC EXTRÊMEMENT POP

ALERTE À TAHITI, PIERRE SITE
S.E.G. ESPIONNAGE # 89, 1967

L'entrée en matière est über-efficace. Premier chapitre, arraisonnage tragique d'un avion français à coup de 6,35 et de fusils mitrailleurs par de méchants terroristes - 3 morts chez les gentils, 2 chez les vilains - puis fondu enchainé sur le chapitre 2, sorte de générique tonitruant avec son orchestre jerk ("quatre griffons bardés d'instruments électriques") qui super-sature une piste de danse enfumée et sa nenette fringuée Salut Les Copines, diastème à la Sylvie Vartan et technique twist hardie incluse, qui guinche à l'épileptique pour les beaux yeux du héros.
"Redoublant d'ardeur, elle agita convulsivement la poitrine, ponctuant les roulements assourdissants de la batterie. Ses cheveux blonds voltigeaient autours de son visage. La bouche entrouverte, les yeux dans le vague, elle paraissait en proie au délire collectif qui s'emparait des danseurs."
Et sur ces stridences qui dépotent, voila le héros qui entre dans le champ du paragraphe.
Qui est in, qui est out ?
Marc Leroy, dit le Marquis, conjugue les deux en un. Comme beaucoup d'espions, c'est un mec in-ou-ï : réac' et branché, visage mince et régulier, regard rieur aux reflets metaliques, cheveux blonds aux tempes grisonnantes... "[...] il n'avait rien du costaud. Pourtant, le moindre de ses gestes dégageait une impression étrange de force et de souplesse. Très exactement, de sécurité."

Et la poupée de cire, poupée de son, de ponctuer :
"Il est terrible, ce type !"
La suite garde la pèche. Marc Leroy n'est pas là pour se rincer l'œil en salingue solitaire sur les acrobaties d'une poule de dancing.
Chapitre 3, contacté par le Pacha, son chef de service - un vieux daron qui fume des pipes roulées au tabac qui pue - le voila chargé d'une mission explosive. Empêcher l'Organisation, ce regroupement criminel de mécréants communisto-crypto-machin-chouette, de tout faire sauter dans une base atomique du Pacifique.
L'Organisation, forcement, fait penser au SPECTRE dans les James Bond. Pierre Site a dû voir Opération Tonnerre et il a bien appris sa leçon. Il a aussi lu du SAS : quelques morcifs d'érotisme suggestif et de sadisme sanguinolent émaillent le texte avec une gratuité toute réconfortante.
Car Alerte À Tahiti, c'est de l'espionnage de parc d'attraction. Tout est fait pour esbaudir le lecteur à grands coups de flambe, à l'image de ce chapitre 6 - une poursuite en bagnole avec cascades à la Rémy Julienne suivie d'un baston du tonnerre ("ici, c'était à la vie à la mort. Le combat de rue. Le plus sauvage, le plus inhumain, où tous les coups sont permis.") - ou encore à l'image de ce final explosif, modèle du genre, avec infiltration commando, base ennemie hi-tech, gaz paralysants et notre héros qui termine ses adversaires au bazooka.
Barouf monstrueux comme on rêverait en lire plus souvent.

Bien entendu, toute cette course à la surenchère malmène passablement la solidité de l'intrigue. Mais si le simplissisme règne en maître, cela n'en rend l'ensemble pas moins percutant. C'est gouteux comme une bande - argentique ou dessinée - ultra-colorée et les fanas d'Eurospy ne pourront que baver de béatitude.
Oui, Alerte À Tahiti, c'est un truc extrêmement pop.
Et si t'es à jeun, tu tombes en syncope.

3 commentaires:

Zaïtchick a dit…

Et sinon, elle garde ses bottines ?

ROBO32.EXE a dit…

Affirmatif.
Par contre, j'ai été obligé de la renvoyer à sa science fiction...
:-(

Pop9 a dit…

Quand c'est pop, c'est bath.