BONJOUR LES DEGATS !

FAUT LES AVOIR BIEN ACCROCHÉES, ROGER DUCHESNE
LE TROTTEUR / LES GRANDS ROMANS NOIRS, 1953

Dans la grande tradition du hardboiled franchouillard débilitant, le roman d'homme viril payé au chapitre et vendu aux masses alcoolisées, voici venir l'improbable Roger Duchesne, acteur, bandit, garagiste, flambeur, écrivain mais surtout grande surprise de mon mois de décembre 2008 puisque le voila qui brigue avec fougue une jolie place d'outsider du genre, le genre débile et alcoolique j'entends, en coiffant au poteau une bonne partie de la clique Dermée, trop misérabilistes et pas assez cons au goût des esthètes vrais de la chose mal imprimée.
Il était pourtant difficile, après avoir lu La Morgue... Terminus, petit roman noir sérieux et tristounet, d'imaginer Duchesne en concurrent sérieux du brutal duo Jean Normand et Jacques Alexandre, à ce jour le seul et unique véritable package complet d'intrigues inintéressantes, de dialogues confondants et de situations qui peuvent sembler totalement illogiques si vous n'en tenez pas une bien sérieuse en travers le cornet...
Mais c'était sans compter Faut Les Avoir Bien Accrochées (quel titre choc !), suite de Plus Un Poil De Sec (idem), deuxième roman de Duchesne au Trotteur et qui, au grand prix du 200 mètres de n'importe quoi sur Underwood à touches souillées par le pinard, ramasse pas mal de palmes dont celle de mon inestimable approbation.

Je me permets de passer rapido sur l'introduction, non pas téléphonée mais bien télégraphiée (lorsque vous êtes payé au chapitre, les pages superflues, ce sont des choses qui comptent !), pour m'attaquer à l'essentiel, je dirais même l'élément majeur de cette œuvre : la bibine. Vous le savez, c'est un sujet qui me parle.
Donc notre héros, Bob, Bob Tracy pour être exact, est alcoolique. Mais ce n'est pas vraiment de sa faute car Duchesne a cru bien faire. Nous sommes en 1953 et c'est la période de l'emblématique Cigarette, Whisky et Petites Pépés. En mettant en scène un simili-clone d'Eddie Constatine / Lemmy Caution, l'auteur connait le règlement. Faut que ça clope, que ça court la gazelle et que ça boive. Mais Duchesne l'applique un peu trop au pied de la lettre. Bob boit.
Beaucoup.
Beaucoup.
Beaucoup trop.

"Péniblement, je descends et prends le chemin du retour qui est un véritable chemin de croix avec la différence que c'est ma soif que je traine, moi."

A la décharge de notre héros, précisons aussi qu'il n'est pas vraiment incité à l'abstinence par son entourage. Par exemple, page 73, Bob tombe en panne sèche d'inspiration pour trouver des indices. Son patron de L'International Service Anglais se montre alors extrêmement compréhensif : "Un conseil, Bob : buvez un bon coup, ça vous réussi toujours."
Du coup, remonté comme pas deux, Bob s'en jette un petit dans la pente. Puis un autre. Et la famille qui va avec, tous remplis pas plus haut que le bord du godet. Hop ! C'est facile, ça passe tout seul. Pendant ce temps, l'enquête patine et la copine de Bob, une blonde bien gironde avec des creux et des bosses là où il faut et même plus qu'il n'en faut là où il faut (dixit le narrateur) se fait enlever par les salauds du camp adverse.

(Je ne m'épancherais par contre pas sur la disparition inexpliquée, vers les deux tiers du roman, du major d'homme noir de Bob, un oubli de l'auteur, probablement lui aussi bien noir...)
Bref, Bob est en rogne. Très en rogne. Aux salauds du camp adverse, il veut "leur faire pisser du vitriol" mais, ne sachant pas exactement où les trouver, il préfère continuer à écluser des glass au comptoir du bar de l'hôtel. Une sage décision puisque Bob y dégottera, quelques paragraphes plus tard, une chouette poupée super-gonflée venant remplacer agréablement l'autre mousmée kidnappée et qui, au même moment, se fait violer en masse puis zigouiller par ces salopes de salauds du camp adverse.
Oups, je vous ai raconté la fin... Désolé. Je continue tout de même puisque tant qu'il y a du plaisir, y a pas de gène.
Donc, pour venger son honneur d'homme involontairement cocufié par son ex-greluche, Bob lève finalement son postérieur du tabouret sur lequel il reposait bien au chaud depuis de nombreux chapitres et, avec l'aide de quelques mectons énervés sortis d'on ne sait où (mais ça, c'est ma faute, j'avais pas mal bu moi aussi et j'en perdais quelque peu le fil de ce bouquin), va latter la gueule des salauds d'en face jusqu'à plus soif. Là, ça devient vraiment n'importe quoi mais je retiendrais surtout le passage où Bob charge l'un de ses mectons énervés de violer une gonzesse qui turfe pour les salauds d'en face. Et après que cette dernière ait bien prit son pied contre son gré (normal quoi), Bob lâche cette magnifique phrase au jules de la morue pas vraiment outragée : "Le cul, c'est pas un monopole... bien lavé, c'est tout neuf !"
Et c'est un peu ça, le charme fou de Faut Les Avoir Bien Accrochées : des phrases vulgaires comme extraites d'un esprit totalement surexcité par l'alcool et qui déboulent sans prévenir dans une grosse bouillie de roman noir bas de gamme.
Carrément le parangon détraqué d'un roman des éditions du Trotteur.

Et ainsi, au rayon des perles incorrectes mais hilarantes, nous avons droit à une divagation à l'orientation sexuelle totalement cryptique ("Je file le train à ma ravissante... Vous me croirez si vous voulez mais le coté pile est aussi chouette que le coté face. Elle a un de ces petits popotins à vous rendre pédé."), à des dialogues digne d'un Simonin en roue libre ("Dis donc !... petite salope ! tu crois que c'est à toi de poser des conditions ? T'es culotté ! grâce à toi, je nage dans la mouscaille et monsieur veut traiter d'égal à égal, tu dois te masturber !c'est pas possible...") ou encore à une très surprenante note de bas de page ("Les enc...(1) = Censuré parceque un peu vulgaire. Se dit surtout des gens se livrant aux jeux de la pédérastie.")
Bref, pour tout cela, et pour bien d'autres choses aussi, merci Roger !

1 commentaire:

Blog Of Terror a dit…

ouah!!!! c'est la mégaclasse!!! "Le cul, c'est pas un monopole... bien lavé, c'est tout neuf!" une bien belle saillie pour éclairer ce début 2009. une bonne année à toi:)