RAPIAT SUR LA CHNOUF !

LES CORRUPTIBLES, JIMMY G QUINT
RHAPSODIE EN ROUGE, JIMMY G QUINT
LES PRESSES NOIRES, 1967

L'espionnage, vous le savez, c'est mon dada. Pas vraiment ma faute au demeurant. J'y suis tombé par hasard, sans vraiment le vouloir, certainement par flemme intellectuelle et depuis, je ne lis plus que ça.
J'exagère un peu mais j'en lis tout de même beaucoup. Beaucoup trop.
Beaucoup trop pour ma santé intellectuelle, of course. Paraîtrait d'ailleurs que l'espionnage rend con très exactement comme la masturbation rend sourdingue.
Double coup dur.
L'avantage, par contre - l'avantage d'en lire beaucoup, j'entends, pas l'avantage de ma connerie en instance d'accomplissement ou celle du manque d'attention auditif des potes à la veuve poignet - l'avantage donc c'est que, je reprends ma phrase, de temps à autre, j'en dégotte un vraiment très bon de bouquin d'espionnage. Pas un chef-d'oeuvre, non, puisque cette littérature-là, très précisément, est imperméable au sublime (ah, le vilain mot bourgeois, je me marre !) mais un fort bon bouquin pas très éloigné du niveau du petit Série Noire vite écrit et vite lu, pas emmerdant pour un sou, bref, le jambon-beurre de l'esprit lors des trajets en train.
Manque de pot, vous le sentiez peut être venir, les deux romans que je vais aborder aujourd'hui, deux Presses Noires Espionnage estampillés Jimmy G. Quint (un pseudonyme cachant mollement Jimmy Guieu et Georges Pierquin), n'appartiennent pas à cette dernière et bien trop rare catégorie. Pour être honnête, leur catégorie à eux, ce serait plutôt celle des déceptions et des fausses promesses, des lourdeurs en tout genre et de l'absence globale d'intensité.
Bref, du jambon-beurre hautement périmé et dont la couleur caca d'oie enrichie de mousses blanchâtres signale une bien belle ancienneté dans le registre de l'impropre à consommer.
Ça augure mal, n'est-ce pas ?
Rassurez-vous. Par endroits, on rigole un peu quand même.

