MME LUCIFER VOUS FAIT UN BRAS D'HONNEUR, ANGE BASTIANI, JEAN DULLLIS ED. / SANG D'ENCRE # 1, 1974
Elle s'appelle Lucie, Lucie Fair. C'est un nom qui ne trompe pas et qui possède cette efficacité propre aux calembours patronymiques d'un Alphonse Allais.
Quid de Elie Coïdal, de Mac Abbey, de Harry Covayre ?
Pour Lucie, le sobriquet coule de source et traine dans son sillage une odeur de souffre. Madame Lucifer vous fait un bras d'honneur et ce geste rappelle que l'ange déchu était aussi agitateur céleste.
Un type brillant, le Lucifer, soit dit en passant. Porteur de lumière, donc porteur (au premier degré) de couleurs.
Sans en dénigrer les connaissances, Madame Lucifer, elle, préfère s'adonner aux coups et aux douleurs.
"Tu es la vérole, toi " confie un truand déconfit que la dame - plus démoniaque que vérolée - a cruellement roulé et marqué. Fallait s'y attendre.
Car elle n'en fait qu'à sa tête, la Lucie Fair et, forte de son quintal de viande en fête et de sa grande gueule de nature désalée, elle en impose au point d'éclipser l'intrigue même du roman.
Primo, elle en impose par le physique. C'est "de l'article pour vrais connaisseurs," écrit l'auteur en s'attardant, espiègle, sur ces "roberts de Walkyrie, de dompteuse, de Junon " et d'ajouter :
Journaliste à sensation et terreur en jupon, adepte des citations d'évangile et grande consommatrice d'alcools et de cigares, Lucie Fair combine à elle seule tous les fantasmes populo de l'auteur de gare, parfum au patchouli compris et relents d'Allain & Souvestre inclus. Elle s'en retrouve même à diriger, avec l'aide de sa sœur ainée et d'un truand reconverti, une institution pour jeunes gisquette égarées - institution qui (entre nous soit dit) tient plus du conservatoire d'arcans femelles que du couvent pour frêles oiselles.
Ainsi, question enseignement, le vol à la tire et le maniement d'un rigolo y côtoient les cours d'arts ménagers et de bonne tenue en société. Programme extra pour entonner gaiment "tu sera un homme, ma fille" - et ce, sans même passer par la case cueillette des asperges.
Ou comme le dit si bien une vieille radasse en page 164 :
En résulte donc une exécution purement mécanique du récit, avec ses passages obligés et ses figures imposées. Ici : un cadavre à convoyer dans les bois, une mère maquerelle combinarde, des hells angels déchainés, une vie de campagne pépère, une crucifixion sauvage, quelques esclandres et fusillades, la traite des blanches en toile de fond et un chantage sur héritière pour corser le tout.
Ça ressemble aux Souris Valseuses, c'est positif. Et si le couperet de conclusion tombe par trop rapidement - résolution factice en prime - l'ensemble est mené avec suffisamment de maitrise pour assurer une lecture hautement jouissive.
En témoigne le clou du spectacle, cette surprise-party de mendigots et loqueteaux, chapitre 18, et qui n'aurait certainement pas dépareillé dans un épisode des Pieds Nickelés.
Et pour citer une pensionnaire :
Faudrait savoir, oui. D'autant que ce Bras d'Honneur boxe dans les deux catégories : à la fois kermesse héroïque et numéro de cirque, avec revolvers fumants et chaines à vélo en lieu et place des traditionnels mirlitons et cotillons.
Le lecteur sérieux peut décliner l'invitation. C'est aussi graveleux que grotesque. Les autres seront à la bombe.
Chouette fête à Neu-Neu, Ange !
Elle s'appelle Lucie, Lucie Fair. C'est un nom qui ne trompe pas et qui possède cette efficacité propre aux calembours patronymiques d'un Alphonse Allais.
Quid de Elie Coïdal, de Mac Abbey, de Harry Covayre ?