Commençons logiquement, avec Les Corruptibles et sa magnifique pineupe habillée en paco rabanne de la bonne époque, celle des robes en cartes de crédit et des cotes de mailles pour poulettes dévergondées. Pour information, mon exemplaire (en haut à gauche, coucou toi) s'est mangé une dégurgitation mal maîtrisée du tampon d'imprimerie et voila notre belle poupée toute barbouillée d'encre bleu. Si c'est pas un drame, ça, hein...
L'autre drame, puisqu'on en parle, c'est le roman en lui-même. Vous vous en doutiez.
Pourtant, Les Corruptibles commençait fort bien. J'avais même l'impression de toucher le gros lot. Les trois bananes qui s'alignent en un TING! retentissant. Enfin un espionnage du tonnerre, un bouquin rivalisant avec la connerie des meilleurs promodifia, un truc si exceptionnel que, entre chaque paragraphe, je me frottais les mains d'un plaisir aussi vigoureux que salace tandis que ma baveuse rependait en cascade sa salive sur mon menton et que mes petits yeux malsains, d'ordinaire si étroits et profondément enfoncés sous mes sourcils broussailleux, pétillaient de mille feux comme sous le coup d'une gorgée de roteuse premier prix - bref, la ganache typique du pervers tendance voyeur, jubilant le soir au fond des bois de boulogne lorsque la voiture d'un couple libertin s'arrête à portée de regard.
Ça ou tout autre exemple de votre choix - ne soyons pas sectaires.
Donc, le truc épatant dans Les Corruptibles, la bath accroche à faire maxi-mousser le lectorat, c'est le prologue. Normal. Jimmy G. Quint nous y présente les méchants dans leur repère secret sur la cote d'azur. De vrais salauds sans morale ni remords et qui forment une sorte de secte terroriste internationale, mi-maçoniste, mi-machin-chose. Bon point : ça change de la routine communiste. Mais le mieux est à venir, car nos méchants (dont un impuissant cornu) ont décidés de tester leur version modifiée du LSD sur des jeunes histoire de vérifier si les buvards au père Hofmann permettent vraiment de contrôler les gens. Important, ça, contrôler les gens - surtout lorsque l'on est une organisation qui veut dominer le monde.
Et voila donc nos méchants qui chargent un jeune gosse de riche de pervertir ses semblables en organisant des boums à Cannes.
"Dans ces surprises-parties, tu t'arrangera pour amener tes invités à la marijuana d'abord, puis au peyotl et enfin au LSD... toi, tu fera semblant, naturellement... le LSD que je te procurerai ne sera pas pur, je lui ai associé diverses substances, mais ceci est mon affaire."
(rire démoniaque)
Mais ce n'est pas tout. En plus de pervertir les cancres du coin, les méchants franc-maçons du dimanche volent, avec la participation sexuelle d'une meneuse de revue héroïnomane super-gironde, la moelle épinière des premiers de la classe. Et une fois leur moelle épinière subtilisée, ne voila-t-il pas que nos premiers de la classe (déniaisés, merci pour eux, par la gisquette de petite vertu) deviennent de gros cancres paresseux et sans aucune volonté.
Expérience réussie, professeur ! Aujourd'hui, le lycée polyvalent de Cannes. Demain, le monde !
(nouveau rire démoniaque)
Bref, jusqu'ici, tout va bien. Jusqu'ici. Car voila justement qu'arrivent nos héros. Ils sont deux, ils ressemblent vaguement à leurs créateurs (le maigre et le gros, Gallard et Rocky, Guieu et Pierquin) et ils sont extrêmement, attention gros mot, ils sont extrêmement chiants. Holala oui, mais qu'est-ce-qu'ils sont chiants les gonzes ! Et puis qu'est-ce-qu'ils sont mous. On dirait deux vieux-beaux alcooliques, tendance mollusques corses croisés escargots bourguignons, tout juste bons à sortir des vannes de sous-sous-San-Antonio du pauvre, de Colonel Ceruse quoi, entre deux réflexions non-sensiques et de très nombreux et très appliqués coups d'oeil à leurs montres Breitling "Cosmonaute" à cadrant 24 divisions, coups d'oeils justifiant le contrat publicitaire (certainement mirobolant) que l'éditeur avait validé avec le fabriquant suisse.
Bande de filous, va !
Surtout que, pendant ce temps-là, pendant que nos deux zozos font fièrement reluire le seul gadget disponible dans leur panoplie d'espion, pendant que des foules incrédules de protagonistes/acheteurs potentiels apprécient l'idée d'une grande aiguille indiquant midi à l'emplacement habituellement réservé aux coups de 9 heure, bref, pendant que le rien se rempli peinardement de vide et que la publicité affiche de précoces tendances virales, nos auteurs se trompent de route et passent à coté de tout le sel potentiel du roman.
Les surboums carabinées à coup de LSD ? oubliées ! Les séances de jerk déchaîné ? à la trappe. La strip-teaseuse Mata-Harisée ? chômage technique. Les petites lycéennes camées ? des bêcheuses bien trop sages !
Inutile, donc, de s'étaler sur la suite des événements (quelques mollassons échanges de gnons, de nouveaux coups d'oeils appuyés aux montres et l'habituel retournement de situation incohérent) ni même sur le volume suivant de la série, Rhapsodie En Rouge, exactement la même chose que le précèdent mais sans la drogue et les filles (donc la même chose en pire) et que je m'étais envoyé dans la foulée, voulant faire du zèle et le regrettant rapidement, grosso-modo en page 13, celle là même où Jean Pierre Foucault fait une apparition surprise (feignons d'être enjoués) et nous gratifie d'une blague fécale extrêmement vaseuse (normal pour du Foucault).
D'ailleurs, tout ce que je puis dire de positif sur ce dernier ouvrage, outre la presence de JPF, c'est que le roman se termine bel et bien en page 220. Et c'est pas rien ! Rapprochons ça au soulagement du coureur de fond en vue de la ligne d'arrivée. Ou de celui que j'éprouve en concluant cet article.

Vous qui n'avez pas cessé votre lecture dès le premier paragraphe et êtes parvenus jusqu'ici, vous me comprenez très certainement.
Je ferais donc mieux la prochaine fois.

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