Pour Lucie, le sobriquet coule de source et traine dans son sillage une odeur de souffre. Madame Lucifer vous fait un bras d'honneur et ce geste rappelle que l'ange déchu était aussi agitateur céleste.
Un type brillant, le Lucifer, soit dit en passant. Porteur de lumière, donc porteur (au premier degré) de couleurs.
Sans en dénigrer les connaissances, Madame Lucifer, elle, préfère s'adonner aux coups et aux douleurs.
"Tu es la vérole, toi " confie un truand déconfit que la dame - plus démoniaque que vérolée - a cruellement roulé et marqué. Fallait s'y attendre.
Car elle n'en fait qu'à sa tête, la Lucie Fair et, forte de son quintal de viande en fête et de sa grande gueule de nature désalée, elle en impose au point d'éclipser l'intrigue même du roman.
Primo, elle en impose par le physique. C'est "de l'article pour vrais connaisseurs," écrit l'auteur en s'attardant, espiègle, sur ces "roberts de Walkyrie, de dompteuse, de Junon " et d'ajouter :
"Il en allait tout pareil pour le reste. Du mollet à l'épaule, du fouettard au buffet, de la cuisse aux ailerons. Une cathédrale de chair, de style flamboyant."Ensuite, elle en impose par le mental. Car "on ne s'appelle pas Lucie Fair impunément" et que, sous la plume d'un écrivain aux ailes tachées de sang, une héroïne aussi particulière ne peut être définie que par une malice grandeur nature.
Journaliste à sensation et terreur en jupon, adepte des citations d'évangile et grande consommatrice d'alcools et de cigares, Lucie Fair combine à elle seule tous les fantasmes populo de l'auteur de gare, parfum au patchouli compris et relents d'Allain & Souvestre inclus. Elle s'en retrouve même à diriger, avec l'aide de sa sœur ainée et d'un truand reconverti, une institution pour jeunes gisquette égarées - institution qui (entre nous soit dit) tient plus du conservatoire d'arcans femelles que du couvent pour frêles oiselles.
Ainsi, question enseignement, le vol à la tire et le maniement d'un rigolo y côtoient les cours d'arts ménagers et de bonne tenue en société. Programme extra pour entonner gaiment "tu sera un homme, ma fille" - et ce, sans même passer par la case cueillette des asperges.
Ou comme le dit si bien une vieille radasse en page 164 :
"Bande de petits enculés, je vais vous apprendre le respect de la femme, moi."Bien entendu, dans tout ce fourbi, l'institut tient la place centrale et le bras d'honneur de Madame Lucifer ressemble - on n'en sera pas étonné - aux œuvres alimentaires que Bastiani fourbissait dix ans plus tôt aux Presses de la Cités, avec ces trois ou quatre fils d'intrigues qui se croisent et s'entremêlent jusqu'à former un mince tissu d'histoire que l'héroïne, lancée là-dedans une paire de ciseaux en pogne, s'ingénie à trancher net et à recoudre 250 pages durant.
En résulte donc une exécution purement mécanique du récit, avec ses passages obligés et ses figures imposées. Ici : un cadavre à convoyer dans les bois, une mère maquerelle combinarde, des hells angels déchainés, une vie de campagne pépère, une crucifixion sauvage, quelques esclandres et fusillades, la traite des blanches en toile de fond et un chantage sur héritière pour corser le tout.
Ça ressemble aux Souris Valseuses, c'est positif. Et si le couperet de conclusion tombe par trop rapidement - résolution factice en prime - l'ensemble est mené avec suffisamment de maitrise pour assurer une lecture hautement jouissive.
En témoigne le clou du spectacle, cette surprise-party de mendigots et loqueteaux, chapitre 18, et qui n'aurait certainement pas dépareillé dans un épisode des Pieds Nickelés.
Et pour citer une pensionnaire :
"Faudrait savoir si c'est une kermesse ou le zoo de Jean Richard."
Le lecteur sérieux peut décliner l'invitation. C'est aussi graveleux que grotesque. Les autres seront à la bombe.
Chouette fête à Neu-Neu, Ange !
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